RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

AFGHANISTAN : NOUS "AFGHANISTANAIS" DE DEMAIN

Aujourd’hui le gouvernement et l’argent alloué par les états donateurs n’appartient pas aux
afghans. L’argent arrive mais les personnes qui devraient en bénéficier
n’en voient pas la couleur. Cet article propose un parcours sommaire de l’histoire récente de l’Afghanistan dans le but d’appuyer l’espoir d’ouverture de ses citoyens. L’ordre établi par les
régimes pro-soviétiques en passant l’invasion de l’Afghanistan par l’armée
soviétique, le régime des Modjahedines puis le régime des Talibans de
sinistre réputation ont été rejetés par la population. Il faut étudier les erreurs commises pour pouvoir envisager la construction du lendemain.

Rappel de l’histoire récente de l’Afghanistan

Depuis un siècle, l’Afghanistan a connu : 6 rois dont 3 assassinés, 2 exilés, un mort- de mort naturelle, ainsi que 6 présidents dont 4 assassinés et 2 destitués. Parmi ces
personnages, un seul a régné longtemps, Mohamad Zaher Shah (ex-roi Zaher).
Mohamad Zaher devient roi à 19 ans, accidentellement, en 1933. Son père
ayant été assassiné, ses oncles paternels le choisirent pour remplacer le
défunt. Il sera un roi obéissant, dont ils ne dérangeront pas les plaisirs,
pourvu qu’il reste à l’écart des affaires. Son règne a duré 40 ans.

De la royauté au communisme

Comme à l’accoutumée, le pouvoir des oncles a cherché à servir
les intérêts du grand capital et par ricochet, ceux de leur famille.
L’écrasante majorité de la population était maintenue par la force, dans la
misère et dans l’inculture. La liberté de réunion était niée, la presse au
service du pouvoir, les patriotes épris de liberté et de démocratie étaient
pourchassés, condamnés à la détention ou tout simplement liquidés. Les
historiens nationaux pensent et écrivent que le roi Zaher est devenu
sympathisant de la démocratie à la fin de son règne. Il est vrai que nous
avons bénéficié de la royal-démocratie pendant une courte durée. Ces mêmes
historiens écrivent que selon la nouvelle constitution, le roi n’était
responsable ni devant le parlement, ni devant le peuple. Les membres de la
Loya Djerga-é-Méli (le grand rassemblement National) étaient pourtant
nommés par le roi pour adopter la nouvelle constitution.

Le communisme soviétique a fait beaucoup de mal aux populations
au nom de la pensée unique, au nom du parti unique et au nom du peuple. Il
a fragilisé l’humain en cherchant à le définir uniformément du berceau à la
tombe. Dans notre pays, le régime communiste au nom de la république
"démocratique" avec sa théorie de la dictature du prolétariat a transformé
l’armée, la police et ses sympathisants en bourreaux de l’opposition.

Pour imposer sa pensée unique et sa théorie, il a doté toutes
les instances et les institutions du pays des plus grandes aux plus petites
de commissaires politiques. Ces commissaires étaient les yeux et les oreilles du
parti au service du comité central (une poignée de personnes). Le
commissaire politique était le vrai pouvoir au détriment de nos cultures,
de nos traditions et de nos procédures légales établies depuis longue date.

Ces commissaires se comportaient comme s’ils venaient d’une autre planète,
les procès sommaires et les exécutions étaient devenus pratiques
quotidienne. En un mot, ils ont instauré la terreur dans toutes les villes,
notamment à Kaboul, en envoyant des gens en "Pol-é-Tcharkhi" (prison
politique) sur simple dénonciation. Les "preuves orales "suffisaient pour
envoyer des milliers de prisonniers aux poteaux d’exécution à l’intérieur
de l’enceinte de la prison qui détenait 100,000 prisonniers politique. Pour
faire peur à la population et à l’opposition, le régime a même affiché la
liste de 22,000 personnes exécutées en l’espace d’environ 6 mois dans la
seule ville de Kaboul.

Le parti unique, la pensée unique oublient qu’aux jours
d’aujourd’hui les besoins économiques, ne suffisent pas à l’humain. L’homme
a soif des choses de la vie, soif de liberté, soif de vérité, soif de
beauté, soif de bonté, soif de diversité et enfin, soif de s’exprimer.

Il faut donc éviter tout autant le désert de la pensée unique,
du parti unique que le régime d’une tribu unique dans un pays tel que le
nôtre dont la population est composée de différents peuples, de plusieurs
langues et cultures et même de différentes religions.

Du communisme à la religion

Il faut donc éviter également qu’une religion se mêle de
politique et/ou soit au service d’une puissance quelle qu’elle soit. Nous
devrions d’ailleurs nous demander pourquoi les grandes puissances nous ont
imposé maintenant un régime islamique. Comme vous pouvez constater que la
tendance actuelle est l’établissement de régimes religieux (Israël, Iran,
Afghanistan, Pakistan... ) par le grand capital. Celui-ci semble ne pouvoir
se passer de la religion dans le tiers-monde. Gardiens l’un de l’autre
mais... à quels prix.

Avec l’établissement des Modjahedines puis des Talibans au
pouvoir, avec leurs pratiques quotidiennes nous avons pu constater que
l’implication d’une religion, quelle qu’elle soit, dans la vie
politique n’est pas une bonne chose. Un régime religieux ne peut pas
répondre aux exigences d’un état nation. Le bon sens fait rarement bon
ménage avec des convictions religieuses exacerbées telles que le
Wahhâbisme des frères musulmans.

Nous savons tous qu’une des composantes de la résistance afghane
est de tendance Wahhâbite, sous le commandement de Abdel Rab al Rassoul
Sayyf, appuyée et financée par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arables.
Le Wahhâbisme, est une pensée musulmane fondée par Mohamad ibn
Abdel Whhâb (1703-1787) au milieu du XVIIIème siècle dans le Nadja en
Arabie.

Le mouvement Wahhâbite, sous la direction de Mohamad ibn Saoud
(roi de 1735 à 1766) et de ses successeurs, conquît par les armes l’Arabie
toute entière, donna son nom à ce pays et devint un facteur
politico-religieux très important. Le rétablissement de la famille ibn
Saoud au pouvoir en 1902 donna une pulsion considérable à ce mouvement qui
trouva des adeptes dans le monde musulman et ce mouvement joue toujours un
certain rôle politico-religieux en Afghanistan, en Inde, en Egypte, en
Ouzbékistan, au Tadjikistan et au Turkestan.

La théorie Wahhâbite en résumé, condamne :
 Toute discussion relative au Coran
 Toute traduction littéraire du Coran (le Coran doit être traduit
littéralement)
 Toute discussion relative à la Charia
 Toute discussion relative aux Hadiths
 Le culte des saints
 Rejette le mysticisme, le soufisme, le schisme...
 Tout acte à point de vue non-Wahhâbite doit être condamné et combattu.
 Le régime islamique doit fonctionner exclusivement selon les principes
des lois Wahhâbites
  La croyance en la prédestination est obligatoire...
 
En un mot, c’est le fanatisme islamiste. C’est le redoutable
"amour" de la vérité absolue qu’ils pensent détenir. C’est le refus absolu
de reconnaître la pensée de l’autre, la pensée qui voit les différences et
qui fait les différences. Le Wahhâbisme est une façon de voir les choses de
la vie qui n’a rien à voir avec l’Islam qu’il soit officiel ou
non-officiel. C’est une façon de voir qui ressemble étrangement aux autres
doctrines telles que le nazisme, fascisme et la thèse des peuples élus.

Quelle liberté défendre ?

Nous devons garder en mémoire que certains d’entre nous ont étés
maintenus dans une situation de sous humanité, malgré l’abolition en 1920
de l’esclavage dans notre pays. Nous devons arriver à mettre hors-la-loi
toutes sortes de préjugés relatifs à l’être humain. L’égoïsme,
L’égocentrisme et les préjugés sont nos ennemis et la source de toutes
sortes de disparités au niveau régional et national.

Or, aujourd’hui l’homme est capable de vaincre la misère et
d’assurer à tous un niveau de vie compatible avec la dignité humaine, les
autorités doivent être honnêtes avec elles-mêmes et avec les jeunes
lorsqu’elle les appellent à mener un combat et à mourir pour défendre le
pays. La question essentielle est : s’agit-il de défendre les libertés
individuelles et collectives ou bien tout simplement leur intérêt
égocentrique ? Si c’est pour ce dernier, la mobilisation doit être
boycottée.

La grande majorité de la population en Afghanistan est composée
de jeunes (filles et garçons) c’est une richesse inestimable. Ces mêmes
jeunes qui ont mené le combat contre l’envahisseur soviétique avec les cris
d’Allaho-Akbar, signifiant à l’époque combattre l’idéologie communiste pour
une république islamique, n’ont rien gagné sinon la guerre civile imposée
par les grandes puissances. Après avoir chassé l’envahisseur soviétique et
les régimes communistes du pouvoir, les jeunes espéraient beaucoup de ce
changement. La république islamique de l’Afghanistan est devenue l’état
Islamique car la république est une notion moderne, inventée par les « Kofars
(les infidèles) ». la modernité n’est pas la tasse de thé des Mollahs ni
celle des Talibans. Suite à ces changements, la population notamment les
jeunes ont rapidement perdu leurs illusions, ils n’ont obtenu :

 ni les libertés individuelles ni collectives
 ni le droit à une existence de vie décente
 ni le droit de pouvoir exprimer une opinion non conforme à la pensée
unique des autorités.

Dans ces conditions, comme par le passé, il est tout à fait
normal que la population ait rejet té les nouveaux pouvoirs et reste à la recherche d’une issue.
issue.

NOUS "AFGHANISTANAIS" DE DEMAIN

Nous avons le devoir de conscience moral, émotionnel,
sentimental, familial et éducatif de participer à la construction de cet
Afghanistan. Actuellement, il appartient à chacun de définir la façon dont
il pourra contribuer à cette construction. Nous avons besoin de toutes nos
forces aussi bien grandes qu’infiniment petites en apparence.

L’utilisation de toutes nos forces pour la construction du pays ne peut
se faire que grâce à la réunion de tous ceux, toutes ethnies
confondues, qui sont prêts à s’y ouvrir dans un désir de respect mutuel.
L’histoire des afghans leur donne tous les éléments pour éviter les conflits
internes des régimes précédents et ceux des partis et organisations
politiques. Il faut prendre ces leçons en compte. Il n’y a plus de place pour le
recul maintenant. Le constat est fait que leurs divergences n’étaient pas basées
sur un projet de construction de l’Afghanistan et que le respect mutuel
était aussi absent de leurs débats que la lumière dans les ténèbres.

Que signifie le respect mutuel entre les êtres pour la
construction du bien commun, du bien de notre pays, l’Afghanistan ?
Il signifie la nécessité de nous supporter, voire même de nous apprécier,
malgré nos différences de races, d’ethnies, de tribus, de clans, de
langues, de religion, d’opinion...
Nous devons pouvoir écouter et analyser une opinion contraire à 
la nôtre, sans que s’éveille en nous le sentiment émotif d’être face à un
ennemi potentiel. Nous devons faire l’effort d’approcher une réelle
maturité pour avoir des réunions constructives dans une atmosphère cordiale
et, si nous réussissons, nous pourrons constater qu’il n’existe pas de
"bons d’un côté et de « méchants » de l’autre.

A l’heure actuelle, nos espaces sont habités par la souffrance
et par la haine. Réunissons plutôt nos énergies comme un fleuve de
tendresse pour évacuer cette marée de souffrance et cette haine de nos
espaces. Nous n’avons plus le choix, nous devons nous réunir pour nous
connaître, nous comprendre, nous respecter et débattre des problèmes
relatifs à la vie politique, économique et sociale de l’Afghanistan de
demain.

Certains d’entre nous n’arrivent pas à ou ne veulent pas
comprendre sinon avec grand peine que l’essentiel à sauver hier comme
demain est le respect de l’autre et la tolérance à la différence. Tout le
reste n’est que discours politicien, une recherche de division pour mieux
régner, en un mot, une vieille habitude dont nous pourrions nous
débarrasser. Il ne sert à rien de condamner. Toutes les Histoires sont
passées par-là plus ou moins violemment. Il s’agit d’agir à la lumière des
connaissances qui ont jailli des douleurs actuelles et passées. C’est la
raison pour laquelle je propose ce nouveau nom : afghanistanais, pour les
personnes qui peuplent l’Afghanistan, toutes ethnies reconnues.

Si nous sommes tous convaincus de l’idée que nous sommes tous
égaux, non seulement en parole mais en faits, la moitié du chemin
pour la construction de notre société aura déjà été parcourue. Si nous désirons
faire un état des lieux nous devons non seulement communiquer mais
également prendre conscience profondément que nous pouvons tout créer à 
partir de ce que nous avons : c’est à dire presque rien... seulement, ce
presque rien, c’est nous-mêmes, et nous-mêmes, ensemble, c’est déjà 
commencer éviter beaucoup de malentendus. De là , nous pourrons vraiment
dialoguer en utilisant l’espace et les supports existants et en créer
d’autres.

Nous savons tous que le dialogue est très difficile, et encore plus difficile
avec les autres. L’urgence de cette époque doit nous aider à dépasser cet
obstacle et à cet égard. Nous ne voyons d’autres obstacles que les
habitudes et le goût des divergences dans lesquelles nous avons baignés si
longtemps.

Il nous faut éviter d’avoir peur des opinions d’autrui,
positives ou négatives et également peur de celles des personnes amoureuses
de notre pays. Puis, nous devons également apprendre à dialoguer avec les
jeunes même si ceux-ci ne nous facilitent pas le dialogue. (…) Nos jeunes sont l’énergie de demain. La connaissance que nous commençons à acquérir et la fougue de la jeunesse peuvent, de concert,
réaliser, construire et maintenir une paix sociale permettant au pays de
s’ouvrir en harmonie entre nos traditions et notre évolution. Le droit et
le devoir de participer à la vie politique exige des jeunes et des vieux
qu’ils examinent et débattent ensemble des grands problèmes du moment, dans
le respect de leurs différentes aspirations. [1]

[1Le professeur Mohamad Fazel (Voir la publication AFGHANISTAN No 1 page 6, ed. première année, premier
numéro (21/02/00), 93240 Stains (en langue Dari) ) fait une proposition très
intéressante relative à la constitutionnalité d’une république pour
l’Afghanistan de demain. Le sujet de cette proposition semble vital pour
notre pays. "Mener le sérieux combat contre toute sorte de ségrégations,
raciale, éthique, linguistique, religieuse, régionale et sexiste, et donner
la responsabilité aux personnes compétentes." (article no 4 de sa
proposition).

Par contre, Monsieur Mohamad Zaher Aziz, dans un article non
moins intéressant (AFGHANISTAN No. 1et 2) soutient la proposition de l’ex-roi Mohamad Zaher Chah,
en ajoutant cette donne malheureuse : tous ceux qui ne soutiennent pas le
roi et sa proposition sont soit des vendus ou des espions des Pakistanais
ou des Iraniens. C’est cette façon unilatérale de voir les choses qu’il
faut s’entraider à combattre. Toute proposition, tout projet répondant aux
exigences de notre époque et aux nécessités vitales du respect mutuel est à 
considérer.

Ce moment de douleur est un moment vital de rassemblement. Mais
nous devons nous souvenir des Loya Djerga qui, dans le passé, ne servaient
qu’à donner une couleur légale. Il est vital, essentiel, que toutes les
personnes voulant un pays fier de ses diversités dans le respect se fassent
reconnaître et se rassemblent.


URL de cet article 407
   
Histoire et Mystifications. - Comment l’Histoire est fabriquée et enseignée...
Michael PARENTI
Analyste politique progressiste de tout premier plan aux États-Unis, Michael PARENTI, docteur en Sciences Politiques de l’Université de Yale, est un auteur et conférencier de renommée internationale. Il a publié plus de 250 articles et 17 livres. Ses écrits sont diffusés dans des périodiques populaires aussi bien que dans des revues savantes, et ses textes engagés l’ont été dans des journaux tels que le New York Times et le Los Angeles Times. Ses livres et ses conférences, informatives et (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

Il y a bien une grande différence entre les articles publiés dans les médias institutionnels et les articles publiés dans les médias alternatifs (comme Le Grand Soir) : les leurs vieillissent super mal alors que les nôtres ne font que s’améliorer avec le temps.

Viktor Dedaj

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.