Sexiste et antisémite ?
Les accusations de Darmanin, validées par le Conseil d’État, ont été rabâchées sur les plateaux télé tout l’été. L’imam serait un « ennemi de la République » qui « tient des propos antisémites », « nie l’égalité entre les femmes et les hommes » et même « doute des attentats ».
D’abord, le religieux n’a été reconnu pénalement d’aucun délit. Le projet est donc d’expulser, pour la toute première fois, un homme pour délit d’opinion, aussi réactionnaire soit-il.
Poussons au bout cette logique : Darmanin coche lui aussi toutes les cases de ses propres accusations. En 2021, le Ministre publie un livre sur le « séparatisme islamiste ». Dans ce court texte, on trouve un passage ouvertement antisémite dans lequel les juifs sont décrits comme des « usuriers » qui causent des « troubles et des réclamations ». Rappelons que Darmanin a milité dans un groupuscule d’extrême droite, l’Action Française, royaliste, ouvertement pétainiste et antisémite. Concernant la « mise en cause de l’égalité homme/femme » : le Ministre est accusé de viol par deux femmes. Il a également choqué la présentatrice Appoline de Malherbe, pourtant proche du gouvernement, en l’interrompant en direct à la télévision et en déclarant tout sourire « Calmez-vous ça va bien se passer ». Quant au « doute sur les attentats » : le chef de la police n’a jamais eu un mot pour les victimes d’attentats d’extrême droite qui ont tué plusieurs personnes depuis le début de l’année. Banco.
Vous l’aurez compris, si l’on valide cette logique, il faut donc expulser Gérald Darmanin, mais aussi Eric Zemmour, Jean-Marie Le Pen et plusieurs milliers de personne en France.
L’avocate de l’Imam, Lucie Simon, dénonce « un contexte alarmant de pression de l’exécutif sur le judiciaire » et résume : « les discriminations ne se combattent pas en en alimentant d’autres ».
De vieilles connaissances
L’imam n’a pas toujours été un ennemi de Darmanin. Ils ont même dîné et fait de la politique ensemble. En 2014, lors de la campagnes municipale, alors qu’il briguait la mairie de Tourcoing, Gérald Darmanin a organisé dans un domicile privé un repas avec Hassan Iquioussen accompagné d’autres membres de la communauté musulmane locale. À l’époque, Darmanin, veut récolter le vote communautaire musulman dans le Nord, écrit Médiapart.
Ce dîner dure environ deux heures : « c’était très positif, on s’est mis d’accord sur 99,9% des sujets de conversation » explique l’Imam aujourd’hui menacé d’expulsion. Tout aussi troublant, en 2003 la société Darmanin Père & Fils, dirigée par un oncle de Gérald Darmanin vent une maison à Hassan Iquioussen. Bref, les deux hommes se connaissent, ils font parti d’un tissu d’hommes d’influence dans une petit ville, se rendant des services et cultivant des liens de clientèle. À tel point qu’on se demande si le ministre ne cherche pas à liquider un ancien allié gênant.
À l’époque, des liens unissent la droite Sarkozyste, l’UMP et l’UOIF – Union des organisations islamiques de France. Habitué du double discours, Sarkozy avait même encouragé en France le développement d’un Islam fondamentaliste venu des pays du Golfe, tout en faisant des discours répressifs contre les musulmans. Plus récemment, alors même que le gouvernement annonçait sa volonté d’expulser l’imam du Nord, Macron recevait en grande pompe le dictateur d’Arabie Saoudite, chef d’un des pire régimes théocratiques du monde. Dissonance cognitive destinée à flatter les instincts racistes.
Un précédent gravissime pour le droit des étrangers
Cette sinistre farce est une étape de plus vers la fascisation de la France. L’avocate Lucie Simon voit dans l’affaire « un terrible précédent sur le droit des étrangers » car « ce que disent les juges, c’est qu’un homme né en France peut, du jour au lendemain, être expulsé du territoire français pour des propos. »
C’est particulièrement pervers. On expulse un homme en prétextant un manque de progressisme. Ainsi, la gauche ne bronche pas, alors qu’il s’agit d’une procédure d’exception raciste. Et cela risque de se multiplier contre tous les étrangers soupçonnés de ne pas être assez « civilisés ». Et plus tard, contre toute pensée déviante : elles seront menacées d’expulsion pour séparatisme.
Nausée
La dernière étape de l’épisode est une mise en scène médiatique ignoble à la veille de la rentrée. Sur les chaînes d’info en continu on commente jusqu’à la nausée les annonces spectaculaires de l’État Il s’agit d’intimider les musulmans, de dénoncer un « ennemi intérieur ».
Pire, une chasse à l’homme est organisée sur les écrans. Juste après la décision du conseil d’État, une perquisition en mode « anti-terroriste » du domicile de l’imam est diffusée en direct sur les chaînes d’infos. Au nom de quoi ? Ce mercredi, c’est la « fuite » du religieux qui est mise en scène. « L’imam marocain reste introuvable, malgré une importante présence policière dans sa commune » commente BFM. Bientôt un avis de recherche avec sa photo qui tourne en boucle ? Darmanin l’a promis, il « sera placé en centre de rétention administrative et nous continuerons nos actions contre les discours séparatistes ».