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Réflexions sur le mouvement ouvrier et le cinéma d’horreur

Un seul coup d’œil dans les programmations des cinémas (ou des plateformes) fera remarquer aux plus attentifs l’omniprésence du cinéma d’horreur. Il est vrai que le genre s’est particulièrement démocratisé. Les listes recensant sur les sites de cinéphiles les meilleures œuvres horrifiques sont devenues courantes. De même les vidéastes spécialement dédiés à l’horreur et les plateformes du type Shadowz. Hérédité (2018) d’Ari Aster a rapporté 80 millions de dollars. Get out (2017) de Jordan Peele en a lui rapporté 255 millions avec une critique unanime pour souligner les qualités et l’originalité du film. Le film Titane (2021) de Julia Ducournau a reçu la palme d’or l’année de sa sortie.

En toute honnêteté pour le lecteur, l’auteur de cet article est un amateur de films d’horreur. Depuis l’adolescence, j’ai visionné un grand nombre d’œuvres d’épouvante [1]. La terreur, le suspense, le travail sur l’image et l’ambiance, sont des choses qui me plaisent particulièrement. Un temps je ne regardais que ça, aussi bien des vieux films expressionnistes comme Nosferatu de Murnau ou plus récent comme Ogre d’Arnaud Malherbe, avant de m’ouvrir à des œuvres aux thèmes plus divers. J’ai encore une grande pile chez moi de numéro de Mad Movies, la revue française de référence en matière de cinéma de genre, et qui me permettait d’agrandir ma liste de films bis. Mes premiers pas vers la cinéphilie se sont faits via ce biais-là. Si je cherche à comprendre pourquoi j’apprécie tant le cinéma d’horreur (alors que mon entourage familial n’en était pas forcément fan), je dirais que c’est pour trois raisons : un intérêt pour les choses étranges, dérangeantes, hors du commun ; le fait que ces histoires sont très faciles d’accès et attractives (ça compte) ; une esthétique particulière propre à ce cinéma.

Parallèlement, je me suis découvert une accointance de pensée avec le mouvement ouvrier français et international dans sa composante communiste. J’ai dévoré les ouvrages de Lénine, Marx et Rosa Luxemburg. Avec un peu de mal, j’ai compris (ou pense avoir compris) les fondamentaux de la lutte des classes, de la baisse tendancielle du taux de profit, de la dictature du prolétariat, de l’impérialisme et du centralisme démocratique. Bien sûr, le propre d’un communiste étant « d’étudier, d’étudier et encore d’étudier » [2], je ne peux pas proclamer savoir tout, mais je comprends mieux le monde, notamment grâce à l’analyse matérialiste. Et tout comme je comprends ce qui m’a intéressé dans les histoires d’horreur, je sais ce qui m’a poussé vers le communisme : la constatation des limites de la social-démocratie (réforme sociale contre révolution), aussi bien du PS moribond responsable de la répression des syndicalistes lors des manifestations contre la loi travail de 2016 que de la FI/UP trop molle en ce qui concerne la critique de l’Union européenne et de l’impérialisme. Le même constat d’échec chez l’anarchisme incapable de penser le réel et constamment miné par sa désorganisation, et aussi de la pensée type Lordon-Friot avec laquelle, comme beaucoup de jeunes politisés de ma génération, j’ai commencé vraiment à approfondir ma réflexion, mais qui, par ses postures de donneurs de leçons et d’inculture du mouvement ouvrier, va dans une impasse. Enfin il s’agissait de lutter contre les inégalités sociales, le capitalisme et réfléchir à l’action collective.

J’ai remarqué, à cause de mon amour du cinéma, que très souvent le mouvement ouvrier a ignoré le genre horrifique, voire l’a totalement dénigré. Je me suis donc posé naturellement la question de ce désamour, d’où l’étude dont il est question aujourd’hui.

Tout d’abord indiquons bien que par mouvement ouvrier nous entendons ici mouvement communiste. Secondairement, il ne sera pas question de parler de la représentation du communisme et du mouvement ouvrier dans le cinéma d’horreur, mais plutôt de la relation entre ces deux mouvements, du caractère de classe du cinéma d’horreur et des messages potentiellement subversifs des films.

Le mouvement ouvrier, qu’il soit anarchiste ou communiste, défend dans ses bases un système rationnel où la raison permet de libérer le genre humain de l’asservissement. Rappelons que ces courants de pensée sont directement issus de l’époque des Lumières et de la Révolution française. En effet, les premiers militants socialistes sont apparus à la suite de 1793, notamment avec Gracchus Babeuf. L’objectif du mouvement ouvrier est de créer une société harmonieuse basée sur la science, où les hiérarchies sociales, les superstitions et autres coutumes auraient disparues. Dans cette logique, tout ce qui paraissait inexplicable à un moment T devait pouvoir trouver une origine rationnellement acceptable. D’un point de vue anarchiste et communiste cela tend vers la suppression du capitalisme et son lot de brutalité, d’exploitation de l’homme et de la nature [3]. La question se pose de savoir si le cinéma d’horreur pouvait ou peut aider à comprendre le monde, à lutter contre les vieilles superstitions, bref à avoir un contenu émancipateur fort. Et là se trouve tout le problème, que nous évoquerons dans la série d’articles, c’est que le lien n’est pas forcément évident et que même le cinéma d’horreur peut porter un discours bourgeois et réactionnaire malgré des apparences trompeuses. Les contenus politiques ne sont pas toujours explicites et ne laissent pas toujours présager des buts, s’il y en a, de l’auteur derrière son œuvre. Il est même possible qu’il accompagne une certaine tendance irrationnelle dans l’histoire récente.

Afin de faire une étude des plus complètes, nous allons d’abord retracer la généalogie du genre horrifique, en partant du roman gothique anglais, puis du cinéma expressionniste allemand jusqu’à nos jours, tout en étudiant les aspects de classe et historique derrière les œuvres. Il importera aussi de développer ce que nous avons vaguement évoqué dans l’introduction.

Afin de donner un cas concret d’horreur et socialisme, nous irons voir du côté du cinéma soviétique. Puis il sera nécessaire d’étudier les tentatives sociales et politiques dans le genre, tout en examinant au cas par cas l’aspect progressiste des différents sous-genres du cinéma d’horreur.

[1] Voir les critiques sur le blog de Suspiria et Candyman.

[2] Citation de Lénine.

[3] Je pense que cela explique pourquoi le genre préféré des auteurs « progressistes » mélangeant imagination, progrès technique et social, est davantage la science-fiction plutôt que le fantastique, le premier laissant moins de place aux superstitions et à la croyance, et plus en la confiance des hommes dans la science. Cela peut d’ailleurs sans doute expliquer pourquoi ce genre était très prisé dans le cinéma d’URSS.

»» https://lecuirassedoctobre.fr/2022/...
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RÉSISTANCES AU TRAVAIL
BOUQUIN, Stephen
Stephen Bouquin (coordination) Louis-Marie Barnier, José Calderón, Pascal Depoorter, Isabelle Farcy, Djordje Kuzmanovic, Emmanuelle Lada, Thomas Rothé, Mélanie Roussel, Bruno Scacciatelli, Paul Stewart Rares sont les romans, même de science-fiction, fondés sur l’invraisemblance. Il en est de même avec les enquêtes en sciences sociales. Il existe néanmoins des vraisemblances négligées. Les résistances au travail en font partie. Le management contemporain a beau exalter l’individualisme, (…)
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Je ne pense plus que les journalistes devraient bénéficier d’une immunité particulière lorsqu’ils se trompent à ce point, à chaque fois, et que des gens meurent dans le processus. Je préfère les appeler "combattants des médias" et je pense que c’est une description juste et précise du rôle qu’ils jouent dans les guerres aujourd’hui.

Sharmine Narwani

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