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Bombardements de l’OTAN contre la Yougoslavie : étendue des dommages et problèmes écologiques, par S. Gopal et N. Deller.


Liban : De chez moi, j’ai vu ce que recouvrent les termes « Guerre antiterroriste », par Robert Fisk, juillet 2006.




Bombardements de précision, étendue des dommages :
Problèmes écologiques et juridiques liés aux « bombardements de précision »


Institut pour la Recherche sur l’Énergie et l’Environnement, septembre 2003 .



Note de la rédaction : Le 5 novembre 2002, l’IEER (Institut de recherche sur l’énergie et l’environnement) a publié un rapport relevant les problèmes juridiques et écologiques relatifs aux soi-disant bombardements de précision des sites industriels yougoslaves en 1999. Le rapport, intitulé Bombardement de précision, étendue des dommages : deux études de cas des bombardements des installations industrielles de Pancevo et Kragujevac au cours de l’opération « Force alliée » (« Allied Force »), en Yougoslavie, en 1999 souligne le risque que le bombardement d’installations industrielles civiles peut entraîner une contamination très difficile à éliminer et peut enfreindre le droit international humanitaire. La recherche de l’IEER, résumée dans cet article, soulève également des questions importantes pour les conflits à venir, notamment pour une éventuelle guerre contre l’Irak [1]. Pour plus de précisions, veuillez vous reporter au rapport complet. [2]


Cette étude a été motivée par les questions relatives à l’impact sanitaire et écologique de la guerre moderne. Notre principal objectif en abordant ce problème visait à établir si l’utilisation d’armes de précision (armes conçues pour frapper une cible précise, avec peu ou pas de dommages collatéraux) est synonyme de précision en termes de dommages. Les dommages sont-ils limités à l’objectif mis en avant pour le bombardement ? Dans le cas contraire, quelles sont les implications écologiques et légales découlant des destructions sans discernement, résultant des armes de précision qui ont atteint leur cible ?


Le 23 mars 1999, les 19 pays de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord) ont autorisé des frappes aériennes contre la Yougoslavie. Le lendemain commençait l’opération « Force alliée ». Cette campagne marquait le deuxième engagement de l’OTAN dans une opération offensive au cours des 50 années de son existence. [3]

Au cours de l’opération « Force alliée », des éléments vitaux de l’infrastructure industrielle de la Yougoslavie ont été délibérément visés et bombardés par les forces de l’OTAN. Ceci a eu un double effet sur les populations civiles locales. Premièrement, des installations vitales, comme par exemple des installations de traitement des eaux usées, ont été mises hors de fonctionnement. Deuxièmement, la pollution persistante, occasionnée par la destruction des installations, n’a pas été traitée pendant des mois, et risque de toucher un grand nombre de civils sur une zone très étendue au cours des années prochaines.


Impacts sur l’environnement

Notre rapport examine quelques-uns des effets sur l’environnement des bombardements pendant la guerre OTAN-Yougoslavie de 1999, principalement à partir de deux études de cas. Ces deux cas particuliers de bombardements de l’OTAN sont examinés afin d’étudier le type et l’ampleur des dommages causés à l’environnement par un bombardement de précision. Nous avons sélectionné ces deux cas en fonction des critères suivants :

- une cible géographique précise a été choisie bien avant le passage de bombardement ;

- le passage de bombardement a réussi à détruire la cible en question, et l’explosion a causé très peu de dommages sur les installations non visées ;

- les pertes directes des forces de l’OTAN, du fait des passages de bombardement, ont été nulles et le nombre de victimes civiles immédiates a été faible.


Nos études de cas s’appuient sur les informations fournies par le Groupe spécial pour les Balkans du Programme des Nations unies pour l’Environnement (United Nations Environmental Program Balkans Task Force - UNEP/BTF), qui a étudié les deux sites choisis : les installations industrielles de Pancevo et l’usine Zastava de Kragujevac. Ces deux sites figurent parmi les quatre classifiés par le PNUE comme « points chauds » écologiques à la suite des bombardements. [4]

Nos efforts de recherches limités se sont heurtés à un nombre important de problèmes imprévus. La Yougoslavie a été prise dans une tourmente politique pendant l’essentiel de la dernière décennie, et il s’est avéré beaucoup plus difficile que prévu initialement d’accéder aux données de base. De plus, le manque d’accès aux informations ne s’est pas limité à la Yougoslavie. Une demande a été déposée par l’IEER auprès du Département américain de la Défense dans le cadre de la Loi sur la liberté d’accès à l’information (Freedom of Information Act), pour obtenir les informations relatives aux critères utilisés pour le ciblage au cours de l’opération « Force alliée ». En guise de réponse, nous avons reçu 42 pages blanches portant l’inscription « déclassifiées » mais par ailleurs totalement dépourvues d’information. Même les noms des installations pour lesquelles les informations étaient demandées étaient absents de ces pages. L’appel que nous avons formé ultérieurement auprès du Département de la Défense a été rejeté. Par ailleurs, en 2002, le General Accounting Office, l’organisme chargé des missions d’enquête pour le Congrès des Etats-Unis, a préparé une analyse de la campagne de bombardement de 1999 en Yougoslavie, qui est restée classée "secret défense" par le Département américain de la Défense.


Pancevo

Pancevo est une ville industrielle d’une population de 80 000 à 90 000 habitants. Elle se trouve dans la province de Voïvodine en république de Serbie qui faisait partie de l’ancienne République fédérale de Yougoslavie. Elle est située à 20 kilomètres au nord-est de la capitale, Belgrade (1,2 million d’habitants), au confluent du Tamis et du Danube. Le complexe industriel s’étend sur environ 290 hectares au sud et au sud-est de Vojlovica, une importante zone résidentielle de Pancevo. Ce complexe accueille des installations qui sont identifiées sous le nom de l’usine d’engrais chimiques HIP Azotara, l’usine pétrochimique HIP Petrohemija, et la raffinerie de pétrole NIS. Les trois usines emploient 10 000 personnes et donc, représentent les principaux employeurs pour l’ensemble de la région de Pancevo. Plusieurs petits villages sont situés directement au sud du complexe industriel.

L’usine pétrochimique et la raffinerie de pétrole sont reliées au Danube par un canal de 1,8 km de long qui sert au rejet des eaux usées traitées. L’usine d’engrais utilise un canal de drainage adjacent. Avant le conflit, les eaux usées provenant de l’usine pétrochimique étaient traitées par un procédé en deux étapes (séparation et traitement biologique) avant d’être rejetées dans le canal des eaux usées. Cette installation était considérée comme l’installation de traitement des eaux usées la plus moderne et la plus efficace de l’ex-Yougoslavie.

Une station de prélèvement d’eau potable est située juste en amont du site industriel de Pancevo sur le Danube, près du confluent du Tamis avec le Danube. Ce point de prélèvement d’eau potable dessert la majorité de la population de la région située autour de Pancevo. Toutefois, une proportion relativement élevée de la population (environ 5 % en ville et 10 % dans les villages avoisinants) utilise des puits privés pour l’eau potable, les cultures et les jardins.

La zone avoisinant le complexe industriel de Pancevo souffrait déjà d’une pollution chronique avant les bombardements de 1999. Par exemple, des prélèvements du sol et des eaux souterraines pris sur le site de l’usine pétrochimique ont révélé la présence de solvants chlorés (par exemple, le trichlorométhane, le tétrachlorométhane, le trichloroéthane, le dichloroéthylène, le trichloroéthylène, et autres) qui sont des sous-produits non désirables souvent associés à la production du PVC (polychlorure de vinyle). A la raffinerie, il existait déjà une pollution par le pétrole avant les bombardements. De plus, des éléments témoignent d’un déversement de mercure antérieur aux bombardements de l’OTAN, beaucoup plus important que celui occasionné par ceux ci, et d’une contamination par les PCB (polychlorures de biphényle) dans le canal d’évacuation. Finalement, il y a eu, quelques années avant le conflit, un important déversement de 1,2-dichloroéthane. Tous ces facteurs sont venus entraver les tentatives d’évaluation de l’impact de la contamination résultant exclusivement des bombardements.


Les bombardements des installations de Pancevo ont duré plusieurs semaines et ont profondément perturbé la vie à Pancevo. On estime qu’environ 40 000 personnes ont quitté la ville après un premier bombardement du complexe pétrochimique en avril 1999 dont 30 000 ne sont revenues qu’en juin, après la fin des bombardements. De plus, une interdiction temporaire a été imposée sur la pêche dans le Danube près de Pancevo jusqu’à l’automne de la même année. En outre, le ministère serbe de la Protection de l’environnement humain a recommandé de ne consommer aucune denrée cultivée dans les zones autour de Pancevo, puisque des pluies abondantes avaient lessivé la suie et les autres matières émises par les incendies à Pancevo sur les zones agricoles avoisinantes.

L’usine pétrochimique a été bombardée les 15 et 18 avril 1999. Il existe quatre problèmes écologiques majeurs directement liés aux bombardements de l’usine pétrochimique HIP Petrohemija par l’OTAN.

1.Le 18 avril, une cuve de stockage de chlorure de vinyle a été touchée par une bombe de l’OTAN, enflammant les 440 tonnes de matériaux stockés à l’intérieur. Vingt tonnes supplémentaires de ce carcinogène reconnu, entreposées dans des wagons pour le transport, ont par ailleurs été incendiées. Il faut également noter qu’il y avait deux cuves de stockage de chlorure de vinyle sur le site, une vide et une pleine ; seule la pleine a été détruite.

2.Lors de l’endommagement indirect par les bombardements de cuves de stockage de 1,2-dichloroéthane, 2 100 tonnes de ce produit chimique se sont déversées : une moitié dans le sol, une autre dans le canal d’évacuation.

3.L’usine de chlore et de soude a été très endommagée, laissant échapper 8 tonnes de mercure métallique dans l’environnement. La majorité (7,8 tonnes) a été déversée à la surface du site alors que les 200 kilogrammes restant se sont répandus dans le canal d’évacuation. La plus grande partie du produit qui a été déversé sur le sol a été récupérée, mais ce n’est pas le cas pour le mercure qui s’est répandu dans le canal.

4.L’usine de traitement des eaux usées qui était utilisée par la raffinerie et l’usine pétrochimique a été sérieusement endommagée au cours du conflit. Les dégâts ont été provoqués par un afflux soudain dans l’usine d’une quantité de matières dépassant sa capacité. En avril 2001, près de deux ans après la fin des bombardements, l’usine de traitement ne fonctionnait qu’à 20 % de sa capacité. Le réceptacle le plus important de tous ces polluants a été le canal d’évacuation qui se jette dans le Danube, le cours d’eau le plus important de cette région.


Des trois cibles de l’OTAN, situées dans le complexe industriel de Pancevo, la raffinerie a été celle la plus bombardée. Elle l’a été à plusieurs reprises en avril 1999 et encore le 8 juin 1999. De nombreuses cuves de stockage et conduites ont été détruites par les bombardements. Environ 75 000 tonnes de pétrole brut et de produits pétroliers ont brûlé et 5 à 7 000 tonnes se sont répandues sur le sol et dans le réseau d’assainissement. Les déversements ont contaminé 10 hectares de sol à l’intérieur du complexe de la raffinerie.

Comme l’usine pétrochimique, l’usine d’engrais HIP Azotara a été bombardée à deux reprises, les 15 et 18 avril 1999. Le personnel de l’usine a fait savoir aux inspecteurs du PNUE/GSB que la cuve de stockage, qui contenait 9 600 tonnes d’ammoniaque avant les bombardements, suscitait une grande inquiétude. Si cette cuve avait été atteinte par une bombe, elle aurait rejeté suffisamment d’ammoniaque pour entraîner la mort de nombreuses personnes dans la zone avoisinante. La fabrique HIP Azotara ne possédait pas la capacité de transférer l’ammoniaque à un autre emplacement. C’est pourquoi la production d’engrais a été augmentée au cours des premiers jours de bombardement (qui ont commencé le 4 avril 1999) dans l’espoir de réduire la quantité d’ammoniaque entreposée. Au moment de la première attaque, la quantité d’ammoniaque restant en stock était approximativement de 250 tonnes. L’ammoniaque entreposée a été rejetée intentionnellement dans le canal d’évacuation pour empêcher sa dispersion dans l’atmosphère après une explosion. Ceci a été fait après que la cuve d’ammoniaque a été touchée par les débris d’une autre explosion. Outre ce rejet d’ammoniaque, 200 à 300 tonnes d’ammonitrates, de phosphates et de chlorure de potassium se sont échappées ou ont brûlé à la suite de dommages subis par les cuves de stockage lors des bombardements (la proportion de matières répandues par rapport à celle qui a brûlé n’est pas connue). Finalement, des wagons transportant 150 tonnes de pétrole brut ont aussi été touchés et aucune tentative n’a été faite pour éteindre les feux.

Les tableaux ci-dessous donnent des exemples du type de pollution qui a résulté, au moins partiellement, de ces rejets. Malheureusement, il est impossible à ce stade de parvenir à des conclusions définitives sur l’impact que ces rejets auront sur la santé du public et sur l’environnement. Des programmes de suivi et des évaluations sanitaires ont commencé mais, ces programmes n’en sont qu’à leurs étapes initiales et les données recueillies jusqu’à présent n’ont pas été rendu publiques.


Kragujevac

Kragujevac (150 000 habitants) est une ville industrielle située en Serbie centrale qui accueille le complexe industriel Zastava. Le complexe est en fait composé de dizaines de sociétés plus petites et sa production est très diversifiée, depuis l’outillage lourd jusqu’aux voitures, aux camions et aux fusils de chasse. A une certaine époque, l’usine fabriquait du matériel lourd et des armes pour l’armée mais, selon la direction de l’usine, ce n’était pas le cas au moment des bombardements. Avant les sanctions économiques (qui ont commencé fin 1991 et se sont poursuivies jusqu’en septembre 2001), c’était l’une des plus grandes installations industrielles des Balkans et de ce fait l’usine jouait un rôle énorme dans la vie des habitants de la ville.

L’usine Zastava a été bombardée à deux reprises, une fois le 9 avril, et à nouveau le 12 avril 1999, et atteinte par 12 bombes au total. [5] La centrale électrique, la chaîne d’assemblage, l’atelier de peinture, le centre informatique et l’usine de camions tous ont subi de lourds dommages ou ont été complètement détruits. De ce fait la production a été totalement interrompue. La totalité des dommages subis par le complexe a été estimée à un milliard de deutsche marks (environ 500 millions d’euros), selon des représentants officiels de l’usine. Dans l’année qui a suivi les bombardements, le gouvernement Milosevic a dépensé 80 millions d’euros pour reprendre la production à l’usine automobile. L’usine automobile emploie actuellement 4500 personnes. A son maximum, 30 000 personnes y travaillaient. Au début 2001, les prévisions de production pour l’année étaient de 28 000 automobiles et de 1 400 camions. C’est le double du nombre des véhicules produits en 2000, mais loin des 180 000 véhicules produits en 1989. La chute de la production peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment l’effondrement de la Yougoslavie et les sanctions appliquées au pays lors du régime de Milosevic.

Les transformateurs à deux endroits de l’usine Zastava ainsi que l’atelier de peinture et la centrale électrique, ont été endommagés et de l’huile de PCB s’est répandue dans les zones avoisinantes. Dans l’atelier de peinture, une zone utilisée pour peindre les automobiles après leur assemblage, environ 1400 litres (2150 kilogrames) d’huile de pyralène, une huile de transformateur contenant un mélange de trichlorobenzènes et de PCB, s’est répandue sur le sol et dans des puits à déchets contenant 6 000 mètres cubes d’eaux usées. Le transformateur de la centrale électrique était situé à proximité d’une bouche d’évacuation des eaux de pluie. Une partie de l’huile s’est donc probablement échappée jusque dans la rivière Lepenica par le biais du réseau d’assainissement, mais il n’est pas possible d’en préciser la quantité. Outre ces deux zones directement touchées par les bombardements, il y a plusieurs fûts de sable contaminé dans la zone de stockage des déchets qui ont été prélevés de la fosse de gravier située en dessous du transformateur dans la centrale électrique après les bombardements. De nombreux fûts de déchets sans rapport avec les bombardements, qui n’ont pas été identifiés correctement et dont l’état se détériore, sont également entreposés à cet endroit.

Dans les trois jours qui ont suivi les bombardements, l’Institut de santé publique de la ville a prélevé 21 échantillons d’eau autour de Kragujevac. Des produits chimiques toxiques ont été détectés dans les échantillons le premier et le second jour, mais aucun le troisième jour. Ces données n’ont pas été rendues publiques et nous ne savons donc pas quelles substances toxiques précises ont été analysées. Les gens de la région s’inquiètent d’une éventuelle contamination parce que les tests de dépistage d’une contamination en PCB n’ont pas été réalisés sur certains puits de la zone. Rien ne permet de conclure qu’il y a eu un apport direct de PCB par les eaux souterraines. Toutefois, les inondations qui sont intervenues en juillet 1999 ont pu répandre des polluants des cours d’eau dans les zones agricoles à basse altitude avoisinantes.

Du fait d’une décennie de conflits, d’absence de transparence, de la récession économique et des autres problèmes de la Yougoslavie d’après-guerre, il est difficile de formuler des conclusions fiables sur les conditions environnementales à Kragujevac. Heureusement, les zones contaminées à l’intérieur de l’usine, présentant le plus grand risque pour la santé des travailleurs, ont été assainies. L’inhalation constitue l’une des principales voies d’exposition au PCB en milieu professionnel. Le nettoyage des fosses de déchets et l’enlèvement du béton contaminé limite énormément le niveau d’exposition des travailleurs.

Etant donné le nombre d’incertitudes et le manque général d’informations sur la quantité de produits polluants rejetés dans l’environnement avoisinant l’usine Zastava, il est impossible de parvenir à une conclusion quelconque. Il est donc urgent de mettre en oeuvre une mission de prélèvement et de suivi.


Problèmes juridiques

Le droit international admet que "Dans tout conflit armé, le droit des Parties au conflit de choisir des méthodes ou moyens de guerre n’est pas illimité." [6] Les lois internationales qui s’appliquent à notre analyse de l’utilisation de la force par l’OTAN en Yougoslavie comprennent les Conventions de Genève de 1949 et le Protocole additionnel I aux Conventions de Genève. Tous les Etats membres de l’OTAN ont signé et ratifié les Conventions de Genève et sont liés par leurs clauses. [7] En ce qui concerne le Protocole I, tous les Etats de l’OTAN en étaient membres au moment des bombardements, à l’exception des Etats-Unis (qui sont signataires), de la France (qui a rejoint le traité en 2001), et de la Turquie (qui ne l’a pas signé).

Le droit coutumier représente une autre source de droit applicable à ce conflit. Le droit coutumier repose sur une pratique générale et constante des Etats qui résulte d’un sens d’obligation légale. Le droit coutumier est particulièrement pertinent dans cette discussion parce que nombre de règles qui sont codifiées dans les Conventions de Genève et le Protocole I sont considérées comme du droit coutumier ; un Etat peut être lié par un droit coutumier, même s’il a refusé d’être partie au traité en cause.


Analyse des clauses des Traités

Les Conventions de Genève de 1949 interdisent aux Etats la destruction de biens sauf si "des nécessités militaires impérieuses l’exigent." La nécessité militaire est elle-même un terme vague, et les Etats ont toute latitude pour argumenter que dans la mesure où une action a fait avancer leur stratégie, il y avait donc une nécessité militaire.

L’exigence d’un "objectif militaire"

Le Protocole I codifie le principe de discrimination, qui impose aux parties de "faire en tout temps la distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu’entre les biens de caractère civil et les objectifs milita0ires et, par conséquent, ne diriger leurs opérations que contre des objectifs militaires." Le respect de ces clauses en ce qui concerne les bombardements de Pancevo et Kragujevac dépend de la détermination de leur objectif militaire. Quel était l’objectif militaire dans le cas de ces bombardements ? On peut certainement mettre en avant que la raffinerie de pétrole fournissait du pétrole pour les opérations militaires mais est-ce également vrai pour une fabrique d’automobiles, une usine pétrochimique ou une usine d’engrais ? Dans les interviews, les représentants officiels à Kragujevac et Pancevo ont indiqué que leurs usines n’avaient aucune valeur militaire stratégique directe.

Les critères spécifiques qui ont présidé au choix des cibles en Yougoslavie n’ont pas été rendus publics. Comme nous l’avons déjà indiqué, notre demande auprès du Département américain de la Défense des documents précisant l’objectif militaire dans le choix de ces usines comme cibles a été refusée. Les critères généraux de la politique de ciblage de l’US Air Force sont les suivants :

Une cible doit répondre aux critères d’objectif militaire avant de pouvoir devenir légitimement l’objet d’une attaque militaire. Dans ce contexte, les objectifs militaires comprennent les objets dont la nature, l’emplacement, le dessein ou l’utilisation apportent une contribution concrète à l’action militaire ou dont la destruction totale ou partielle, la capture ou la neutralisation offre un avantage militaire bien déterminé. Le facteur essentiel est de savoir si l’objet contribue à la capacité de combat ou de résistance militaire de l’ennemi. Par conséquent, un bénéfice ou un avantage militaire identifiable doit découler de la dégradation, de la neutralisation, de la destruction, de la capture ou de la perturbation de l’objet. [8]


L’US Air Force admet qu’il "existe une controverse sur le fait de savoir si, et dans quelles circonstances, d’autres objets [civils] [...] peuvent être bel et bien classés comme objectifs militaires." Le facteur principal dans la détermination du statut d’un objet tient au fait de savoir si "l’objet apporte une contribution réelle à l’action militaire de l’adversaire."

En utilisant ces critères, l’US Air Force détermine que des objets tels que des dépôts d’hydrocarbures sont des cibles militaires légitimes. [9] Toutefois, elle établit également que "des fabriques, ateliers et usines qui subviennent directement aux besoins des forces armées de l’ennemi sont également généralement considérés comme des objectifs militaires légitimes." (C’est nous qui soulignons.) Les éléments concrets qui servent d’arguments au ciblage doivent être rendus publics de façon à garantir la possible mise en oeuvre d’un contrôle civil des activités militaires. De graves questions continuent de se poser sur la légalité des bombardements de Pancevo et Kragejuvac, qui ne peuvent être tranchées de façon satisfaisante tant que les éléments de cet ordre ne sont pas connus.

L’exigence de "Précautions pratiquement possibles"

L’Article 57 du Protocole complémentaire I stipule de "prendre toutes les précautions pratiquement possibles quant au choix des moyens et méthodes d’attaque en vue d’éviter et, en tout cas, de réduire au minimum les pertes en vies humaines dans la population civile, les blessures aux personnes civiles et les dommages aux biens de caractère civil qui pourraient être causés incidemment." L’expression "Pratiquement possibles" a été interprétée comme "prendre les mesures d’identification nécessaires en temps et lieu voulus pour épargner autant que possible la population." Le fait que ces précautions aient été prises ou non relève d’une enquête sur les faits précis, qui n’a pas encore abouti.

Protection de l’environnement

Outre ces dispositions qui sont mises en balance avec la nécessité militaire, le Protocole I apporte des protections plus spécifiques aux civils, à leurs biens et à l’environnement. Une clause particulièrement importante pour la protection de l’environnement est l’Article 35 qui interdit l’utilisation des armes qui, par leur nature même, causent "des maux superflus" et sont des moyens de guerre qui "sont conçus pour causer ou dont on peut s’attendre qu’ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel.".

Malheureusement, le Protocole I ne définit pas les qualificatifs "étendus, durables et graves." Ces termes apparaissent également dans le traité sur la modification de l’environnement (ENMOD), [10] et ont été interprétés en lien avec ce traité. Bien que ces définitions n’étaient pas destinées à s’appliquer au Protocole I, elles peuvent fournir un certain éclairage :

a ’étendus’ qui touche une zone qui s’étend sur plusieurs centaines de kilomètres carrés ;

b ’durables’ qui durent pendant plusieurs mois, ou approximativement une saison ;

c’graves’ qui entraînent une perturbation ou un préjudice sérieux ou significatif à la vie humaine, aux ressources naturelles et économiques ou à d’autres biens. [11]


Il semblerait que les attaques des installations industrielles du type de celles décrites dans notre rapport soient interdites en application de ces critères. Les dommages étaient étendus parce que la pollution de l’air, causée par les bombardements de Pancevo, a voyagé sur des centaines de kilomètres jusqu’à Xanthi, en Grèce. Les effets sont durables parce que les demi-vies de certains des produits chimiques sont de l’ordre de plusieurs décennies. Enfin, les effets des attaques peuvent être considérés comme graves du fait de la perturbation économique qui a résulté des bombardements et des dommages potentiels aux cours d’eau situés autour ou adjacents aux installations.

Le Protocole I interdit également catégoriquement les attaques sur toute une liste d’ouvrages et installations qui contiennent des "forces dangereuses" : barrages, digues et centrales nucléaires de production électrique, "lorsque de telles attaques peuvent provoquer la libération de forces dangereuses et, en conséquence, causer des pertes sévères dans la population civile." (Article 56) Cette clause interdit également d’attaquer d’autres objectifs militaires situés au même endroit ou à proximité de ces ouvrages et qui présenteraient les mêmes risques. Les usines chimiques ne sont pas mentionnées parmi les ouvrages ou installations protégés, par conséquent les bombardements ne violeraient donc pas ces dispositions. Toutefois, le principe sous-jacent à cette clause est de protéger les installations contenant des forces dangereuses. On peut très bien soutenir que les usines chimiques présentent un danger comparable aux facilités indiquées puisque, dans certains cas, la persistance et les risques sanitaires issus des produits chimiques sont comparables, par exemple, à ceux des radionucléides. Si les attaques des usines chimiques occasionnent les mêmes risques que les attaques spécifiquement interdites dans le cadre du traité, elles peuvent probablement être considérées comme étendues, durables et graves, et violent ainsi d’autres dispositions du traité mentionnées plus haut.

Il se peut également que le bombardement de Pancevo ait violé l’Article 56 parce qu’il présentait un danger à une centrale nucléaire située dans un pays non belligérant, la Bulgarie. Six tranches nucléaires sont présentes sur le site de Kozloduy en Bulgarie, en aval de la Yougoslavie le long du Danube. Des problèmes d’exploitation peuvent potentiellement se poser si des polluants dans le Danube entravent l’activité des systèmes de refroidissement du condenseur de la centrale. Le risque de perturbation du fonctionnement de la centrale nucléaire et le potentiel élevé d’accident résultant du déversement de pétrole dans le Danube étaient connus à l’époque. L’IEER avait soulevé la question dans un communiqué de presse le 11 mai 1999, alors que se déroulaient les bombardements. [12]


Analyse du droit coutumier

Bien que notre analyse montre que les bombardements constituaient vraisemblablement une violation de plusieurs dispositions du Protocole I, les Etats-Unis, qui ont été les principaux auteurs de ces bombardements, n’ont pas ratifié le traité, et ne sont donc pas liés par ses obligations. Ces restrictions ne peuvent s’appliquer aux Etats-Unis que si elles peuvent également être considérées comme des protections garanties par le droit coutumier.

Les Etats-Unis ont admis que, parmi les règles générales de protection des populations civiles, beaucoup relèvent du droit coutumier. Toutefois, les Etats-Unis ne considèrent pas les règles de protection en matière d’environnement du Protocole I comme en faisant partie. Malgré les objections américaines, ces règles de protection de l’environnement sont généralement considérées comme ressortissant du droit coutumier. La clause sur l’environnement du Protocole I a été reprise dans un traité de 1980 sur certaines armes conventionnelles ; [13] les règles de protection de l’environnement pendant un conflit armé ont été codifiées dans le statut créant la Cour criminelle internationale, et ont été reconnues comme une norme existante par la Cour internationale de justice.

Pour que les Etats-Unis ne soient pas liés par le droit coutumier, ils ont du systématiquement contester l’existence de cette règle, un argument que les Etats-Unis peuvent présenter. Néanmoins, dans certains cas, le droit coutumier devient suffisamment universel pour se transformer en une sorte de norme impérative auquel un Etat ne peut s’opposer. [14] Il est peut-être prématuré de considérer que cette norme a atteint ce statut "impératif". Il est clair, cependant, qu’un changement est intervenu au cours des dernières années dans la perception de l’importance qui doit être attribuée à l’environnement au cours d’une guerre. Nous considérons que les Etats-Unis, en tant que première puissance économique et militaire, devraient respecter ces normes, et devraient adhérer à l’interdiction des armes et moyens de guerre susceptibles d’infliger de graves dommages à l’environnement.

Il existe une autre raison de tenir les pays de l’OTAN responsables des dommages occasionnés par les bombardements de Pancevo et de Kragujevac : en effet, à l’époque, 16 des 19 pays membres de l’OTAN étaient parties au Protocole complémentaire I. En supposant que les Etats-Unis soient le principal responsable des bombardements de Pancevo et Kragujevac, les membres de l’OTAN qui ont directement ou indirectement permis ces bombardements peuvent être considérés comme parties prenantes selon le principe de complicité dans la mesure où ils étaient informés des actions des Etats-Unis.


L’autorité de l’OTAN dans l’usage de la force

En dehors des questions spécifiques relatives aux méthodes de guerre, les bombardements en Yougoslavie soulèvent plus largement la question de savoir si l’OTAN disposait de l’autorité nécessaire à tout emploi de la force en Yougoslavie. La campagne aérienne de l’OTAN en Yougoslavie a été critiquée par plusieurs parties la considérant comme un recours illégal à la force, puisqu’elle n’a pas été autorisée par le Conseil de sécurité des Nations unies, et parce qu’il n’y avait pas eu d’attaque armée dirigée contre les Etats de l’OTAN justifiant une autodéfense individuelle ou collective. Selon la Charte des Nations unies, il s’agit des deux seules circonstances qui permettent le recours à la force. Sur le fond, la "justification" de l’intervention n’était pas d’ordre légal mais humanitaire : même si le droit international ne permettait pas le recours à la force, celui-ci a été toléré parce que ces actions étaient destinées à répondre à une grave crise humanitaire. Un système qui n’oblige pas les Etats à rester passifs face à de telles crises peut avoir du mérite, mais il y est aussi important d’imposer des limites sur le recours à la force de façon à empêcher l’érosion du système international destiné à maintenir la sécurité.


Recommandations

Les recommandations de l’IEER concernant l’impact juridique et écologique d’une guerre moderne sont résumées ci-dessous. Nous les adressons à l’OTAN, au gouvernement américain et aux personnes et organisations non gouvernementales concernées.

1.L’ensemble de la question des bombardements d’installations civiles pour atteindre des objectifs militaires doit faire l’objet d’une enquête publique rigoureuse. Une telle enquête doit prendre en compte les dommages sanitaires et écologiques, immédiats et durables, qui pourraient être infligés à un pays ou aux pays qui partagent les écosystèmes des pays en guerre.

2.La dépollution de l’environnement suite aux bombardements des installations industrielles civiles, telles que Pancevo et Kragujevac, doit être expédiée pour ne pas laisser de laps de temps entre le conflit et les actions d’assainissement.

3.Les informations concernant Pancevo et Kragujevac et d’autres bombardements d’installations industrielles doivent être accessibles au public pour en permettre l’examen juridique.

4.En attendant que les Etats-Unis reconnaissent les interdictions légales concernant les dommages à l’environnement en temps de guerre, qui ont été adoptées par tous les pays de l’OTAN à l’exception d’un seul (la Turquie), ils ne doivent procéder à aucun bombardement d’installations industrielles civiles contenant des substances dangereuses susceptibles d’être rejetées dans l’environnement.

5.Des programmes approfondis et durables de surveillance de l’environnement doivent être établis pour s’assurer que la dépollution est effective en Yougoslavie et qu’il ne reste pas de sources de pollution dans l’environnement.

6.Les actions de dépollution en Yougoslavie doivent être plus transparentes.

Sriram Gopal et Nicole Deller [15]


Envoyez vos impressions à la rédactrice en chef, Énergie et Sécurité
Takoma Park, Maryland, USA
La version anglaise de ce numéro, Science for Democratic Action v. 11, no. 2, a été publiée en février 2003.

 Source :Institut pour la Recherche sur l’Énergie et l’Environnement
www.ieer.org/index.html




L’ancien commandant de l’OTAN parle du Kosovo.


Balkans, vide à perdre, par Miodrag Lekic - il manifesto.

Kosovo, la mise en pratique des valeurs européennes, par Tommaso De Francesco.




[1Cet article a été rédigé avant le déclenchement de la guerre menée contre l’Irak quelques mois plus tard.

[2Sriram Gopal et Nicole Deller, Precision Bombing, Widespread Harm : Two Case Studies of the Bombings of Industrial Facilities at Pancevo and Kragujevac During Operation Allies Forces, Yugoslavia, 1999Precision Bombing, Widespread Harm : Two Case Studies of the Bombings of Industrial Facilities at Pancevo and Kragujevac During Operation Allied Force, Yugoslavia 1999. Takoma Park, Maryland : Institute for Energy and Environmental Research, novembre 2002. Sur le web : www.ieer.org/reports/bombing/index.html.

[3La première opération offensive de l’OTAN a été l’opération Deliberate Force ("Force délibérée"), qui a été menée en Bosnie entre le 29 août et le 14 septembre 1995

[4Les deux autres points chauds sont Novi Sad et Bor. Novi Sad, une ville d’un million d’habitants, accueille l’une des grandes raffineries de pétrole du pays. Les bombardements ont causé l’incendie et le déversement dans le sol ou sur les berges du Danube de milliers de tonnes de pétrole en amont du point de prélèvement de l’eau de ville. Bor est un site industriel avec diverses installations industrielles, dont une mine de cuivre, une fonderie et un dépôt d’hydrocarbures.

[5Selon les rapports du PNUE, les bombardements se sont déroulés les 9 et 12 avril. Selon les représentants de l’usine, ils ont eu lieu les 9 et 10 avril.

[6Protocole complémentaire I des Conventions de Genève, Article 35 (1) ; également reconnu comme un principe de droit coutumier.

[7Pour les Etats-Unis, les traités sont le droit suprême du pays, avec la Constitution et les lois fédérales. (Article VI de la constitution des Etats-Unis, 1787).

[8United States Air Force. Air Force Pamphlet 14-210 : USAF Intelligence Targeting Guide. Falls Church : U.S. Department of the Air Force, 1998, p. 12.

[9Par example, un objectif de bataille en Irak au cours de la Guerre du Golfe de 1991 était de couper les lignes d’alimentation irakiennes en détruisant les principaux réseaux électriques et les dépôts d’hydrocarbures.

[10Convention sur l’interdiction de techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou autres usages hostiles. Genève, 18 mai 1977. Disponible sur le site www.unog.ch/disarm/distreat/environ.pdf.

[11Ces définitions ne font pas partie d’ENMOD mais des archives des négociations dans un rapport à l’Assemblée Générale des Nations Unies en 1976. Voir www.icrc.org/ihl.nsf/WebFULL ?OpenView&Start=59.

[12"Selon une organisation de protection de l’environnement les bombardements de l’OTAN sur les Balkans pourraient entraîner un désastre écologique de grande ampleur" 11 mai 1999, consultable sur www.ieer.org/comments/yugo/pr051199.html Voir également "Implications sanitaires et écologiques des bombardements de l’OTAN sur la Yougoslavie" et "Les dangers nucléaires à la lumière de la crise des Balkans," qui figurent dans Energie et Sécurité, n°10, 2000.

[13The Convention on Prohibitions or Restrictions on the Use of Certain Conventional Weapons Which May be Deemed to be Excessively Injurious or to Have Indiscriminate Effects, Geneva, 1980. Disponible sur http://untreaty.un.org.

[14Un exemple clair de norme impérative reconnue est l’interdiction du génocide. Aucun Etat ne peut pratiquer un génocide même s’il a objecté à cette interdiction comme relevant du droit coutumier.

[15Nicole Deller, docteur en droit, est consultante pour la recherche juridique à l’IEER, et est co-auteur et rédactrice principale de Rule of Power or Rule of Law ? An Assessment of U.S. Policies and Actions Regarding Security-Related Treaties(Etat de droit ou droit du plus fort ? Un bilan des politiques et des initiatives américaines concernant les traités de sécurité internationale), (New York : Apex Press, 2003).


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Si vous détruisez nos maisons vous ne détruirez pas nos âmes
Daniel VANHOVE
D. Vanhove de formation en psycho-pédagogie, a été bénévole à l’ABP (Association Belgo-Palestinienne) de Bruxelles, où il a participé à la formation et à la coordination des candidats aux Missions Civiles d’Observation en Palestine. Il a encadré une soixantaine de Missions et en a accompagné huit sur le terrain, entre Novembre 2001 et Avril 2004. Auteur de plusieurs livres : co-auteur de « Retour de Palestine », 2002 – Ed. Vista ; « Si vous détruisez nos maisons, vous ne détruirez pas nos (…)
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