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La fumisterie de la démocratie participative

En avant propos, nous aimerions préciser que l’objet de cet article est de nourrir le débat sur la question démocratique. Il ne vise pas à remettre en cause le principe de la démocratie (le pouvoir au peuple), mais à proposer une critique de ce qui est aujourd’hui considéré à tort comme une extension de ce principe : la démocratie participative. Pour nous, la véritable démocratie est celle qui donne le pouvoir à la classe qui, dans son essence, représente l’intérêt général. La classe qui produit l’histoire, la classe qui aménage l’espace et le temps de la Cité : la classe révolutionnaire, les travailleurs. Une démocratie bourgeoise est limitée par son ordre social, l’exploitation du travail par le capital. Elle ne peut qu’organiser l’expression des antagonismes de classe : les intérêts du travail, les intérêts du capital. Supprimer ces classes (l’exploitation capitaliste), c’est offrir un saut qualitatif à la démocratie. Si le travail n’est plus soumis aux intérêts du capital, alors tous les citoyens peuvent organiser la production (et la consommation !) selon l’intérêt général de la Cité.

La « démocratie participative » fait partie de ces concepts « vides » en soi, tellement passe-partout, que même le pouvoir le plus réactionnaire et répressif, comme le régime Macron, peut l’utiliser sans sourciller ni choquer personne.

C’est une démocratie dans lequel on participe... plus qu’un pléonasme, c’est surtout faire passer pour une nouveauté ce qui devrait être la base de la démocratie. Et encore ! Comme nous pouvons le voir assez souvent, il ne faut pas confondre cette notion avec la démocratie directe des citoyens, chère aux divers mouvements sociaux qui ont le mauvais goût de vouloir faire participer réellement le peuple aux décisions du pays (voir la question du référendum d’initiative citoyenne proposé depuis 1 an par les gilets jaunes).

Concrètement, pour la bourgeoisie, la démocratie participative est la négation de la lutte des classes en politique. Il s’agirait d’un débat entre plusieurs individus isolés ne représentant qu’eux-mêmes (bien qu’on tolère l’appartenance ethnique et religieuse...), qui peuvent être patrons comme ouvriers, discutent ensemble de la marche du pays. Ainsi, on ne parlera pas de l’antagonisme de fait entre prolétaires et capitalistes, de l’appropriation de la plus-value et de l’exploitation du travail d’autrui qui justifie la position de l’un des deux par rapport à l’autre, ainsi que les inégalités qu’elle engendre, bien loin d’être naturelle. Bien sûr, les phases plus avancées du capitalisme comme le colonialisme, le néocolonialisme et l’impérialisme ont encore moins le droit d’être débattu !

Ce fantasme de l’“union sacrée” de toutes les forces (antagonistes) du pays prend de multiples formes : du “Grand débat national” aux “budgets participatifs” en passant bien sûr par le discours sur la “société civile”. Cette dernière est considérée comme un ensemble homogène qui s’oppose à un autre ensemble, celui des “politicards”. Astucieux déplacement de l’antagonisme qui permet :

D’“ invisibiliser ” la lutte des classes sous une autre dichotomie dont elle n’est que l’expression ;

D’opérer une disqualification de la politique en-soi, répandant ainsi une politophobie (la peur de la “récupération politique”) qui fige les masses dans une colère entropique, sans structuration possible.

Mais fermer les yeux ne fait pas disparaître. Tout outil social-démocrate déporte la lutte des classes, mais jamais ne la supprime. Comment peut-on détruire quelque chose que l’on ne veut pas voir ? Il est évident que le “Grand débat national” n’a pas réglé la misère ni éteint la colère des gilets jaunes, comme les budgets participatifs n’ont jamais mis fin aux inégalités sociales. Et ce pour la simple et bonne raison que les instances nécessitent un investissement de temps, ce qui suppose de disposer d’un temps marginal, ce qui implique de gagner suffisamment d’argent pour se défaire de certaines tâches (notamment domestiques). Seules certains profils sociologiques peuvent “participer” : les nouvelles couches moyennes et la petite bourgeoisie principalement. Aussi, ces instances expriment toujours plus ou moins les mêmes intérêts (de classe). Et même lorsqu’une opinion opposée à l’idéologie bourgeoise s’exprime, il n’est pas pris en compte ! Cas typique, celui du projet de centre commercial Europacity à Gonesse (95) menaçant de détruire l’une des dernières terres agricoles de la région Île-de-France, mené dans les règles de la concertation publique mais sans que l’avis négatif des citoyens face au projet de gentrification dues aux nouvelles constructions n’ait été entendu. Fort heureusement, pour ce grand projet, la mobilisation sur plusieurs années de la population a permis d’arrêter cette folie.

Au sens bourgeois, la démocratie participative est donc une extension de fait de la démocratie : elle institutionnalise le débat en dehors de la sphère représentative. Mais si l’on brise le vase clôt du capitalisme et que l’on remet celui-ci à sa place historique (un mode de production récent qui peut être remplacé par un autre), alors l’on se rend compte que cet outil social-démocrate est un régression de fait de la démocratie : il crée des îlots d’idéologie bourgeoise car inaccessibles aux prolétaires. Il évacue l’antagonisme de classes qui, finalement, peut s’exprimer avec plus de facilité par la représentation (l’élu pouvant se consacrer pleinement à cette fonction).

Voyons aussi le cynisme de l’idéologie social-démocrate : derrière la cohésion nationale (entre les patrons et leurs salariés), le patronat français traite la nation et son avenir avec une morgue folle et en souhaite de moins en moins secrètement le dépeçage (dissolution dans l’Union européenne, linguicide anglo-saxon etc...) Cette négation de l’antagonisme nous amène à une tentative de réconciliation qui, historiquement, donne au mieux le gaullisme, au pire le fascisme. Négation de l’antagonisme ne voulant pas dire son abolition. La lutte des classes ne dépend pas de la croyance de certains en son existence, mais de l’existence de fait de l’exploitation par les capitalistes de la force de travail de leurs salariés et de la plus-value produite. Ce vol à grande échelle créé forcément des remous dans la société de la part des exploités. Le nier, c’est toujours in fine condamner la juste réponse, parfois violente, du prolétariat et se mettre du côté des classes exploiteuses pour préserver ladite « cohésion nationale ».

Nous parlions de Macron mais cette notion de démocratie participative est aussi très répandue dans les institutions oligarchiques comme l’Union européenne, servant de propagande européiste sur la prétendue « démocratie européenne », où l’on peut certes discuter mais sans pouvoir décider !

En tant que communiste, nous défendons le projet de la dictature du prolétariat, c’est-à-dire le pouvoir de la majorité dirigé contre la minorité exploiteuse. La majorité constituée du prolétariat – n’ayant rien d’autre que sa force de travail à vendre-, dont la classe ouvrière même affaibli en France reste le moteur central. Nous portons clairement l’idée d’une démocratie des travailleurs, dans un modèle le plus directe qui soit avec des assemblées de travailleurs, portant réalistement la lutte des classes afin d’amener l’humanité vers un nouveau stade de son développement, loin de sa lente chute actuelle.

Quentin et Ambroise - JRCF.

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