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Les milliardaires aiment les médias, les médias n’aiment pas les gilets jaunes

Rencontre publique d’étudiants journalistes avec leurs maîtres enfumeurs.

TOULOUSE. L’annonce de la rencontre, patronnée par France Info, est alléchante. A tel point que l’affluence est grande. Bien avant 18 heures, ce 14 février, la queue s’allonge sur le trottoir de la rue étroite de la Fonderie, devant le N° 31, adresse de l’Institut Catholique et de son école de journalisme.
On devine que l’atmosphère ne sera pas bon enfant quand on voit un fourgon de police stationné en face tandis que l’entrée est contrôlée par de solides vigiles aux carrures de Benalla, appareillés d’oreillettes.

On doit montrer sa carte d’identité et être inscrit sur des listes de réservation. Les sacs à dos et sacs à main doivent se prêter à une inspection, et chacun de nous subit une fouille sommaire et un passage au détecteur portable de métaux.

Ici, une première remarque. Si l’on met à part l’embarquement à l’aéroport de Toulouse-Blagnac, on ne subit nulle part un contrôle aussi tatillon dans la Ville rose. Frédéric Lordon a fait récemment une conférence dans une librairie archicomble à Toulouse : on entrait sans formalité. Que se passe-t-il donc ? Il se passe que Lordon est un intellectuel respecté et que les orateurs du 14 février à l’Institut Catholique sont pour la plupart des rédacteurs en chef ou directeurs de médias. Et que le thème de la soirée était « la défiance » (euphémisme) envers les médias. Voilà qui imposait un tel luxe de précautions et de contrôles. Huit journalistes et responsables de médias ne peuvent s’exprimer en un lieu paisible au centre de Toulouse sans protection de la police et de vigiles. Et, hélas, hélas, hélas ! ils ne veulent pas en voir les raisons, comme je vais le démontrer. Ils n’ont pas lu Bossuet : « Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles chérissent les causes. ».

A l’intérieur, dans une grande salle de cinéma, beaucoup de jeunes, d’étudiants et, surprise, trois gentils trublions qui ont eu la sagesse de n’enfiler leur gilet jaune qu’après le début de la rencontre (tiens, pourquoi ?). Au fond de la salle, l’estrade avec les 8 journalistes. La soirée va nous démontrer qu’ils parlent la même langue idéologique. Par conséquent, nous désignerons désormais ici cette équipe soudée et homogène sous le nom d’Estrade. Dans chaque allée latérale, deux vigiles costauds au visage fermé et une hôtesse chargée de distribuer le micro. Car, un animateur l’a rappelé d’emblée, la réunion sera un débat avec la salle, un débat dans la salle.
On va vite voir que ce débat est aussi authentique qu’un débat de maires avec Macron, quand il monopolise la parole ou confisque les micros.

L’invitation disait : « Crise politique et sociale, crise de confiance, crise de l’information… Dans un contexte inédit de défiance envers les médias… » Jusque-là, rien à redire : ça ressemble à un éclair de lucidité.

Mais l’éclair passé, le gris de l’enfumage se répand : « franceinfo vous invite à venir échanger avec sa rédaction […] L’occasion de dialoguer et d’échanger pour permettre aux auditeurs d’exprimer leurs attentes en termes d’information, d’explication et de repères sur les grands enjeux sociétaux »..

Qui sont les 8 journalistes ?

  • Eric Valmir, secrétaire général de l’information de Radio France
  • Vincent Giret, directeur de franceinfo
  • Estelle Cognacq, directrice de l’Agence franceinfo
  • Farida Nouar, grand reporter à franceinfo
  • Stéphane Iglesis, correspondant Radio France / franceinfo à Toulouse
  • Julien Corbière, rédacteur en chef de France Bleu Occitanie
  • Pierre Ginabat, directeur de l’EJT (école de journalisme de Toulouse)
  • Lionel Laparade, rédacteur en chef adjoint de la Dépêche du Midi.

Après une présentation des journalistes sous leur meilleur jour (c’est bien normal, là n’est pas le problème), le micro va être donné au public. Et ça va mal se passer. Les reproches, pour la plupart bien construits, fusent de toutes parts. Les réponses des journalistes provoquent souvent des remous. Des spectateurs de lèvent et crient, sans micro. L’un d’eux, se sentant insulté par une réponse, quitte la salle.

Très vite, en lieu et place du débat dans la salle on assiste à des questions critiques qui ont pour résultat la confiscation de la parole par l’Estrade où ils sont parfois deux ou trois à se passer le micro pour répondre. Longuement. Pour faire œuvre de « pédagogie » (le mot est lâché).

Du coup, la salle et l’Estrade perdent un peu leur sang froid. On entend monter des « menteurs », « Ce n’est pas vrai ! » ! Les reprochent montent des fauteuils, les justifications et satisfécits descendent de l’Estrade.

Un spectateur évoque la «  Charte de Munich » que les médias ne respectent pas. Qu’es aco ? Un étudiant (qui confiera en aparté à son voisin qu’il est dans sa 3ème année d’étude de journalisme et qu’il n’a jamais entendu parler de ça) pose la question. L’Estrade, très vite, avant d’enchaîner fissa sur autre chose : « C’est sur les droits des journalistes ». Textuel ! Point final, circulez, il n’y a rien à lire. Il faudrait se lever et crier encore « Menteur ! ».

La Charte fixe surtout des DEVOIRS, des devoirs sur lesquels s’asseyent les médias et que les 8 de l’Estrade ont bafoués dans la soirée, comme va le voir. La Charte fixe 10 devoirs et 5 droits. Certains de ces droits sont d’ailleurs des devoirs : refuser la subordination, refuser d’exprimer une opinion contraire à sa conscience...

La CHARTE de Munich (1971).
« Déclaration des devoirs et des droits des journalistes ».
....Déclaration des devoirs
Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rédaction et le commentaire des événements, sont :
1) respecter la vérité, quelles qu’en puissent être les conséquences pour lui-même, et ce, en raison du droit que le public a de connaître ;
2) défendre la liberté de l’information, du commentaire et de la critique ;
3) publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ;
4) ne pas user de méthodes déloyales pour obtenir des informations, des photographies et des documents ;
5) s’obliger à respecter la vie privée des personnes ;
6) rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte ;
7) garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ;
8) s’interdire le plagiat, la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression d’une information ;
9) ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; n’accepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ;
10) refuser toute pression et n’accepter de directives rédactionnelles que des responsables de la rédaction.Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir d’observer strictement les principes énoncés ci-dessus ; reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste n’accepte, en matière d’honneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, à l’exclusion de toute ingérence gouvernementale ou autre.

Si la charte des journalistes était enseignée et respectée, les journalistes pourraient organiser leurs réunions sans une escouade de gros bras et de policiers.

L’Estrade, dès le début de la rencontre, se lance dans une attaque des réseaux sociaux qui colportent des rumeurs et des mensonges « comme ceux sur les vaccins responsables de la sclérose en plaque ». Dans le public, un homme qui se présente comme un gilet jaune (mais sans gilet) objecte que dire LES réseaux sociaux, c’est comme dire les noirs, les arabes, les juifs, les blondes… Il objecte que, des charniers de Timisoara aux pédophiles d’Outreau en passant par les Armes de destruction massives de Saddam Hussein, les médias installés et payants ont produit beaucoup de fake news et que celui sur l’Irak a fait des centaines de milliers de morts et détruit un pays. Il rappelle que si des rumeurs ont pu laisser croire que les gilets jaunes sont d’extrême droite, d’extrême gauche, complotistes, violents, antisémites, manipulés par les Russes (rires dans la salle), c’est parce que les médias ont diffusé sans broncher ces bobards du gouvernement.

Un gilet jaune obtient le micro. Il incrimine les médias sur le traitement qu’ils font des manifestations, sur la question de la violence. Son indignation va étrangler sa voix ; il doit s’interrompre un moment. L’Estrade : « Calmez-vous monsieur, vous reprendrez après ». Un spectateur : « Se calmer ? Mais il n’est pas énervé. Il est ému ».

Un étudiant en journalisme, précisant prudemment qu’il parle sous l’œil du directeur de l’école : « Cette méfiance envers les médias, cette hostilité, depuis quand existe-t-elle, quand est-ce que ça a buggé ? ». Réponses baratins : réseaux sociaux, manque d’éducation du public, défaut de pédagogie.

On est en plein dans le péché-mignon du macronisme. Si ça ne va pas, si on ne nous aime pas, c’est qu’on s’est mal expliqués, c’est (implicitement) parce que les gens ne sont pas formés à lire une information, une photo, une vidéo. Et voici que dégringole le cours magistral sur les vidéos diffusées par des réseaux sociaux qui ne sont pas fiables parce qu’on n’a pas vu ce qu’il y avait avant et ce qu’il y avait après. Combien sont-ils dans la salle, à savoir que la troncature des vidéos et des textes est une spécialité des médias mainstream ? Et nous allons en donner plus bas un exemple à charge contre un journaliste de l’Estrade.

Revenons aux gilets jaunes présents dans la salle. Approuvés par une partie des invités, ils s’insurgent contre les violences policières à Toulouse, les gazages systématiques et les comptes-rendus des médias. Un journaliste toulousain de l’Estrade : « Blabla, gentils gilets jaunes pacifiques, mais il y a les casseurs. Quand explosent les grenades, on ne sait pas qui a commencé » (c’est comme les vidéos, quoi !). Remous dans la salle, des exemples de gazage sans raison sont donnés. Sous prétexte du doute, le journaliste toulousain persiste à absoudre les forces de police. Or, s’il exerce à Toulouse, comment peut-il ignorer cette blague qui court chez les gilets jaunes, tous les samedis aux premiers tirs de grenades : « Ah, il est 16h30 ! ». Comment n’a-t-il jamais vu les CRS foncer dans un cortège pour le scinder, à grands renforts de grenades ? Comment n’a-t-il jamais vu les CRS tirer au lance-grenade d’une rive du canal à l’autre, sur les petits groupes ne sachant plus où fuir ?

L’Estrade fait face, fait bloc, fait clan, fait caste. Elle contre -attaque, comme sur un plateau de BFMTV.
Dans le brouhaha, on entend « Et la Palestine, pourquoi ne parlez-vous jamais ou si peu de la violence en Palestine ».
L’Estrade ne répond pas aux cris des invités sans micro. Palestine ? Circulez…
L’Estrade trouve quand même le moyen d’évoquer au passage le Venezuela (mais surtout pas l’Arabie Saoudite).
L’Estrade parle de l’objectivité des médias, ce leurre, alors que ce qui est attendu, c’est la vérité, l’honnêteté.

Le débat annoncé dans la salle n’a pas eu lieu. Le débat entre elle et l’Estrade a été truqué, chaque interrogateur recevant quasi systématiquement de longues leçons en guise de réponses, par plusieurs interpellés. Le déséquilibre était flagrant entre les « sachants » et les « apprenants ».

Et voici que l’Estrade, n’y tenant plus, jette le masque : une journaliste, faisant apparemment l’unanimité parmi ses complices, déblatère sur le désastre économique, la ruine des commerçants du centre ville à cause des manifs du samedi. Et paf pour les gilets jaunes présents à qui le micro ne sera pas redonné pour qu’ils répondent à cette vile attaque ! Et donc, personne pour rappeler que, dans tous ce pays, les commerçants des centres villes ont été ruinés par dizaines de milliers avec l’installation de commerces géants, les grandes surfaces en périphérie. Personne pour suggérer que si les pauvres étaient moins pauvres, ils deviendraient des clients dans les villes. Et personne pour dire que la tentative d’instrumentaliser les commerçants en leur faisant apposer sur leur vitrine un pathétique écriteau « Commerce à vendre » a été un échec. Personne pour dire qu’on voit des commerçants exposer des gilets jaunes dans des vitrines.

L’invitation au public toulousain aurait été moins trompeuse, libellée ainsi : « Cours de formation pour la lecture d’un texte et des images, pour le repérage des médias suspects (les réseaux) et pour apprécier l’impartialité des médias subventionnés qui ne sont pas parfaits, mais c’est compliqué et on fait ce qu’on peut, c’est mieux qu’au Venezuela, la violence jaune c’est pas bien et arrêtez de ruiner les commerces ».

Une dernière chose : un intervenant ayant prétendu que neuf milliardaires détiennent l’essentiel des médias et que celui qui a acheté l’orchestre choisit la musique, il n’a pas obtenu une démonstration contraire. Mais un journaliste a dû concéder que sans pub, les journaux n’étaient pas viables.

L’exemple nous montre d’ailleurs ces jours-ci avec l’Humanité (mais cela ne fut pas dit) qu’il faudrait créer un service public de la presse afin que la presse d’opinion puisse vivre.
Après presque 2h30 de « débat » le modérateur a invité les spectateurs qui le souhaitaient à venir dialoguer en aparté avec les journalistes au pied de l’Estrade, sans micro. Des étudiants, n’ayant aucune raison de ne pas approcher des futurs employeurs, sont allés vers eux. Les pas convaincus, eux, ont dialogué à l’autre bout ou sont partis.

L’impression générale est que, pas plus que Macron avant le mois de novembre 2018, les journalistes présents ne sentaient la profondeur du rejet dont ils font l’objet. Macron n’a pas compris, qu’à tordre un pays, on arrive à un point de rupture ; il est impossible ensuite de recoller. Les médias mainstream en sont là. Mais, le 14 février 2019 à Toulouse, ils semblaient croire que tout est la faute des réseaux et de l’illettrisme médiatique du peuple.

C’est pathétique et inquiétant pour eux, mais surtout pour les jeunes qui vont embrasser un métier qui aura été pourri par leurs aînés.

Gilou HIELEAU

SUPPLEMENT

Jouant sur son terrain, Lionel Laparade le rédacteur-adjoint de la Dépêche du Midi était prolixe et sûr de lui. La preuve, aucun de ses 7 comparses ne fit état du moindre manquement de la Dépêche du Midi à la Charte de Munich et singulièrement à son article 3 des devoirs : « Publier seulement les informations dont l’origine est connue ou les accompagner, si c’est nécessaire, des réserves qui s’imposent ; ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents ».

Faisons-le ici à leur place.
Un lecteur de la Dépêche me confiait récemment que Lionel Laparade avait écrit 8 articles de suite, à charge contre Mélenchon. Du coup, je suis allé voir qui était ce journaliste et voici ce que j’ai trouvé sur son compte twetter.

Par ce premier tweet, ci-dessous, il répondait avec élégance, modération, sans parti-pris ni manifestation de détestation, à Alexis Corbière qui avait déclaré sur BFMTV : « Personne dans mon camp n’appelle à casser la gueule aux journalistes ».

Message privé
@LLaparade 25 nov. 2018
Mais quel faux-c..! Quand #Mélenchon parle de " haine juste et saine des médias et de ceux qui les animent", de "pourrir les journalistes de France Info", ne pousse-t-il pas au crime ?

Notez que Lionel Laparade écrit ça le 25 novembre 2018. Depuis 9 mois, Jean-Luc Mélenchon ne cesse dans les médias de préciser que la phrase qui lui est imputée fait l’objet d’une double troncature (au début et à la fin) qui en dénature le sens. Le 26 février 2018, il a en effet écrit : «  Si la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine, elle ne doit pas nous empêcher de réfléchir et de penser notre rapport à eux comme une question qui doit se traiter rationnellement dans les termes d’un combat ».

Autrement dit, loin d’encourager des pulsions criminelles, Mélenchon appelle à un traitement ra-tion-nel. Un détour vers un dictionnaire ? « Rationnel : fondé sur la raison, qui n’a rien d’empirique, déterminé par des calculs ou des raisonnements. Conforme au bons sens… ».

Alléché par cette trouvaille, j’ai regardé si Lionel Laparade avait effectivement ciblé 8 fois le leader de la France Insoumise.

Lisons son compte Tweeter :

18 oct. 2018 18 oct. 2018#Melenchon se moque de l’accent de #Toulouse : "bouducon", nos internautes sont furieux !

18 oct. 2018 Quand Jean-Luc #Mélenchon se moque de l’accent de #Toulouse -

Plus
7 novembre 2018 : Rien ne va plus pour #Mélenchon, moins populaire que #Hamon et #Hollande.

Plus
22 novembre 2018 « Canal Fi », nouvelle chaîne de la France insoumise : la voix de son maître.

27 novembre 2018 : Sophia Chikirou (LFI) dérape : Aucune compassion pour les journalistes agressés. « … Sophia Chikirou, épousant ainsi la théorie du chef sur « la haine juste et saine des médias et de ceux qui les animent ».

Plus
29 novembre 2018. « Opportuniste, récupérateur » : les #GiletsJaunes ne veulent pas de #JLMelenchon samedi à Paris. Dégage ! » : ces Gilets jaunes qui ne veulent pas de Mélenchon samedi sur les Champs Elysées.

30/11/2018 « Gilets jaunes : Mélenchon renonce aux Champs-Elysées et se replie à Marseille ».

Résumé  : Jean-Luc Mélenchon pousse au crime, il se moque des Toulousains, rien ne va plus pour lui, il n’est pas populaire, il a une télé « voix ce son maître », il est opportuniste et récupérateur, les gilets jaunes ne voulant pas de lui il renonce et se replie. Son proche collaborateur est un faux-cul.

Rappel de la Charte de Munich pour Lionel Laparade :
« … ne pas supprimer les informations essentielles et ne pas altérer les textes et les documents… rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte…s’interdire la calomnie, la diffamation, les accusations sans fondement… ne jamais confondre le métier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste…

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