RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Accord FMI-Argentine : La politique de « l’austérité expansionniste » fonctionnera-t-elle ? (CEPR)

Depuis juillet 2018, le Fonds monétaires international (FMI) a versé à l’Argentine plus de 20 milliards de dollars sur un total de 56,3 milliards de dollars de prêts. Le gouvernement argentin est aujourd’hui le principal bénéficiaire des fonds du Compte des ressources générales (CRG) du FMI. L’objet du présent rapport est d’examiner dans quelle mesure les politiques convenues par le FMI et le gouvernement argentin dans l’Accord de confirmation (AC) de juin dernier sont censées provoquer une reprise économique, et si elles ont des chances de réussir.

PRÉSENTATION DU RAPPORT :

Programme du FMI en Argentine : son efficacité mise en doute dans un nouveau rapport.

Les prévisions du FMI pour une reprise économique rapide se sont déjà montré inefficaces par le passé.

Washington, DC (décembre 2018) - Un nouveau rapport du Center for Economic and Policy Research (CEPR) examine le programme du FMI pour l’Argentine approuve en juin dernier (révise en octobre) et souligne des signaux de danger à venir. Le document, co-rédigé par l’économiste et codirecteur du CEPR Mark Weisbrot et l’économiste Lara Merling, conclut que les plans du FMI visant à « rétablir la confiance du marche », fondés sur l’austérité budgétaire et monétaire, ont peu de chances de réussir.

« En octobre, le FMI et le gouvernement argentin ont décidé de doubler la réduction du déficit et de resserrer la politique monétaire, après que l’économie eut connu des résultats bien pires que ce qui avait été prévu en juin », signale Mark Weisbrot. « Mais peut-être devraient-ils reconsidérer ce qui s’est mal passé. »

Le FMI, après avoir conclu en juin dernier un accord de prêt de 50 milliards de dollars avec l’Argentine en pleine crise financière, avait prédit que l’économie se redresserait rapidement et afficherait une croissance positive (0,4 %) pour cette année et l’année prochaine (1,5 %). Quatre mois plus tard, le Fonds prévoyait une croissance négative de 2,8 % pour 2018 et négative de 1,7 % pour l’an prochain. Les erreurs de prévision pour les deux années étaient très importantes : 3,2 % du PIB.

Les prévisions relatives à l’inflation, aux taux d’intérêt et au ratio de la dette au PIB ont aussi été revues et révèlent une situation à venir bien pire encore.

« Le problème, c’est que ‘l’austérité expansionniste’ ne fonctionne pas », signale Mark Weisbrot. « Le programme du FMI est centré sur le ‘renforcement de la confiance du marché’, mais les récessions n’instaurent généralement pas cette confiance. Et il n’y a aucun désaccord sur le fait que les politiques mises en œuvre par l’Argentine dans le cadre du programme sont en train de ralentir l’économie. »

Le FMI s’attend maintenant à ce que l’économie commence à se redresser au deuxième trimestre de l’année prochaine, mais les auteurs du rapport considèrent ce pronostic excessivement optimiste. La reprise de l’année prochaine repose entièrement sur la croissance des exportations nettes, selon les prévisions du FMI, mais les auteurs notent qu’il existe actuellement de nombreux risques de dégradation de la croissance mondiale, notamment les hausses continues des taux d’intérêt de la Fed [la banque centrale des États-Unis, ndt], les frictions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine et la volatilité des marches financiers.

L’Accord de confirmation et la révision d’octobre soulignent tous deux que l’un des principaux objectifs du programme est de « protéger les citoyens argentins les plus vulnérables du fardeau de ce nécessaire programme de réajustement ».

Mais les auteurs du rapport manifestent :

« Compte tenu de la perte de revenus pendant la récession et des pressions exercées pour réduire les dépenses afin d’atteindre les principaux objectifs budgétaires du programme, il est presque certain que cela ne se produira pas. Des millions d’Argentins connaîtront des souffrances et des difficultés accrues à mesure que le chômage et la pauvreté augmenteront avec la récession. Si le gouvernement s’en tient aux objectifs du programme - ou les intensifie, comme en octobre - il y a un risque de récession prolongée... »

Le rapport signale :

« le gouvernement a commis un certain nombre d’erreurs qui ont contribué à la crise. La première a été l’accumulation rapide de dette en devises étrangères, qui est passée de 35 % du PIB en janvier 2016, un mois après l’entrée en fonction du président Macri, à plus de 60 % du PIB en avril de cette année, juste avant que la crise financière éclate. Puis, lorsque la crise a frappé, le gouvernement a dépensé environ 16 milliards de dollars pour essayer de soutenir le peso, qui avait perdu environ 52,3 % de sa valeur par rapport au dollar au 28 septembre. »

Weisbrot remarque que le FMI, s’il était intervenu en temps opportun, aurait pu jouer un rôle de soutien en tant que préteur de dernier recours auprès de l’Argentine lorsqu’elle faisait face a une crise financière en mai.

« Mais en essayant de réduire l’inflation et le déficit des transactions courantes en contractant l’économie, l’accord du FMI a introduit un nouvel ensemble de risques, de déséquilibres et de difficultés », indique Mark Weisbrot.

CONCLUSION DU RAPPORT (pages 17-18) :

La fuite des capitaux qui s’est accélérée au début du mois de mai a fait comprendre la nécessite pour le gouvernement de modifier sa stratégie. Il est nécessaire de faire baisser l’inflation pour mettre un terme à la spirale de dépréciation du peso et d’augmentation des prix, ces dynamiques s’alimentant mutuellement ; à mesure que le peso se déprécie, les prix à l’importation augmentent, ce qui augmente l’inflation et provoque des raisons supplémentaires de délaisser le peso. Comme nous l’avons vu, la dépréciation du peso accroit également le fardeau que représente l’importante et croissante part des devises étrangères dans la dette. Le gouvernement doit également enrayer la croissance du déficit de la balance courante.

Mais le programme soutenu par le FMI s’attaque à ces problèmes principalement en contractant l’économie. Cela a crée un nouvel ensemble de risques et de problèmes qui peuvent rendre encore plus difficile la résolution des autres déséquilibres. Comme nous l’avons vu, les projections du Fonds pour un redressement rapide commençant quelques mois seulement après la mise en œuvre de son programme en juillet étaient très éloignées de la réalité. Le gouvernement et le Fonds ont ensuite double et intensifie à la fois le resserrement budgétaire et monétaire. Il y a de bonnes raisons de penser que la reprise prévue pour le deuxième trimestre de l’année prochaine - c’est à dire dans quelques mois - se révélera également être trop optimiste.

L’Accord de confirmation et la révision d’octobre soulignent tous deux que l’un des principaux objectifs du programme est de « protéger les citoyens argentins les plus vulnérables du fardeau de ce nécessaire programme de réajustement ». [38] Toutefois, compte tenu de la perte de revenus pendant la récession et des pressions exercées pour réduire les dépenses afin d’atteindre les principaux objectifs budgétaires du programme, il est presque certain que cela ne se produira pas.

Des millions d’Argentins connaitront des souffrances et des difficultés accrues à mesure que le chômage et la pauvreté augmenteront avec la récession. Si le gouvernement s’en tient aux objectifs du programme - ou les intensifie, comme en octobre - il y a un risque de récession prolongée comme ce fut le cas dans d’autres pays qui ont tenté une de mettre en place des politiques d’« austérité expansionniste ». [39]

De 1998 a 2002, l’Argentine a connu une période de profonde dépression économique provoquant la perte de plus de 20 % de son PIB et un taux de pauvreté passant de 18,2 % à 42,3% de la population. [40] Le chômage a atteint un pic à 21,5%. [41] La grande majorité de ces pertes sont survenues avant la dévaluation (décembre 2001) et le défaut de paiement (janvier 2002), alors que les autorités - dans le cadre d’accords avec le FMI pendant une grande partie de cette période - avaient tenté d’amorcer une reprise économique grâce à des mesures de resserrement budgétaire et monétaire.

Contrairement à la fin du siècle dernier, l’Argentine n’a pas atteint aujourd’hui le point ou sa dette publique est impayable, bien que le FMI estime que « la dette reste soutenable, mais pas à un fort taux de probabilité ». [42]

Le gouvernement n’est pas non plus bloqué par une monnaie surévaluée et un système de convertibilité voué à l’échec, comme c’était le cas auparavant. Mais la situation pourrait s’aggraver considérablement si l’assainissement budgétaire et le resserrement monétaire actuels, ainsi que la récession qui les accompagne, ne parviennent pas à inspirer la confiance des marchés qui est visée.

La récession pourrait être plus profonde et/ou beaucoup plus longue que prévu, et si l’assainissement budgétaire se poursuit, l’économie pourrait se retrouver prise dans un piège ou le fardeau de la dette augmente avec l’austérité. Pour toutes ces raisons et d’autres encore, les politiques macroéconomiques prescrites dans le programme du FMI ne valent pas les risques et les coûts humains qu’elles vont provoquer, et des alternatives excluant la récession devraient être recherchées pour résoudre les déséquilibres actuels.

Mark Weisbrot et Lara Merling pour le Center for Economic and Policy Research - CEPR - http://cepr.net (décembre 2018).

###

Le CEPR est un think-tank progressiste étasunien basé à Washington.
Pour consulter le rapport complet (en anglais) > http://cepr.net/images/stories/reports/argentina-imf-2018-12.pdf

Traduit par Luis Alberto Reygada (@la_reygada) pour l’Observatoire Politique de l’Amérique latine et des Caraïbes OPALC/Sciences-Po

»» https://www.sciencespo.fr/opalc/sit...
URL de cet article 34408
   
Pierre Lemaitre. Cadres noirs.
Bernard GENSANE
Contrairement à Zola qui s’imposait des efforts cognitifs démentiels dans la préparation de ses romans, Pierre Lemaitre n’est pas un adepte compulsif de la consultation d’internet. Si ses oeuvres nous donnent un rendu de la société aussi saisissant c’est que, chez lui, le vraisemblable est plus puissant que le vrai. Comme aurait dit Flaubert, il ne s’écrit pas, pas plus qu’il n’écrit la société. Mais si on ne voit pas, à proprement parler, la société, on la sent partout. A l’heure ou de (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Le pire des analphabètes, c’est l’analphabète politique. Il n’écoute pas, ne parle pas, ne participe pas aux événements politiques. Il ne sait pas que le coût de la vie, le prix de haricots et du poisson, le prix de la farine, le loyer, le prix des souliers et des médicaments dépendent des décisions politiques. L’analphabète politique est si bête qu’il s’enorgueillit et gonfle la poitrine pour dire qu’il déteste la politique. Il ne sait pas, l’imbécile, que c’est son ignorance politique qui produit la prostituée, l’enfant de la rue, le voleur, le pire de tous les bandits et surtout le politicien malhonnête, menteur et corrompu, qui lèche les pieds des entreprises nationales et multinationales. »

Bertolt Brecht, poète et dramaturge allemand (1898/1956)

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.