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Fusion Carrefour Casino, quelles conséquences ?

Alors que six grands groupes et quatre « méga-centrales » d’achat contrôlent déjà aujourd’hui 90 % de la grande distribution alimentaire française, est-il vraiment nécessaire de réaliser une fusion de plus qui se réaliserait, à l’évidence, au détriment de la filière agricole et des salariés du secteur ?

L’éventualité d’un rapprochement entre les groupes Carrefour et Casino a ressurgi fin septembre après un échange de communiqués contradictoires entre les deux groupes. Une telle fusion, si elle se réalisait, pousserait la concentration de la grande distribution alimentaire en France, déjà très forte, à un niveau inégalé.

Un marché déjà très concentré

Quelle est en effet la situation aujourd’hui ? Selon l’Insee, près des deux tiers des produits alimentaires sont aujourd’hui achetés en grandes surfaces. Les enseignes de la grande distribution totalisent même près des trois quarts de l’ensemble du commerce alimentaire en magasin (hors vente à distance, sur les marchés, à la ferme, etc.). Cette position dominante sur le marché de l’alimentation est aujourd’hui partagée entre six grands groupes (Leclerc, Carrefour, Intermarché, Casino, Système U et Auchan), lesquels détiennent ensemble 90 % de la grande distribution alimentaire française. Pour mesurer la vitesse de la consolidation du secteur, il suffit de se souvenir qu’il y a quinze ans à peine, dix enseignes se partageaient la moitié seulement de la distribution alimentaire.

La puissance d’achat et le pouvoir de négociation auprès des fournisseurs, producteurs agricoles et entreprises agroalimentaires, sont même encore plus concentrés, puisque ces grands groupes ont décidé, depuis quelques années, de mettre leurs achats en commun pour peser encore plus sur les prix. Aujourd’hui, après de récents renversements d’alliances, ces partenariats unissent Carrefour et Système U d’un côté, Casino et Auchan de l’autre, et peut-être bientôt Leclerc et Intermarché. Trois ou quatre « méga-centrales » contrôlent donc les achats de 90 % des produits alimentaires achetés en magasin.

« Les groupes de distribution traditionnels considèrent les opérations de consolidation comme une solution défensive par les biais desquelles ils combinent leurs forces en vue de dégager plus de synergies au niveau des achats en exerçant plus de pressions sur les principaux fournisseurs », soulignent les analystes de la Société Générale dans Zone Bourse. Le rapport de forces entre les producteurs et les distributeurs a-t-il besoin d’être encore plus déséquilibré ? L’oligopole qui fixe les prix dans les rayons et impose ses conditions aux petits producteurs agricoles doit-il être encore réduit d’une unité ? Le goulot d’étranglement entre les 400 000 agriculteurs et les 17 000 entreprises de l’agroalimentaire (dont 98 % sont des PME ou des TPE) d’un côté et les 67 millions de consommateurs de l’autre doit-il être encore plus étroit ? On ne voit pas trop qui pourrait sérieusement défendre une telle évolution.

Des conséquences sociales dramatiques

Mais un regroupement Carrefour-Casino n’affecterait pas seulement les acteurs de la filière agricole. Les conséquences sociales pourraient être également dramatiques. « En additionnant les chiffres d’affaires des deux groupes, on arrive au total non négligeable de 120 milliards d’euros. Voire plus si l’on élargit le périmètre aux ventes sous enseignes, ce qui rajouterait une vingtaine de milliards », évalue le magazine spécialisé LSA. Un total qui placerait, virtuellement, le nouvel ensemble au deuxième rang du top mondial des distributeurs, derrière l’intouchable américain Walmart, mais devant les autres groupes étasuniens Costco et Kroger. Mais cette extrapolation qui fait rêver certains analystes reste purement théorique. Car Carrefour et Casino réalisant chacun la moitié de leur activité en France, le nouvel ensemble devraient inévitablement procéder à des cessions massives de magasins, pour d’évidentes raisons de droit de la concurrence sur certaines zones de chalandise, sans oublier la présence de multiples doublons.

La part de marché cumulée des deux groupes en France atteindrait en effet 33 %, calculent les spécialistes, avec « des positions de marché dominantes sur nombre de zones de chalandise dans la région parisienne, ce qui pourrait entraîner des cessions de magasins », selon les analystes de la Société Générale. Un problème de concurrence qui se poserait également au Brésil où les deux groupes se disputent le leadership. Pour Bruno Monteyne, analyste financier chez Bernstein interrogé par BFM Bourse, « cela soulève des problèmes insurmontables au plan de la concurrence : sur le segment des magasins de proximité, Casino et Carrefour détiennent à eux deux 72% de parts de marché ». Casino opère en effet sur le segment de proximité via Monoprix, Franprix, Leader Price, Spar ou Petit Casino, quand Carrefour est présent via Carrefour City, Carrefour Express, Carrefour Contact, 8 à Huit ou Proxi. Une fusion intégrale des deux groupes ne saurait donc être acceptée qu’au prix de nombreuses cessions et sans doute de fermetures de magasins.

Des conséquences sociales qui inquiètent sérieusement les syndicats, d’autant que les « synergies » et les « réductions de coûts » recherchées par une telle fusion entraîneraient également des milliers de suppressions d’emplois au niveau des différentes fonctions du siège.

Mélanie Gauthier

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