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La victoire emblématique des ouvrières d’Yves Rocher au Burkina Faso, par Jacqueline Pénit-Soria.


Aujourd’hui, la journée internationale des femmes est célébrée dans le
monde entier le 8 Mars. L’idée de choisir le 8 mars, date anniversaire
de la grève des ouvrières du textile de 1857 à New-York revient à Clara
Zetkin, grande figure du féminisme et du socialisme très en en avance
sur son temps. Elle voulait rendre visible le rôle important joué par
les femmes dans les luttes sociales : elle fait adopter cette
proposition par l’Internationale des femmes socialistes en Août 1910,
puis par le congrès de la IIème Internationale qui l’adopte. D’où le
symbole de cette date, qui rattache les luttes des femmes à l’histoire
d’un grand courant international qui a organisé le monde du travail.


Mettre en lumière, aujourd’hui 8 Mars 2006, la portée symbolique de la
lutte récente des « Gaciliennes », les ouvrières Burkinabés d’Yves
Rocher procède du même esprit. Car aujourd’hui, la surexploitation des
femmes des pays du Sud par les entreprises du Nord est un élément clé de
la mondialisation néolibérale. Même si ce n’est pas toujours bien perçu
par les analystes, il s’agit d’une donnée structurelle de la
mondialisation actuelle.

Quand à la mi-janvier, la nouvelle de leur victoire est arrivée, nous
avons eu du mal à y croire, tant la lutte paraissait inégale. Dans un
des pays les plus pauvres du monde, où 45% de la population vit en
dessous du seuil de pauvreté, 133 ouvrières d’ une filiale d’Yves
Rocher, la Gacilienne, venaient de faire plier le leader mondial de la
cosmétologie d’origine végétale. Yves Rocher a cédé devant le courage et
de la détermination des Gaciliennes, mais aussi grâce à la campagne de
solidarité que nous avons organisée en France .


La lutte :

Présent dans 88 pays, le groupe Yves Rocher totalise un chiffre
d’affaires de 2 milliards d’euros. Son slogan publicitaire : « Un
groupe et des marques unies par une même passion : rendre le quotidien
de la femme plus agréable »
. Une réclame peu appréciée par les 133
ouvrières de La Gacilienne qui depuis neuf ans, dans des conditions
scandaleuses, fabriquaient des sachets de plastique et des rouleaux de
tombola qu’Yves Rocher distribue à ses clientes.

Dans un entrepôt mal
éclairé, mal ventilé, les femmes sont serrées sur des bancs. Les
"bavardages" sont interdits sous peine de suppression d’une demi-journée
de salaire. Un retard de quelques minutes occasionne une mise à pied
allant de sept à dix jours. A ces pratiques d’un autre temps s’ajoutent
l’absence de congés maternité, la non prise en compte des heures
d’allaitement dans le paiement des salaires, les horaires à rallonge et
des cadences intenables.

Les périodes de production intenses sont
suivies de longues semaines de chômage technique, impayées. Du coup, la
rémunération moyenne des femmes n’excède pas 15 € par mois, soit un
tiers du salaire minimum légal au Burkina Faso. Rapidement, la majorité
des ouvrières se rassemblent pour que l’on respecte d’abord leur dignité
de femmes, adhérent à la CGT-B, le principal syndicat du pays, et sont
soutenues par l’association populaire de femmes Kebayna.

Alors qu’elles demandent le simple respect du code du travail, le 1er
août 2005, Yves Rocher ferme l’usine sans explication ni préavis. Les
133 ouvrières se retrouvent sans rémunération ni moyen de subsistance.
Pendant quatre mois, les ex-employées vont se battre pour obtenir le
versement d’indemnités décentes. Mais le groupe Yves Rocher refuse
d’ouvrir une vraie négociation, pariant sur l’essoufflement du mouvement.


La campagne de solidarité

Pendant ce temps, en France, la solidarité s’organise à l’initiative du
groupe "coordination de femmes pour l’égalité". Une campagne de
signatures organisée devant les magasins d’Yves Rocher auprès de ses
clientes recueille 7000 signatures. Plusieurs medias relaient
l’information. La pétition reçoit le soutien d’une cinquantaine
d’associations féministes, de sections syndicales et d’associations de
solidarité Nord -Sud et des milliers de cartes postales, sont envoyées,
individuellement à Y. Rocher

A quelques jours de l’ouverture du FSM de Bamako, que les ouvrières
avaient décidé d’utiliser comme tribune, Yves Rocher ouvre de vraies
négociations : le succès de la campagne mettait en danger son image de
marque. L’accord signé équivaut au plan matériel, à environ 30 mois de
salaire, un « résultat inédit » comme le souligne le communiqué de la
CGT-B.

Dans cette victoire de David contre Goliath, il faut analyser ce qui
s’est joué.
Au Burkina Faso, depuis l’assassinat en 1998 de Norbert Zhongo, un
puissant mouvement populaire s’est mis en mouvement pour obtenir le
châtiment des meurtriers. Le syndicat CGT-B y a joué un rôle
important. et des droits démocratiques ont été obtenus, ce qui offre un
contexte moins défavorables aux luttes. Les ouvrières d’Yves Rocher
se sont syndiquées et elles ont trouvé dans l’association KEBAYNA un
soutien vital : après leur licenciement, cette association populaire de
femmes leur a permis de rester unies, de tenir au quotidien. Cette
convergence a été déterminante.

Il faut aussi souligner l’originalité de la campagne de solidarité
organisée en. France. Partie de la base, cette campagne a été pour la
première fois l’occasion d’une action commune de féministes et de
sections syndicales, jusqu’alors impliquées dans un militantisme
essentiellement local. Dans plusieurs régions, les militantes féministes
d’Attac ont joué un rôle déterminant.

La plupart de ceux et de celles qui ont initié la campagne avaient déjà 
travaillé ensemble, notamment au printemps 2005, dans la campagne du NON
au TCE. La dynamique unitaire qui avait permis la victoire du 29 mai
n’était pas morte et une forme originale de solidarité internationale
s’organisait et devait PAYER .

La victoire des Gaciliennes a donc une portée considérable. Pour la
première fois dans une lutte du Sud, des féministes et des
syndicalistes du Nord se sont unis pour organiser la solidarité. On peut
citer comme précédents les campagnes de soutien aux ouvrières des
maquiladoras du Mexique et contre la surexploitation dans les usines
NIKE, mais ces campagnes étaient menées séparément par des féministes ou
des organisations humanitaires. Tout le monde sort renforcé de cette
victoire. A Ouagadougou, elle a eu un impact considérable. En France,
elle nous a encore une fois montré que c’est dans l’unité,
concrètement, que l’on gagne... Les féministes ont appris à travailler
avec d’autres mouvements impliquées dans cette campagne. L’image des
syndicalistes qui, au siège d’Yves Rocher en Bretagne, se sont mis en
avant, est sortie renforcée : un atout important pour les luttes qu’ils
mèneront ici, demain, contre le même patron.

Vive les Gaciliennes et vive la solidarité internationale !!


Ils et elles ont soutenu la campagne !!

Des feministes : Coordination des Groupes de Femmes"Egalité",
Commission "Femmes, Genre et Mondialisation "ATTAC,Collectif Féministes "Ruptures", SOSSexisme, Association Femmes Solidarité(Strasbourg), Centre d’orientation, de documentation et d’information des femmes (Marseille), Espace Simone de Beauvoir (Nantes), Femmes Solidaires (Nantes et St Nazaire), MNFP (67 et 43), Rien sans Elles (Brest) , Mix-cité (Rennes), CNDF, Marche Mondiale des Femmes.

Des associations : Afrique XXI, AFASPA, ATTAC France, COFANZO, Droit au Logement, MBDHP France, Peuples Solidaires, SURVIE, Réseau international CADTM, Centre d’Information Inter Peuples (Grenoble), Les Motivé(e)s (Toulouse), Association des Tunisiens en France, Euromed, Union des Familles Laïques.

Des Syndicats : UL CGT Massy (91), UL CGT Sainte-Geneviève-des-Bois (91), Syndicat CGT Yves Rocher S.A. La Gacilly (56), Fédération Nationale des Industries de la Chimie CGT, UD CGT 91, Union Syndicale SOLIDAIRES, CNT (international), Fédération Sud PTT, Syndicat SUD-ANPE Rhône-Alpes, SNAD CGT Pays de la Loire, CNT Interco Nantes, UL CGT Villefranche (69), Solidaires (91), CGT PTT (91),CGT Tyco Electronics France, UL CGT du Grésivaudan, Sud PTT (56), Solidaires (56), Sud Trésor (56), Collectif Egalité- Mixité UD CGT 44.

Jacqueline Pénit-Soria, animatrice de la Commission "Femmes, genre et
Mondialisation d’Attac", genre@attac.org...


 Source : Attac info N° 543 de 7 mars 2006.
http://attac.org
journal@attac.org.


Iran, la longue marche des femmes, par Marina Forti.

Esclaves pour l’ONU.



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L’Eglise et l’école, de Marceau Pivert
La laïcité séduit au XIXe siècle une bourgeoisie soucieuse de progrès et d’efficacité. Les socialistes en font également leur cheval de bataille. La séparation de l’Église et de l’École puis de l’Église et de l’État en 1905 en est le symbole, mais ce fragile compromis est bientôt remis en cause. Face à une contestation grandissante, la bourgeoisie et l’Église s’allient pour maintenir l’ordre social, politique et moral. Depuis les années 1920, leur offensive conjointe reprend une à une les (…)
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