RSS SyndicationTwitterFacebookFeedBurnerNetVibes
Rechercher

Libéria. L’armée sous tutelle américaine, par Monique Mas.



RFI, 15 février 2006.


Annoncées cette semaine par Ellen Sirleaf, l’arrivée d’un conseiller militaire américain auprès du gouvernement et la nomination d’un général nigérian à la tête de l’armée ne doivent rien à son autorité présidentielle de chef suprême des armées. En la matière, les centres de décisions sont à Washington. Les Etats-Unis se sont en effet réservés la haute-main sur la restructuration de l’armée, qu’ils sous-traitent à une compagnie de sécurité privée américaine, Dyncorp International. Après quatorze ans d’une guerre sanglante et destructrice, les bailleurs de fonds ont décidé un Programme d’assistance pour la gouvernance et la gestion économique (Gemap) de trois ans, qui place sous tutelle internationale les nouvelles autorités et les administrations sensibles, les Etats-Unis servant de clef de voûte sécuritaire à la reconstruction économique.

« J’ai accepté avec effet immédiat la nomination du général Luka Yusuf du Nigeria, et j’ai demandé et obtenu une assistance bilatérale des Etats-Unis afin d’accueillir un officier de l’armée américaine comme conseiller militaire auprès du gouvernement », a indiqué la présidente Sirleaf en expliquant que son « pays manque actuellement de capacités techniques et tactiques ainsi que de compétences pour garantir notre défense et la sécurité nationale ». Helen Sirleaf aurait pu aussi bien rappeler les termes de l’accord de paix signé à Accra en août 2003 entre le gouvernement de transition, les partis politiques et les rebelles du Lurd (Libériens unis pour la réconciliation et la démocratie) et du Model (Mouvement pour la démocratie au Liberia). L’accord stipulait en effet déjà que « les parties demandent aussi aux Etats-Unis d’Amérique de jouer un rôle moteur en organisant le programme de restructuration » des Forces armées du Liberia.

En échange de ce leadership, les Etats-Unis s’engageaient à mettre 200 millions de dollars dans la restauration du ministère de la Défense et des baraquements militaires, mais surtout dans le recyclage d’une partie des anciens combattants issus des différentes factions signataires d’Accra dans une petite armée nationale de 2 000 hommes. La sélection et la formation de ces derniers a été confiée fin 2005 à une compagnie basée en Virginie, Dyncorp International, qui, aux yeux de Washington a déjà fait ses preuves, en Irak et en Afghanistan. Le recrutement a commencé en janvier, avec des tests d’aptitudes intellectuelles, linguistiques et physiques. Les candidats retenus seront engagés pour une période d’essai de 12 mois, le temps notamment de vérifier s’ils n’ont pas commis de violations des droits de l’Homme pendant la guerre civile (1989-2003).

« Il était impératif de rechercher une assistance bilatérale du président nigérian, Olusegun Obasanjo, pour nommer un officier capable et crédible pour servir à la restructuration et à la formation des Forces armées du Liberia », s’est justifiée Ellen Sirleaf en annonçant la nomination du général-major nigérian Luka Yusuf. En fait, il s’agit d’une politesse rendue à la composante essentielle de la Force de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Ecomog), déployée pendant la guerre du Liberia et qui était censée contribuer à la reconstruction d’une armée nationale libérienne selon les termes de l’accord de paix volatil signé à Abuja en 1996, l’année précédent la victoire électorale de Taylor à la présidentielle de 1997.


Gouvernement et administration sous haute surveillanc

Les Etats-Unis ont finalement repris la reconstruction sécuritaire en main. La bonne manière faite au gendarme régional peut, à un moment ou un autre, permettre d’utiliser le Nigeria comme relais. Quant au général Yusuf, il connaît le terrain où il a travaillé de conserve avec les Nations unies. Sa nomination soulève toutefois la grogne de la foultitude de galonnés réels ou supposés qui se presse au portillon de la future armée nationale, ou même de la police. Celle-ci est, elle-aussi, en cours de formation sous l’égide de la Minul qui a promis une fournée de quelque 3 500 officiers de police qui devraient sortir cette année de l’Académie nationale de police de Monrovia, rouverte en juillet 2004. Mais le pari sécuritaire de Washington n’est pas gagné d’avance.

Sous Tubman (1944-1971) comme sous Tolbert (1971-1980), l’armée du Liberia était d’abord une garde prétorienne répressive chargée de protéger les diamants de la « République Firestone », celle des 400 000 hectares d’hévéas du fabricant américain de pneumatiques racheté par la multinationale japonaise Bridgestone. Le coup d’Etat de Samuel Doe et la guerre civile qui a suivi ont seulement ralenti l’exportation du caoutchouc et du latex libérien aux Etats-Unis, seules matières première non soumises à embargo international, à la différence des diamants et du bois ces dernières années. En revanche, les turbulences civiles se sont accompagnées d’une militarisation et d’une tribalisation des intérêts qui se soldent aujourd’hui par une concurrence féroce entre les différentes strates des administrations à vocation sécuritaire dissoutes ou en voie de dissolution comme l’armée, la police, les services de renseignement, les douanes ou même les pompiers.

En mai 2005, des rapporteurs mandatés par les bailleurs de fonds ont fait ressortir que le gouvernement de transition était gangrené par la corruption. Ils ont découverts des contrats signés indûment par l’administration provisoire avec des compagnies minières. Pour limiter la foire d’empoigne nationale, des experts internationaux vont donc désormais veiller au grain, dans le cadre du Gemap. Ils siègeront à la Banque centrale du Liberia et dans cinq secteurs clés de l’économie, en tant que doublures, ou, plutôt, tuteurs des responsables libériens chargés notamment de l’Autorité portuaire nationale, de l’Agence des forêts, du Bureau des affaires maritimes, de l’Aéroport international Robertsfield ou de la société nationale des raffinages pétroliers.

Le gouvernement américain sera représenté en tant que tel dans l’organe de coordination du Gemap, aux côtés des bailleurs de fonds, des Nations unies, de l’Union européenne et de la Cedeao. Les Etats-Unis sont de retour à Monrovia, baptisée en 1847 par des esclaves américains affranchis, en l’honneur du cinquième président des Etats-Unis, James Monroe. La sécurisation économique du Liberia passe désormais par Washington.

Monique Mas


- Source : RFI www.rfi.fr


Mali & Niger : la mondialisation néolibérale contre les plus pauvres, par Jean Nanga.


Le rapport Anti-Empire. Certaines choses que vous devez savoir avant la fin du monde, par Wiliam Blum.

Guerre contre le terrorisme ou expansion de l’Empire Américain ? par William Blum.

Haïti : un coup d’Etat orchestré et financé par les USA, par Michel Chossudovsky.



URL de cet article 3307
  
AGENDA

RIEN A SIGNALER

Le calme règne en ce moment
sur le front du Grand Soir.

Pour créer une agitation
CLIQUEZ-ICI

L’affaire WikiLeaks - Médias indépendants, censure et crime d’État
Stefania MAURIZI
Dès 2008, deux ans après le lancement de la plateforme WikiLeaks, Stefania Maurizi commence à s’intéresser au travail de l’équipe qui entoure Julian Assange. Elle a passé plus d’une décennie à enquêter les crimes d’État, sur la répression journalistique, sur les bavures militaires, et sur la destruction méthodique d’une organisation qui se bat pour la transparence et la liberté de l’information. Une liberté mise à mal après la diffusion de centaines de milliers de documents classifiés. Les "Wars logs", ces (...)
Agrandir | voir bibliographie

 

Le cynisme particulier des États-Unis est que durant toute l’existence de Cuba révolutionnaire, ils ont délibérément cherché une stratégie pour étrangler le pays, discriminer son peuple et détruire l’économie.

Maria Zarajova
porte-parole du Ministère des Affaires Étrangères de Russie

Lorsque les psychopathes prennent le contrôle de la société
NdT - Quelques extraits (en vrac) traitant des psychopathes et de leur emprise sur les sociétés modernes où ils s’épanouissent à merveille jusqu’au point de devenir une minorité dirigeante. Des passages paraîtront étrangement familiers et feront probablement penser à des situations et/ou des personnages existants ou ayant existé. Tu me dis "psychopathe" et soudain je pense à pas mal d’hommes et de femmes politiques. (attention : ce texte comporte une traduction non professionnelle d’un jargon (...)
46 
Le fascisme reviendra sous couvert d’antifascisme - ou de Charlie Hebdo, ça dépend.
Le 8 août 2012, nous avons eu la surprise de découvrir dans Charlie Hebdo, sous la signature d’un de ses journalistes réguliers traitant de l’international, un article signalé en « une » sous le titre « Cette extrême droite qui soutient Damas », dans lequel (page 11) Le Grand Soir et deux de ses administrateurs sont qualifiés de « bruns » et « rouges bruns ». Pour qui connaît l’histoire des sinistres SA hitlériennes (« les chemises brunes »), c’est une accusation de nazisme et d’antisémitisme qui est ainsi (...)
124 
Hier, j’ai surpris France Télécom semant des graines de suicide.
Didier Lombard, ex-PDG de FT, a été mis en examen pour harcèlement moral dans l’enquête sur la vague de suicides dans son entreprise. C’est le moment de republier sur le sujet un article du Grand Soir datant de 2009 et toujours d’actualité. Les suicides à France Télécom ne sont pas une mode qui déferle, mais une éclosion de graines empoisonnées, semées depuis des décennies. Dans les années 80/90, j’étais ergonome dans une grande direction de France Télécom délocalisée de Paris à Blagnac, près de Toulouse. (...)
69 
Vos dons sont vitaux pour soutenir notre combat contre cette attaque ainsi que les autres formes de censures, pour les projets de Wikileaks, l'équipe, les serveurs, et les infrastructures de protection. Nous sommes entièrement soutenus par le grand public.
CLIQUEZ ICI
© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.