RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Les Etats-Unis entraînent l’OTAN dans la guerre en Afghanistan, par Piotr Gontcharov.




RIA Novosti, 17 février 2006.


Les Etats-Unis entraînent l’OTAN dans la guerre en Afghanistan. Il est à présent difficile de ne pas le remarquer.

La déclaration faite en octobre dernier dans la capitale afghane par le Secrétaire général de l’Alliance atlantique Jaap de Hoop Scheffer sur l’augmentation à 15.000 hommes du contingent de maintien de la paix de l’OTAN en Afghanistan a d’abord été considérée comme strictement liée au contexte de la décision des dirigeants de l’Alliance d’élargir la zone de responsabilités de la FIAS (Force internationale d’assistance à la sécurité).

En son temps Bruxelles avait accepté à contrecoeur de prendre la tête de la FIAS, ce à quoi Washington l’avait en fait obligé, appliquant ainsi son système de "responsabilité égale" entre Européens et Américains en Afghanistan. Bruxelles avait alors entouré la mission qu’on lui imposait d’un ensemble de conditions, dont l’une des plus importantes était la limitation de l’activité de la FIAS en Afghanistan au cadre des opérations de police.

Les Etats-Unis, dans les deux-trois premières années du conflit, n’avaient aucun doute sur la réussite de leur opération antiterroriste, communément appelée "Liberté immuable". Rappelons que le général quatre étoiles Richard Mayers qui est arrivé pour Noël 2003 sur la base militaire américaine de Bagram, était dans ses propos avec les journalistes plein d’optimisme sur l’opération "Liberté immuable". Cet optimisme était d’ailleurs partagé par le commandant de la coalition antiterroriste, le général David Barno, qui soulignait que les Etats-Unis resteraient en Afghanistan aussi longtemps que la situation l’exigerait. Comme cela se précise, la situation exige à présent l’augmentation du contingent de la FIAS et l’élargissement de sa zone de responsabilités.

Pour l’instant, cette zone se limite à Kaboul et à un ensemble de provinces du nord de l’Afghanistan (aux frontières tadjike, ouzbèke et turkmène) et de l’ouest (à la frontière avec l’Iran). Selon la version relayée dans les médias, l’augmentation de la FIAS se fera par un apport de forces canadiennes, britanniques et hollandaises, les trois pays envoyant en soutien pour le contrôle des provinces du sud de l’Afghanistan un contingent de 6.000 hommes. Comment interpréter cette décision de la direction de l’OTAN ?

Les provinces méridionales de Zaboul, Kandahar et Helmand, comme les provinces orientales de Paktya, Paktyka et Khost, situées au bord de la zone tribale pachtoune, ont traditionnellement été sources d’instabilité pour tout l’Afghanistan. Et il n’y a là rien d’étonnant. Aucun chef d’Etat afghan (émir, roi ou président) n’a jamais réussi à contrôler la frontière qui longe cette zone. Elle est ouverte encore aujourd’hui. C’est en particulier aux alentours de cette frontière que sont regroupés les combattants restants d’Al-Qaida et les forces renaissantes du mouvement des Talibans, ayant en fait trouvé refuge sur le territoire du Pakistan voisin. Ainsi, si les Canadiens, Anglais et Hollandais, "en collaboration avec de petites unités américaines", réussissent à prendre le contrôle du sud de l’Afghanistan, on pourra alors dire que la question de la stabilité et de la sécurité du pays est en grande partie résolue.

Pour cela, les Etats-Unis devront mener une opération militaire de grande envergure dans les provinces du sud et de l’est. On peut se demander si, dans de telles conditions, les activités des forces canadiennes, britanniques et hollandaises sous l’étendard de la FIAS se limiteront réellement au cadre des opérations de police.

Cette perspective n’est pas pour plaire aux membres de la FIAS, qui remplissent une mission de maintien de la paix en Afghanistan. Effectivement, cela vaut-il le coup de gâcher l’image du soldat de la paix ? Arrêter, même un seul instant, de gagner les ennemis à notre cause, c’est multiplier leur nombre. Ce n’est un secret pour personne que la relation qu’entretiennent les gens du peuple avec la Force internationale d’assistance à la sécurité est assez bonne, et la mission remplie par celle-ci, considérée par les Afghans comme une mission de maintien de la paix, y est pour beaucoup.

En leur temps l’Allemagne, la France et l’Espagne s’étaient plus d’une fois élevés contre le fait que les forces de maintien de la paix de l’OTAN soient impliquées dans les opérations de guerre menées par les Etats-Unis dans le cadre de la coalition antiterroriste. La décision des dirigeants de l’OTAN de prendre le contrôle des provinces du sud de l’Afghanistan, en y envoyant une partie des forces canadiennes, britanniques et hollandaises, montre que l’Alliance est prête à se soumettre aux plans de Washington, c’est à dire à participer activement aux opérations de lutte contre l’opposition armée.

En fait, les Etats-Unis n’ont pas d’autre issue que d’attirer l’Occident dans cette voie. Il leur faut, dans le contexte de la politique menée envers l’Iran, politique qui n’exclut pas une opération militaire du type de celle de l’Irak, absolument stabiliser leurs positions en Afghanistan. Dans le même temps, les dernières déclarations du pouvoir iranien ne laissent pas l’ombre d’un doute sur la volonté de Téhéran de recréer lui-même la totalité du cycle du combustible, et ce malgré les injonctions de Washington et les prières et exhortations de Paris, Londres et Berlin. Dans ce contexte, Washington devra prochainement se poser la question de se lancer ou non dans une guerre sur deux fronts. Commencer une opération militaire contre l’Iran sans avoir résolu les problèmes en Afghanistan tiendrait tout simplement de la folie. Mais il reste à l’Amérique de moins en moins de temps.

On ne peut douter du fait que l’installation des forces de l’OTAN dans les provinces du sud (même si le contingent hollandais sera installé dans la province d’Uruzgan, qui est plus considérée comme centrale) changera sensiblement la situation militaire en Afghanistan. Et ce changement se fera bien au bénéfice des Etats-Unis et de l’Occident. Mais à quel prix ? La perte en termes d’image des soldats de la paix de l’OTAN, particulièrement dans les provinces du sud de l’Afghanistan (province de l’Uruzgan comprise) apportera inévitablement des pertes bien plus considérables qu’ils n’en ont jamais connu alors qu’ils se limitaient à des opérations de police.

Pour l’Alliance atlantique, dont les pays ont des opinions publiques très sensibles en matière de pertes militaires, ce pourrait être une décision lourde de conséquences.

Piotr Gontcharov, commentateur politique de RIA Novosti.

Le point de vue de l’auteur ne coïncide pas forcément avec celui de la rédaction.


 Source : RIA Novosti http://fr.rian.ru



URL de cet article 3306
   
Du bon usage de la laïcité
sous la direction de Marc Jacquemain et Nadine Rosa-Rosso. Depuis quelques années, une frange de la mouvance laïque, qui se baptise elle-même « laïcité de combat », développe un prosélytisme anti-religieux qui vise essentiellement l’islam et, très accessoirement, les autres religions. Cela nous paraît un très mauvais combat pour la laïcité. Cette logique va-t-en-guerre est d’autant plus malvenue qu’elle se développe dans un contexte marqué, dans le monde, par l’unilatéralisme militaire (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

« Nous préférons croire au mythe selon lequel la société humaine, après des milliers d’années d’évolution, a finalement créé un système économique idéal, plutôt que de reconnaître qu’il s’agit simplement d’une idée fausse érigée en parole d’évangile. »

« Les Confessions d’un assassin financier », John Perkins, éd. Editions Alterre, 2005, p. 247

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.