Depuis les années 90, le Tchad fait tout son possible pour diversifier son économie. Longtemps ralenti par des divisions internes et les ravages de la guerre civile, le pays a finalement entamé son émergence au tournant des années 2010, tout en multipliant les efforts pour sortir de sa pétro-dépendance. Pourtant, malgré d’ambitieux programmes d’investissements dans d’autres secteurs (énergie verte, culture du coton ou de la canne à sucre, élevage, infrastructures, santé), lorsque les cours de l’or noir s’effondrent en 2014, le pétrole représente encore un cinquième du produit intérieur brut tchadien. Avec la crise, le pays perd d’importantes rentrées d’argent, et l’ensemble de ses recettes baisse de 37%. Du fait de la politique de réinvestissement systématique des bénéfices pétroliers, les caisses du pays sont aujourd’hui presque vides.
Cette pression budgétaire est encore accentuée par une pluviométrie insuffisante, asséchant les plantations, et un contexte sécuritaire particulièrement dégradé. De l’aveu du président tchadien Idriss Déby Itno « la Somalie, la Libye, le Mali, le bassin du lac Tchad, le Sahel dans son ensemble, sont gravement déstabilisés et le péril cherche à s’étendre sur l’ensemble du continent ». Ainsi, depuis 2014, la plupart des routes d’approvisionnement de la région sont coupées par la secte Boko Haram, et le Tchad peine à exporter coton, bétail ou encore gomme arabique vers ses principaux clients, le Cameroun et le Nigeria. Et si, en janvier 2015, Idriss Déby prend les rênes de la coalition qui lutte contre le mouvement terroriste, parvenant à en freiner l’expansion, la « filiale » de Daesh au Sahel reste active et continue ses raids hallucinés, ultra violents.
En dépit de ces indicateurs économiques en berne et de ce climat sécuritaire tendu, N’Djamena s’illustre par sa politique d’accueil des réfugiés. On compte plus de 6 millions de déplacés dans la région, depuis le début des violences perpétrées par Boko Haram. Ils ont en partie rejoint les quelque 450 000 personnes ayant trouvé refuge au Tchad depuis 2003, chassées par les conflits au Soudan du Sud et en République centrafricaine. S’il est difficile de déterminer avec précision le nombre de migrants accueillis actuellement au Tchad, le pays d’Idriss Déby serait le deuxième pays d’accueil de réfugiés sur le continent africain, d’après Mamadou Dian Baldé, représentant adjoint du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
« C’est aussi l’un des pays qui n’a jamais cessé de montrer sa solidarité à l’égard de ses frères et sœurs qui font l’objet de discriminations et persécutions », développe M. Dian Baldé. Lors de la Journée mondiale du réfugié, le 20 juin dernier, Mahamat Ali Hassan, ministre de l’Administration du territoire tchadien, a réitéré l’engagement de son pays à accorder un asile paisible à chacun, même si beaucoup reste à faire pour leur prise en charge, souvent durable. Selon Claire Bourgeois, représentante adjointe de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), « les réfugiés sont ici pour longtemps : trois, quatre, voire cinq ans (...) car les processus de paix avancent lentement ».
Conscient des difficultés que posent l’approvisionnement en eau et la garantie de la sécurité alimentaire aux réfugiés, Idriss Deby Itno a appelé, lors l’Assemblée générale des Nations Unies qui s’est tenue en septembre à New York, la communauté internationale à soutenir les efforts déployés par son pays. Afin de proposer une réponse à la hauteur de la crise mondiale des migrants, il a par ailleurs proposé une feuille de route sous la forme d’un « pacte mondial pour les réfugiés » visant à organiser une action globale.
Grace à une politique volontaire et à l’aide fournie par le HCR, au Tchad, les réfugiés bénéficient même de formations aux métiers porteurs d’emplois à court ou moyen terme, mais aussi de financements pour leur réinsertion sociale. L’Union Européenne ferait bien de jeter un œil du côté de l’exemple tchadien, à l’heure où la question de l’accueil de quelques milliers de « migrants » provoque des poussées de nationalisme dans plusieurs pays.
Antoine Bosquet