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(Si nécessaire, tuer le Président)

"Si es necesario matar al Presidente"

C’est en 2011 au Chili, lors des manifestations pour une éducation gratuite, que sont apparues ces affiches imprimées sur des pages d’annuaires téléphoniques, collées sur les murs de Valparaiso. Cela faisait plus d’un an que collégiens, étudiants et parents d’élèves de tous milieux se mobilisaient, manifestaient, se battaient avec les carabiniers dans des rassemblements mensuels en faveur d’une réforme de l’Éducation. Car au Chili, toute l’Éducation est un vrai business, un secteur “industriel” et non pas un service public, et une catastrophe en terme de qualité... La seule réponse du gouvernement du Président Piñera (RN, droite style UDI en France) était de changer de ministre de l’Éducation tous les six mois et de faire semblant de dialoguer sans rien changer. Aussi ces affiches posaient clairement la question de savoir de quelle alternative dispose-t-on lorsqu’un gouvernement reste sourd à sa population et arc-bouté sur sa vérité...

En France, la belle manifestation du 14 juin contre la loi travail, où toutes les régions se sont rassemblées à Paris, a été dénigrée, travestie, pour être finalement occultée, ignorée comme si elle n’avait jamais eu lieu. D’ores et déjà dans les cortèges, on se pose la question “et qu’est-ce qu’on fait s’ils ne bougent pas, s’ils ne retirent pas la loi ?” Les réponses sont variées, “on continue”, “on refait grêve”, “on défile”, “on va inventer d’autres moyens d’actions”, … et parfois on entend cette réponse “va falloir les buter”...

Le cercle infernal “violence institutionnelle/réaction populaire/répression policière” tourne à plein régime, et nombreux sont ceux qui ne croient plus que la non-violence triomphera. Il avait fallu des morts, tels Malik Oussekine il y a quelques années, ou plus proche de nous Rémi Fraisse, pour que certains dirigeants (peut-être avec un reste d’humanité) prennent en compte la volonté du peuple et retirent des projets légitimement contestés. Suffira-t-il qu’il y ait des manifestants tués, des zadistes tués, des CRS tués pour que nos gouvernants actuels entendent ? En Grêce, en Espagne, les manifestations contre les politiques austéritaires soutenues par l’Union Européenne ont eu leur part de morts, et pourtant elles ont échoué, les politiques de privatisation et de concurrence généralisée sont appliquées.

Alors, quelles actions inventer ? On observe que nos gouvernants sont très sensibles lorsqu’on les chatouille personnellement : de nombreux députés ont réagi avec indignation suite au fait que leur mail et téléphone ont été diffusés et qu’ils ont pu être ainsi interpelés directement, dans le cadre de la pétition contre la loi travail. Comme si, en tant que représentants du Peuple, ils devaient rester intouchables, détenteurs infaillibles de l’intérêt général alors qu’ils n’agissent plus qu’en tant que représentant de commerce de leur propre parti. De la même façon, les médias ont jugé intolérables les manifestations aux domiciles de Valls et de El Khomri.

Alors jusqu’où faut-il aller ? Faut-il tuer nos “élites” dirigeantes pour se faire entendre ?

Lorsque l’on voit le luxe de mesures de sécurité prises pour chaque déplacement d’un ministre, avec police et GIGN sur les dents afin de “sécuriser le périmètre” comme on dit dans les séries policières, on peut se demander si nos gouvernants ne sont pas déjà prêts à se voir personnellement visés... Alors quelle issue ? La question est posée.

Pour mémoire, au Chili, le Président Piñera n’a pas été tué. Les manifestations pour une éducation gratuite ont duré tout au long de son mandat, six ministres de l’Éducation se sont succédés sans autre changement. Aux élections de fin 2012, le mouvement pour l’éducation gratuite a donné une vraie majorité à l’”opposition” de centre-droit (Bachelet, PS) alors que le système électoral bâti sous Pinochet est construit pour qu’aucun gouvernement n’obtienne de majorité absolue afin qu’aucun changement ne soit possible. Mais la Présidente Bachelet ne s’est pas pressée ; ce n’est que dans la deuxième partie de son mandat qu’elle a engagé une réforme vers la gratuité de l’éducation et (depuis octobre 2015) un processus constituant pour la rédaction d’une nouvelle constitution par le peuple chilien*. En France, peut-on encore croire au système électoral ?

*Voir, entre autres sites dédiés au processus constituant, www.lalupadelaconstitucion.cl et www.constituccionario.cl

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