Plein écran
commentaires

Privatisation des radars mobiles, le pari dangereux de la justice privée

Pierre MYRHA

Le Premier ministre l’avait annoncé en octobre dernier : dès janvier 2017, la conduite des voitures banalisées avec radar embarqué devrait être confiée à un prestataire privé. Une externalisation loin de faire l’unanimité : privatisation de la justice, course à la contravention, maigre contribution à la sécurité sur les routes, les doléances s’accumulent contre ce projet.

Dès janvier 2017, les contrôles radars mobiles seront confiés à des sociétés privées. Une première expérimentation débutera en septembre prochain. En confiant cette tâche à des prestataires agréés, l’Etat compte libérer du temps pour les forces de l’ordre mais surtout augmenter le taux d’utilisation des véhicules – à l’heure actuelle, ces véhicules, qui coûtent 70 000 euros l’unité (à quoi il faut ajouter 18 000 euros par an pour l’entretien), circulent en moyenne 1h13 par jour. Avec cette activité accrue, le nombre de contraventions devrait également augmenter.

Il est prévu, avec les recettes ainsi réalisées, que le parc de 319 voitures équipées de radars mobiles nouvelle génération (RMNG) soit porté à 440 véhicules d’ici deux ans. De l’aveu même du gouvernement, cette décision implique « des tabous à dépasser. » Et l’Etat n’a pas lésiné sur la communication pour répondre aux doutes des Français. « Les sociétés feront ça dans le cadre d’un marché public qui sera publié, où on pourra voir noir sur blanc qu’en aucun cas la rémunération de ces entreprises ne sera liée au nombre de contraventions qui ont été envoyées », assure Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la Sécurité routière.

Si cette mesure a de quoi surprendre, il ne s’agit pourtant que d’une nouvelle étape dans l’externalisation d’une mission que l’Etat juge encombrante. Depuis 2006, en effet, la vérification des radars fixes n’est plus confiée à des agents de l’État, mais à la Sagem, le groupe qui fournit la quasi-totalité des radars automatiques en France. De plus, nombre d’activités autrefois régies par des fonctionnaires ont été confiées à des entreprises privées dans l’histoire récente : fourrières, autoroutes, gestion et entretien de certaines bases militaires, etc.

A la différence des exemples précités, la privatisation des radars mobiles touche néanmoins à un domaine particulièrement sensible, puisqu’elle participe d’une privatisation des fonctions régaliennes – soit des pouvoirs exclusifs de l’Etat. En autorisant l’immixtion de sociétés privées dans un processus légal, on organise de facto la partialité du pouvoir coercitif.

Outre le problème d’orientation dans les contrôles, cette mesure renversera concrètement la hiérarchie des normes qui place l’Etat au-dessus des compagnies privées. De fait, les fonctionnaires de police devront donner suite aux infractions constatées par les sociétés qui auront repris cette activité. Ces derniers seront donc dépendants d’organismes externes dont ils entérineront les condamnations – ce qui revient à placer en amont des décisions une entreprise dans l’activité quotidienne qu’ils exercent, puisqu’ils seront réduits au statut de chambre d’enregistrement d’une justice privée.

Par vocation, un organisme privé défend ses intérêts, poursuit ses propres desseins, n’œuvre pas pour l’intérêt général. De plus, il ne fait pas l’objet des mêmes contrôles que les organismes administratifs, non seulement très encadrés, mais dont l’activité est susceptible d’une multitude de recours visant à en contester la validité. Le statut légal des décisions des dépositaires privés d’une mission de service publique est beaucoup plus opaque, et plus dur à contester. A moins que... Pour Caroline Tichit, avocate spécialisée dans le droit des automobilistes, « si ce n’est pas un policier ou un gendarme qui rentre toutes ces données, le procès-verbal perd toute sa force probante. En clair, il n’est plus valable ! »

Pour Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 Millions d’automobilistes, « chaque année les chiffres de rentabilité de ces machines automatiques confiées à des sociétés privées seront à la hausse car c’est le principe d’une société privée d’être dans la rentabilité et l’efficacité. » Ce stakhanovisme de la contravention déplait fortement aux conducteurs français. Et quand Emmanuel Barbe assure que la rémunération des prestataires agréés sera « fixe », l’argument ne convainc pas : selon une enquête Harris Interactive, commandée par 40 Millions d’automobilistes, 83% des Français voient cette privatisation d’un mauvais œil. 76% des sondés estiment que cette mesure « aura pour objectif d’augmenter le montant des contraventions collectées par l’Etat. »

Mais le reproche principal qu’on peut formuler contre cette mesure, c’est encore son manque de portée sur le plan de la sécurité routière. Nicolas Comte, Secrétaire général du syndicat de policiers Unité SGP-FO, le remarque : «  des agents du privé qui se contenteront de rouler avec les radars n’est pas la solution". Les policiers, eux, ne font pas que rouler, « ils peuvent mener des missions de sécurité routière. » Un accident sur trois implique l’alcoolémie – sans parler des stupéfiants. Et pourtant, l’unique avancée proposée par le gouvernement est une répression de la vitesse. Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) pointe une autre tendance lourde : l’explosion du nombre de conducteurs sans assurance impliqués dans des accidents. Le FGAO a traité 28.435 dossiers l’an passé, soit une progression de 1,09 % par rapport à 2014 mais de + 40,2 % depuis 2009. Deux aspects cruciaux qui seront une fois encore passés sous silence.

Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

11/06/2016 20:07 par Fald

J’ai l’habitude de dire que la modernité telle qu’elle nous est vendue par les diverses droites a la gueule de vieille pouffiasse de la reine Victoria. La loi Del’connerie étant le dernier avatar, en attendant le suivant.

Mais là, la modernitude social-démocrate va encore plus loin. Elle la gueule de sale con de Louis XIV ! L’argent public collecté par des profiteurs privés : on nous ressort les fermiers généraux !

Les radars ont toujours été placés de façon parfaitement malhonnête dans notre pays où la signalisation est carrément mal faite. Des virages dangereux et des rond-points sont limités à 70 alors que 50 est déjà une folie.

Il y a au contraire des zones où 10 ou 20 km de plus que prescrit ne risquent rien.

Devinez où sont les radars !

Expérience perso : la route Le Puy-Mende-Rodez : au début des radars Sarko, après 2002 : des figurines noires commémoraient les victimes, avec, détail refroidissant, leur âge. Aucun radar n’était à moins d’un km de ces figurines, sauf un, mais comme il leur tournait le dos, il était en réalité à près de 40.000 km.

La solution a été ... de supprimer les figurines !

Quant aux radars mobiles, j’en ai vu deux fois qui protégeaient apparemment les ouvriers dans des zones de chantier, une fois tôt le matin, quand les dits ouvriers commençaient à envisager de se rendre au travail, et une autre fois un dimanche soir.

Habitant loin de mon travail, j’ai beaucoup roulé et vu changer les comportements en bien. On s’arrête pour faire passer les piétons, on ne double plus n’importe comment, toutes choses que les faiseurs de chiffre ne contrôlent pas.

Mais les radars, c’est vraiment n’importe quoi pour faire du chiffre. On leur attribue d’ailleurs une baisse des accidents amorcée au tout début des années 2000, avant leur institution. C’est là leur vrai résultat miraculeux : faire croire aux gogos que le temps s’est inversé.

Alors, concéder à des profiteurs privés une activité qui est déjà une escroquerie entre les mains de la vraie police, c’est vraiment être entièrement à leur service.

Mais bon ! Sous prétexte de modernité et sous le joli nom de flexibilité, on a déjà rétabli la corvéabilité abolie en 1789. Alors pourquoi ne pas rétablir les fermiers généraux ?

11/06/2016 20:17 par Alain Astouric

Étude (GRATUITE) :
La politique de Sécurité-Spectacle des radars, ronds-points et ralentisseurs
à cette adresse http://astouric.icioula.org/

17/06/2016 19:04 par mik

 Avec la multiplication des radars le nombre de MORTS sur les routes EXPLOSE depuis 2014, et encore plus en 2015 !
en cause un RÉSEAU DE LIMITATIONS DE VITESSES ABSURDE, INCOHÉRENT ET ILLISIBLE créant un STRESS pour les automobilistes, CAUSE de tous ces accidents, blessés et morts.
Ces radars n’ont aucune fonction dissuasive ou sécuritaire mais bien plutôt "piège à cons" installés dans des endroits qui rapportent ...
 En plus ils sont tous FAUX ils rendent des valeurs bidons car ils sont impossibles à régler ! C’est de la camelote !
Comme l’avait conclu un rapport du Ministère de l’Intérieur de 2007 portant sur une vaste enquête dans la région de Metz : il est "JURIDIQUEMENT DANGEREUX" de condamner des gens sur une telle base frauduleuse, d’autant que 95% de ces soi-disant excès de vitesse sont dérisoires car de moins de 20 km/h, valeur inférieure au taux d’erreur des radars !
c’est pas une association de petits plaisantins anti-radar qui le dit mais le ministère de l’intérieur soi-même !!
 De plus ils représentent des DIZAINES DE MILLIONS DE VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS chaque année :
Les CONDAMNATIONS ROBOTISÉES DE A À Z (accusation et venant du radar et condamnation automatique par ordinateur à l’autre bout !) violent le droit de la défense, le droit d’avoir un procès équitable avant d’être éventuellement condamné, le droit à la présomption d’innocence, le droit au bénéfice du doute)
fermer le ban !
 toujours plus de morts sur les routes ! que disent ces gouvernements de branquignoles : on va continuer à mettre toujours plus de radars toujours plus de limitations de vitesse !!!!! AU FOU !!!
laissons plutôt les humains conduire avec leur cerveau et leur humanité !!!

voir la pétition de "la ligue des conducteurs" s’opposant au nouveau délire des dirigeants, assoiffés de morts sur les routes et de contraventions exorbitantes : Le contrôle permanent des conducteurs !!
http://news.liguedesconducteurs.org/index.php?subid=1816086&option=com_acymailing&ctrl=url&urlid=190&mailid=661

08/07/2016 06:43 par ASTOURIC ALAIN

Étude (GRATUITE) La politique de Sécurité-Spectacle des radars, ronds-points et ralentisseurs, à cette adresse http://astouric.icioula.org/

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
 Contact |   Faire un don
logo
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft :
Diffusion du contenu autorisée et même encouragée.
Merci de mentionner les sources.