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Afrique : Les migrants africains accepteront-ils de retourner vers l’agriculture ? par Abdou Faye.


IPS, Dakar, 20 décembre 2005.


Plus de trois mois après son rapatriement forcé du Maroc, où il a tenté un passage en force vers l’Europe, à partir des enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, Mamadou Diop, 28 ans, garde encore d’amers souvenirs de cette difficile odyssée vers l’Occident.


Ceuta et Melilla sont deux enclaves marocaines sous domination espagnole situées aux confins de l’Europe. En septembre dernier, elles avaient été envahies par des centaines de migrants venus d’Afrique subsaharienne en partance pour l’Eldorado européen.

Les images de hordes d’Africains subsahariens à l’assaut des grilles des enclaves de Ceuta et Melilla avaient fait le tour du monde. Quatorze d’entre eux avaient trouvé la mort lors de ces assauts. Ces migrants étaient pour la plupart des Sénégalais, Maliens, Ghanéens, Guinéens et Nigérians.

Aujourd’hui qu’il est revenu parmi les siens au Sénégal, Diop se remet difficilement de son échec d’aller faire fortune en Europe, après les nombreux déboires qu’il a connus pendant son aventure.

’’Les passeurs à la frontière maroco-espagnole à qui nous avions fait confiance nous ont dépouillés et nous ont abandonnés à notre propre sort. Alors, le seul choix qui s’offrait à nous, c’était de tenter l’exploit de passer par force ou de rebrousser chemin et d’être la risée de nos proches’’, a déclaré à IPS, Ousmane Ngom, un autre rapatrié du Maroc. Il est redevenu ’’bana-bana’’ (marchand ambulant) au marché Sandaga de Dakar, un des hauts lieux de commerce de la capitale sénégalaise.

Le taux officiel de chômage au Sénégal est de 14,66 pour cent, selon le ministère de l’Enseignement technique et de la Formation professionnelle.

Parti de Dakar, six ans auparavant à destination de l’Europe, plus précisément pour l’Italie, rejoindre un de ses frères, Ngom est rentré finalement au bercail, le 10 octobre dernier, sans un sou, à bord d’un avion spécial affrété par le gouvernement marocain.

Les opérations de retours forcés, organisés par les autorités marocaines, ont profité globalement à 1.121 Sénégalais (à bord de huit avions), 1.135 Maliens (dans sept avions), à 60 Gambiens, 93 Guinéens, 129 Camerounais (ces derniers à bord d’un avion), ainsi qu’à deux Burkinabé et à deux Nigériens (tous à bord d’un vol régulier), selon le ministère marocain de l’Intérieur.


Ce rapatriement forcé des Sénégalais du Maroc a incité le gouvernement de Dakar à initier un programme de réinsertion dénommé ’’Retour des émigrés vers l’agriculture’’ (REVA).

D’un budget estimatif de 7.000 dollars, le REVA vise, dans un premier temps, à prendre en charge les bénéficiaires entre leur installation et la commercialisation de leur production agricole pour une durée de six mois.

Les conditions de mise en oeuvre de ce programme sont encore à l’étude du côté du gouvernement. Mais, des analystes se demandent à Dakar si des jeunes gens, habitués à l’aventure de l’immigration vers les ’’lumières attrayantes’’ de l’Occident, accepteront de retourner travailler des terres parfois arides en Afrique, et avec des outils rudimentaires !

Le REVA vise à ’’réinsérer les jeunes pour qu’ils s’occupent et gagnent convenablement leur vie, d’une part, et d’autre part, à contribuer à l’atteinte des objectifs de diversification et de production agricole fixés par l’Etat dans le cadre de sa politique agricole’’, a expliqué à IPS, Habib Sy, le ministre sénégalais de l’Agriculture et de l’Hydraulique.

Les Sénégalais rapatriés intéressés par ce programme seront organisés en dix groupements de 50 membres qui auront en charge 100 hectares de terre à exploiter dans les principales zones d’aménagement agricole de ce pays d’Afrique de l’ouest.

Ces groupements seront équipés de matériels agricoles. Durant la première année d’exploitation, il sera mis à leur disposition les intrants agricoles nécessaires (semences, engrais produits phytosanitaires en fonction des cultures retenues par les intéressés).

Chaque groupement sera encadré par un coopérant français. Le programme prévoit aussi, pour chaque parcelle, la construction d’un petit appartement pour le coopérant français responsable de l’encadrement du groupement et l’affectation d’un véhicule tout terrain 4x4, et de deux motocyclettes pour faciliter la mobilité des membres du groupement.

Le programme prévisionnel de mise en oeuvre du REVA devrait intervenir en décembre 2006, selon le gouvernement. ’’A travers ce programme, nous voulons montrer aux autres pays victimes du rapatriement de leurs ressortissants et aussi aux pays européens que nous sommes capables de nous en sortir. Ainsi, nous ne solliciterons pas nos partenaires au développement pour la réalisation de REVA’’, a déclaré Sy, lors du lancement de REVA, en novembre.

En fait, Sy fait allusion à la réalisation de REVA pour laquelle l’Etat s’engagerait à ne pas solliciter l’aide financière des bailleurs de fonds. Mais il pourrait recourir à l’expertise technique d’un coopérant étranger.

La majorité des bénéficiaires de REVA ignorant presque tout de l’agriculture, l’Etat a décidé de leur assurer une formation par le biais d’un Fonds de réinsertion, avec une dotation initiale de 200.000 dollars environ.

Le Mali, un autre pays de l’Afrique de l’ouest concerné par le rapatriement forcé de ses ressortissants du Maroc, a mis en place une Agence nationale pour l’emploi des jeunes (APEJ) et un Fonds national pour l’emploi des jeunes dont le montant n’est pas encore rendu public.

Réputés grands voyageurs, les migrants sénégalais à travers le monde sont estimés à plus de trois millions, selon le ministère des Sénégalais de l’Extérieur, créé en 2000. Mais, ils contribuent à la richesse nationale par les fonds qu’ils envoient au pays.

Annuellement, les émigrés sénégalais transfèrent près de 600 millions de dollars par an au profit de leurs familles restées au pays. Ces transferts se font par des circuits bancaires normaux ou parfois par d’autres circuits parallèles, comme le canal des voyageurs.

’’Le seul problème qui se pose à ce niveau, c’est l’informel qui caractérise ce secteur. Il faut donc réfléchir pour trouver des canaux plus officiels par lesquels passe cet argent’’, souligne Diop.


Pour lutter contre le phénomène de l’émigration, Dakar et Paris travaillent pour la mise en place de financements en faveur de Sénégalais installés en France et qui voudraient investir dans leur pays natal.

Avec l’Italie aussi, le Sénégal envisage de gérer un programme par lequel Des Sénégalais installés dans ce pays pourront être financés à hauteur de 80.000 dollars.

Mais, des analystes estiment que ces solutions - encore théoriques - sont loin de résoudre la question de l’immigration des jeunes vers l’Occident tant que la situation politique et économique sera toujours caractérisée par le grand chômage, la pauvreté, la précarité et les conflits.

Phénomène mondial, la migration clandestine est devenue une véritable problématique à l’échelle internationale, car génératrice de profits substantiels.

Selon l’Organisation mondiale des migrations (OMI), sur les 180 millions de migrants recensés dans le monde, seuls 20 à 22 pour cent sont en situation régulière.

Selon l’OMI, les passeurs, qui se sont constitués en réseaux avec des ramifications internationales, parviennent à empocher quelque 11 milliards de dollars, grâce seulement à l’exploitation d’un réseau d’un million de candidats à l’émigration. (FIN/2005)

Abdou Faye

 Source : IPS http://ipsnews.net


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