De plus en plus de journalistes – des équipes de télévision en particulier – sont expulsés des cortèges par des manifestants, se font bousculer et voient leur matériel jeté à terre. Jugés indésirables par une partie de ceux qui manifestent contre la « loi travail », ils sont considérés comme les porte-parole des pouvoirs politique et économique … et de la police.
Cette méfiance et cette défiance vis-à-vis de ceux qui font profession de témoigner doivent nous interroger. S’il n’est pas acceptable que des journalistes soient agressés alors qu’ils font leur travail, le traitement médiatique des manifestations, avec une focalisation sur les violences et les « casseurs » par les journaux télévisés, toutes chaînes confondues, pose question.
Comme si le gouvernement avait besoin d’auxiliaires pour décrédibiliser une contestation populaire majoritaire dans l’opinion de la loi travail. Le SNJ-CGT regrette que certains journalistes y contribuent par obéissance à leur hiérarchie, par réflexe sensationnaliste, par manque de recul, par négligence des principes professionnels...
Pourtant les règles de notre profession sont claires : « un journaliste digne de ce nom …/... tient la calomnie, les accusations sans preuves, la déformation des faits, le mensonge pour les plus graves fautes professionnelles, …/… tient le scrupule et le souci de la justice pour des règles premières, ne confond pas son rôle avec celui du policier ». (Charte des devoirs professionnels des journalistes français, juillet 1918, révisée en 1938).
Le SNJ-CGT regrette que dans certaines rédactions, les journalistes et leur hiérarchie aient l’indignation sélective à l’occasion des mouvements sociaux. Quand des portiques d’écotaxes sont détruits, les responsables ne sont pas des « casseurs » mais des « bonnets rouges » symboles d’une région en lutte. Quand, après une semaine de mobilisation des agriculteurs, le montant des dégâts se monte à 4 millions d’euros, on ne parle pas de casseurs mais de « colère compréhensible » d’une population en souffrance.
Rien à voir avec le lynchage médiatique subi par les salariés en lutte de Goodyear ou d’Air France qui n’ont pas bénéficié, loin de là, de la même mansuétude de la part de la « grande presse ». Cette dernière n’a pas non plus beaucoup rappelé les 8000 emplois supprimés, la fermeture d’Aulnay ou le sauvetage par l’Etat de la banque PSA-finance lors de l’annonce du salaire indécent du PDG de Peugeot (5,2 millions d’euros en 2015). Ou le contrat de compétitivité et les mesures de modérations salariales chez Renault en 2013 qui ont permis à son PDG d’augmenter sa rémunération de 2,6 à 7,2 millions d’euros en un an !
Pour le SNJ-CGT la violence est d’abord celle des salaires indécents des PDG du CAC 40 et d’un système économique qui broie les plus faibles. Il y a bien d’autres violences à rappeler, à interroger et à dénoncer que celles des bris de vitrines d’agences bancaires ou de boutiques de marques de luxe !
Si les journalistes doivent témoigner des violences lors des manifestations contre la loi travail, ils doivent aussi rendre compte des violences policières inacceptables comme les tirs de flash-ball dans les visages, les lancers de grenade de désencerclement en hauteur et non au sol, les coups de matraque sur des manifestants assis, ou la tactique provocatrice de la coupure des cortèges !
Il y a suffisamment de témoignages, de récits et d’images de blessures sur les réseaux sociaux pour que les journalistes trouvent matière à relater de manière équilibrée de la réalité du malaise social qui s’exprime dans les rues du pays.
SNJ-CGT
Montreuil le 16 mai 2016
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