La nature nous enseigne que lorsqu’un loup quitte la meute, les autres se mettent à hurler. Il ne s’agit pas là d’une réponse au stress du départ. Ces hurlements reflètent le caractère de la relation sociale qui unit celui qui part au reste du groupe. Chez nous, les gens de la rue aiment parler dans l’anonymat et utilisent les métaphores quand ils causent politique. Il, on et lui sont les pronoms les plus utilisés dans la conversation.
Il lui téléphone et l’informe de la situation dans les grottes.
Les ouvriers qui nettoient les tunnels où circulent les trains d’Alstom ont entendu une voix bizarre. Cette voix communiquait avec les forgerons et les musiciens qui chantonnaient Malbrough s’en va-t-en guerre. Mironton mironton mirontaine. La communication nous révèle que le roi a promis à ses sujets de capturer les traîtres qui ont dilapidé les caisses de l’Etat. Il a promis de les traduire en justice afin qu’ils soient châtiés pour les crimes qu’ils ont commis dans les tunnels. C’est une promesse que seul le héros des plus braves peut tenir. Le roi est conscient. Et jamais il n’aura entrepris une mission aussi dangereuse. La personne à l’autre bout du fil lui répond comme un Gandhi perdu dans un monde dominé par le général Baril « La règle d’or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon, nous ne verrons qu’une partie de la vérité et sous des angles différents ». Soudain, la ligne téléphonique brouilla, la voix des tunnels entra en interférence et annonça une information bizarre « une montagne s’est écroulée mais les loups dans les grottes de Beni Ourtilane n’ont pas hurlé ». Les deux interlocuteurs répondent à cette voix étrange qui brouillait leur communication. Les montagnes ne s’écroulent jamais en Algérie. L’Aurès, l’Ouarsenis, le Djurjura et le Hoggar sont des montagnes impressionnantes. Elles sont nos symboles. Elles resteront debout et reflèteront à jamais notre fierté » Le message est reçu. Il faut le décoder. La voix interférente entre en ligne et leur rappelle les sauvageries réalisées par les civilisés dans ces lieux et dit « À El Asnam, le 11 juin 1845, suite à la première enfumade, le général Bugeaud, commandant en chef, conseille ceci à ses subordonnés pour réduire les partisans de l’émir Abd El Kader peuplant la région du l’Ouarsenis : « Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Enfumez-les à outrance comme des renards. ». Ils n’ont pas compris le sens de la montagne qui s’écroule et s’étonnent pourquoi les loups n’ont pas hurlé. Avant de terminer cette communication codée, le premier demande au second la signification du mot gredins. Le second explique « gredin veut dire vaurien.
Pour les fils de Saint-Arnaud, Cavaignac, Bugeaud et Pélissier nos pères étaient des vauriens ». La voix des tunnels entre en ligne une troisième fois et dit « Aujourd’hui, beaucoup parmi vous pleurent un être cher asphyxié par les barbares et refusent que l’on puisse ainsi tourner la page et oublier les atrocités coloniales ». Une conversation confuse. Trois personnes ligne. Deux personnes se connaissent bien. La troisième est une énigme.
Après cette introduction imagée, je continue mes idées par les paroles du philosophe sénégalais Kocc Barma Fall pour aider le lecteur à comprendre pourquoi les loups n’ont pas hurlé « N’est-il pas vrai qu’un roi n’est ni parent ni protecteur, puisque pour un secret que je ne vous ai point révélé et que j’avais bien droit de garder, vous m’avez condamné à mort, à tort, oubliant et les services que je vous ai rendus et l’amitié constante qui nous avait liés depuis notre enfance.........Va dire à nos ancêtres qu’aujourd’hui la mort est préférable à la vie. Va dire à nos aïeux que de leur temps le commandement était entre les mains d’hommes libres qui connaissaient l’honnêteté et le devoir ; qu’ils sont heureux de jouir du repos de la tombe, car ce sont des esclaves qui commandent aujourd’hui, ce sont des esclaves qui exécutent les injustes volontés de leur maître, pour en être favorisés..... Va leur dire qu’il ne manque pas d’hommes qui désirent le bien-être, mais que ceux qui le procuraient ne sont plus... ». Ce philosophe a vécu des moments difficiles sous le pouvoir de Daou Demba. Ce roi féroce et despote semait la terreur sur son royaume.
Chez les loups comme chez les humains, des Etats Unis au Burkina-Faso en passant par le Sénégal ou l’Algérie, la loi fondamentale qui gouverne la continuité dans le pouvoir est la même. Diderot le dit d’une manière très courtoise « La même loi qui a fait l’autorité la défait alors : c’est la loi du plus fort ».
En mécanique des matériaux on étudie le rapport des forces pour tester la qualité du sol qui maintient les tunnels et les grottes. En politique, on s’intéresse aux forces des clans pour prédire la durée de vie d’un régime politique. Cette loi nous dit « un élu, pour exister et rester au pouvoir, se doit de détruire quelqu’un au bénéfice d’un autre ». Ce quelqu’un peut être vous et l’autre peut être votre frère ou le voisin de votre oncle. La chute et l’ascension des hommes politiques sont gouvernées par cette loi. Une force vous fait parler et une autre vous fait taire. Le silence des loups a ses raisons.
Le monde d’aujourd’hui n’est plus du tout le monde qu’ont connu nos dirigeants les années soixante. La France de De Gaulle n’est ni une puissance économique qui contrôle l’axe de l’économie internationale ni une puissance militaire qui colonise les peuples d’Afrique. Sous la même optique, l’Algérie de Boumediene n’est plus la Mecque des révolutionnaires ou le pays des braves. Le général Baril contrôle l’économie de ce monde. Sous le règne de ce général tout change et tout se transforme.
Hélas ! Le monde change mais nos politiciens fuient la réalité et essayent de jouer le rôle des messieurs intelligents. Ils ne croient pas en leurs idées mais essayent de les appliquer ou de les véhiculer dans les grottes d’une manière irrationnelle.
Les grottes sont des endroits parfaits pour se défendre. L’amiral John Stufflebeem, porte-parole du Pentagone reconnait la force des grottes en Afghanistan. Les experts de guerre américains reconnaissent que l’Afghanistan est un véritable gruyère. Un pays plein de trous, de grottes, de souterrains, où les combattants ont l’habitude depuis des siècles de se réfugier pour échapper à leurs adversaires.
Selon le journaliste français Jean-Dominique Merchet, durant la guerre d’Algérie, les Français ont dû former des « équipes de grottes ». L’Armée de libération nationale (ALN) algérienne utilisait les cavités naturelles de la montagne pour s’y réfugier, y installer des hôpitaux ou y stocker des armes. Selon plusieurs témoignages, les soldats français auraient, à l’époque, utilisé des gaz de combat pour en déloger les moudjahidines.
Il est malheureux de dire les choses dans la pure vérité. Chez nous, ces temps-ci les choses se passent autrement. Les bouffons ont creusé des grottes d’obscurantisme où chantent les flatteurs. Dans ces grottes maudites la raison est absente. Dans ces gouffres lugubres la sorcellerie et la diablerie sont maitresses. Dans une grotte on nomme un wali dans une autre on met à la retraite un général. Personne ne comprend la logique des grottes. Personne ne conçoit la structure des tunnels qui les relie. Que Dieu nous donne la sagesse pour comprendre l’incompréhensible dans ces grottes.
Pour faire le bilan politique nos responsables se dirigent souvent vers les sorciers et les sorcières des grottes maudites. Ces derniers prétendent être des experts dans les dialogues et le monologues des Esprits et des Djeen qui contrôlent le monde.
Voici comment un apocryphe dévot nous raconte l’histoire d’un hypocrite du système venu se confesser dans sa grotte après la chute du général Baril. Pour cette personne malade, la dite grotte va l’aider à surmonter la crise. Il croit que le temps passé dans cette grotte va transformer ses mensonges en réalité.
Dans la grotte, l’homme supposé responsable voit un rêve. Il se voit face aux anges gardiens de l’enfer. L’ange le plus redoutable lui dit : Je vous souhaite la bienvenue devant la porte de l’enfer. Vous allez payer ce que vous avez fait durant votre longue carrière politique. Vous allez payer la facture de vos actes criminels aussi bien que la facture des actes de despotisme votre maître.
Incrédule, l’homme voit des horloges fixées sur la façade de l’enfer. Il demande à cet ange pourquoi toutes ces horloges ?
L’ange lui répond : C’est simple ! Dès qu’une personne commence sa carrière politique, une horloge portant son nom s’accroche à la façade de l’enfer. Des que ce politicien dit ou fait une connerie, les aiguilles se mettent à tourner.
Ne voyant pas l’horloge de son patron sur le mur, il demande à l’ange où se trouve l’horloge de Si Amar ?
L’ange répond : Bien que ce four soit pavé de bonnes intentions, de bonnes idées et de bonnes interprétations de la loi, après la chute du général Baril l’horloge de votre patron n’est plus sur ce mur. Elle se trouve au centre de l’enfer dans la grotte qui cache les mystères des feux. On l’utilise comme ventilateur pour oxygéner les braises qui rôtissent les politiciens qui se moquent des peuples.
En conclusion : Puisque tout est contrôlé par le général Baril les résultats sont souvent fourbes ou incertains Celui qui possède le pourquoi de sa vie peut supporter presque tous les comment, écrit Nietzsche. La puissance du pouvoir veut que le plus fort fasse écrouler la montagne et le plus faible s’écrase sous ses décombres. Le plus faible n’entendra jamais le hurlement des loups ! L’algérien de la rue n’est pas bêtement ou aveuglément sauvage de nature. Ayant vu de près le pire que son identique algérien puisse faire à ses semblables et ses frères, il connait bien que les bonnes intentions ne suffisent jamais à éviter la catastrophe. La richesse, la diversité et la rareté des paysages font de notre pays un pays d’exception. Ses richesses souterraines en sont le reflet. Hélas ! Ces richesses ne sont pas entre de bonnes mains. Encore une fois hélas ! Les projets sont toujours prétentieux et les discours sont souvent insensés. C’est l’ennui de ce mouvement incontrôlable du général Baril dans la bourse de New York qui transforme la vie des algériens en pur cauchemar. Les Algériens ne savent plus qui est qui dans leur pays. Ils espèrent toujours mais le jeu politique des clans chasse le réalisme et tue leur espoir quand certains loups conservent le silence.