Wije Dias, candidat du Parti de l’Egalité Socialiste à l’élection présidentielle au Sri Lanka.
WSWS.ORG, 21 octobre 2005.
Partout dans le monde, les gens assistent à une énorme catastrophe se déroulant au nord du Pakistan et de l’Inde. Juste 10 mois après qu’un tsunami a dévasté l’Asie du sud et 2 mois après que l’ouragan Katrina a balayé les Etats du sud des Etats-Unis, plus de 70 000 personnes ont été tuées par un puissant tremblement de terre au Cachemire et alentour.
Des forces naturelles incontrôlables ont produit le tremblement de terre le 8 octobre. Mais comme avec le tsunami asiatique et l’ouragan aux Etats-Unis, la terrible détresse humaine est le produit d’un système économique dépassé qui subordonne les besoins sociaux à l’anarchie du marché capitaliste. L’énorme secousse sismique a révélé l’état pitoyable des services d’urgence en Inde et au Pakistan, le manque d’habitations, de routes et autre infrastructure correctement construites et l’inadaptation des services médicaux, des communications et des services essentiels.
Une fois encore, la classe ouvrière de l’Asie du sud a reçu une leçon non seulement sur la négligence criminelle des régimes locaux d’Islamabad et de New Delhi mais aussi sur les phrases creuses et l’hypocrisie des "dirigeants mondiaux" à Washington, Londres, Tokyo et autres capitales. Malgré l’expression cynique de leur inquiétude, l’aide et l’assistance internationales, totalisant environ 300 millions de dollars, est complètement inadaptée aux besoins immédiats urgents, sans parler d’aider les survivants à reconstruire leur vie.
On estime le nombre de sans abris à quelques 3 millions. Pour beaucoup les secours ne sont pas arrivés du fait que les routes dans les régions montagneuses n’ont pas été dégagées et qu’il y a un sérieux manque d’hélicoptère. Une déclaration du Programme Alimentaire Mondial de l’ONU, mardi dernier, estimait qu’un demi million de personnes n’avait pas encore reçu de secours. Médecins et chirurgiens travaillent jour et nuit tandis que les blessés continuent d’affluer des zones isolées. Les victimes sont majoritairement les pauvres, dont les logements de fortune se sont immédiatement écroulés et qui ont tout perdu.
Hier le Secrétaire général de l’O.N.U. Kofi Anan a critiqué timidement le manque d’aide internationale et a prévenu qu’une seconde catastrophe se profilait à l’horizon. Alors que l’hiver himalayen s’installe, des centaines de milliers de personnes sont sans abri, sans vêtements et sans approvisionnement appropriés, et les températures sont déjà en dessous de zéro. Anan prédit que des milliers mourraient de froid et de maladies évitables si on n’accordait pas davantage d’aide.
L’origine de la pauvreté qui frappe le sous - continent indien n’est pas un mystère. C’est le résultat du fonctionnement quotidien des relations économiques entre pays opprimés et pays oppresseurs. Les énormes profits des entreprises transnationales dépendent directement de leur accès à l’inépuisable main-d’uvre bon marché de pays comme l’Inde et le Pakistan. L’existence de centaines de millions de personnes vivant dans l’absolue pauvreté dans toute l’Asie du sud est la condition requise essentielle au style de vie extravagant des super riches à New - York, Tokyo et Londres.
Les réponses du président américain George Bush et du Premier Ministre britannique Tony Blair au tremblement de terre reflètent le mépris et l’indifférence des cercles dirigeants qu’ils représentent envers les masses appauvries d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine. La promesse de Washington de 50 millions de dollars et d’une poignée d’hélicoptères militaires ne représente rien comparé aux énormes ressources américaines consacrées à la subjugation de l’Irak et de ses vastes réserves pétrolières.
Les marchés boursiers mondiaux n’enregistrèrent même pas le tremblement de terre parce que celui-ci n’affecta aucun investissement majeur ni aucune ressource vitale. Pour les élites patronales du monde entier, les victimes du tremblement de terre ne représentent pas grand chose. Leur seule fonction au sein du système capitaliste mondial est de servir d’immense armée de réserve de main d’uvre, à laquelle on peut faire appel pour faire baisser les salaires et conditions de vie des travailleurs dans les autres coins du monde.
L’inquiétude exprimée et l’aide proposée par Bush, Blair et d’autres dirigeants n’ont servi qu’à appuyer leurs alliés locaux et avancer leurs propres projets économique et stratégique. Le président pakistanais Pervez Musharraf était déjà sous pression à propos de son soutien à la "guerre contre le terrorisme" de Bush et de l’invasion américaine de l’Afghanistan. Il est maintenant confronté à une vague de colère critique à propos de l’échec de son gouvernement à fournir une aide adéquate aux victimes du tremblement de terre, ce qui mine davantage encore son pouvoir chancelant.
Washington espère aussi exploiter la tragédie pour promouvoir le soi - disant processus de paix entre l’Inde et le Pakistan. Le Cachemire est au centre de la rivalité entre les deux pays depuis plus d’un demi-siècle, provoquant trois guerres et comme récemment en 2002 la menace d’une autre. "L’initiative de paix" de l’administration Bush sur le sous - continent fait partie des plus larges ambitions américaines de domination économique et stratégique mondiale. L’Inde est un élément clé dans ces plans en tant que source principale de main - d’uvre bon marché et d’alliée potentielle contre la Chine.
La réaction des dirigeants mondiaux au tsunami en Asie qui tua plus de 300 000 personnes en Indonésie, au Sri Lanka, en Thaïlande et en Inde fut la même. Bush et Blair refusèrent même de modifier leurs projets de vacances jusqu’à ce que la manifestation grandissante de compassion et d’inquiétude de la part des travailleurs ordinaires partout dans le monde ne menace de révéler leur indifférence. Comme l’énormité de la tragédie devenait manifeste, la Maison Blanche l’utilisa alors à ses propres fins, y compris en accentuant la pression pour faire aboutir "le processus de paix" au Sri Lanka et dans la province indonésienne d’Aceh. En accord avec son ambition longtemps attendue de rétablir une présence militaire dans l’Asie du sud, les troupes de l’armée des Etats-Unis prirent part aux opérations d’aide en Indonésie et au Sri Lanka.
Dix mois après la catastrophe, des centaines de milliers de survivants vivent encore dans de sordides abris provisoires sans perspectives immédiates. La plupart des 4 milliards de dollars d’aide internationale qui avaient été promis en grande fanfare au sommet de Jakarta en janvier ne se sont jamais matérialisés. Au Sri Lanka, où au moins 80 000 maisons ont été détruites, seules 1 126 nouvelles maisons ont été terminées et 15 615 sont à diverses étapes de construction. Une bonne partie de l’aide internationale limitée qui arriva à Colombo a purement et simplement disparu.
La classe ouvrière américaine
L’ouragan Katrina donna des leçons encore plus importantes à la classe ouvrière. Cette terrible tragédie a mis à nu l’état réel des relations de classe qui est au cur de l’impérialisme mondial aux Etats - Unis.
Premièrement, elle a mis à mal le conte de fées selon lequel il n’y a pas de division de classes aux Etats - Unis et que personne n’est laissé dans la pauvreté et le besoin. De même qu’au Cachemire et au Sri Lanka, les victimes de la Nouvelle Orléans furent les pauvres. Ceux qui avaient des voitures quittèrent la ville, tandis que ceux qui ne purent le faire furent livrés à eux-mêmes dans le Superdome et au Palais des congrès. Les scènes de dévastation dans les quartiers pauvres, comme furent obligés de le reconnaître des commentateurs, auraient pu être filmées à Galle ou à Banda Aceh. Depuis des décennies, différents nationalistes radicaux en Asie passent la classe ouvrière américaine par perte et profit ou nient même son existence. Désormais l’élémentaire vérité de classe est révélée au grand jour, à savoir que les travailleurs du sous-continent indien partagent les mêmes conditions d’existence que leurs frères et surs de classe aux Etats Unis.
Deuxièmement, l’attitude de la classe dirigeante américaine à l’égard des masses laborieuses de la Nouvelle Orléans fut exactement la même que vis à vis des victimes du tsunami asiatique et du tremblement de terre au Cachemire. Bush n’était pas plus prêt à changer ses projets de vacances pour des travailleurs américains en août qu’il ne l’était pour des paysans appauvris de l’Asie du sud en décembre dernier. Avant, pendant et après l’ouragan Katrina, le principe directeur de la réponse de l’administration Bush fut de protéger les intérêts de l’élite patronale.
Malgré l’alerte donnée des jours à l’avance, le gouvernement ne fit aucun effort pour aider ses citoyens les plus vulnérables. A la suite de l’ouragan, il exploita la catastrophe pour livrer la reconstruction aux compagnies privées et pour avancer ses plans pour la militarisation de la société civile. Il est frappant de voir que le réflexe des classes dirigeantes, que ce soit au Sri Lanka, au Pakistan ou aux Etats - Unis, fut d’inonder les rues de soldats lourdement armés, non pas dans le but d’aider, mais pour protéger la propriété privée et étouffer toute trace de protestation ou d’opposition.
Troisièmement, l’ouragan Katrina a mis à nu le mythe du marché. Depuis des décennies, les propagandistes de la "réforme économique" citent en exemple les Etats - Unis comme preuve que leur programme fonctionnera. Pour réduire au silence les critiques, ils réclament la patience, arguant que « des souffrances immédiates » conduiraient finalement à « des gains futurs ». Après tout, il n’y a qu’à regarder l’extraordinaire exemple de richesse fabuleuse en Amérique ! Maintenant on voit à l’il nu que des décennies de restructuration économique aux Etats - Unis ont non seulement produit une division grandissante entre riches et pauvres mais aussi une complète décadence des infrastructures similaire à la situation des pays du Tiers Monde. Même si une tempête dans le Golfe du Mexique est un cas d’école étudié dans les universités, les agences gouvernementales se révélèrent totalement incapables d’évacuer la population à temps ou de fournir les services d’urgences basiques suite à l’événement.
La semaine dernière dans un élan hautement significatif devant les caméras de télévision, le président Musharraf laissa échapper la conclusion que l’élite dirigeante pakistanaise avait tirée de l’ouragan Katrina. Se défendant des critiques qui s’amplifient, le général déclara, avec exaspération, qu’il lui avait suffi de seulement 24 heures pour intervenir, alors même que le président Bush avait mis plus de temps pour commencer à aider les victimes de l’ouragan. En d’autres mots, Musharraf s’empara de la négligence et du mépris criminels pour les gens de la Nouvelle Orléans témoignés par l’administration Bush afin de justifier l’échec de son propre gouvernement à apporter aide et assistance aux victimes du tremblement de terre.
La classe ouvrière internationale doit tirer de tout autres conclusions. Un ordre économique et social qui ne peut fournir un minimum de protection contre les catastrophes naturelles, sans parler de garantir des conditions de vie décentes pour tous, ne mérite pas d’exister. Que ce soit à la Nouvelle Orléans, à Colombo ou à Islamabad, les travailleurs partagent un intérêt commun à l’abolition du système de profit et sa division obsolète du monde en Etats - nations.
Nulle part ailleurs n’est aussi apparent le caractère réactionnaire du système capitaliste de l’état que dans le sous - continent indien. La partition communautaire de 1947 qui créa l’Inde et le Pakistan, résultat d’un accord sordide entre le colonisateur britannique et la bourgeoisie locale, a produit un demi-siècle de guerre et de pogroms. L’absurdité de cette division est soulignée par le fait que le président du Pakistan est né dans l’Inde actuelle, et le Premier ministre indien au Pakistan actuel, et malgré cela tous deux sont prêts à déclencher une guerre nucléaire sur le sous-continent plutôt que d’abandonner un centimètre de territoire.
Le tremblement de terre du 8 octobre n’a pas plus respecté la Ligne de Contrôle au Cachemire que le tsunami du 26 décembre ne se limita aux frontières nationales entre l’Inde, le Sri Lanka et l’Indonésie. Et pourtant la réponse immédiate des armées indienne et pakistanaise de chaque côté de la ligne de cessez le feu ne fut pas d’aider les victimes, mais de s’assurer que leur rival ne se procure aucun avantage. Alors que les média spéculent sur les possibilités de paix, tout accord au Cachemire soutenu par les Etats - Unis ne sera, au mieux, qu’un répit temporaire. Les classes dirigeantes en Inde et au Pakistan ont à plusieurs reprises attisé le communautarisme et le nationalisme comme moyen d’étayer leur règne en divisant les masses pauvres, et elles le feront à nouveau.
Je me porte candidat au nom du Parti de l’Egalité Socialiste aux élections présidentielles du Sri Lanka dans le but de promouvoir une alternative socialiste au système capitaliste en déroute pour les travailleurs à travers le sous-continent indien. Ce n’est pas dans les allées du pouvoir à Colombo, à New Delhi ou Islamabad que l’on trouvera les alliés des travailleurs mais parmi les frères et surs de classe de toute la région, aux Etats-Unis et internationalement. Nous luttons pour les Etats-Unis socialistes de l’Asie du sud comme moyen d’unifier et de mobiliser la classe ouvrière du sous-continent. Cela fait partie de la lutte à l’échelle mondiale pour remplacer le capitalisme par un système social basé sur la satisfaction des besoins urgents de la majorité, plutôt que les profits d’une très étroite minorité.
Wije Dias
– Source : WSWS.ORG www.wsws.org