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Les bords de mer grecs livrés sans bruit aux vautours

Grèce : l’Europe du Littoral

La loi sur le littoral grec occupe et continuera à occuper pour longtemps, tel un hold-up à grande échelle, organisé et revêtu d’attitudes mafieuses, car, si le projet de loi est voté, peu importe le nombre des modifications qu’il connaîtra, l’affaire est si grave qu’elle marquera pour longtemps la vie politique hellénique.

Des nombreux points figurent dans ce qui oppose depuis quelques mois d’un côté, les représentants de la Troïka et leurs sbires, et de l’autre côté la basse strate politique qui s’est associée à la société civile.

De quoi s’agit-il ? En résumé, les 16 pages du projet de loi visent, au nom de l’esprit d’entreprendre et des éventuelles, voire hypothétiques, recettes économiques, la permission d’exploiter le littoral, pour des restaurants, cafétérias, night-clubs, ports de plaisance, casinos, hôtels, etc. Pour utiliser des termes précis, le projet de loi, qui a été mis en concertation publique, vise « la facilitation le développement économique en relation avec le littoral, la limitation des contraintes pour la cession à des privés ou à des communes, la légalisation de toute construction illégale existante qui serait utilisée à de buts économiques, et, en général, la facilitation des constructions qui desservent des objectifs économiques ».

« Ouais..... mais où est le mal ? », dirait-on, surtout quand on a en tête que dans une situation de crise budgétaire et de dette publique grandissante, il est plus que louable de libérer « l’esprit d’entreprise », surtout lorsque « l’intérêt général » est la motivation fondamentale du gouvernement.

Il n’est pas question pour le gouvernement de négocier la nature du projet de loi, d’où le manque de concertation ou la manière de faire. Une concertation conduirait à choisir un cadre de développement raisonné, puisque ce cadre touche plusieurs secteurs vitaux de l’économie hellénique mais aussi du patrimoine mondial (Où sont les Verts européens ? Où est l’UNESCO ?).

Seulement, nous sommes en Grèce, le pays à l’histoire néocoloniale et dont les gouvernements successifs, depuis sa création contemporaine, sont employés des forces que l’on connaît, un pays où lorsqu’ un politicien dit « nous », il pense surtout « moi ». La construction de l’Etat grec est une tragédie pour les Grecs, une comédie pour les observateurs, une caricature ou une création circonstancielle. C’est là tout le problème grec, la nature de l’Etat. Maintenant, pourquoi ce peuple n’a jamais pu agir en Etat, il faudra chercher la réponse à l’extérieur, et pourquoi pas dans les bases de notre chère Europe ? Il est vrai après tout que des cadres européens existent qui ont pour mission de "cadrer" ce type d’initiatives. A citer le MAP (Programme d’Action Méditerranée), le traité de Barcelone (contre la pollution), le programme Eurosion (pour la limitation de l’érosion), la recommandation 2002/413 de la Commission Européenne pour la gestion intégrale du littoral, le protocole méditerranéen pour le littoral, l’Obsemedi (pour la constitution d’un observatoire européen relatif), etc. Nous ne comptons pas les nombreuses décisions nationales, puisque dans le cas grec leur violation est presque de la routine. C’est qu’il faut tenir compte c’est le nombre impressionnant d’acteurs institutionnels et interlocuteurs, nationaux et internationaux qui en sont concernés, situation qui va à l’encontre des objectifs d’une liquidation rapide de la Troïka, puisque toute concertation relative prolongera de façon significative les délais espérés. Donc il faut faire vite. Tant pis pour la Constitution, tant pis pour le Droit et les autres cadres où la Grèce est signataire.

Pour revenir au projet de loi, son sous-entendu caractère d’« intérêt général » n’est pas prouvé, il y a même un manque cruel d’études préparatoires, sans compter l’absence complète d’un plan de développement sur lequel ces études doivent reposer. Si l’intérêt général était une notion dominante de ce projet de loi, les communautés de communes ou les grandes agglomérations qui s’opposent aujourd’hui à ce projet de loi, seraient au courant. Au contraire, l’inverse est redouté, et sur ce point, la moindre démarche de type « analyse de valeur » dira plutôt que les destructions probables nuiront aux espaces de valeur et de patrimoine bien plus que les recettes (taxes) venant des nouvelles infrastructures touristiques attendues.

Laissons de côté l’incompatibilité avec la constitution qui protège le littoral (art 24), la protection contre les atteintes au citoyen et à l’homme (art 2, art 5). Laissons de côté les cadres internationaux et européens, les projets et initiatives régionales, méditerranéennes. Laissons de côté aussi les aspects de droit pénal, la « légalisation » des constructions interdites par exemple pour lesquelles de décisions de démolition ont été prises par les Tribunaux. Laissons de côté aussi les aspects de la légitimité d’agir, puisque le sentiment commun est contraire à ce projet de loi, surtout pour des notions telle que la propriété privée sur le littoral commun et public. Sur ce dernier point, grosso-modo, l’écart est tel qu’aucun législateur dans un pays à fonctionnement normal n’oserait rédiger le texte proposé dans ce projet de loi. Bien que tout ceci c’est agir en dehors du cadre du Droit, en dehors de la constitution, regardons un peu plus les éléments qui concernent la communauté internationale :
La destruction des sites à caractère archéologique (il existe de nombreux sites au bord de l’eau ou engloutis par l’eau, à quelques mètres de la côte), la destruction de la biodiversité à des endroits où les lois de la nature et du climat n’autorisent pas de constructions ou de transformations, la destruction certaine de fonds marins, déjà dénoncée par les spécialistes internationaux. Ces derniers pointent l’importance écologique du littoral grec en soulignant qu’il faut plus de 50 ans d’observation pour mesurer l’impact environnemental. Plusieurs km de côtes, d’innombrables criques, comme des îles entières sont concernés par ces destructions. Le projet de loi vise aussi les fleuves et les lacs et autre sites naturels (forêts).

Lorsqu’on compare les côtes espagnoles -aux endroits où le développement n’a pas été contrôlé - avec les côtes grecques, on prend conscience de la valeur des côtes grecques et du type de développement qu’il serait approprié.

« Mémorandum oblige », disent les principaux responsables politiques, en se cachant derrière "le plus fort".
Comme c’est facile.... Mais comment changer cette logique antihumaine, anti-environnement, anti-européenne de la Troïka dont le but est « recettes au plus vite » ? Il ne faut pas perdre des yeux que la Troïka a pour objectif la liquidation du patrimoine hellénique au nom du remboursement des intérêts de la dette. Quel rapport avec la sauvegarde du patrimoine naturel ?

Des collectifs sont formés pour s’opposer à la politique gouvernementale grecque. Le réseau panhellénique « Littoral Zéro Heure » est créé avec cette mission, de ressembler et d’agir, mais il faut l’effort de tous pour changer la logique de faire. 130 collectivités, mairies, organisations participent pour dénoncer le projet de loi et les pratiques mafieuses du gouvernement. Mais le mémorandum ne recule pas et il faut plus de forces pour cela. Une action plus large et européenne s’impose.

Aussi, nous devons revisiter la construction de cet édifice qui s’appelle Europe. L’Europe ne doit pas favoriser les violations des constitutions et des droits nationaux ni participer à des initiatives sans fondements et critères scientifiques. L’arbitraire des décisions de la Troïka, dont elle fait partie, doit stopper.

A.A.

»» http://www.afh-mp.fr/
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Le fait est que les slogans du type "soutenons nos soldats" n’ont aucun sens... Et c’est tout l’objectif d’une bonne propagande. Il vous faut créer un slogan auquel personne ne s’oppose, et tout le monde y adhérera. Personne ne sait ce qu’il veut dire parce qu’il ne veut rien dire. Son importance réside dans le fait qu’il détourne l’attention d’une question qu’il aurait fallu poser : soutenez-vous notre politique ? Mais ça c’est une question qu’on n’a pas le droit de poser.

Noam Chomsky

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