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Les insectes pollinisateurs sont plus efficaces que les pratiques agricoles intensives

Suite à une étude menée sur 54 cultures en France de 1989 à 2010, des chercheurs du CESCO (Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS/UPMC), de l’Université d’Orléans et de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), publient leurs résultats sur l’importance des insectes pollinisateurs pour les terres agricoles métropolitaines dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment.

En s’interrogeant sur les impacts de l’agriculture intensive, les scientifiques ont constaté que l’intensification de l’agriculture est de moins en moins efficace pour améliorer la productivité des cultures à mesure que celles-ci sont de plus en plus dépendantes des pollinisateurs. En particulier, cette intensification ne permet pas d’augmenter le rendement, voire occasionne plus de variabilité, pour les cultures hautement dépendantes du service de pollinisation. Cela suggère fortement que l’intensification agricole affecte négativement les pollinisateurs et le service de pollinisation qu’ils fournissent.

Depuis les années 1960, les pratiques agricoles se sont intensifiées, augmentant ainsi les rendements des cultures mais produisant aussi de nombreux effets négatifs sur les insectes pollinisateurs et sur la biodiversité en général. Il est à noter que la production des cultures ne nécessite pas toujours un service de pollinisation : des céréales, indépendantes des pollinisateurs, aux pommes, prunes ou courgettes qui en dépendent beaucoup, il existe un gradient de dépendance des cultures aux pollinisateurs. Pourtant 35% de la production agricole mondiale dépend d’insectes pollinisateurs sauvages qui, butinant les fleurs de ces plantes cultivées, rendent un service de pollinisation.

Pour cette étude, le Service de la Statistique et de la Prospective du Ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a fourni aux chercheurs les données de productions annuelles pour 54 cultures de 1989 à 2010 pour les 22 régions de France métropolitaine : rendement moyen et variabilité temporelle du rendement ont ainsi été calculés pour chaque culture pour chaque région.

L’intensité de l’agriculture a ensuite été estimée au niveau régional en tenant compte du système de rotation des cultures, des quantités d’intrants utilisées (irrigation, engrais, pesticides), et de la présence d’habitats semi-naturels dans le paysage (par exemple haies ou forêts). Intensité de l’agriculture d’une part et rendement moyen ou variabilité du rendement d’autre part sont finalement mis en relation pour examiner l’efficacité de l’intensité de l’agriculture pour la productivité des 54 cultures.

Comme attendu, les résultats montrent que le rendement moyen des cultures peu ou non dépendantes du service de pollinisation augmente avec l’intensité de l’agriculture, et que la variabilité du rendement diminue. Cependant, ces gains s’amenuisent pour les cultures plus dépendantes du service de pollinisation. Pour les cultures très dépendantes en pollinisateurs (65%-95%), le rendement moyen n’augmente d’ailleurs pas avec les pratiques agricoles plus intensives et une plus forte variabilité du rendement moyen est observée.

Ainsi, les résultats de cette étude révèlent l’impact négatif de l’intensification sur les pollinisateurs et les services qu’ils rendent, ce qui en conséquence limite la productivité des systèmes agricoles.

L’enjeu est désormais de développer de nouvelles approches agricoles permettant de maximiser les rendements en se reposant sur les services écosystémiques fournis par la biodiversité, tels que la pollinisation ou le contrôle des ravageurs des cultures ; un enjeu majeur limitant ainsi les impacts de l’agriculture sur la nature.

Référence

Nicolas Deguines, Clémentine Jono, Mathilde Baude, Mickaël Henry, Romain Julliard, et Colin Fontaine, "Large-scale trade-off between agricultural intensification and crop pollination services", Front Ecol Environ 2014, 1er mai 2014, doi:10.1890/130054

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