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Les sociétés transnationales ont gagné des pouvoirs choquantes pour poursuivre des États souverains et n’hésitent pas à s’en servir.

Tribunaux du Capital : comment les entreprises peuvent tenir les gouvernements en otage (Red Pepper)

En mai 2011, le gouvernement allemand a annoncé qu’il mettrait fin en 2022 au programme nucléaire du pays. La décision faisait suite à des manifestations de masse qui ont éclaté dans ​​les rues allemandes après la catastrophe au Japon de la centrale nucléaire de Fukushima, et illustre l’opposition profonde à l’énergie nucléaire qui existe au sein de la société allemande depuis des décennies. La législation visant à éliminer progressivement l’énergie nucléaire a été adoptée par le Parlement à une majorité écrasante.

Peu après, l’entreprise suédoise de l’énergie Vattenfall a annoncé qu’elle poursuivait le gouvernement allemand pour la somme astronomique de 3,7 milliards d’euros en « compensation » des pertes résultant de la sortie du nucléaire. La société avait déjà gagné un procès précédent contre le gouvernement allemand sur la réglementation environnementale pour l’Elbe, Vattenfall faisant valoir qu’une telle législation rendait sa centrale au charbon non-rentable. L’affaire fut réglée en 2011 lorsque Vattenfall se vit accorder un nouveau permis de construire avec des contraintes environnementales moins exigeantes.

Dans le même temps, à l’autre bout du monde, le gouvernement australien présentait une nouvelle loi pour lutter contre les coûts sociaux du tabagisme, qui comprenait l’exigence que toutes les cigarettes devaient être vendues dans un emballage neutre à partir de décembre 2012. Avant même que les nouvelles mesures n’entrent en vigueur, le géant américain du tabac Philip Morris a annoncé qu’il poursuivait le gouvernement australien pour des milliards en dommages et intérêts et pour demander l’abrogation du projet. Philip Morris a également porté plainte contre le gouvernement de l’Uruguay pour des mesures visant à réduire le tabagisme dans ce pays, où les mises en garde de santé doivent désormais couvrir 80 pour cent de tous les paquets de cigarettes. Les deux pays se défendent en invoquant les intérêts de santé publique.

Des pouvoirs sans précédent

Les 30 dernières années ont vu une prolifération d’accords d’investissement par lesquels le Capital peut tenir en otage les politiques sociaux et environnementaux, même dans les Etats les plus forts. Parmi ces accords on trouve les traités bilatéraux d’investissement (TBI) qui consacrent les droits des sociétés transnationales sur les marchés étrangers. Le premier TBI a été signé en 1959 entre le Pakistan et l’Allemagne, mais c’est au cours des années 1990 et 2000 que leur nombre a augmenté de façon spectaculaire. Il y a actuellement plus de 3200 accords d’investissement internationaux en vigueur à travers le monde et la très grande majorité sont des TBI.

Les TBI ont défini toute une série de nouveaux pouvoirs pour les sociétés transnationales, tels que le droit de pénétrer de nouveaux marchés et de rapatrier les bénéfices à volonté. Surtout, les TBI accordent aux entreprises étrangères le droit de contourner les tribunaux nationaux et de poursuivre les États devant les tribunaux internationaux d’arbitrage sur les décisions de politique publique qui pourraient « injustement » affecter leur profits. Cette clause sur le règlement des différends investisseur-État est sans précédent en ce qu’elle élève, pour la première fois, le Capital transnational à un statut juridique équivalent à celui de l’État-nation.

La tribunaux arbitraux se sont rien de plus que des tribunaux fantoches. Les arbitres ne sont pas des juges titularisés de l’autorité publique, comme dans les systèmes judiciaires nationaux, mais une petite clique de juristes d’entreprise qui sont nommés sur des critères ad hoc et qui ont un intérêt à se prononcer en faveur des entreprises. Les tribunaux siègent à huis clos, et les arbitres ont été reconnus coupables de tellement de mauvaises interprétations de la loi que même ceux qui soutiennent l’idée de ces tribunaux admettent qu’ils ont perdu toute crédibilité. Une déclaration publiée en 2010 par plus de 50 professeurs de droit et d’autres universitaires appelait à l’abolition du système et demandait que le droit de statuer soit rendu aux tribunaux nationaux.

Les alertes précoces

La menace posée par le règlement des différends investisseur-État est apparu pour la première fois avec l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA ) entre le Canada, le Mexique et les Etats-Unis. La première affaire a été portée en 1997 par la société américaine Ethyl Corporation contre le gouvernement canadien qui avait introduit l’interdiction de l’additif MMT pour des raisons de santé publique. Le gouvernement a fait valoir qu’Ethyl n’avait pas attendu six mois à compter de l’adoption de la loi avant de déposer sa plainte, comme elle était tenue de le faire, mais le tribunal a statué que l’affaire devait aller de l’avant malgré tout. Le gouvernement canadien a réglé la dispute en versant 13 millions de dollars à Ethyl et en révoquant l’interdiction du MMT.

Ces précédents ont déclenché une avalanche de nouvelles affaires portées devant les TBI de chaque pays. Aucun Etat n’a été aussi durement touché que l’Argentine, qui a été la cible de dizaines de sociétés européennes et américaines au cours des dernières années. Un des cas les plus scandaleux concerne la concession d’eau de 30 ans dans la province de Tucumán, accordé en 1995 à la filiale argentine de la société française Vivendi. La privatisation a conduit à un doublement du prix de l’eau du jour au lendemain, mais la société n’a pas effectué les investissements requis en vertu de la concession. Lorsque l’eau à Tucumán « a viré au brun », huit ménages sur ​​dix ont totalement cessé de payer leurs factures. Pourtant, un tribunal d’arbitrage a accordé à Vivendi 105 millions de dollars pour la perte de son contrat.

Mais de tels dédommagements font pâle figure à côté de 1,77 milliards de dollars (plus les intérêts) accordés en 2012 à Occidental Petroleum contre le gouvernement de l’Équateur, le montant le plus élevé jamais accordés à ce jour. Le tribunal d’arbitrage a confirmé que le géant pétrolier avait enfreint la loi équatorienne en vendant une partie de ses intérêts sans l’approbation du ministère, mais a rejeté l’argument de l’Équateur qu’il était justifié de mettre fin au contrat de la société. En revanche, un tribunal distinct a rejeté la demande de l’Équateur de 19 milliards de dollars de dommages contre Chevron pour sa contamination de la forêt amazonienne sur une période de 20 ans.

Le résistance commence

La menace pour la démocratie posée par cette montée en puissance de l’entreprise a généré ses propres résistances, avec plusieurs pays cherchant maintenant à abandonner complètement le règlement des différends investisseur-État. La Bolivie, l’Equateur et le Venezuela se sont retirés du Centre international de la Banque mondiale pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), tandis que des pays tels que le Brésil et le Mexique refusent de signer. L’Afrique du Sud a rompu unilatéralement ses TBI avec plusieurs pays européens, tandis que l’Inde a suspendu toutes les négociations en attendant le résultat de sa propre analyse de politique interne.

Le Royaume-Uni n’a pas encore eu à subir des défis à sa politique comme résultat de ses nombreux TBI. Pourtant, en vertu du nouveau traité d’investissement et de partenariat transatlantique, les compagnies US obtiendront pour la première fois le droit de contester les Etats européens directement devant les tribunaux d’arbitrage internationaux. Plusieurs rapports laissent entendre qu’elles ont la ferme intention de le faire. Nous voilà prévenus.

John Hilary

http://www.redpepper.org.uk/capital-courts/

Traduction "et moi j’ai le pouvoir de traduire des textes devant les lecteurs du GS" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

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« Cuba mi amor », un roman sur le Che de Kristian Marciniak (Rebelion)
Leyde E. Rodri­guez HERNANDEZ
Publié chez Publibook, une maison d’édition française, le roman de Kristian Marciniak : « Cuba mi amor » circule dans Paris ces jours-ci. Dans un message personnel adressé au chroniqueur de ce papier, l’auteur avoue que Cuba a été le pays qui lui a apporté, de toute sa vie, le plus de bonheur, les plus grandes joies et les plus belles émotions, et entre autres l’orgueil d’avoir connu et travaillé aux côtés du Che, au Ministère de l’Industrie. Le roman « Cuba mi amor » est un livre (…)
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« LIBERTE. »

George W. Bush - Janvier 2005
mot prononcé 40 fois lors de son discours d’investiture qui a duré 20 minutes,
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