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« Les anti-balakas pratiquent le nettoyage ethnique et les tueries sectaires »

Responsable des conflits et des crises pour l’ONG Amnesty International, Donatella Rovera est l’auteur d’un rapport sur la situation en République centrafricaine.

Le rapport d’Amesty International parle de «  nettoyage ethnique et de tueries sectaires  » en République centrafricaine. Que se passe-t-il ?

Donatella Rovera. Le terme est fort mais il n’a pas été utilisé à la légère. Selon les milices anti-balakas elles-mêmes, les attaques qu’elles mènent contre les musulmans visent soit à les liquider physiquement, soit à les contraindre à partir. Leur discours est clair, public et est répété. Et c’est bien ce qu’elles font sur le terrain. C’est donc bien la description d’une épuration ethnique. Il est assez extraordinaire de voir qu’il n’y a pas de véritables pressions de la part des forces internationales contre ces milices. Tout au plus, ces forces internationales ont escorté les populations musulmanes, qui sont en train de se faire expulser, jusqu’aux frontières. Mais il n’y a pas vraiment eu un effort pour dire clairement que la demande des anti-balakas et de ceux qui les soutiennent parmi la population chrétienne est inacceptable, qu’il faut une protection pour les populations menacées. Pourtant, ces milices anti-balakas disposent d’un armement relativement léger, surtout par rapport à la capacité des forces internationales.

Ce qui pose la question de la mission des forces internationales ?

Donatella Rovera. Ces forces sont dans le pays avec comme mandat très clair : la protection de la population civile. Cela a été fait parfois. Dans certains endroits, elles ont effectivement évité les massacres. Ceci dit, elles n’étaient pas présentes là où il le fallait, quand il le fallait dans beaucoup trop de cas. Si l’on regarde ce qui s’est passé en janvier, des affrontements, des tueries, des massacres ont eu lieu dans différentes villes de l’ouest du pays. Il était pourtant prévisible que cela allait se passer, qu’à partir du moment où les Seleka se retiraient, les anti-balakas investiraient le terrain et attaqueraient la population musulmane. En dépit de cela, les forces internationales n’ont pas été présentes sur les lieux et, effectivement, il y a eu des massacres. Là où elles ont été présentes, leur rôle a été 
de protéger les populations civiles mais à condition que ces populations quittent les lieux et quittent le pays. C’est ce qu’on a vu un peu partout. Dans les endroits où, il y a deux ou trois semaines, se trouvaient encore des milliers de musulmans, aujourd’hui, il n’en reste plus un seul.

On assiste régulièrement à l’intervention de forces internationales, particulièrement française, lorsqu’une crise survient. La solution réside-t-elle à chaque fois dans l’envoi de soldats ou plutôt dans l’aide à une solution politique ?

Donatella Rovera. Ce sont des décisions essentiellement politiques que nous ne commentons pas à Amnesty International. Ce qui est clair, c’est que l’impunité qui règne en République centrafricaine est un problème qui dure depuis très longtemps. Et cela contribue grandement à ce que les crimes et les atrocités continuent d’être commis. Parce que ceux qui, aujourd’hui, commettent ces atrocités savent pertinemment que ceux qui en ont commis avant eux ont bénéficié d’une impunité totale et pensent que ce sera pareil pour eux. Donc, il n’y a aucune crainte d’être traduit en justice, d’avoir à répondre de ses actes. Ce qui crée une dynamique très dangereuse que rien ne décourage.

Que préconisez-vous ?

Donatella Rovera. La présidente et son gouvernement, nouvellement installés n’ont pas les forces nécessaires. Mais il faut que la communauté internationale mette 
à disposition d’une force de maintien de la paix suffisamment de ressources humaines et matérielles pour lui permettre 
de protéger la population civile. 
Il faut qu’il y ait une révision 
du modus operandi de ces forces, un regard sur les performances, comprendre pourquoi certaines décisions opérationnelles ont été prises, pourquoi, quand les forces sont dispatchées dans certaines régions, elles permettent aux milices anti-balakas d’opérer 
à leurs côtés, par exemple en leur laissant tenir des check points, 
ce qui est inacceptable. Par ailleurs, la spécialité des soldats n’est pas le maintien de l’ordre. Se pose donc la question de l’envoi d’un contingent de force de police qui pourrait améliorer la sécurité.

Entretien réalisé par Pierre Barbancey

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