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Où les yeux s’écarquillent et les oreilles se tendent

Avec le téléfilm Page Eight réalisé en 2011 par David Hare, les Britanniques ont réservé une surprise de taille au téléspectateur enclin à sommeiller devant les séries policières.

Il s’agit ici plutôt d’un thriller sans pistolets ni hémoglobine, au moins pour les images, qui se déroule essentiellement dans des salons et bureaux feutrés, puisqu’il concerne les hautes sphères du renseignement de sa Majesté, le MI-5, et de la politique ; dans lequel le premier Ministre est personnellement impliqué.

Un document compromettant pour ce dernier amène le héros, Johnny Worricker, un officier de la vieille école qui le détient, à négocier son abandon.

Le bas de la Page Huit de ce document établit clairement que le premier Ministre avait gardé pour lui, sans les transmettre à ses services de renseignement, des informations peu favorables aux Américains avec lesquels pourtant « les mêmes valeurs sont partagées ».

Il se trouve que le hasard a donné à Johnny pour voisine de palier Nancy Pierpan, une écrivaine d’origine syrienne. Cette dernière apprend les fonctions importante de son voisin, si bien qu’elle arrive à lier connaissance avec lui dans le dessein d’élucider les circonstances d’un drame familial, grâce aux informations qu’il pourra peut-être atteindre.

Là aussi, un pays avec lequel « les mêmes valeurs sont partagées » est concerné ; qu’on en juge : il s’agit d’Israël.

La version officielle israélienne de la mort de son frère bien-aimé a amené à classer l’affaire dans la rubrique accident.

Il ne s’agit pas dans ces lignes de faire une critique cinématographique, bien que l’ambiance lente et le rythme intimiste, avec les images attachantes des divers protagonistes, mériteraient d’être appréciés.

Ce qui tient en haleine le spectateur français, c’est l’argument si réaliste qu’il lui paraît invraisemblable : - Ah bon ? Il est donc possible de dire un peu de vérité politique par le biais d’une fiction télévisée ?

Le premier Ministre a caché ce qu’il savait et tente de récupérer ce qui l’atteste : que les amis américains ont des lieux de détention secrète et de torture « en Thaïlande, en Afghanistan, au Maroc, en Pologne et en Roumanie. »

D’autre part, grâce à ses possibilités d’accès aux renseignements confidentiels, Johnny peut confirmer pour Nancy que son frère qui brandissait en manière d’opposition un drapeau blanc sur une maison en cours de démolition pour l’édification d’un mur en Palestine avait été froidement abattu par l’armée israélienne.

Il va plus loin : il négocie avec le pouvoir la possibilité de diffusion par les médias de cette information... contre la remise de la fameuse « Page Eight » si compromettante.

En fait, après avoir vendu un des tableaux de grande valeur, parmi ceux qu’il collectionne, ce qui lui permet de tout quitter pour une destination quelconque, il lance la révélation publique sur les procédés utilisés par les Israéliens, et met le document qu’il devait abandonner au premier Ministre dans une poubelle de l’aéroport. Laissant ainsi sans doute ce dernier dans une grande incertitude.

Disons pour conclure que ce téléfilm britannique n’est pas du tout, mais alors pas du tout, hollandais.

Mauris Dwaabala

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COMMENTAIRES  

04/01/2014 12:25 par vagabond

Franchement, ce n’est que de la poudre aux yeux ! Toujours cette méthode démocratique qui laisse la liberté de s’exprimer mais pas de changer la donne.
Il me semble que tout un rapport a été établi suite au massacre "plomb durci", qui se souvient de Goldstone ?

05/01/2014 08:50 par Dwaabala

Le niveau de la réalisation ne fait pas du tout penser à une « production télé » comme les merdes françaises ou la daube atlantiste courantes. C’est vraiment du bon cinéma, avec tous les ingrédients nécessaires : suspens, bons acteurs, rebondissements.
La grande qualité de ce film m’a donné l’envie d’en souligner un aspect qui m’a particulièrement frappé.

06/01/2014 14:36 par vagabond

Malheureusement, je ne vois pas le monde actuel comme une fiction.
Ces "rebondissements" conduisent au massacres des peuples et le cinéma transforme ces massacres en divertissement. Je ne parle pas que de cette série.
Encore une espèce de prophète qu’on a oublié, Baudrillard ! Ne parlait-il pas de la réalité vue à l’aune de la fiction ? Peut-être ai-je mal compris son hyperréalité ?

06/01/2014 16:51 par Dwaabala

Le monde actuel, comme le plus ancien, a aussi ses artistes, ses romanciers, et maintenant ses réalisateurs ; ceux qui nous donnent à voir le monde par le biais de leurs fictions.
Leur public ne confondent pas le monde et ces dernières, auxquelles il va comme on va boire à la fontaine..

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