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Tardi a refusé la Légion d’honneur

Alain NICOLAS

«  On n’est pas forcément content d’être 
reconnu par des gens 
qu’on n’estime pas.  »

« Je ne suis pas intéressé, je ne demande rien et je n’ai jamais rien demandé.  » C’est ainsi que Jacques Tardi, le célèbre auteur de bandes dessinées, a conclu, mercredi, une déclaration à l’AFP dans laquelle il refusait «  avec la plus grande fermeté  » la Légion d’honneur qu’on lui avait attribuée dans la promotion du 1er janvier [2013 -NdE]. Le créateur d’Adèle Blanc-Sec veut «  rester un homme libre et ne pas être pris en otage par quelque pouvoir que ce soit  », a-t-il poursuivi, ajoutant :

«  J’ai appris avec stupéfaction par les médias, au soir du 1er janvier, que l’on venait de m’attribuer d’autorité et sans m’en avoir informé au préalable, la Légion d’honneur !  »

Cette distinction cadre mal, en effet, avec les professions de foi anticonformistes, voire anarchisantes du scénariste et dessinateur :

«  Étant farouchement attaché à ma liberté de pensée et de création, je ne veux rien recevoir, ni du pouvoir actuel ni d’aucun autre pouvoir politique quel qu’il soit. C’est donc avec la plus grande fermeté que je refuse cette médaille. (…) Je n’ai cessé de brocarder les institutions. Le jour où l’on reconnaîtra les prisonniers de guerre, les fusillés pour l’exemple, ce sera peut-être autre chose.  »

Et de conclure : «  On n’est pas forcément content d’être reconnu par des gens qu’on n’estime pas  » sans bavures.

Âgé de soixante-six ans, Jacques Tardi vient de publier Moi René Tardi, prisonnier de guerre, Stalag II B (Casterman), une œuvre très personnelle, basée sur le témoignage de son père, prisonnier en Allemagne. Il avait auparavant fait paraître deux albums très pacifistes et antimilitaristes, Putain de guerre ! et C’était la guerre des tranchées.

Cet acte le range dans une tradition de refus aux côtés de Louis Aragon (qui l’acceptera sous un gouvernement d’union de la gauche) à Albert Camus, de Claude Monet à Hector Berlioz, Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir.

Alain Nicolas, le 3 Janvier 2013

 http://www.humanite.fr/societe/tardi-refuse-la-legion-d-honneur-512046
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COMMENTAIRES  

02/01/2014 13:26 par Nounourse

lire la réponse de Tardi, lors de son refus de légion d’honneur, reste une confiserie que l’on déguste avec bonheur ...... mais du coup j’ai cru qu’on la lui avait proposée une deuxième fois !!! Car si je ne m’abuse, et vu ce que j’avais lu sur mon forum politique préféré, il y a eu là un loupé temporel, non ?

02/01/2014 14:13 par Le Grand Soir

il y a eu là un loupé temporel, non ?

Justement, pour l’éviter, il fut rajouté dans le texte :

dans la promotion du 1er janvier [2013 -NdE]

Voir également la date de l’article : le 3 Janvier 2013.

02/01/2014 23:17 par le fou d'ubu

Grand bonhomme ce Monsieur Tardi...D’accord avec Nounourse, la réponse aux "offficiels" fond sur eux comme un bombon préféré dans notre bouche ...Ce dessinateur vient de conquérir un nouveau lecteur ...

03/01/2014 09:39 par zorbeck

J’ignore s’il l’avait refusée aussi, mais c’est l’occasion de ressortir une saillie de Satie : "Refuser la légion d’honneur ne suffit pas, encore fallait-il ne pas la mériter..."

Chapeau bas à Tardi qui a su dénoncer avec talent l’incroyable imbécilité de la guerre 14-18 et l’engouement pour le pire qui a jonché les charniers de Verdun. Ce qui me fait penser à une histoire (vraie) racontée par un vieux paysan rencontré dans les Pyrénées. Il m’avait raconté une anecdote survenue à son père et qui le choquait jusqu’aujourd’hui. Victime d’une rage de dents impitoyable, l’officier de service lui [son père] avait interdit de se rendre à l’infirmerie parce que le lendemain se donnerait l’assaut vers les lignes ennemies. Du "cost cutting" en quelque sorte...

Et pour ceux qui l’ignoreraient, je recommande vivement "Paths of Glory" (Les Sentiers de la Gloire) de Kubrick, un monument du cinema qui a le privilège d’avoir été le film le plus longtemps censuré en France, avec cette touche si latine que la censure n’a pas été officiellement décrétée, mais bien réelle...

03/01/2014 16:33 par gérard

Chapeau l’Artiste !
Du grand art, comme toute son œuvre.
Dans la même série, celle des films qu’on évite de passer les 11 Novembre, il y a aussi « Pour l’exemple de Losey ».
Mais aussi, peu connu, dans la même lignée, et que je considère comme étant un pur chef d’œuvre : « Johnny got is gun », « Johnny s’en va en guerre » de Dalton Trumbo
http://www.youtube.com/watch?v=Saa_wwejPk8»

03/01/2014 19:10 par le fou d'ubu

@ Gérard

"Johnny got is gun"

Sans doute le film qui à couté le moins cher au monde. D’accord avec vous, c’est un chef d’œuvre absolu qui scotche au fauteuil...jusqu’à la fin...

03/01/2014 21:32 par gérard

@ fou d’ubu
Il y a quelques films de Bergman (le Maître !), qui n’ont pas été bien chers non plus...
« Johnny got his gun » est pourtant un film de Cinéma, qu’il faut voir dans de très bonnes conditions celles de la solitude d’une salle obscure...
C’est un des rares films dont je me souviens parfaitement de la salle, qu’une fois le mot FIN apparu, il s’est passé pas mal d’interminables secondes avant que les gens commencent à se lever...et se décident à sortir lentement en un silence "assourdissant".

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