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A 16 ans, Ganesh a trouvé un emploi au Qatar. Deux mois plus tard, il était mort (The Guardian)

Tilak Bahadur Bishwakarma montre la photo de son fils, Ganesh, 16 ans, mort au Qatar d’un arrêt cardiaque, six semaines après son départ du Népal. Photo : Peter Pattisson/guardian.co.uk

Des travailleurs népalais se rendent au Qatar pour trouver un moyen de sortir de la misère. Au lieu de cela, beaucoup se retrouvent piégés dans des journées et nuits de 12 heures, dans les camps surpeuplés et sales. Certains ne rentrent pas vivants chez eux.

Au sein de l’agitation fébrile de l’aéroport de Katmandou, on peut assister à l’une des images les plus amères de la mondialisation. À la porte d’embarquement, des parents pleins d’espoir font des adieux larmoyants à leurs fils couverts de guirlandes qui s’en vont rejoindre les centaines de milliers de Népalais qui se rendent à l’étranger pour le travail. À l’autre bout du terminal, parmi le flux de passagers qui débarquent, des cercueils des travailleurs migrants portés sur des chariots à bagages sont remis à leurs familles. Certains parents restent stoïques, d’autres sanglotent en se tordant par terre. En moyenne, trois ou quatre corps arrivent ainsi chaque jour.

Ce sont les grands perdants de la violence et exploitation scandaleuse exercée sur ceux qui sont parmi les plus pauvres et et les plus déshérités de la planète : les travailleurs népalais qui partent chaque année pour le Moyen-Orient.

Ganesh Bishwakarma était l’un entre deux. Pour Ganesh, le Qatar était une oasis dans le désert, une terre promise qui allait lui permettre de s’extraire de la misère qui emprisonnait sa famille dans le district rural de Dang au Népal depuis des générations. Comme beaucoup d’autres dans son village, il avait rencontré les agents de recrutement qui avaient promis un emploi bien rémunéré et la possibilité de subvenir à sa famille. Il est parti en promettant de revenir et de construire une belle maison pour sa mère.

Il est bien revenu – mais au bout de deux mois seulement et dans un cercueil. Il avait 16 ans.

« Nous ne pensions pas qu’il allait mourir comme ça », dit sa grand-mère, Motikala. « Nous ne pensions pas que nous allions le pleurer comme ça. »

Il était tard dans la nuit lorsque l’ambulance transportant le corps de Ganesh s’est arrêtée devant la petite maison en terre de sa famille. Les lamentations de ses amis et voisins ont commencé bien avant que son cercueil soit déchargé et transporté à l’intérieur de la maison par sa famille choquée et en deuil. Toute la nuit sa famille est restée accroupie autour du cercueil de l’enfant. A l’aube, ils ont fait leurs derniers adieux et ont allumé son bûcher funéraire.

A 16 ans, Ganesh était trop jeune pour pouvoir émigrer légalement pour du travail, mais cela n’a pas empêché un recruteur local de fournir un faux passeport indiquant qu’il avait 20 ans. Le recruteur a encaissé un tarif exorbitant pour un travail de nettoyage au Qatar - bien au-delà de la limite légale fixée par le gouvernement népalais - laissant le garçon et sa famille avec une dette de recrutement de 150.000 roupies (£ 940) qu’il a promis de rembourser à un taux de 36 %.

Les cercueils de deux travailleurs népalais à l’aéroport de Katmandou attendent d’être remis à leurs familles. Photo : Peter Pattisson/guardian.co.uk

Chaque année, près de 400.000 hommes et femmes népalais quittent leurs villes et villages pour des emplois à l’étranger. Plus de 100.000 partent pour le Qatar, où une industrie de la construction en plein essor et un appétit insatiable de main-d’œuvre bon marché est alimentée depuis la victoire de sa candidature pour accueillir la Coupe du Monde 2022, célébrée par l’émir Cheikh Hamad bin Khalifa al-Thani et son épouse. Cependant, au lieu des salaires et perspectives promises, beaucoup de ces travailleurs se retrouvent piégés dans une réseau d’exploitation, de corruption et de fraude et, de plus en plus, d’esclavage et de mort.

Pour beaucoup de ces migrants, leur sort est scellé avant même qu’ils ne quittent le Népal. « [ les trailleurs migrants Népalais ] partent sans poser de questions », a déclaré Nilambar Badal, directeur du Centre des Migrants au Népal, qui conseille les migrants sur les risques de travailler à l’étranger. « Et ainsi, on leur extorque jusqu’au dernier centime ».

Alors que la construction des stades n’a pas encore commencée, le Qatar est déjà un chantier géant qui se prépare pour la Coupe du Monde. Les chantiers de construction peuvent varier entre de vastes gouffres grouillants de milliers de travailleurs, et une poignée d’hommes en train de construire une villa. Ce qui ne change pas, c’est la chaleur implacable et l’humidité. Sur la plupart des chantiers, les ouvriers peinent dans des bleus de travail clairs, foncés par la sueur. Ils s’enveloppent, se drapent même le visage de tissu pour se protéger du soleil. Souvent, on n’aperçoit que leurs yeux.

A quinze kilomètres du centre de Doha, des travailleurs peinent sous un soleil torride au développement de la ville de Lusail. En 2022, ce vaste chantier sera le métropole flambant neuf du Qatar et une pièce maîtresse du tournoi de la Coupe du Monde au Qatar. Pourtant, les preuves s’accumulent et indiquent qu’il est construit en partie par le travail forcé d’hommes qui se retrouvent dans une situation où ils ne peuvent plus rentrer chez eux - leurs salaires ont été retenus pour les empêcher de fuir, leurs passeports confisqués et ils sont privés des cartes d’identité nécessaires pour pouvoir se déplacer librement sans crainte d’arrestation.

Certains travailleurs de la ville de Lusail disent qu’ils n’ont pas été payés depuis des mois et ne peuvent qu’assister impuissants à l’accumulation des intérêts de leurs dettes au Népal. Un groupe a finalement fait grève pour réclamer leurs salaires, une mesure radicale étant donné que les autorités peuvent tout simplement les expulser vers la misère et la honte de retour au pays pour une infraction même mineure.

« La situation est devenue telle que nous avons dû faire grève trois ou quatre fois pour demander notre salaire », a déclaré SBD, un migrant népalais qui travaille sur la marina de Lusail. « Une fois, nous avons volé les clés des bus qui nous emmènent au travail pour les empêcher de nous y conduire de force. Nous sommes allés à la police, mais ils ont refusé de nous aider. »

A une heure de route de là, une vaste zone industrielle poussiéreuse à l’ouest de Doha abrite des dizaines de milliers de travailleurs migrants. Les températures peuvent atteindre 50° C, et les ouvriers peuvent travailler jusqu’à 12 heures par jour, mais les hommes qui ont été recrutés par un sous-traitant affirment qu’ils ne sont pas fournis en eau potable.

La nuit, ils retournent vers des hébergements sales et surpeuplés dans le centre industriel de Sanaya, où la puanteur des eaux usées est accablante et où les travailleurs affirment que quelques 600 hommes se partagent deux cuisines. « Les cuisines sont infestées de moustiques, de cafards et de punaises », déclare KBB , l’un des résidents du camp. « Les mouches sont posées sur la nourriture. Les gens tombent malades. »

Le bilan effroyable sur les travailleurs migrants dans la construction des infrastructures pour la Coupe du Monde est visible dans tout le secteur de la construction au Qatar.

Dans une pièce minuscule à l’arrière de l’ambassade du Népal, le Guardian a trouvé des douzaines de travailleurs migrants en quête de secours et d’indemnisations de leur employeur. « A la fin de mon contrat de deux ans, j’ai demandé à mon employeur de me laisser rentrer à la maison. Il a continué à me promettre de me délivrer un permis de sortie et de m’envoyer chez moi, mais il ne l’a jamais fait », a déclaré Bir Bahadur Lama, 25 ans, qui tente de retourner au Népal depuis un an. « L’année dernière, mon employeur m’a vendu à un autre homme, mais quand il s’est rendu compte que j’étais sans papiers, il m’a viré. Ma seule option à présent est de me livrer à la police en espérant qu’ils vont m’expulser. »

Un large groupe est venu chercher refuge après que leur employeur a omis de leur verser les salaires pendant plusieurs mois d’affilée. Ils ont dit qu’il refusait à présent de délivrer le permis de sortie dont ils ont besoin pour pouvoir rentrer chez eux.

« Nous ne voulons pas abandonner notre argent, mais nous risquons nos vies en restant ici. Ca n’en vaut pas la peine », a déclaré Ramesh Kumar Bishwakarma, 32 ans, qui n’a pas été payé depuis 10 mois. « Donnez-nous simplement un billet et nos passeports. Nous voulons partir le plus tôt possible. »

Pour un nombre croissant de migrants, le seul moyen de sortir du Qatar est dans un cercueil. Les taux de mortalité chez les travailleurs népalais ont augmenté au cours des dernières années. Le Conseil de promotion de l’emploi à l’étranger du Népal (FEPB) estime que 726 migrants sont morts à l’étranger en 2012, soit une augmentation de 11 % par rapport à l’année précédente.

Le groupe de défense des droits des migrants, le Comité de Coordination Pravasi népalais (PNCC), a déclaré que le nombre réel de décès pouvait être le double parce que les chiffres de l’FEPB ne prennent en compte que les cas où un parent a réclamé une indemnité ou l’argent de l’assurance. Le comité estime que le nombre de morts est plus près de 1300. « Le nombre de décès chez les migrants népalais est beaucoup plus élevé que les autres pays d’Asie du Sud », a déclaré Mahendra Pandey, le président du PNCC. « La plupart des népalais travaillent dans la construction, mais ils ne sont pas expérimentés pour ce genre de travail qui est un travail beaucoup plus dangereux que les autres. Ils découvrent souvent aussi qu’ils ne sont pas payés un bon salaire ce qui a conduit certains au suicide. »

La cause de décès la plus fréquemment établie est une sorte d’insuffisance cardiaque. Il n’est pas très clair pourquoi autant de jeunes hommes apparemment en bonne santé meurent d’un arrêt cardiaque - tant et si bien que ces décès sont désormais communément appelés « syndrome de mort subite ».

« Ces travailleurs qui meurent sont jeunes, mais les crises cardiaques ne sont pas une cause fréquente de décès chez les jeunes », a déclaré le Dr Prakash Raj Regmi, président de la Fondation du Cœur du Népal, qui pointe du doigt les conditions de travail et de vie déplorables que ces travailleurs subissent comme une cause possible des décès, en disant : « Ces hommes ont de mauvaises habitudes alimentaires, des niveaux élevés de stress mental et travaillent de longues heures dans des conditions extrêmes. »

A la famille de Ganesh, on leur a dit que le garçon est mort d’un arrêt cardiaque quelques semaines après son arrivée au Qatar. Quelque chose que la famille trouve difficile à accepter. « Mon fils était fort. Même pas une toux », a déclaré son père, Tilak Bahadur. « Il est allé à l’étranger et est décédé subitement. Était-ce le climat ou autre chose ? »

Le gouvernement népalais ne semble pas disposé à agir devant les preuves qui s’accumulent sur les conditions de travail rencontrées par des milliers de ses citoyens. Il désigne les agences de recrutement, qu’il accuse d’escroquer les travailleurs vulnérables avec de faux contrats et des frais de recrutement excessifs.

« Nous connaissons ces problèmes, et nous avons pris certaines mesures contre les agences responsables », a déclaré Divas Acharya, directeur du département de l’emploi étranger au Népal. « Nous essayons de faire plus, mais nous sommes à court de personnel et de ressources. »

Pour la famille de Ganesh, l’espoir qu’ils ressentaient il y a deux mois quand leur garçon est parti pour le Qatar s’est transformé en incertitude et désespoir. Alors que les flammes du bûcher ont commencé à s’éteindre, les pensées du père se tournent vers la dette que Ganesh a laissée derrière lui. Malgré les espoirs de son fils de revenir un homme riche, la famille n’a jamais reçu la moindre roupie du Qatar.

« Je ne sais pas comment je vais rembourser le prêt nous avons contracté pour l’emploi de mon fils. Je n’arrête pas d’y penser. Je sais que le prêteur ne me lâchera pas » a-t-il dit. « Je ne veux plus jamais entendre parler du Qatar. »

De la sécurité au servage

Pour la plupart des milliers de travailleurs migrants qui affluent vers le Moyen-Orient, les problèmes débutent à la maison, où des agents de recrutement sans scrupules imposent souvent des frais élevés pour leur trouver un emploi et leur font de fausses promesses sur les salaires et les conditions de contrat.

Les moins scrupuleux feront de faux papiers, notamment des certificats de santé, pour rendre leurs « clients » plus aptes au travail qu’ils ne le sont réellement. Les migrants les plus pauvres devront généralement emprunter de l’argent - souvent à des taux exorbitants – à des prêteurs ou d’autres personnes dans leur village pour payer leur passage.

Une fois au Qatar, le système kafala lie le travailleur à un employeur unique. Les travailleurs ont peu de possibilités pour se plaindre de certaines pratiques, comme la confiscation du passeport, le retard de paiement des salaires et l’absence de délivrance des cartes d’identité, parce que l’employeur sait que ses ouvriers dépendent de lui. Le kafala oblige les employeurs à déclarer comme « fuyards » les travailleurs qui démissionnent sans autorisation, une infraction qui mène à leur arrestation et à la déportation. Il exige aussi que les travailleurs obtiennent un permis de sortie de leur employeur avant de pouvoir quitter le pays.

« Nous ne pouvons pas fuir et nous ne pouvons pas changer d’employeur », a déclaré un électricien travaillant sur le chantier du nouvel aéroport international. « Si nous fuyons, la police peut nous attraper - nous avons peur d’eux. Nous deviendrions des illégaux. ».

Selon l’Organisation internationale du travail, le travail forcé se définit comme « tout travail exigé d’une personne sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel le dit individu ne s’est pas offert de plein gré ».

Une liste établie par l’OIT prévoit une série de conditions qui définissent le travail forcé. Les accusation formulées par les Népalais remplissent de nombreuses conditions de cette liste, y compris la violence physique, l’exclusion de la communauté, la suppression des droits et des privilèges, l’aggravation des conditions de travail, la retenue des salaires, la rétention de documents d’identité et un endettement forcé.

Human Rights Watch a déclaré : « La loi sur le parrainage interdit aux travailleurs migrants de changer d’emploi sans le consentement de leur employeur. Même lorsque l’employeur ne paie pas de salaires décents, n’offre pas des conditions décentes ou ne respecte pas les conditions du contrat de travail, les travailleurs ne peuvent pas simplement changer d’emploi. »

 Pete Pattisson

http://www.theguardian.com/global-development/2013/sep/25/qatar-nepalese-workers-poverty-camps

Traduction "bon, en gros, le Qatar c’est la France de l’UMPS et de la CFDT moins la CGT et le Front de Gauche" par Viktor Dedaj pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.

URL de cet article 22649
   
Donde Estan ? ; Terreurs et disparitions au Pérou (1980-2000)
Daniel Dupuis
La pratique des arrestations illégales, des tortures et des exécutions en dehors de tout procès régulier puis de la dissimulation des dépouilles (d’où le terme de « disparus ») est tristement célèbre en Amérique latine où les dictatures ( l’Argentine de la junte militaire, le Paraguay dirigé par le général Alfredo Stroessner, le Chili tenu par Augusto Pinochet...) y ont eu recours. De 1980 à 2000, sous un régime pourtant démocratique, l’armée du Pérou n’a pas hésité à recourir à la terreur (…)
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