Cet ouvrage de Jacques Frémeaux, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris IV, est une synthèse comparative des connaissances acquises sur les empires coloniaux des États ouest-européens (Royaume-Uni, France, Pays-Bas, Belgique, Portugal, Espagne et Italie) dans l’entre-deux-guerres, c’est-à -dire au moment de leur fragile apogée.
L’auteur s’appuie très largement sur le savoir des experts coloniaux de l’époque, en le resituant dans une perspective historique éclairée par les événements postérieurs. Suivant un plan très méthodique, il approfondit tous les aspects de son sujet (définition et formation des empires coloniaux, tour d’horizon géographique, organisation et structures politiques, structures économiques, les populations indigènes, européennes, et autres, le fonctionnement social, les phénomènes d’acculturation, le gouvernement des indigènes, le nationalisme et les réformes, la montée des périls...), et fournit une masse de données précises sur chaque puissance colonisatrice et chaque pays colonisé. Cette démarche comparative met en évidence l’unité de cet ensemble colonial, et les spécificités des diverses politiques coloniales, dont la politique britannique apparaît comme la plus originale et la plus novatrice.
Ce livre s’adresse à des lecteurs motivés et attentifs, mais ceux-ci ne peuvent qu’être séduits et conquis par la qualité du style, l’ampleur et la précision des connaissances rassemblées et maîtrisées, la rigueur de la démonstration, la justesse critique et la sérénité des jugements, insensibles aux modes intellectuelles, qui réalisent pleinement le voeu formulé il y a dix ans par Daniel Rivet : une histoire coloniale enfin émancipée de « la dialectique de la célébration et de la condamnation du fait colonial qui a si longtemps et si profondément biaisé l’écriture de son histoire » (Cf. « Le fait colonial et nous : histoire d’un éloignement », dans XXème siècle, n° 33, janvier-mars 1992, pp. 127-138). Par ce grand livre, ouvrage de référence et de réflexion, Jacques Frémeaux nous donne une magistrale leçon d’histoire, et nous apprend à penser historiquement les empires coloniaux.
Une seule réserve peut être formulée à propos du titre, à la mode et racoleur, qui ne renseigne pas le lecteur sur les véritables limites chronologiques de l’ouvrage, et qui l’induit même en erreur, puisque l’entre-deux guerres et surtout les années 30 furent plutôt une pause dans le processus de « mondialisation » inauguré par les grandes découvertes du XVIème siècle et accéléré par la Révolution industrielle du XIXème (Cf. « De la mondialisation », par François Crouzet, dans Historiens et géographes, n° 378, mai 2002, pp. 231-241). Mais qu’importe, si cet artifice publicitaire peut appâter quelques lecteurs de plus pour un livre qui en mérite beaucoup