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La religion et la dialectique de l’histoire

La guerre contre le terrorisme islamiste doit susciter bien de questions philosophiques et criminologiques. Non pas qu’il faille remettre en cause la religion, mais remettre la religion dans son fondement, dans ses droits, dans sa quiddité. Il n’est pas exagéré d’avancer et de défendre un droit pour la religion au sens d’aujourd’hui. Autrement dit, la religion est-elle un droit démocratique ? L’homme est-il partout libre d’exercer sa liberté de culte et de croyance ?

Les questions sont graves et fort difficiles. Mais il n’est pas impossible d’y répondre. Et chacun pourrait alors apporter son opinion, pour que la religion, toute religion ne soit plus objet de haine, de violence gratuite, de guerre inutile. Avec de la réflexion lucide, de la tolérance, et beaucoup de discours dans les mosquées, les églises, les synagogues, les temples, il est possible de sauver l’homme et sa foi, l’homme et son dieu. Car finalement, n’est-ce pas le même Dieu que nous adorons tous ? Ce Dieu qui selon Aristote vit dans une ipséité totale, et dont Epicure pense qu’il ne s’occupe pas des affaires humaines ? Philosophiquement parlant, le djihadisme a-t-il seulement une once de vérité, si nous admettons avec les philosophes que tout homme se définit par sa raison, par son autonomie et son libre-arbitre ?

Je voudrais ouvrir ici une crainte à l’aune des nouvelles réalités de la guerre contre le terrorisme djihadiste : la religion serait-elle criminogène ? On pourrait d’emblée croire que le criminologue déraille, raconte des impiétés. Or, c’est l’évidence même, quand bien même certains auraient du mal à le concevoir pour moult raisons. La vérité disait l’adage est comme du piment, il brûle les yeux mais ne les casse pas. Socrate dans l’antiquité jouait le rôle de moraliste et de criminologue, au sens exact du terme où le manque de maîtrise de la partie inférieure de l’âme, la partie concupiscente, peut conduire aux vices, aux passions mortelles. Depuis la République, Platon a fait voir que l’épithuma sans le contrôle du noûs crée une dysharmonie tant dans la psuché individuelle que dans la cité.

En exorde de cette réflexion, il nous a paru de la plus haute importance de poser comme une sorte d’axiome mathématique cette pensée de Lucrèce : « C’est le plus souvent la religion elle-même qui enfanta des actes impies et criminels. C’est ainsi qu’à Aulis l’autel de la vierge Trivia fut honteusement souillé du sang d’Iphianassa par l’élite des chefs grecs, la fleur des guerriers » (Lucrèce, De la nature, livre I, Alfred Ernout).

L’actualité nous enseigne la cruauté d’un autre visage de la religion : l’islamisme, avec des déclinaisons qui entachent la quiddité de l’Islam : fondamentalisme, salafisme, radicalisme, intégrisme, moudjahidisme, djihadisme. Face à ces dérives, les musulmans laïcs et modérés ne doivent pas restés indifférents. Il est possible de faire la contre offensive contre un islamisme ravageur et nuisible, cause d’islamophobie à l’endroit des honnêtes et sérieux musulmans-islamistes. Aujourd’hui, depuis le déclenchement de la guerre contre le terrorisme au Mali, et la massive prise d’otages dans le site d’In Aménas en Algérie, l’opinion française a changé de regard et de termes vis-à -vis de l’Islam, en se braquant crûment contre les musulmans. De fait, la peur du djihadisme à induit in fine la peur de l’Islam et de ses fidèles le psychisme collectif. En sorte qu’aujourd’hui le seul fait d’être musulman, vous place à la même enseigne que le djihadiste et l’islamiste. Mais sans doute faut-il hic et nunc débrouiller le sens d’islamiste, et consécutivement se demander s’il est identique musulman ?

Tous les hommes sont des animaux politiques, mais tout le monde n’est pas un animal religieux. La preuve est donnée par le fait qu’il existe des hommes dits athées, agnostiques, et même des indifférents. De fait sociologiquement et philosophiquement, il difficile de créer une communauté humaine, universelle d’homme ayant une religion unique. Mais le Dieu pourrait être commun. Une religion Universelle, ce serait un idéal platonicien. En essayant de répondre à nos questions précédentes, émergera lumineusement la quintessence du Dieu, qui n’a rien à avoir avec le djihad, et la violence meurtrière.

En effet, dans un contexte brûlant de violence et de guerre, il est pertinent de s’interroger au nom de [Qui] est employé cette violence du djihadisme : de la religion, ou de Dieu ? Si prima facies pour tout musulman authentique Dieu n’est pas le destinataire, le bénéficiaire de ce djihadisme indiscriminé ; en revanche on peut accorder que sous couvert de la religion, certains individu peuvent en effet nuire directement à leurs semblables, et indirectement à la quiddité de la religion : à partir de ce moment il est de bon droit de les qualifier d’islamistes et de djihadistes, au sens où la religion est utilisée comme moyen pour atteindre des objectifs. Et aux antipodes de ces énergumènes, vous avez le musulman, l’honnête homme de l’islam, qui est laïc, tolérant, pour qui Dieu est Amour, et l’islam, entendu comme une religion fondamentalement et essentiellement tolérante. Ceci pour dire que la conduite des islamistes radicaux, fondamentalistes, partout dans le monde impacte sur la vraie nature de l’Islam. Conséquence logique, nous avons aujourd’hui une forte aggravation, une montée volcanique de l’islamophobie, qui risque de devenir dialectiquement : musulmanophobie, ou qui est déjà là .

Il est crucial de le savoir : le djihadisme n’est pas le vrai Islam, ni du Djihad, et que le musulman se distingue de l’islamiste pur et dur. En criminologie nous qualifions justement, les djihadiste et leurs assimilés, de criminels et de terrorisme, des négateurs de l’homme et des valeurs démocratiques.

Etymologiquement, il faut comprendre que religion vient du latin : religio, ou de religere (lien, ou qui relie). Partant on peut définir la religion comme un moyen, un lien qui nous rattache à la Divinité. Toute société bien constituée, qui a une culture, des traditions, a eu à un moment donné de son histoire, à adorer un dieu, des dieux, ou d’autres objets considérés comme des dieux. Ainsi, dans les sociétés primitives par exemple, ou si l’on veut traditionnelles, le rapport aux dieux, ou à la divinité, n’est pas un rapport d’aliénation, comme le penserait Karl Marx. Mais la religion faisait partie intégrante de la vie civique, comme en Afrique, dans la Grèce, ou ailleurs. Il est donc difficile de concevoir à l’origine une société athée, ou agnostique. Et culturellement, la religion peut se comprendre comme un ensemble de croyances qui unies une communauté, ou le sentiment vis-à -vis de la Divinité. D’où la foi, en un Etre unique (monothéisme), ou en plusieurs dieux (polythéisme), et les incroyants, comme de juste, vous diront aussi qu’ils croient à leur incroyance.

De fait il y existe plusieurs voies pour atteindre le salut. Chacun aujourd’hui du point de vue des droits modernes, est donc libre de vivre pleinement sa religion et son incroyance. L’humanité a quitté la caverne de Platon, pour vivre et jouir pleinement des lumières de la raison. Les sociétés évoluent et se transforment, et avec elles les pratiques et les cultes religieux. Les jeunes d’aujourd’hui, ne sont pas comme les vieillots et les demi vieillots de la génération précédente. Ils ont une autre weltanschauung (conception du monde) de la religion. Et ma foi, les dévots des religions qui prônent aujourd’hui une approche extrémiste, radicale, fondamentaliste de la religion, vont se casser la figure contre la nouvelle génération, contre la middle-generation, celle qui défend contre tous les diables, les droits de l’homme et la démocratie, comme en Egypte sur la place tahrir contre les rétrogrades.

Il nous suffit simplement de porter notre regard sur le cas des jeunes de Gao que les djihadistes ont privé de leurs droits et libertés. Longtemps habitués à la liberté religieuse, à vivre sous l’Etat laïc, jouissant de leurs droits de fumer, de jouer au ballon, d’aller en boîte de nuit, bref de jouir et de profiter de l’instant comme diraient les épicuriens, il serait difficile de les reconvertir même par des fouets, ou par des incantations. Ils préféreront plus l’approche des philosophes qui emploient les méthodes de la persuasion, et de la démonstration pour mettre sur le tapis le vrai et le faux.

Si Karl Marx a vu juste à son époque sur les drames de la religion, aujourd’hui, force est de le dire c’est le djihadisme, et non la religion, qui devient « l’opium du peuple », « l’opinion des ignorants » en ayant occulté la dialectique de l’histoire. Tel est le point de départ de la guerre, du djihadisme en anachronisme total avec la dialectique de l’histoire, avec les nouvelles réalités advenues. Finalement faut-il dire, Dieu n’est pas mort pas comme l’avançait Nietzsche, ce sont les djihadistes qui veulent la mort de la religion. Dieu ainsi que nous le savons n’est pas atteignable, par les actions humaines. Au rebours, les actions violentes, criminelles, perpétrées au nom de Dieu, sont des abominations, des attentats contre l’âme du malfaiteur. En prenant des innocents en otages, en les moyennant, et pour d’autres, en les assassinant, on n’est pas véritablement dans l’oeuvre de la Divinité, mais dans le Mal, dans le crime. Aussi faut-il convenir et reconnaître, qu’il y a des actions qui éloignent de la Divinité. Car aussi longtemps qu’une âme est souillée par des injustices, elle ne pourra jamais faire l’ascension vers le monde immuable, vers le monde divin. Plus exactement, une telle âme noircie, obscurcie par les crimes, par les péchés, ne verra jamais son Dieu. D’où la nécessité de bien agir, de revenir à la vraie religion, à la droite religion, au vrai djihad qui est une vraie purification de l’âme : une guerre intérieure contre ses désirs et ses pensées. Le djihad en Islam est à l’identique de ce que nous enseignent l’oracle de Delphes : connais toi, toi-même (gnôthi seauthon), ou le souci de soi (epimeleia heauton), dont parlait Michel Foucault.

Pour plier cette réflexion disons simplement que Dieu depuis les philosophes rationalistes, est l’Etre absolu, infini, autonome, vivant dans une ipséité totale qui n’a pas besoin qu’on fasse la guerre en son nom. Si Dieu est le maître de toutes choses, et qui voit toutes choses comme disent les stoïciens, alors il est juste de dire que le djihadisme est une perversion de la religion, un nihilisme de l’autre. Mais le regret est que les musulmans modérés ont trop longtemps mis du temps pour réagir, pour se révolter contre les djihadistes. Criminologiquement, il n’est pas exagéré d’avancer qu’il a fallu que les crimes soient intolérables, pour que le Logos afin retrouve son droit de cité. L’Islam authentique, sans violence, sans terreur, sans coercition, vecteur de paix, et de tolérance, doit retrouver dans cet Univers des droits de l’Homme, son lit naturel partout dans le monde.

Youssouf Maiga Moussa

DESS/Sécurité Publique
IPAG, Université d’Auvergne (France).

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