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Karlsruhe, la Cour qui pourrait faire tomber l’euro

La Cour constitutionnelle pourrait bloquer la procédure de sauvetage de l’euro. Le gouvernement allemand craint que, comme lors de l’arrêt sur le traité de Lisbonne en 2009, les juges s’opposent à une intégration européenne plus poussée. Au-delà de la question de l’Europe, on assiste à une lutte de pouvoir entre l’exécutif et le législatif.

Il est rare qu’Angela Merkel laisse transparaître sa colère. La chancelière est une femme qui contrôle ses émotions. Aussi ses camarades de la CDU ont-ils été surpris lorsque, il y a quinze jours, elle s’est emportée devant la direction du parti à propos de la Cour constitutionnelle. Les juges venaient de lui reprocher de ne pas respecter les droits du Parlement avec sa politique de sauvetage de l’euro. Cette année, c’est déjà le deuxième arrêt qui va en ce sens. Et cette fois, c’en est trop.

Comment faire de la politique correctement, dites-moi, si avant chaque rencontre avec un chef d’Etat européen, il faut dévoiler la ligne directrice des négociations ? "Cela me pousse au bout de mes limites" , s’est plainte la chancelière. Elle considère les juges comme des professeurs de droit vivant à mille lieues du monde réel et sans la moindre idée des difficultés auxquelles sont confrontés les dirigeants politiques.
Des magouilleurs de Constitution

Il faut dire que les choses n’ont jamais été simples entre Berlin et Karlsruhe. Cette phrase que l’on attribue à l’ancien chef du groupe parlementaire du SPD, Herbert Wehner, est devenue légendaire : "Nous n’allons pas laisser les connards de Karlsruhe foutre notre politique en l’air." Il est certes dans la nature des choses que les relations entre la Cour et le monde politique fassent de temps à autre des étincelles. Karlsruhe est là pour s’assurer que le gouvernement respecte la Constitution ; quant aux dirigeants politiques, ils n’aiment guère lorsque la Cour les prend pour des magouilleurs de Constitution concoctant des accords dans des arrière-salles obscures. Le fait que les juges jouissent d’une popularité à laquelle beaucoup de gouvernants ne peuvent que rêver n’arrange rien.

Mais depuis le début de la crise de l’euro, il y a plus qu’une simple question de vanité. Les arrêts de Karlsruhe ressemblent à des actes d’accusation contre une chancelière qui, de l’avis des juges, méprise les règles du jeu démocratique en menant sa politique de sauvetage effrénée. Il est juste que les juges tapent sur les doigts d’un pouvoir exécutif qui agit avec trop d’indépendance. Mais à Berlin, on soupçonne de plus en plus la Cour d’avoir passé un pacte avec les populistes et les eurosceptiques que le projet d’intégration européenne contrarie sérieusement.

Cette lutte pour le pouvoir éclate au grand jour au moment où les juges se voient chargés d’une responsabilité historique. S’ils mettent un coup d’arrêt au sauvetage de l’euro, non seulement ils risquent de plonger l’Allemagne et l’Europe dans une grave récession, mais ils pourraient porter un coup fatal à l’unité du continent. La phrase de Merkel, "Si l’euro échoue, c’est l’Europe qui échoue" , doit également être considérée comme un avertissement à l’intention de Karlsruhe.

Une pierre sur l’estomac

Cette semaine, la joute entre dans une nouvelle phase. Mardi 10 juillet, la Cour s’est saisie de la motion d’urgence déposée contre les mesures de secours du MES et contre le pacte fiscal censé imposer davantage de discipline budgétaire aux membres de la zone euro. Déjà en 2009, la Cour constitutionnelle avait rendu un verdict qui avait pesé comme une pierre sur l’estomac de la classe politique. Beaucoup interprètent la décision sur le traité de Lisbonne comme si la Loi fondamentale avait atteint ses limites. Et que plus d’intégration européenne signifierait un changement de constitution.

C’est pourquoi l’équipe de Merkel se prépare déjà à l’idée que Karlsruhe bloque tout nouveau transfert de pouvoir vers Bruxelles. Une variante consisterait à convoquer une convention qui établirait une constitution juridique entièrement nouvelle pour l’Etat. En théorie, c’est une bonne idée. Mais dans la pratique, une telle convention paralyserait les forces de la classe politique pendant des années, et ce justement à un moment où la monnaie unique titube. Une autre possibilité serait d’ajouter un nouvel article sur l’Europe à la Loi fondamentale. Cela ouvrirait la voie à un processus d’intégration qui aboutirait en fin de compte à un Etat fédéral européen.

Une désignation à l’abri des regards

Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances, a dit récemment qu’un référendum sur la Loi fondamentale pourrait "avoir lieu plus vite que je ne le pensais il y a quelques mois" . A première vue, on pourrait interpréter ces mots comme une révérence faite à la Cour constitutionnelle. Mais une autre interprétation circule. Schäuble aurait discrètement menacé la Cour : si la Loi fondamentale était absorbée par un Etat fédéral européen, cela entraînerait une perte de pouvoir pour la Cour constitutionnelle. Karlsruhe devrait donc veiller à ne pas bloquer la politique européenne de Merkel.

Les pro-Européens croisent les doigts pour Schäuble dans son bras de fer avec la Cour. Les arrêts de cette dernière trahiraient "en partie une grande ignorance" , déclare Martin Schulz, le président du Parlement européen. Les députés seraient vraisemblablement moins susceptibles si les juges s’appliquaient à eux-mêmes les mesures qu’ils préconisent pour les autres. Quand il s’agit de leur propre élection, ils ne se soucient plus autant de la loi sur la transparence. Depuis 60 ans, les juges de la Cour constitutionnelle sont tranquillement désignés à l’abri des regards.

Ainsi, le 5 juillet, quand la Cour constitutionnelle a dû déterminer si la nomination de ses juges respectait la Loi fondamentale, elle n’a rien trouvé à redire au fait que les décisions se prennent dans une discrète antichambre.

10 juillet 2012 Der Spiegel Hambourg

Dietmar Hipp | René Pfister

Traduction : Valentine Morizot et Raymond Clarinard

http://www.presseurop.eu/fr/content/article/2326251-karlsruhe-la-cour-...

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