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Pourquoi nous allons rejoindre le Front de gauche

Etre acteurs plutôt que spectateurs : dix-sept fondateurs du NPA (1), venus de la LCR et aujourd’hui membres de la Gauche anticapitaliste, expliquent leur décision de quitter le Nouveau parti anticapitaliste. Pour eux, « la crise européenne appelle une réponse de la gauche radicale. (...) En France, cela implique d’entrer au Front de Gauche et de participer à sa transformation. »

Sans colère mais avec beaucoup d’émotion, nous avons livré notre dernière bataille dans le cadre du NPA. Sans surprise mais avec beaucoup de lucidité, nous enregistrons notre défaite. Une Conférence nationale du NPA s’est tenue le week-end dernier. Force nous est de constater qu’elle n’a pas dressé le bilan lucide nécessaire de ses reculs désastreux. Elle ne s’est pas davantage livrée à une analyse critique des erreurs politiques graves qui en sont l’une des causes. En conséquence, elle n’a pas non plus permis que s’amorce la réorientation politique qui aurait été nécessaire pour renouer avec le projet originel du NPA et stopper la véritable descente aux enfers actuelle.

En effet, le plus tristement remarquable n’est pas tant la succession d’erreurs politiques commises par le NPA durant sa courte existence - nous ne nous exonérons pas de cela - que son incapacité totale à en tirer le moindre bilan et, du coup, à opérer la moindre réorientation.

Venant après la déception des élections européennes (2009) et la déconvenue des élections régionales (2010), les catastrophes du printemps 2012 - élection présidentielle puis élections législatives - auraient dû, pour le moins, provoquer une remise en cause sévère et salvatrice. Il n’en n’a rien été.

Pourtant, lors de l’élection présidentielle, le NPA a perdu les trois quart des voix obtenues par la LCR en 2007. D’ailleurs, selon plusieurs études, moins de 10 % des électeurs 2007 d’Olivier Besancenot seraient restés fidèles à Philippe Poutou…

Ce grave recul historique, devenu débâcle lors des législatives qui ont suivi, n’est nullement un coup de tonnerre dans un ciel serein. Bien au contraire, les nuages s’amoncellent depuis des mois et les mises en garde n’ont pas manqué concernant les dangers d’une orientation isolationniste et hors sol.

La crise économique, une situation politique difficile, un mouvement social cherchant son deuxième souffle sont autant d’arguments employés pour expliquer… l’inexplicable.

Dans cette situation politique difficile, les enjeux sont énormes. Nos responsabilités le sont tout autant. Sur la base d’un discours radical et d’un programme d’urgence anti-austérité, Jean-Luc Mélenchon a rassemblé des dizaines de milliers de femmes et d’hommes au cours de sa campagne, recueillant un score à deux chiffres sur la base de cette incontestable dynamique. Au cours de deux élections successives, la Grèce a donné un score remarquable à la formation Syriza, elle aussi bloc de gauche contre l’austérité, qui sans la coalition des forces au service des marchés financiers et le sectarisme du PC et de l’extrême-gauche grecs aurait sans doute été majoritaire.

Nous savons que nous ne ferons pas l’économie de mouvements sociaux d’ampleur, de confrontations contre toutes les mesures d’austérité. Nous savons aussi que le Front National se renforce et nous menace.

Nous savons que nous avons des responsabilités historiques dans une telle situation. Nous voulons les assumer dans un cadre qui nous permettra de donner un sens à notre combat.

Notre courant historique s’est incarné dans la LCR pendant plusieurs décennies. Loin de nous l’idée de penser que notre organisation n’a pas connu, elle aussi, d’importants revers, des périodes de stagnation, de régression proches de la mort clinique. Malgré tout, elle a été capable de « tenir » sans se transformer en secte et puis de rebondir au tournant du siècle. L’une des raisons principales était l’existence en son sein d’un réseau de militants et de militantes du mouvement social (notamment syndical), impliqués dans ses luttes et ses transformations (comme la naissance de nouveaux syndicats, de nouvelles associations de lutte), influents dans les mobilisations et les débats et qui, en retour, nourrissaient l’élaboration de la LCR. On pourrait y ajouter le rayonnement intellectuel qui était alors celui de notre organisation, en particulier grâce à Daniel Bensaïd mais aussi à beaucoup d’autres. Aujourd’hui, en lieu et place, on ne trouve rien de tel. Naturellement, le NPA compte encore dans ses rangs des militants syndicaux expérimentés et de valeur. Mais, en règle générale, la réflexion sur l’orientation syndicale s’est tarie, laissant la place à un déplorable propagandisme.

Évidemment, le résultat d’une telle orientation ne s’est pas fait attendre : un NPA marginalisé et se limitant souvent aux discours de pure dénonciation des trahisons des autres…

Au plan politique et pratiquement depuis sa création, le NPA fait comme si la politique en tant que telle ne supposait pas des alliances, des propositions, des initiatives adaptées. Il est ainsi passé à côté d’événements importants tels la création du Parti de Gauche ou la constitution du Front de Gauche. Son isolement actuel est le résultat de cette posture de préservation puriste, d’abord au nom de son supposé rapport direct avec la radicalité puis, ce rapport ne se matérialisant pas, au nom d’une protection bien vaine contre la confrontation des opinions et, à ses yeux, les dangers d’une contamination « institutionnelle ».

A sa fondation, en février 2009, le NPA regroupait plus de 9 000 membres. Même si la LCR était le seul parti politique à l’origine du processus, des milliers d’hommes et de femmes - souvent actifs dans les luttes syndicales, sociales ou associatives, plus rarement dans une activité politique antérieure - s’étaient impliqués avec enthousiasme dans ce « chaos créateur ». Depuis, beaucoup l’ont quitté. Au point qu’aujourd’hui, les effectifs du NPA sont vraisemblablement inférieurs à ceux de la LCR lors de ses dernières années d’existence. Sanction impitoyable : au fur et à mesure des départs des militants et des militantes venus des mobilisations sociales, porteurs de nouvelles problématiques et/ou incarnant des pratiques de terrain, le centre de gravité des positionnements et des débats du NPA s’est déplacé. Au point que ce dernier est aujourd’hui un terrain de confrontation entre les diverses nuances de la galaxie de sectes prétendument « trotskistes ». Tout l’inverse du projet initial du NPA. L’inverse aussi de la tradition de la LCR.

Nous n’enjolivons pas le passé : en 40 années (assez denses !) d’activité, la LCR a bien naturellement commis des erreurs politiques. Elle a connu des périodes d’ouverture et d’autres plus… autocentrées. Comme toute organisation, il lui est parfois arrivé de donner la priorité à ses intérêts particuliers sur ceux du « mouvement ». Nettement moins que les autres organisations d’extrême gauche… mais enfin, cela lui est arrivé. Rétrospectivement, ce n’est d’ailleurs en général pas les souvenirs dont ses militants sont les plus fiers ; ce qui est plutôt bon signe !

Parce qu’au-delà de ces épisodes, ce qui a caractérisé le « militantisme Ligue » sur la longue durée, c’est la volonté, souvent couronnée de succès, d’être là où ça bouge. Être là où ça se passe. En un mot : être dans le mouvement, pour y défendre une orientation propre à le consolider et le développer. Au risque de partager certaines de ses illusions ? Oui… parfois. Au risque de dépenser beaucoup plus (trop ?) d’énergie à « construire le mouvement » qu’à « construire le Parti » ? Oui… souvent. Notamment parce nous pensions, à la différence des autres organisations d’extrême gauche, que l’on ne pouvait ni opposer ni même séparer construction du mouvement et construction du Parti.

Au-delà des débats d’orientation - bien légitimes et que, franchement, nous abordons modestement - c’est bien cela qui ne va plus du tout : pour le NPA réellement existant et sa direction actuelle, être isolé n’est plus un motif d’inquiétude, de remise en cause ou, à tout le moins, d’interrogation. Ce serait plutôt un motif de fierté, une vérification supplémentaire et finalement bienvenue de l’indispensable séparation d’avec (tous) ceux qui ne sont pas « révolutionnaires ».

Etre là où ça bouge, être là ou ça se passe, être dans le mouvement : ce n’est plus vraiment la culture politique du NPA. Et cela constitue une rupture avec notre histoire.

Nous savons les difficultés qui nous attendent : à elle seule, l’entrée de la Gauche Anticapitaliste dans le Front de Gauche ne modifiera pas fondamentalement la situation et n’aplanira pas miraculeusement les obstacles actuels. Nous savons bien qu’existent avec les principales composantes du Front de Gauche des divergences politiques qui sont tout à la fois le produit de nos histoires et d’analyses différentes des voies du changement social. Nous en sommes conscients : il faudra démontrer en pratique la valeur de l’apport de notre propre tradition politique. Il faudra ouvrir et faire évoluer le Front de Gauche, y rassembler les anticapitalistes pour un projet écosocialiste. Il faudra surtout développer la dynamique en cours et agir tous ensemble sur toutes les questions clés de l’heure.

Partout en Europe, la crise capitaliste engendre résurgence et développement des idées et des organisations néo-fascistes. Le peuple grec subit quotidiennement les effets de la barbarie du capitalisme mondialisé. Banquiers centraux et dirigeants européens y imposent leur loi comme en territoire occupé. En France, au nom des grands équilibres financiers, de la construction de l’Europe néo libérale, le gouvernement de François Hollande et Jean-Marc Ayrault mène déjà une politique d’austérité. Rien décidément dans la situation politique actuelle, française ou européenne, n’est de nature à remettre en cause notre engagement militant et notre volonté de changer radicalement la société. Plus que jamais nous voulons continuer à agir utilement pour les combats du monde du travail, des exploités et des opprimés. Et contribuer à la représentation politique de celles et ceux d’en bas. Nous agirons au sein du Front de Gauche dans cet objectif.

Et nous restons déterminés ! La situation politique réserve aussi de bonnes nouvelles : le succès de Syriza en Grèce, même si cette coalition de la gauche radicale n’est pas parvenue à remporter les élections, le succès politique et militant du Front de gauche en France. A l’heure où l’urgence est à la construction d’un bloc politique et social contre l’austérité, le Front de Gauche constitue un point d’appui incontournable. Le Front de Gauche a confirmé sa volonté d’indépendance politique vis-à -vis de la politique du gouvernement socialiste. C’est une question décisive.

La gestion des contradictions au sein du Front de Gauche sera rendue possible par la volonté politique de permettre la poursuite d’une dynamique qui améliore les rapports de forces, encourage les mobilisations, fait reculer l’extrême droite et promeut efficacement les questions écologistes, féministes, internationalistes, antiracistes et LGBTI.

La crise européenne appelle une réponse de la gauche radicale. Les mois qui viennent vont être marqués par l’adoption d’un nouveau traité et la généralisation des politiques dites « de rigueur ». L’impact de Syriza, son programme, l’existence dans de nombreux pays de l’UE de mobilisations, le danger que représentent les différents mouvements d’extrême-droite sur le continent ; tout ceci milite pour une orientation visant à construire un bloc de gauche anti crises européen, qui soit à la fois l’aile marchante des mobilisations et des résistances et, en même temps, une alternative à un système européen cogéré de longue date par la droite et la social-démocratie. En France, cela implique d’entrer au Front de Gauche et de participer à sa transformation. Et plus largement, construire des coalitions pour une alternative anticapitaliste est une question qui se pose partout en Europe.

Le choix est donc simple, être spectateur ou acteur. Nous avons cherché, depuis des mois à convaincre l’ensemble des militantes et militants du NPA ; nous nous étions fixé une échéance ultime : celle de la conférence nationale du NPA. Le résultat est sans appel : c’est la poursuite de l’isolement et du sectarisme, avec une fragmentation interne grandissante à la clé. L’heure est venue maintenant pour celles et ceux qui ont déjà quitté le NPA comme pour celles et ceux qui ont cherché à convaincre à la conférence nationale du 7 juillet, déjà rassemblés dans la Gauche Anticapitaliste, de se retrouver pour faire le choix d’adhérer au Front de Gauche en tant que courant indépendant, pour contribuer à l’élargir et à le transformer, tout en oeuvrant à rassembler les anticapitalistes et écosocialistes en son sein.

Nous ferons donc cela, en restant fidèles aux convictions de notre histoire politique et en sachant que la période à venir est sans doute porteuse d’autres changements et recompositions dans le (pas assez) vaste mouvement de ceux et celles qui veulent changer le monde. De notre côté, nous ferons, en tous cas, tout ce que nous pourrons pour ne pas insulter l’avenir et nous y retrouver ensemble avec tous les militants et militantes du NPA qui partagent avec nous un objectif commun, même s’ils ne sont pas aujourd’hui convaincus par notre option raisonnée.

Signataires
Hélène Adam, Charles Aubin, Fredéric Borras, François Coustal, Alain Cyroulnik, Jean-Pierre Debourdeau, Daniel Desme, Pierre-François Grond, Ingrid Hayes, Samy Johsua, Anne Leclerc, Guillaume Liégard, Jean Malifaud, Myriam Martin, Olivier Martin, Monique Migneau, Flavia Verri.

(1) Les signataires de ce texte ont, toutes et tous, été à différentes époques membres de l’exécutif - le Bureau politique - de la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR) ou ont participé à la direction d’organisations qui ont fusionné avec la LCR. Toutes et tous ont participé à la fondation du Nouveau Parti Anticapitaliste et sont aujourd’hui membres de la Gauche Anticapitaliste, courant unitaire pour l’écosocialisme.

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Bernard Klein. Les expressions qui ont fait l’histoire. Paris, E.J.L. 2008
Bernard GENSANE
Ce qu’il y a d’intéressant avec les phrases historiques, c’est que, souvent, elles n’ont pas été prononcées par les personnes à qui on en a attribué la paternité. Prenez la soutière (je sais, le mot "soutier" n’a pas de féminin, mais ça ira quand même) du capitalisme américain qui siège au gouvernement français, Christine Lagarde. Elle a effectivement, lors de la flambée du prix des carburants, conseillé au bon peuple d’utiliser le vélo plutôt que la voiture. Mais la reine Marie-Antoinette, (…)
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« Avant, il y avait la tomate. Puis, ils ont fabriqué la tomate de merde. Et au lieu d’appeler la tomate de merde “tomate de merde”, ils l’ont appelée “tomate”, tandis que la tomate, celle qui avait un goût de tomate et qui était cultivée en tant que telle, est devenue “tomate bio”. À partir de là, c’était foutu. »

Inconnu

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