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Susiya : La prochaine victime de l’occupation israélienne ?

"On nous a chassés de notre terre et obligés à partir cinq fois" (Counterpunch)

Jaffa. La semaine dernière l’armée a remis des ordres de démolition aux résidents de Susiya, un petit village des collines du sud de Hébron. Les villageois ont été informés qu’ils avaient construit illégalement 50 bâtiments sans l’autorisation des Forces de Défense Israéliennes.

Les ordres de démolition sont arrivés après que Ragavim, une ONG de droite dominée par les colons israéliens, ait introduit une requête auprès de la Haute Cour de Justice israélienne pour obtenir le gel des constructions à Susiya.

Au grand regret des habitants, le village est situé dans la zone C de Cisjordanie, la zone qui est sous total contrôle israélien au titre des accords d’Oslo. Une colonie particulièrement hostile qui a pris le même nom s’est installée juste à côté. Il y a un plus grand village palestinien, Yatta, à moins d’un kilomètre mais le chemin qui y mène est coupé par plusieurs checkpoints de l’armée israélienne.

Il semble que Susiya, qui n’a que trois jours pour faire appel, soit sur le point d’être détruit. Les représentants légaux du village ont l’intention d’en appeler à la Haute Cour de Justice israélienne.

Les "bâtiments illégaux" qu’ils ont construit sont en réalité des tentes faites de bâches posées sur des parpaings et bricolées à la hâte. En effet ce sera la sixième fois -pas la première- que Susiya sera démolie par l’IDF. Le village -qui est peuplé de Bédouins, de troglodytes et de Palestiniens déplacés du désert du Néguev pendant la guerre de 1948 - a été rasé en1985, 1991, 1997 et deux fois en 2001.

Chaque fois que Susiya est détruit, la colonie voisine usurpe un peu plus des terres qui appartiennent légalement à des Palestiniens. Les villageois refusent de partir et chaque fois que le village est démoli, ils le ressuscitent.

Les villageois sont continuellement agressés par les colons voisins. Leurs puits ont été empoisonnés à plusieurs reprises. Leurs moutons, dont le lait et le beurre constituent leur seule source de revenus, sont fréquemment tués par leurs zélés voisins. Les attaques de colons sont généralement impunies sans compter que c’est l’armée elle-même qui détruit régulièrement les cavernes de Susiya qui sont les demeures ancestrales des habitants de Susiya.

Quand j’ai rendu visite au village, à l’automne dernier, Nasser Nawajeh, un habitant de Susiya m’a raconté qu’une fois l’IDF avait détruit le puits d’une famille au bulldozer. Sous la loi martiale israélienne, les Palestiniens de la zone C n’ont pas le droit de creuser à plus d’un mètre de profondeur sans permis. Après avoir détruit le puits, a-t-il ajouté, l’armée l’a rempli de morceaux de carcasses de voitures pour que les villageois ne reconstruisent pas le puits par crainte que le fer rouillé n’ait empoisonné l’eau.

Au cours des dernières années, des ONG de la gauche israélienne et des militants internationaux ont essayé d’attirer l’attention sur la situation catastrophique de Susiya. Breaking the Silence (Brisons le silence), une association constituée d’anciens soldats de l’armée israélienne qui ont décidé de critiquer ouvertement l’occupation, conduit des groupes internationaux à Susiya pour rencontrer la famille Nawajeh. Les rabbins pour les Droits Humains ont aussi essayé d’alerter les israéliens sur la lutte que mène Susiya contre l’occupation militaire et l’expansion continuelle des colonies.

Malheureusement, la plupart des gens qui se sont efforcés d’aider les résidents de Susiya manquaient d’ambition et cherchaient surtout à donner l’impression d’aider au lieu de s’attaquer aux racines des problèmes. Par exemple, rien ou presque n’a été fait pour aider les villageois à obtenir de l’eau pour abreuver leurs moutons. La famille Nawajeh, dont les puits sont constamment détruits, doit acheter à Yatta une eau qu’elle paie trois fois plus cher que l’eau en Israël, sans compter les frais de transport.

Le calvaire de Susiya met en lumière la logique profonde qui sous-tend le conflit israélo-palestinien : Les officiels israéliens vont continuer d’accuser les Palestiniens de ne pas être prêts à faire la paix pendant que leur armée au service de l’entreprise coloniale s’emploie par la force à vider la Cisjordanie de ses habitants palestiniens. Et les gouvernements occidentaux et la communauté internationale vont continuer, d’une manière absurde, de parler d’Israël comme d’une démocratie fragile aux prises avec des "terroristes" incontrôlables.

Mais la lutte de Susiya est d’une autre sorte. Les villageois, n’ont pas le caractère violent et fanatique des colons qui les attaquent si souvent, mais ils n’ont aucune intention de partir. Le pouvoir colonial ne réussira jamais à les convaincre d’abandonner leurs terres.

Susiya, bien qu’il soit menacé d’une nouvelle destruction imminente, refuse d’être la prochaine victime de l’implacable occupation militaire israélienne de Cisjordanie et de la bande de Gaza qui dure depuis 45 ans.

"On nous a chassés de notre terre et obligés à partir cinq fois" m’a dit Nasser Nawajeh. "Nous ne partirons pas une fois de plus."

Patrick O. Strickland

Patrick O. Strickland est un journaliste indépendant qui vit et travaille des deux côtés de la Ligne Verte en Israël et dans les Territoires palestiniens occupés. Il est correspondant du site Bikya Masr et il tient un blog : www.patrickostrickland.com. Il est diplôme en Etudes du Moyen Orient.

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/2012/06/19/susiya-another-casualty-of-israeli-occupation/

Traduction : Dominique Muselet

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