La révolution bolivarienne a été et est, à un moment historique donné, la rencontre d’un homme, de conditions objectives et subjectives ("caracazo" 1989, 3000 morts...) , d’un mouvement populaire en développement....Chavez a donné à cette réaction populaire à la répression, par un président social-démocrate, du peuple soulevé contre la misère, un contenu idéologique de radicalisation progressive et un débouché politique : la contestation du "néo-libéralisme"...Peuple et leader se sont mutuellement "radicalisés"...
Au début, Chavez parlait de "troisième voie"...Le président, haï par l’oligarchie et l’impérialisme, propose aujourd’hui une alternative "socialiste", et reste encore indispensable à un processus historique qu’il vertèbre et fédère , comme un changeur de monde. Sa relation au peuple ne peut être qualifiée de "culte de la personnalité". Elle est directe, confiante, transparente, critique et auto-critique. Nous avons déjà démontré que ses discours de citoyenneté populaire contribuent à une sorte sorte de "démocratie pédagogique". De plus, depuis 1998, il a gagné 14 élections sur 15...
La fonction de leader est interactive. C’est parce qu’il a pris la mesure des aspirations populaires et de l’alternative nécessaire que Chavez parle aujourd’hui de "socialisme du 21ième siècle", et que les plus pauvres, enfin "visibles", s’en sont emparé. Chavez fonctionne comme un catalyseur , dans les conditions d’un terrible affrontement de classe. A-t-on déjà vu une classe dominante accepter de renoncer à ses privilèges et céder le pouvoir sans réagir violemment ?
Chavez n’agit pas à la place du peuple. Les pauvres se reconnaissent en lui, mais ne lui ont pas délégué leur pouvoir. En descendant par centaines de milliers dans les rues, ils ont fait échouer le coup d’Etat de 2002. Chavez exerce son mandat au nom du peuple ET avec le peuple... IL est devenu le symbole d’une nation , d’une espérance, de la synergie avec "ceux d’en bas", sa base sociale.
Certes ce fonctionnement "personnalisé", fruit d’un moment historique , a ses limites. C’est pour cela que Chavez accélère la construction du parti uni de la révolution vénézuélienne (six millions de membres), l’autogestion ("conseils communaux", conseils ouvriers...), le début de mise en place de contre-pouvoirs révolutionnaires...Mais le "comandante", dans cette étape cruciale, reste indispensable. Les Etats-Unis nous le confirment tous les jours.
En octobre 2012 aura lieu une présidentielle pour laquelle Washington , qui veut se débarrasser de ce "mauvais et contagieux exemple", a poussé l’opposition, hétéroclite, à s’unir sur un programme : l’anti-chavisme. "L’empire" arrose par millions de dollars et "donne le la" aux médias internationaux déchaînés dans la caricature, l’intox, le mensonge, la propagande sur les thèmes du "populisme", de la "dictature en marche" à Caracas, de la "violation de la liberté d’expression", etc... Bref, les chiens de garde tentent de sauver le capitalisme menacé .
Ils jouent leur rôle au service de leurs maîtres. Jouons le nôtre , internationaliste, en témoignant de notre solidarité redoublée. Elle n’est pas, pour l’heure, à la hauteur requise. Une grande partie de la gauche française, sous l’emprise du matraquage anti-chaviste, n’ a pas (ou ne veut pas) compris (comprendre) ce qui se joue à Caracas. Cuidese, comandante ! Le necesitamos.
Jean Ortiz
Syndicaliste
Maître de conférences à l’Université de Pau (Francia)