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Nouvelles chansons de la Compagnie Jolie Môme

Des mutins en révolution permanente

Il y a des artistes qui renoncent. Les mêmes stigmatisent ceux qui téléchargent de la musique « illégalement » et préfèrent chanter les petits oiseaux, l’amour, le ciel, la terre et l’eau. Il y a aussi ceux qui ne lâchent rien, qui continuent le combat et font même découvrir gratuitement certains titres de leur album sur leur site internet…

La Compagnie Jolie Môme appartient résolument à la seconde catégorie. Paroles de mutins est le sixième album de chansons de cette compagnie de théâtre engagée. Depuis près de trente ans les comédiens de la Compagnie ne cessent de mettre en scène les grandes heures de la Révolution : de Spartacus à la Commune de Paris sans oublier les combats actuels des ouvriers et ouvrières menacé-e-s de licenciement.

Ce militantisme ne leur crée pas que des amis. En 2003 la CFDT signe le protocole d’accord dégradant les conditions d’indemnisation du régime des intermittents du spectacle. La Compagnie Jolie Môme a lutté contre cette attaque en règle contre les droits des travailleurs artistiques. La CFDT a poussé le cynisme jusqu’à poursuivre en justice deux membres de la Compagnie. Ils ont été relaxés et un nouveau titre a enrichi leur répertoire, « Si j’avais su », une chanson appelant à « y aller » pour toutes celles et ceux qui veulent changer de société.

La Compagnie Jolie Môme qui a repris dans ses albums précédents les vieux « standards » du répertoire révolutionnaire, de « l’Internationale » à « Sans la nommer » en passant par « A las barricadas » ou « Le temps des cerises » surprend, dans cet album, par l’originalité des thèmes abordés.

Il y a tout d’abord le féminisme. La Compagnie donne une nouvelle jeunesse à « L’hymne des femmes », la chanson-phare du mouvement féministe des années 1970. Sur l’air du « Chant des marais » cette chanson défend avec ferveur la cause des femmes, « depuis la nuit des temps, le continent noir » de l’humanité, ce qui a pour mérite de populariser ce refrain relativement méconnu dans les rangs même de l’extrême-gauche. La même thématique est abordée dans une chanson originale, Lilith la première femme d’Adam qui, contrairement à Eve, lui était égale en tout point

Plus étonnant la Compagnie Jolie Môme réhabilite « les Pirates », ces baroudeurs sans roi ni maître eux, à la différence des corsaires. La chanson rend hommage à ceux-là mêmes qui s’organisant tous seuls, choisissant un chef révocable et intégrant à leurs équipes de maraude les mousses et les gabiers des navires dont ils chassaient les capitaines.

Internationalistes, les camarades de la Compagnie rendent hommage à travers la chanson « Son de la barricada » à la Commune de Oaxaca que les médias français ont, à l’époque, soigneusement passé sous silence. Pendant quatre mois et demi en 2006 les travailleurs et les classes populaires de cet Etat pauvre du Sud du Mexique, avec à leur tête les enseignant-e-s de la XXII section du SNTE (Syndicat des Travailleurs de l’Education), se sont auto-organisées contre le gouverneur corrompu du PRI àšlises Ruiz Ortiz au sein de l’Assemblée Populaire des Peuple d’Oaxaca (APPO) avant de devoir subir une terrible répression de la part de l’Etat fédéral. La répression étatique et l’Etat policier, Jolie Môme l’aborde aussi dans « Big Brother », « Démocratie policière » ou dans une reprise des « Nouveaux partisans », le classique soixante-huitard de Dominique Grange qui mérite d’être réécouté.

La Compagnie Jolie Môme n’en oublie pas pour autant les combats actuels face à une oligarchie toujours aussi déterminée à faire payer la crise aux travailleurs. Dans « La crise » ou encore à travers une fable, « Ebullition », la moralité c’est de faire péter la marmite dans laquelle nous nous trouvons, une cocotte-minute dans laquelle l’eau commence à chauffer et où nous devons à tout prix éviter de cuire à petit feu comme des grenouilles... Les réseaux de solidarité avec les sans-papiers sont également évoqués dans « Près de chez moi » tout comme les écolos-tartuffes qui se donnent bonne conscience, dans « Ouch ouille aïe-aïe ».

En ces temps de campagnes électorales l’écoute de cet album fait du bien. Cela permet de ne pas oublier que ce n’est pas dans les urnes mais que « C’est dans la rue qu’ça s’passe ». A quelques semaines de Noël la chanson « Si tu vois le Père-Noël » rappelle également l’exploitation capitaliste qui se cache derrière ce rituel grand-messe consumériste de fin d’année.

La Compagnie Jolie Môme joue ces chansons tous les vendredis et samedis soir jusqu’au 17 décembre dans son théâtre de La Belle Etoile à Saint-Denis en alternance avec Faut pas payer !, l’excellent comédie-bouffe de Dario Fo sur la révolte des ouvrières dans les années 1970 en Italie (les jeudis et dimanches). Pour celles et ceux qui ne peuvent s’y rendre et avant leur tournée en province, n’oubliez pas de visiter le site

04/12/11

Site du CCR : http://www.ccr4.org

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Thomas Frank. Pourquoi les pauvres votent à droite ? Marseille : Agone, 2008.
Bernard GENSANE
Rien que pour la préface de Serge Halimi (quel mec, cet Halimi !), ce livre vaut le déplacement. Le titre d’origine est " Qu’est-ce qui cloche avec le Kansas ? Comment les Conservateurs ont gagné le coeur de l’Amérique. " Ceci pour dire que nous sommes en présence d’un fort volume qui dissèque les réflexes politiques, non pas des pauvres en général, mais uniquement de ceux du Kansas, dont l’auteur est originaire. Cela dit, dans sa préface, Halimi a eu pleinement raison d’élargir (…)
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En transformant les violences de l’extrême droite vénézuélienne en "révolte populaire", en rhabillant en "combattants de la liberté" des jeunes issus des classes aisées et nostalgiques de l’apartheid des années 90, c’est d’abord contre les citoyens européens que l’uniformisation médiatique a sévi : la majorité des auditeurs, lecteurs et téléspectateurs ont accepté sans le savoir une agression visant à annuler le choix des électeurs et à renverser un gouvernement démocratiquement élu. Sans démocratisation en profondeur de la propriété des médias occidentaux, la prophétie orwellienne devient timide. L’Amérique Latine est assez forte et solidaire pour empêcher un coup d’État comme celui qui mit fin à l’Unité Populaire de Salvador Allende mais la coupure croissante de la population occidentale avec le monde risque un jour de se retourner contre elle-même.

Thierry Deronne, mars 2014

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