Même si leurs citoyens sont tout à fait convaincus par nos médias que Kadhafi est un dictateur, et que, même s’il doit leur en coûter beaucoup - et c’est le cas - ils doivent le détrôner ! Ils sont convaincus que c’est, en quelque sorte, leur devoir… Mais la conviction ne fabrique pas des chars d’assaut - sans jeu de mot, le pauvre, restons chrétiens… - et ne lance pas des bombes !
Je sais bien que nous sommes sur la même longueur d’onde avec mes amis d’outre atlantique, et que, sans que nous ayons eu besoin d’échanger le moindre coup de fil, ils ont compris qu’il était temps de faire appel au peuple...
Ce n’est d’ailleurs pas faute de l’avoir faussement informé, grâce à nos réseaux sociaux, d’une fuite que nous aurions préféré honteuse , mais ça n’a pas pris.
Cependant, nous ne manquons pas de ressources, nos communicants ont une bonne connaissance de l’âme humaine, et nous nous rattraperons. Comme d’habitude.
Selon l’expérience de la délation vénale qu’en ont nos amis anciens cow-boys, celle -ci ne fait jamais défaut. Surtout quand on a pris soin de veiller à appauvrir convenablement les gens. C’est à peine croyable pour des gens baptisés comme nous, mais même actuellement, ils l’utilisent avec grand succès en Colombie et au Honduras. Il est vrai qu’il ne se trouve guère que des Indiens dans ces pays, et fort décevants d’ailleurs… ils ont en effet si peu profité des bienfaits de notre civilisation et de sa religion que cela ne fait que nous conforter dans la supériorité de la race blanche ! Après des siècles de civilisation, rendez-vous compte ! Après tout ce qu’on a fait pour eux, la moitié seulement sait lire…
Donc, ensuite, je les connais bien et je suppose que nous allons dire que nous avons capturé Kadhafi dans un trou, le plus sordide possible, que les studios du Qatar vont nous confectionner. Nous allons soigneusement le défigurer et le couvrir de sang. Si son corps peut difficilement être jeté à la mer, je leur fais confiance pour trouver une autre solution pour qu’un culte ne lui soit pas rendu... Il ne faudrait surtout pas, en effet, qu’il devienne un martyre, pour l’Afrique ou le Proche Orient, une sorte de "Che" ! Car cela risquerait de contrarier nos projets pour la Libye, où nous souhaitons misère et division.
Un héros national risquerait de rassembler les foules autour d’idées et de désirs qu’il vaudrait mieux étouffer, si nous voulons préserver notre tranquillité et notre bonheur de vivre !
Ceci a peu de chances d’arriver en Europe, il est vrai. Mais, sait-on jamais, le goût de l’exotisme aidant, les Européens pourraient aimer rêvasser sur un héros mort et se plaire à soutenir, au moins verbalement, les Libyens qui s’uniraient autour de la mémoire de leur guide. C’est pourquoi il est important de faire croire que ce sont les gens les plus pauvres qui ont voulu cette décapitation du président libyen.
Les studios du Qatar nous prêteront encore main forte pour les scènes de liesse populaire sur la Place Verte. Il est fort réjouissant de constater qu’on peut vraiment compter sur ce pays, et le président de France, par parenthèse, a bien raison d’y faire élever son fils !
1 600 000 dollars, c’est le prix qui est fixé, et, franchement, ce n’est pas grand chose pour nous. Surtout compte tenu des sommes immenses que ça peut nous faire gagner. Cependant, c’est suffisant pour nourrir une famille en Libye ou permettre à un de nos mercenaires de quitter son job. Ces gens-là , vous savez, n’ont pas de gros besoins et, de plus et par précaution, nous avons coupé tous les apports d’aliments.
Nous avons le temps, c’est entendu, et l’avenir appartient bien sûr à la race blanche. Mais nous avons tout de même pris du retard dans le programme - et ceux de nos banquiers qui le financent et ont le plus d’expérience et de contacts ne sont plus tout jeunes, c’est le moins qu’on puisse dire... C’est ce que ma dit la comtesse dimanche, et, comme je sentais sa jolie gorge se nouer de quelque inquiétude, je l’ai bien vite rassurée en lui disant qu’il n’y avait rien à craindre, puisque nous étions les plus intelligents !