USA : FIN DE PARTIE
23 juillet 2011 par Paul Jorion
Ce texte est un « article presslib’ » (*)
Les républicains ont interrompu hier en fin d’après-midi les pourparlers, alors qu’un accord sur le relèvement du plafond de la dette publique américaine doit être trouvé avant lundi si l’on veut que l’échéance du 2 août soit respectée. Si elle ne l’est pas, l’État sera alors en défaut de paiement. Ce qui ne serait pas trop grave s’il ne s’agissait que de l’affaire de quelques jours. Si ce n’est que la notation de crédit des États-Unis sera dégradée, dégradation difficilement réversible et provoquant une hausse des taux d’intérêt dont ils doivent s’acquitter sur leur dette, et une dépréciation immédiate de tous les titres de dette déjà en circulation - ce dont le pays n’a certainement aucun besoin !
On savait évidemment que l’échéance du 2 août serait l’occasion d’effets de manche de la part des deux partis en présence. Mais on imaginait que leurs positions se seraient suffisamment rapprochées pour être réconciliables grâce à un accord de dernière minute. Ce n’est pas le cas, et on pouvait en réalité s’en douter depuis en certain temps, les positions n’ayant cessé de diverger entre républicains et démocrates au cours des derniers mois........
http://www.pauljorion.com/blog/?p=26544
Bernie Sanders,l’independant
..... Dieu sait si Bernie Sanders, seul parlementaire US qui ose se dire "socialiste" , semblerait ne pas devoir constituer un danger pour la Grande République. Pourtant, son intervention, vendredi, l’intérêt qu’elle a suscitée dans le public et l’affluence qu’elle a amené sur Internet jusqu’à saturer le transmetteur des débats du Sénat et fait croire à certains à une attaque de type "cyber-insurrection" (Wikileaks est décidément partout), ont constitué un petit événement significatif du climat régnant à Washington. Le contraste entre l’indifférence et le vide qui accompagnèrent son discours au Sénat et l’attention fiévreuse des citoyens US en dit long également sur les relations qui existent aujourd’hui entre le public américain et ses représentants (ceux qui n’écoutaient pas Sanders). Sanders vient d’un Etat, le minuscule Vermont, bien connu pour ses tendances sécessionnistes et son opposition très forte aux pratiques économiques et financières du Système. Au Sénat, il est également réputé pour son activisme extrêmement marqué à l’encontre de la Federal Reserve, qui a fini par donner quelques résultats au Sénat. D’une façon générale et sur ce sujet de la Federal Reserve, Sanders, à l’extrême de la gauche US, qu’il coordonne avec l’activisme de Ron Paul à la Chambre, Ron Paul qui serait plutôt placé à la droite marginale du parti républicain.
...Le même Paul, comme on le voit, a réussi à prendre le poste stratégique de direction de la Commission chargée de l’audit de la Fed, malgré les réserves du prochain nouveau Speaker de la Chambre, John Boehner, sans doute l’un des plus corrompus de tous les élus républicains. Mais le futur président de la Commission des finances, Spencer Bachus, s’est battu pour soutenir Ron Paul, avec l’appui non dissimulé du président sortant et chef de la future minorité démocrate, Barney Frank. Il existe désormais une solide coalition bipartisane à la Chambre pour obtenir quelques éclaircissements sur le comportement de la Fed.
…Le même Frank, comme l’on sait, qui fait équipe avec Ron Paul pour tenter d’obtenir des réductions significatives du budget de la défense, dans une alliance bipartisane extrémiste (sorte d’extrême gauche alliée à l’extrême droite, selon les références washingtoniennes) tout à fait significative de la situation washingtonienne. Ces trois hommes, Sanders, Paul et Frank, auquel on pourrait ajouter l’un ou l’autre, tel le démocrate Kucinich, sont passés en l’espace de deux à trois années, de positions d’une complète marginalité à des positions de références tout à fait étonnantes. On observera que, malgré les étiquettes employées, malgré les affiliations officielles, les engagements idéologiques, ces « "leaders marginaux" , - expression paradoxale s’il en est, - sont de moins en moins distingués comme de droite ou de gauche, comme républicains ou démocrates, mais essentiellement par rapport à leurs positions extrêmement critiques vis-à -vis de forces fondamentales du Système.
Il est possible que certaines oppositions, ou certaines réticences marquées vis-à -vis des pratiques du Système à l’intérieur du Congrès, se regroupent autour de ces "références" vénérables qui constituaient depuis des années et jusqu’alors, les archétypes de l’opposition sans espoir aux pratiques du Système. Les uns et les autres pourraient effectivement jouer certains rôles dans les regroupements qui pourraient s’opérer dans le 112ème Congrès, d’un côté (républicain) avec la nébuleuse Tea Party, de l’autre (démocrate) avec une opposition qui s’est découvert une vigueur nouvelle ces derniers jours, notamment à la Chambre, avec l’opposition unanime des démocrates au compromis passé entre le président et les républicains pour la prolongation de la loi sur les impôts des plus riches.
De ce point de vue, la tentative symbolique de filibuster du "socialiste" Bernie Sanders est loin d’être une démonstration gratuite et sans lendemain. Elle constitue plutôt le symbole d’une ère nouvelle au Congrès, avec une instabilité nouvelle, une autorité réduite des habituels canaux de direction des deux ailes du "parti unique" , une autorité inattendue gagnée par des marginaux jusqu’ici considérés comme quantité négligeable. La situation washingtonienne est à cet égard sans précédent puisqu’on y voit un président marginalisé et sans autorité sur son parti, tandis que le pari adverse, qui a remporté les élections de novembre, est lui-même profondément divisé.
Mis en ligne le 11 décembre 2010 à 14H27
http://www.dedefensa.org/article-_mister_sanders_goes_to_washington__11_12_2010.html