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Le joker libyen : Le pacte entre Berlusconi et Kadhafi contre les migrants (Counterpunch)

Dimanche soir les combats se sont étendus à Tripoli et la deuxième plus grande ville de la nation semble être tombée entre les mains des opposants. Plus de 200 personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées par les forces de la sécurité, et le fils de Muammar Khadafi, Sayf Al-Islam a brandi la menace d’une guerre civile et a juré que le gouvernement ’se battrait jusqu’à la dernière balle pour rester au pouvoir."

Les manifestants libyens ont été entraînés par la vague de soulèvement qui traverse l’Afrique du Nord mais leur contestation a pour origine la profonde pauvreté, le chômage, et la répression politique exercée par un autre dictateur indéboulonnable. On ne peut pas encore savoir si la Libye réussira à changer les choses comme en Tunisie et en Egypte, mais les premiers signes semblent indiquer que, quelle que soit l’issue, le prix en vie humaines sera élevé.

Ce qui complique les choses en Libye c’est sa place particulière dans les affaires mondiales. Il n’y a pas si longtemps, c’était un état paria. Mais depuis le 11 septembre Kadhafi a regagné petit à petit les bonnes grâces des USA et de l’Europe grâce à son ralliement à la lutte contre le terrorisme, en coopérant à l’enquête de la bombe de Lockerbie, en attaquant sans merci Al Qaeda et en chassant des terroristes qu’il avait autrefois abrités. En même temps les vastes réserves en pétrole du pays lui ont permis de jouer un rôle toujours plus important dans la politique mondiale. La Libye a une relation particulièrement étroite avec son ancien maître colonial, l’Italie. Elle fournit actuellement 20% du pétrole italien et a investi des sommes considérables dans les infrastructures énergétiques de ce pays y compris dans le géant de l’énergie transnationale ENI.

En plus de leurs accords énergétiques, Berlusconi et Kadhafi se sont mis d’accord pour endiguer le flux croissant de migrants qui cherchent une vie meilleure en Europe. A ceux qui viennent d’Afrique du Nord s’ajoutent les milliers d’individus originaires des pays de la mer rouge comme l’Erythrée, le Soudan, la Somalie, etc... Leur point d’entrée est l’Italie et plus précisément la petite île de Lampedusa qui se trouve dans la Méditerranée à mi-distance de la Libye, la Tunisie et la Sicile.

En 2009 Qaddafi et Berrlusconi ont signé un accord qui est devenu central dans la lutte ouverte et souvent impitoyable contre les migrants : la Libye essayait de les empêcher de partir mais s’ils y parvenaient quand même l’Italie les renvoyaient sans leur laisser la possibilité de demander l’asile.

Human Rights Watch a dénoncé ces attaques contre les migrants dans un rapport détaillé appelé "Repoussés, maltraités : l’Italie renvoie par la force les migrants arrivés en bateau en quête d’asile politique et la Libye les brutalise. Voici un bref apercu des deux pays en pleine action :

La plus grande partie des abus que Human Rights Watch a répertoriés ont été perpétrés après des tentatives avortées de quitter la Libye. Un des migrants, "Pasteur Paul" (tous les noms ont été modifiés) un Nigérien de 32 ans, a relaté à Human Rights Watch les brutalités exercées contre lui par les Libyens qui avaient arrêté son bateau après son départ de la Libye le 20 octobre 2008 :

"Nous étions dans un bateau de bois et les Libyens se mirent à nous crier dessus d’un Zodiac [gonflable à moteur]. Ils nous criaient de retourner à terre. Ils n’arrêtaient pas de tirer sur nous et ils ont fini par atteindre notre moteur. Une personne est morte sous les balles. Je ne connais pas les hommes qui nous ont tiré dessus, mais c’étaient des civils, ils ne portaient pas d’uniforme. Ensuite un bateau de la marine libyenne est arrivé, ils nous ont attrapé et nous ont passé à tabac. Ils ont pris notre argent et nos portables. Je pense que le Zodiac travaillait avec la marine libyenne. La marine libyenne nous a ramené sur leur vaisseau et on nous a emmené au camp de déportation de Bin Gashir. Quand nous y sommes arrivés, on a tout de suite été passés à tabac. Ils ont battus certains des garçons jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus marcher."

Même sans tenir compte de la violence qui règne aujourd’hui en Libye, l’agitation en Tunisie a fait déferler une vague de 4 000 migrants tunisiens sur Lampedusa. Ils sont enfermés dans des camps de réfugiés en Italie ; mais si un nombre équivalent de migrants arrive de Libye, ils seront sommairement - et brutalement- renvoyés chez eux par la mer.

Dans le passé, Kadhafi a calmé l’agitation interne et a contrebalancé les violations de droits humains en distribuant davantage des revenus des profits énergétiques, tout en demandant aux USA et à l’Europe d’être indulgents avec leur nouvel "allié". Les gens de droite en particulier sont enclins à l’indulgence à son égard parce qu’il est un pilier de la lutte contre le terrorisme et qu’il lutte efficacement contre l’émigration qui constitue la question politique centrale des plateformes des partis de droite de tout le continent.

James Ridgeway est le rédacteur en chef de Unsilent Generation.

Pour consulter l’original : http://www.counterpunch.org/ridgeway02212011.html

Traduction : D. Muselet

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