RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher

Il est désormais interdit de boycotter

la Chancellerie a eu cette idée extraordinaire selon laquelle tout appel au boycott des produits d’un pays n’était qu’une « provocation publique à la discrimination envers une nation »...

On a les victoires qu’on peut : Michèle Alliot-Marie a, il y a quelques mois, par une simple circulaire, commis un attentat juridique d’une rare violence contre l’un des moyens les plus anciens et les plus efficaces de la contestation des Etats par les sociétés civiles, à savoir le boycott. Le 12 février, la Chancellerie a eu cette idée extraordinaire selon laquelle tout appel au boycott des produits d’un pays n’était qu’une « provocation publique à la discrimination envers une nation », punie d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le ministère demande aux procureurs de la République d’assurer une répression « ferme et cohérente » de ces agissements.

Soyons justes : la paternité de cette brillante initiative revient au procureur général de Paris qui avait, dans son rapport de politique pénale 2009, suggéré que « les faits de boycott ou de provocation au boycott peuvent s’analyser, selon les espèces, soit en une provocation à la discrimination, soit en une discrimination ayant pour effet d’entraver l’exercice d’une activité économique ». On peut rappeler les actions de ce type dans l’histoire : boycott du Royaume-Uni en 1930 initié par Gandhi contre la colonisation, boycott de l’Afrique du Sud dans les années 70 par les militants antiapartheid, boycott, à la même époque, par la communauté homosexuelle américaine d’une marque de bière qui refusait d’embaucher les gays ou, plus récemment, boycott des produits chinois par les soutiens de la cause tibétaine et des produits israéliens par les militants palestiniens… Pour l’ex-garde des Sceaux, il ne s’agit pas là d’entreprises de protestation et d’émancipation, souhaitables en démocratie, mais d’associations de malfaiteurs en vue d’attenter à la bonne marche du commerce, donc du monde.

La notion de discrimination ne peut s’entendre que d’une différence de traitement n’obéissant à aucun but légitime. Une action collective qui viserait à ne pas consommer de produits d’une entreprise parce qu’elle licencie ou délocalise sa production, ou d’un Etat parce qu’il maltraite ses minorités ne peut être qualifiée de discriminatoire, sauf à ôter aux consommateurs leur seul pouvoir, celui de ne pas de consommer n’importe quoi et n’importe comment. Que l’on se rassure : les Etats qui décideraient d’imposer un embargo à un pays étranger n’encourront pas les foudres de la loi pénale…

L’instrumentalisation d’un texte qui visait à combattre le racisme, le nationalisme et le sexisme est inadmissible, surtout lorsqu’elle vise à faire taire l’engagement citoyen. La circulaire en question, qui a su convaincre au moins un tribunal, constitue donc, pour la société civile, une régression d’une ampleur peu commune. Cette provocation s’est pour l’instant heurtée à un mur de silence. La pénalisation de la contestation est toujours une mauvaise nouvelle pour la démocratie. L’absence de contestation de la pénalisation, lorsque celle-ci ne répond à aucun autre objectif que celui de museler les peuples, n’en est pas une meilleure.

http://www.liberation.fr/politiques/01012303092-il-est-desormais-interdit-de-boycotter

URL de cet article 12071
   
Indignez-vous ! par Stéphane Hessel
Présentation de l’éditeur « 93 ans. La fin n’est plus bien loin. Quelle chance de pouvoir en profiter pour rappeler ce qui a servi de socle à mon engagement politique : le programme élaboré il y a soixante-six ans par le Conseil National de la Résistance ! » Quelle chance de pouvoir nous nourrir de l’expérience de ce grand résistant, réchappé des camps de Buchenwald et de Dora, co-rédacteur de la Déclaration universelle des Droits de l’homme de 1948, élevé à la dignité d’Ambassadeur de (…)
Agrandir | voir bibliographie

 

"Il est difficile de faire comprendre quelque chose à quelqu’un lorsque son salaire lui impose de ne pas comprendre."

Sinclair Lewis
Prix Nobel de littérature

© Copy Left Le Grand Soir - Diffusion autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
L'opinion des auteurs que nous publions ne reflète pas nécessairement celle du Grand Soir

Contacts | Qui sommes-nous ? | Administrateurs : Viktor Dedaj | Maxime Vivas | Bernard Gensane
Le saviez-vous ? Le Grand Soir a vu le jour en 2002.