5

Après le contrôle des chômeurs, 100 000 embauches pour lutter contre la fraude fiscale ?

Le gouvernement vient d’annoncer la création de 200 postes de conseillers spécialisés, au sein de Pôle emploi, pour « renforcer le contrôle des chômeurs ». Tous les demandeurs d’emploi sont concernés, des contrôles aléatoires venant s’ajouter aux contrôles ciblés de certaines catégories, comme les chômeurs de longue durée ou ceux qui ne trouvent pas de travail dans des secteurs qui recrutent.

Si le sujet inquiète nos dirigeants, c’est que la fraude aux allocations chômage a fortement augmenté depuis la crise, passant de 62 millions d’euros en 2011 à 100 millions en 2013. Mais ce type de fraude reste très minoritaire : elle concerne 8 820 personnes en 2013, et représente 0,3 % des 30 milliards d’euros d’allocations versées chaque année aux chômeurs (et 0,003% des demandeurs d’emploi indemnisés).

100 millions de fraude aux allocations chômage...

Rappelons aussi que ce montant inclut pour un tiers des fraudes aux allocations repérées en amont, donc des « fraudes évitées », pour lesquelles il n’y a donc aucun préjudice financier réel. Et qu’une partie de cette fraude est le fait d’entreprises. 440 établissements étaient concernés en 2013, par exemple par la création d’emplois fictifs (coût : 16,2 millions d’euros en 2013). Autre élément à mettre en parallèle : par manque de moyens, Pôle emploi a versé à tort plus de 756 millions d’euros d’allocations chômage en 2013 [1]. Une situation qui peut s’avérer dramatique pour des demandeurs d’emploi en situation de détresse, à qui on demande de rembourser ces sommes ultérieurement.

50 à 80 milliards perdus dans la fraude fiscale

On aimerait en tout cas que les pouvoirs publics déploient autant d’ardeur à repérer et sanctionner les autres fraudes. Par exemple, la fraude aux cotisations sociales, par les entreprises, estimée en 2007 entre 8 et 14 milliards d’euros par le Conseil des prélèvements obligatoires, et qui aurait doublé depuis cette date [2]. Ou l’évasion fiscale, qui coûte chaque année à l’État français la très modique somme de 50 à 80 milliards d’euros. L’équivalent de ce qui est collecté chaque année par l’impôt sur le revenu ! Proportionnellement, si l’État décidait d’y consacrer autant d’énergie que pour le contrôle des chômeurs (200 agents pour 100 millions de fraude), il faudrait dédier 100 000 personnes supplémentaires à la lutte contre l’évasion fiscale, au vu de son ampleur. Doubler les effectifs de l’administration fiscale, donc. Ou multiplier par 1000 le nombre de salariés de Tracfin, l’agence spécialisée dans le renseignement et l’action contre les circuits financiers clandestins, qui emploie actuellement 104 agents.

Mais il semble plus simple de pointer du doigt le « chômeur-assisté-fraudeur ». Rassurons-nous : Pôle emploi promet une démarche de contrôle « à visage humain ». Et aucun objectif de radiation n’a été fixé : « Cela n’a pas pour vocation de modifier les chiffres du chômage (...) Ce n’est pas un flicage de la société », a déclaré François Rebsamen, le ministre du Travail. En cas d’« insuffisance de recherche d’emploi », le chômeur se verra proposer un accompagnement renforcé pour « redynamiser » sa recherche... Pourrait-on aussi proposer aux fraudeurs fiscaux de redynamiser leur sens moral et leur attachement à la solidarité nationale et à l’intérêt général ?

Notes

[1] Des sommes en grande partie récupérées ensuite.
[2] Rapport sur la fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle, mars 2007. « Le montant de cette fraude, largement sous-estimé, pourrait avoir atteint 20 à 25 Md€ en 2012, soit un quasi doublement en huit ans », selon un rapport de la Cour des comptes de 2014.

21 mai 2015

 http://www.bastamag.net/Bientot-100-000-embauches-pour-controler-les-fraudeurs-fiscaux
Print Friendly and PDF

COMMENTAIRES  

03/06/2015 08:34 par reymans

Vraiment intolérable, ca commence à sérieusement foutre la gerbe tout ca

03/06/2015 19:14 par Roger

Voilà ce qu’on appelle une approche empirique : des faits incontestables, documentés par des observateurs Institutionnels (donc pas par des sociologues et économistes "gauchistes").
Alors, quelle interprétation peut-on raisonnablement leur donner (à ces faits) ?
Les gens qui nous gouvernent ne sont pas ceux qu’on a élu avec l’étiquette "socialiste". Leurs actes disent la vérité... de leurs valeurs, de leurs projets, de leur agenda caché.
Et le Figaro propriété d’un Dassault qui a fait fortune sur les commandes de l’Etat, nos impôts, est assisté (subventionné) toujours grâce à nos impôts à hauteur de 15 990 740 euros (soit 15% de la "fraude" des chômeurs).
D’ailleurs si on fait le compte de l’assistance à la presse qui réclame plus de surveillance des allocataires de Pôle Emploi on obtient 59 043 016 €...
C’est à vomir !

04/06/2015 19:13 par Le Fou d'ubu

Tout va bien. Aucun signe de dictature en vue pour l’instant ... Pourvu que cela dure ...

05/06/2015 08:39 par Calame Julia

S’ils savaient gérer cela se saurait !
Ils récupèrent du pognon même auprès de ceux et celles que la droite laisse tranquilles...
L’obsession de la fraude révèle leur propres turpitudes.

06/06/2015 14:56 par Marie VIDAL

Ils n’étaient pas trop pressés, sous l’ère SARKO, pour dépêcher les enquêtes de la grande liste des fraudeurs qui avaient planqués leur argent en suisse, une liste qui d’ailleurs étrangement d’après le Procureur Montgolfier avait considérablement rétrécie. Sous l’ère F HOLLANDE, ils s’y sont attelés, mais nous n’entendons pas trop d’échos ! C’est comme la justice des PUISSANTS qui s’en sortent souvent indemnes, tandis qu’en ce qui concerne les justiciables du peuple, vous pouvez être abusés, escroqués, RUINES, comme c’est le cas pour nous 3, vous pouvez dénoncer les faits auprès du Président de la République du Premier Ministre, de Mme TAUBIRA, des Députés tous DEFAILLANTS, vous ne serez jamais entendu, ils se rangent du côté des délinquants criminels en robes noires et laissent crever désespérément les victimes, se rendant complice de crime contre l’Humanité.
http://combatcontreinjustice.over-blog.com

(Commentaires désactivés)
 Twitter        
« Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
© CopyLeft : Diffusion du contenu autorisée et même encouragée. Merci de mentionner les sources.
 Contact |   Faire un don