IPS, Caracas, 31 octobre 2005.
Le Venezuela, le plus gros producteur de pétrole en Amérique latine et le cinquième plus gros producteur au monde, a lancé une offensive pour nouer des relations diplomatiques plus étroites avec l’Afrique, se focalisant d’abord sur des questions politiques et culturelles tout en réservant la question de la coopération énergétique pour l’avenir. ’’Nous voulons une nouvelle carte diplomatique, avec 18 ambassades, dont chacune servirait également deux autres pays, afin de couvrir tout le continent’’, a déclaré le vice-ministre vénézuélien des Affaires étrangères pour l’Afrique, Reinaldo Bolàvar, à son retour d’un périple qui l’a amené au Sénégal, au Nigeria, en Côte d’Ivoire et au Bénin.
Bolàvar, dont le poste a été créé il y a juste quelques mois, a déjà visité le Maroc, le Mali, l’Egypte et le Soudan, et s’apprête maintenant à se rendre en Afrique australe.
’’Nous serons le troisième pays dans la région en termes de présence en Afrique, après le Brésil et Cuba’’, a indiqué Bolàvar à IPS.
Le principal objectif de la nouvelle offensive du gouvernement est de ’’renforcer les liens avec un continent que nous avons largement ignoré pendant des décennies, malgré notre appartenance au Groupe de 77 (le plus grand bloc au sein des Nations Unies, constitué de 132 pays en développement) et au Mouvement des Non-Alignés’’, a-t-il dit.
Caracas a traditionnellement maintenu des relations formelles avec presque toute l’Afrique, mais il avait des ambassades seulement au Nigeria, dans les pays producteurs de pétrole d’Afrique du nord, en Tanzanie après que l’ancien président tanzanien Julius Nyerere (1964-1985) a soutenu la création du groupe de 15 pays en développement, visant à encourager la coopération et à apporter une contribution à d’autres groupes et organismes internationaux - et en Afrique du Sud, après l’élimination du régime d’apartheid — de racisme et de ségrégation raciale institutionnalisés. Pendant plusieurs années, la Colombie, le Mexique et le Venezuela - les membres de l’Accord sur le libre échange du groupe des trois - ont tenu une ambassade conjointe en Namibie, qui a été fermée dans le cadre de la restructuration des services étrangers de Bogota et de Mexico, a noté Bolàvar. ’’Maintenant, nous voulons appuyer le travail de nos ambassades en nous inspirant des expériences et activités de Cuba et du Brésil’’, a indiqué le responsable, qui était optimiste au sujet de l’admission imminente du Venezuela à l’Union africaine (UA) en tant qu’observateur, pour lequel il ouvrira un bureau dans la capitale éthiopienne Addis Abeba, le siège de l’UA. Les premiers objectifs sont ’’la coopération culturelle et en matière d’éducation, en vue de mettre en place des accords qui offrent une base pour des échanges économiques, commerciaux et technologiques’’, a déclaré Bolàvar.
’’Par exemple, des spécialistes du textile viendront du Mali, un gros producteur de coton, et ensemble avec Cuba, nous étudions la création d’une école de médecine en Afrique australe’’. ’’Nous sommes également à la recherche d’un échange politique et de positions communes dans le cadre des Nations Unies, dont 36 pour cent des 191 membres sont des Etats africains’’, a-t-il ajouté.
Mais il y a également des situations complexes en Afrique, a observé Bolàvar, soulignant, par exemple, le conflit du Sahara occidental entre le Maroc et le Front Polisario, pour lequel Caracas préconise ’’une solution permanente, pacifique et durable’’. L’intensification des relations avec l’Afrique est en train d’être entreprise au cours de la deuxième année de l’offensive internationale du président vénézuélien Hugo Chávez, destinée à forger ou à renforcer des alliances pour aller vers un ’’ordre mondial multipolaire’’ afin de contrecarrer l’hégémonie américaine.
En Amérique latine, l’administration Chávez a reçu l’homologation pour l’admission du Venezuela en tant que membre titulaire du bloc commercial du Marché commun du sud (Mercosur), constitué de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay, en offrant des provisions pétrolières généreusement financées aux voisins sud-américains du Venezuela à travers le ’Petrosur joint venture’ (Entreprise commune Petrosur) et à un certain nombre de nations caribéennes à travers le ’Petrocaribe’. A la recherche ’’d’alliances stratégiques’’, le président Chávez a également effectué plusieurs visites dans des pays comme la Chine, l’Inde, la Russie, la France, l’Espagne et l’Iran, négociant des accords pour des achats d’armes dans plusieurs de ces nations, des tracteurs en Iran et des satellites en Chine.
Le mouvement d’opposition anti-Chávez, qui a remporté environ 40 pour cent du vote dans les nombreux processus électoraux organisés au cours de ces dernières années, a critiqué la ’’diplomatie pétrolière’’ du leader gauchiste ainsi que la série de rencontres internationales financées par son gouvernement, affirmant qu’elles constituent une mauvaise utilisation des fonds publics. Par rapport à l’Afrique, des activités culturelles sont un premier point de l’initiative diplomatique.
L’étape suivante est un festival culturel que le Venezuela organisera à Caracas, du 13 au 20 novembre, avec la participation d’une douzaine de groupes artistiques et culturels africains comme la compagnie du Ballet national du Bénin et les musiciens de Gnaoua du Maroc, ainsi qu’un certain nombre de groupes et d’artistes vénézuéliens. ’’Le Venezuela, comme d’autres pays d’Amérique latine, a une dette spirituelle vis-à -vis de l’Afrique’’, a dit à IPS, Jesús Garcàa, président de la fondation non gouvernementale ’Afroamérica Foundation’. ’’Des milliers d’esclaves du groupe ethnique Wolof du Sénégal ou des Mina de la côte équatoriale (ouest-africaine) sont venus dans ce pays’’. Le festival ’’nous donne une chance d’éradiquer la vision ’de Tarzan’ que nous avons toujours de l’Afrique au Venezuela, où nous la voyons souvent comme un continent primitif ayant des besoins énormes. Nous voulons que des intellectuels africains viennent nous montrer leur réalité’’, a souligné Garcàa.
De l’avis de l’activiste, l’offensive du gouvernement fournit une opportunité pour appuyer des efforts intergouvernementaux en encourageant des accords entre universités, parlements, autorités régionales et gouvernements municipaux en Afrique et au Venezuela, ’’et avec le reste de la région, à la recherche d’une nouvelle relation avec l’Amérique latine et les Caraïbes aussi’’. La toile de fond, a déclaré Garcàa, ’’devrait être la question de l’énergie et des accords possibles entre le Venezuela, qui fournit 13 pour cent des importations américaines de pétrole, et des pays africains qui, dans 10 ans, fourniront un baril sur quatre consommés aux Etats-Unis’’.
A moyen et à long terme, le nouveau ’’Programme Afrique’’ du Venezuela est à la recherche d’alliances stratégiques dans le domaine de l’énergie, à la fois dans la coopération technologique et le commerce, une quête pour laquelle Chávez visitera l’Afrique l’année prochaine, a souligné Bolàvar. D’autres initiatives incluent la création d’une Maison d’amitié Venezuela-Afrique, de nouveaux cours universitaires sur l’Afrique, et un centre pour la recherche et la conservation de l’héritage africain.
’’Nous avons une dette vis-à -vis des Africains, dont la main-d’oeuvre forcée a contribué à bâtir des puissances économiques et à intégrer des cultures’’, a déclaré Bolàvar. (FIN/2005)
Humberto Márquez
– Source : IPS www.ipsnews.net/fr/_note.asp ?idnews=2852
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