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À propos du livre Manual for Survival – A Chernobyl guide to the future

Ce livre est passé totalement inaperçu en France, malgré son importance liée autant à sa méthode (exploitation d’archives soviétiques inexplorées jusqu’à présent), qu’à son contenu : il vient nourrir la thèse d’une production d’ignorance, en situation de catastrophe, qui n’est pas exclusivement fondée sur le mensonge, mais aussi sur la nécessité sociale de ne pas savoir. L’ouvrage constitue donc une contribution majeure à la compréhension de l’administration politique et scientifique des désastres industriels et sanitaires.

Alors que la catastrophe de Tchernobyl a commencé il y a 34 ans, qu’un feu de forêt incontrôlé menace le confinement de ses anciennes installations et que le discours officiel sur le contrôle de la situation rappelle les plus belles heures de l’URSS, nous publions cette recension de l’important ouvrage de Kate Brown, Manual for Survival – A Chernobyl guide to the future par Thierry Ribault [1]. Il s’agit ici de contribuer à « une meilleure compréhension des processus de production d’ignorance en situation de catastrophe industrielle et sanitaire ».

Au printemps 2019, Kate Brown, historienne et membre du programme de recherche Science, Technologie et Société du Massachusetts Institute of Technology (MIT), a fait paraître Manual for Survival – A Chernobyl guide to the future [2]. Si ce volumineux ouvrage de référence a déjà fait l’objet d’une édition espagnole, en France, en revanche, il reste non seulement non traduit, mais aussi privé de tout compte rendu dans les revues scientifiques ou les médias. Seule la page Wikipedia en français de l’auteur en rend brièvement compte, avec toutefois cette singularité surprenante : alors que la version anglaise de cette page mentionne l’ensemble des critiques suscitées par l’ouvrage, dont de nombreuses appréciations positives, les auteurs de la version française ont opéré un tri sélectif aboutissant à faire figurer exclusivement les critiques émanant de ses détracteurs [3]. Je propose, à toutes fins utiles, de rendre compte des apports de ce livre important volontairement escamoté en France, en insistant notamment sur sa contribution à une meilleure compréhension des processus de production d’ignorance en situation de catastrophe industrielle et sanitaire.

Des squelettes dans le placard

Selon les agences onusiennes, dont l’Agence Internationale de l’Énergie Atomique (AIEA) et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), entre 31 et 54 morts auraient été provoquées en tout et pour tout en lien avec l’irradiation due à la catastrophe de Tchernobyl. À ce bilan de ce que ces organisations considèrent pourtant comme « la pire des catastrophes nucléaires de l’histoire de l’humanité », s’ajoutent 6000 cas de cancers de la thyroïde considérés comme « facilement traitables ». En 2005, le UN’s Chernobyl Forum communiquera le chiffre de 4000 morts liés à l’accident, le rapport détaillé daté de 2006 avançant le chiffre de 2000 à 9000 morts par cancer [4]. Selon un responsable de la communication de l’AIEA, la mise en perspective du chiffre de 4000 morts était destinée à « contrer les estimations antérieures bien plus élevées » et constituait « une action vigoureuse visant à sortir un chiffre bien inférieur à l’opinion conventionnelle. » [5] La même année, Greenpeace avancera entre 93 000 et 200 000 morts par cancer [6].

Une des questions de base à l’origine de l’investigation de Kate Brown est de comprendre pourquoi les estimations du nombre de victimes de la catastrophe de Tchernobyl divergent autant, y compris trois décennies plus tard. « Pourquoi n’en sait-on pas plus ? » demande-t-elle, se proposant d’aboutir à une évaluation des dégâts moins incertaine à travers une analyse détaillée des dommages causés par l’accident, et en « éclaircissant la compréhension des effets médicaux et environnementaux du désastre » (p.3).

L’argumentation générale du livre est la suivante. À travers ses recherches menées au sein de 27 sources d’archives différentes, dont 14 en Russie, Biélorussie et Ukraine, Brown « trouve partout les preuves que la radioactivité à Tchernobyl a provoqué un désastre en matière de santé publique dans les terres contaminées » (p.4), preuves dont elle retrouve la trace jusque dans les dossiers du KGB.

La litanie selon laquelle la connaissance que nous avons des effets sur la santé d’une exposition chronique à des faibles doses de rayonnement serait incertaine, incomplète voire minime, est, selon Brown, partiellement vraie « à cause de l’élimination des éléments attestant de dommages catastrophiques sur les territoires de Tchernobyl », mais elle est aussi partiellement fausse, au vu des preuves accumulées dans les archives, désormais en partie ouvertes mais peu divulguées, montrant sans ambiguïté que « quelques temps après avril 1986, les gens en bonne santé sur les territoires de Tchernobyl, particulièrement les enfants, sont tombés malades. Dans les années qui ont suivi, les maladies chroniques se sont multipliées. Les populations ont non seulement soufferts de cancers, mais également de maladies du système de formation sanguine, des voies digestives, du système endocrine, reproductif, circulatoire et nerveux ». Selon Brown, l’effondrement de l’URSS n’y a rien changé : « Les habitants ont été abandonnés, livrés aux forces brutales de la radioactivité, du désordre politique et de la pression économique. » (p.309).

Les médias soviétiques ont écarté toute discussion sur les conséquences de l’accident nucléaire, ce qui explique que les dossiers auxquels Brown a eu accès étaient pour la plupart estampillés « à usage interne uniquement ». Il faudra attendre 1989 pour que les dirigeants commencent à lever le voile sur les graves problèmes de santé des populations concernées et que ces éléments apparaissent dans les médias et dans la presse internationale. À l’annonce de ces faits, sont apparues des vagues de protestation réclamant l’évacuation et la réimplantation des personnes vivant dans les zones contaminées.

Toutefois, paniqués par le coût faramineux engendré par de tels mouvements de population, les dirigeants moscovites ont appelé les Nations Unies à l’aide. Les agences onusiennes ont fourni les évaluations permettant de corroborer les assertions soviétiques selon lesquelles les doses auxquelles les populations étaient exposées, étaient trop faibles pour provoquer des problèmes de santé. Pour Brown, dans un effort concerté visant à minimiser les conséquences sanitaires et environnementales de l’accident de Tchernobyl, ces agences et les diplomates internationaux ont entravé et bloqué la recherche relative à la catastrophe au motif suivant : les dirigeants des grandes puissances nucléaires avaient déjà exposé leurs populations respectives aux isotopes radioactifs durant la guerre froide à travers la production et les essais de leurs armes atomiques. Dans les années 1990, Européens et Étasuniens, qui s’éveillaient à ce problème, ont alors mené leurs gouvernements respectifs en justice. Appréhendé dans ce contexte global, l’accident de Tchernobyl ne relevait pas de la plus grande des urgences nucléaires de l’histoire de l’humanité. Tout au plus représentait-il un drapeau rouge pointant vers les autres désastres soigneusement occultés par les régimes de sécurité nationale de la guerre froide.

Selon Brown, trente ans après l’accident, peu de réponses sont apportées et nombres d’incertitudes demeurent. L’ignorance sur les effets des expositions chroniques des populations aux faibles doses est délibérément entretenue. Bien avant 1986, les experts soviétiques et du monde entier avaient connaissance des liens entre le cancer de la thyroïde des enfants et la radioactivité, mais ils ont dissimulé et réfuté les preuves relatives à l’épidémie de cancer autour de la centrale parce qu’ils avaient de bien plus importants « squelettes radioactifs » dans leur placard, issus des essais nucléaires. C’est pourquoi, pour Brown, les cancers de la thyroïde des enfants sont l’arbre qui cache la forêt. La dé-classification des archives soviétiques de santé publique permet de mettre au jour le fait que ces cancers ne constituaient qu’un des nombreux dommages sanitaires subis par les populations vivant sur les territoires touchés par les retombées radioactives de l’accident de la centrale de Tchernobyl.

L’État ukrainien indemnise actuellement 35 000 personnes dont le conjoint ou la conjointe est mort(e) des suites de Tchernobyl. Seuls sont pris en compte les décès des personnes en âge de se marier. Ne sont considérés ici ni la mortalité des adolescents et des enfants, ni les gens n’ayant pas de dossier leur permettant de prétendre à un dédommagement. Ce chiffre ne concerne que l’Ukraine, excluant la Russie et la Biélorussie, qui ont écopé de plus de 70% des retombées. Un scientifique du Centre inter-syndical de la médecine des rayonnements de Kiev avance le chiffre de 150 000 morts pour la seule Ukraine, tandis qu’un responsable de la centrale cité par Brown fournit une évaluation identique. Cet ordre de grandeur minimal de 35 000 à 150 000 morts n’a plus grand chose à voir avec le bilan de 54 victimes avancé par les agences internationales.

La figure de l’expert-ami-américain-utile

Brown rappelle comment, une semaine après l’explosion du réacteur n°4 de la centrale de Tchernobyl, les médecins soviétiques ont vu arriver un certain Robert Gale, spécialiste des leucémies à l’Université de Californie, invité expressément par Mikhail Gorbachev, à qui le mentor de Gale, le milliardaire étasunien Armand Hammer, qui avait fait fortune dans les années 20 et 30 en faisant du commerce avec les soviétiques à l’époque ostracisés au niveau international, avait accordé une aide de 600 000 $ en matériel médical. Ainsi, grâce à son sens du bénévolat, Robert Gale a pu effectuer des tests thérapeutiques sur des sujets humains sans devoir faire face à l’onéreuse réglementation étasunienne : la miraculeuse molécule GM-CSF qu’il avait conçue avec le laboratoire suisse Sandoz était censée réparer la moelle osseuse endommagée des pompiers de Tchernobyl. Promesse qu’elle n’a jamais tenue. Quant aux agents du KGB aux petits soins avec lui, ils n’ont pas manqué de l’utiliser dans la gestion de leurs relations publiques relatives au désastre. Gale a en effet relayé la désinformation dont il a été nourri, auprès des correspondants de presse étrangers qui ont cru sans réserve au témoignage altruiste de ce médecin étasunien qui arpentait les rues de Kiev accompagné de ses enfants, répétant à l’encan le couplet soviétique selon lequel la situation était hors de danger, pendant que les responsables sanitaires ukrainiens évacuaient les leurs hors de la ville. Il a loué le sens de la discipline avec laquelle les soviétiques menaient le « nettoyage » du désastre, alors que la situation était en réalité totalement chaotique. Il a également permis de focaliser l’attention sur les cas d’exposition sévère aux radiations des pompiers soignés dans l’Hôpital n°6 de Moscou, détournant ainsi les médias de la situation dramatique dans laquelle se trouvaient les populations autour de la « zone d’aliénation de Tchernobyl ». On retrouvera la plume euphémisante de Gale dans des éditoriaux invitant à endiguer la panique suite à l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima.

Par le biais de leurs conférences de presse, Gale et l’un de ses collègues ont contribué à détourner l’attention du désastre de Tchernobyl vers la menace plus grande de la guerre nucléaire, ce qui n’a pas manqué d’être apprécié par Gorbachev, qui a félicité Gale pour son aide ayant permis d’emporter l’adhésion des médias internationaux en faveur du soutien des efforts de secours soviétiques. Pendant ce temps, les nouvelles directives de réglementation de la censure muselaient toute velléité des chercheurs et médecins soviétiques de mettre au jour une réalité moins reluisante.

Leitmotiv des administrateurs du désastre, on note que la figure de l’expert-ami-américain-utile a également été mobilisée par les autorités chinoises au début de l’épidémie de coronavirus fin janvier 2020, en la personne de Ian Lipkin, professeur d’épidémiologie et directeur du Centre pour l’infection et l’immunité à l’université Columbia. Une semaine après que le dénommé « chasseur de virus », rassurant, eut mondialement médiatisé ses éloges des autorités chinoises qui ont, selon lui, « tirer toutes les leçons de l’épidémie de SRAS apparue en 2002 » [7] (pour laquelle les Chinois l’avaient déjà appelé à la rescousse), et qu’il eut prédit que le nouveau coronavirus ne causerait pas plus de morts que son cousin (774 morts au niveau mondial...), la réalité, dont le couperet, malheureusement, serait-on tenté de dire, a souvent raison des bonimenteurs, lui donnait tort.

Une « glasnost » tout sauf transparente

Avec l’afflux des réfugiés, à la fin de l’été 1986, les hôpitaux de Moscou avaient traité 15 000 personnes exposées à la radioactivité. À Kiev, Gomel, Zhytomyr, et Minsk, 40 000 admissions avaient été effectuées dans les hôpitaux. La moitié des 11 600 personnes soignées en Biélorussie étaient des enfants. Les ordres consistaient toutefois à ne mentionner que les 299 patients admis à l’Hôpital n°6 de Moscou : seules comptaient les personnes atteintes par une irradiation aiguë. En d’autres termes, comme le rappelle Brown, « l’État soviétique ne mentait pas seulement au monde entier, mais il se mentait aussi à lui-même. » (p. 29)

Il a souvent été argué que l’addiction de l’URSS aux réacteurs de technologie RBMK [8], structurellement (et notoirement) défectueux et dangereux du fait de leur coefficient de vide positif à faible puissance [9], s’expliquait par leur coût relativement faible, la possibilité de les fabriquer sur place, leur facilité d’extension des tranches, et la fierté retirée du fait qu’ils soient 100% soviétiques. Grâce notamment à l’exhumation d’un compte rendu de réunion de 45 pages du Politburo, Brown met en évidence un motif autrement moins anecdotique : la technologie RBMK garantissait l’accomplissement de la mission Zaslon, nom de code signifiant « écran » en russe, attribué au développement secret d’un système de défense anti-missiles. Cette version soviétique du mythique Star Wars de Ronald Reagan, censée protéger le pays d’une attaque nucléaire, reposait sur le recours aux réacteurs de type RBMK, qui, outre produire de l’énergie, peuvent produire du plutonium, matière fissible au cœur des bombes nucléaires. Les historiens ont longtemps soutenu que Gorbachev a refusé de se laisser prendre dans la course onéreuse aux armes nucléaires à laquelle l’incitait son homologue étasunien. Or le rapport du Politburo, sorti de l’ombre par Brown, montre qu’un programme soviétique existait bien et qu’en prenant le parti de punir une poignée d’opérateurs de la centrale de Tchernobyl plutôt que le groupe élargi des concepteurs et des responsables du secteur nucléaire, tout en réaffirmant le prolongement de l’exploitation d’une technologie notoirement défectueuse telle que le RBMK, les leaders du Politburo et Gorbachev à leur tête, ont aussi pris le parti du secret, n’ayant pas d’autre choix pour justifier leurs décisions que de masquer la réalité. Il s’agissait là d’une décision risquée pour un nouveau Premier secrétaire du parti qui avait fait de la transparence et de la responsabilité étatique le fer de lance de sa réforme. Trois années plus tard, le retour de bâton de la mise au jour de certaines vérités relatives à la catastrophe et le scepticisme qu’elle aura entretenu, lui seront fatal.

Nous sommes donc très loin de l’image d’Épinal que colporte l’hagiographie de la perestroïka, dont on retrouve les résidus jusque dans le regard porté par certains éditorialistes sur la catastrophe sanitaire amorcée en Chine en 2020, pour qui « la gestion du coronavirus relève plus d’Orwell que de la Glasnost » [10] : force est en effet de constater que la « glasnost » constituait bien, à l’époque de Tchernobyl, le volet relation publique d’une surveillance orwélienne, l’un et l’autre se complétant parfaitement plutôt que s’opposer.

Cet épisode montre aussi comment les tenants de la cause nucléaire sont capables, en situation de désastre, d’en passer par le mensonge, la manipulation et la prise de risque la plus effroyable pour produire leur propre justification. Il ressort également du rapport analysé par Brown que, durant les mois ayant suivi l’accident, les hommes du Politburo du Comité Central du Parti communiste se souciaient beaucoup de l’escalade du coût de la catastrophe, des dommages causés à la réputation de l’Union Soviétique à l’étranger, et de la perte de capacité de la production électrique (il est vrai que Tchernobyl avait été conçue pour alimenter en énergie le système secret de radar Duga, situé près de la centrale, dédié à la détection de missiles nucléaires ennemis), mais qu’ils s’attardaient peu sur la contamination des territoires et celle de leurs habitants.

Le livre de Brown apporte des preuves autant concrètes qu’irréfutables : la « glasnost » était tout sauf transparente.

La guerre des dosimètres

Quelques chiffres permettent d’appréhender l’impressionnante capacité de l’État soviétique à mobiliser les masses : 120 000 personnes ont été évacuées de la zone interdite, 600 000 « nettoyeurs » et personnels médicaux ont été dépêchés pour alimenter les secours d’urgence. Le premier mois, 40 000 conscrits de l’Armée Rouge ont été appelés. En Ukraine, les docteurs ont examiné 70 000 enfants, et plus de 100 000 adultes durant l’été ayant suivi l’accident. Durant les quelques années qui suivront, ils accompliront plus de 500 000 examens médicaux. Ce traitement sanitaire de masse était sans doute l’un des plus importants jamais réalisés, avant qu’il ne soit largement dépassé, aussi bien en taille qu’en intensité coercitive, par celui mis en place à partir de la fin janvier 2020, face à la pandémie de Covid-19. Les ressources propres à l’Ukraine ont permis à ses dirigeants, plus tard discrédités comme des partisans de la ligne dure stalinienne, de prendre la mesure de l’étendue de la catastrophe et de mener des actions : notamment mettre fin immédiatement à l’année scolaire et envoyer des centaines de milliers de personnes dans des zones plus saines (femmes enceintes, mères allaitant et bébés notamment) au risque d’être accusés par Moscou de « semer la panique et de répandre des rumeurs calomnieuses » (p.63), formulations amplement ré-usitées dans le Japon d’après Fukushima, dans la France des lendemains de l’explosion de l’usine de produits chimiques Lubrizol en septembre 2019, ou dans la Chine du début du Covid-19.

Malgré l’intensité de la mobilisation générale à Tchernobyl, deux scientifiques de renom, Yuri Izrael et Leonid Ilyn étaient au service de Moscou pour mener, comme le montre Brown, une intense propagande de minimisation de la catastrophe et de ses dégâts, réfutant la carte de contamination établie par les scientifiques ukrainiens, niant les centaines de diagnostiques de maladies liées aux radiations effectués par les médecins de Kiev, et recommandant aux autorités ukrainienne de ne pas distribuer de pastilles d’iode. Pour eux, les dommages étaient limités au site de l’accident et aux liquidateurs traités dans l’Hôpital n°6, victimes dont ils reconnaissaient l’existence uniquement du fait que le scientifique étasunien Gale et ses collègues avaient travaillé dans cet hôpital et avaient créé cette image resserrée des dommages destinée aux médias internationaux. Comme le résume Brown, « la stratégie des dirigeants de Moscou était d’admettre uniquement ce qui ne pouvait pas être nié » (p.62).

On sera peu étonné du fait qu’Ilyn demeurera toute sa vie sur la ligne de minimisation des dommages sanitaires de la radioactivité : il est l’artisan de la fumeuse notion de « radiophobie », qui est une pure psychologisation sans fondement des dommages biologiques engendrés par l’exposition au rayonnement ionisant, qui sera amplement mobilisée à Fukushima. De son côté, Izrael deviendra une éminence grise du déni du changement climatique au sein de l’interminable administration Putin, tout en occupant la position de « vice-chairman » au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) jusqu’en 2008 ! Là aussi, une Histoire demande à être écrite, intégrant notamment le fait que la production d’ignorance requiert des compétences qui préservent leurs détenteurs de toute forme de mise au rebut.

Malgré les pressions politiques en tout genre, et la guerre des dosimètres (et des seuils attenants) que se sont livrés les experts de Moscou et ceux de Kiev, le ministère ukrainien de la santé a tenu bon et maintenu l’évacuation des populations, tandis que son homologue biélorusse obtempérait : dès la fin de l’été 1986, femmes et enfants étaient rappelés à leurs foyers respectifs et une douzaine de villages étaient réouverts dans la zone interdite. Les leaders biélorusses mobilisèrent des ouvriers d’usine et des prisonniers dans la zone pour récolter les pommes de terre dont les plans avait été distribués par le régime aux évacués de retour, et collecter le lait des vaches qui leur avaient été allouées. On retrouve un déni du même ordre dans la Biélorussie du dictateur Loukachenko pour qui la pandémie de Covid-19 est une pure « psychose ». Kate Brown rapporte comment « le physicien biélorusse Vassili Nesterenko (académicien des sciences de Biélorussie) faisait son possible pour faire cesser ce mouvement de retour de milliers de paysans, mais seul, ses efforts ont été vains » (p.75). Son engagement, assorti d’accusations de faire partie d’un « complot sioniste », vaudra à Nesterenko d’être démis de ses fonctions. Son équipe et lui seront réhabilités à l’été 1989, les dirigeants biélorusses s’étant résolus à mobiliser leurs compétences, leur expérience et surtout la confiance que les gens avaient en eux.

Est-Ouest, un intérêt partagé

Le recours, par les leaders soviétiques, au secret, à la censure, au contre-espionnage et à la fabrication de l’information, s’explique, selon Kate Brown, du fait que le désastre de Tchernobyl n’était qu’un moment d’accélération, une sorte de point d’orgue, dans la chaîne temporelle de destruction et d’exposition toxique ayant touché aussi bien le paysage que les corps et la politique. La contamination radioactive de la Polésie, était en effet déjà en marche 30 ans avant la catastrophe, le territoire où est implantée la centrale de Tchernobyl étant saturé d’isotopes radioactifs issus des essais atomiques avant même que les plans de la centrale ne soient dressés. Avant, comme après, la catastrophe de 1986, les accidents se sont succédés sur pas moins de deux douzaines de sites de production d’électricité et de missiles. On en dénombre pas moins de soixante-six en Ukraine, dans l’année ayant suivi la catastrophe de Tchernobyl (p. 141-142).

Parmi les manifestations de soutien des organisations internationales au camouflage entrepris par le pouvoir soviétique, on note la première conférence internationale sur les conséquences médicales de l’accident de Tchernobyl, tenue en mai 1988 à Kiev. Le ministre soviétique de la santé assurait alors que l’« on peut aujourd’hui avec certitude affirmer qu’il n’existe aucun effet sur la santé humaine provoqué par l’accident de Tchernobyl. » Pour le physicien moscovite précité Ilyn, « même en cas d’accident majeur comme celui-ci, des mesures scientifiquement fondées permettent d’empêcher que des matières radioactives se répandent au-delà de la zone des 30 kilomètres » (p. 150-151). Brown rappelle qu’au nom de l’absolu nécessité de recourir à l’énergie nucléaire « propre » pour faire face au réchauffement climatique, utilisé comme arme de dissuasion, le directeur général de l’AIEA, Hans Blix, applaudissait alors la réponse soviétique au désastre. Il était escorté par le regrettable Pierre Pellerin, alors à la tête de l’autorité de sûreté nucléaire française et d’autres éminences comme le radiologiste étasunien Lynn Anspaugh, qui avait fait sa carrière sur les sites du Manhattan Project, et avait supervisé une clinique à Oak Ridge Associated Universities où des expérimentations secrètes sur les humains avaient été menées durant les premières décades de la Guerre froide. Ces expérimentations consistaient notamment à disposer du césium et du cobalt dans les murs de pièces ressemblant à des chambres d’hôtel et d’irradier plus de deux cents patients qui souffraient de leucémie, de lymphome ou d’arthrite. Une fois morts, Anspaugh autopsiait les corps avec minutie. Ces horreurs dystopiques qui pourraient paraître le fruit d’un esprit paranoïaque sont malheureusement recensées sur le site du département étasunien de l’Énergie [11].

Comme l’écrit élégamment Kate Brown « s’il n’y a pas de raison de douter de la sincérité de leurs opinions scientifiques, compte tenu de leur passé et de l’héritage entaché des agences qu’ils représentaient, ces hommes avaient un intérêt manifeste à entériner la conception selon laquelle, mis à part à des fortes doses, la radioactivité n’était en aucune manière dommageable à la santé » (p.152).

Ainsi, pour les soviétiques, si le « pire accident nucléaire de l’humanité » n’avait eu aucun effet sur la santé des populations, ne les ayant exposées, à quelques exceptions près, qu’à des doses « faibles », cela signifiait que les retombées radioactives des essais nucléaires, les fuites de résidus radioactifs des usines de fabrication de bombes atomiques, les émissions radioactives quotidiennes des réacteurs civils, l’utilisation massive des rayonnements ionisants dans le domaine médical, et l’exposition des travailleurs, des patients et des cobayes des expérimentations nucléaires pouvaient être considérées comme quantités négligeables.

Brown montre comment, plus que le soucis de transparence et de mise au jour de la vérité, ce qui a engendré un début d’opinion critique de la manière dont la catastrophe a été gérée à Tchernobyl, ce sont les rivalités politiques. Ainsi Gorbachev voulait se débarrasser du premier secrétaire du parti ukrainien Volodymyr Shcherbytsky, et était donc prêt à saisir toute forme de critique qui lui était opposée (p. 171). Les réformes engagées par Gorbachev ont certes fourni une plateforme aux voix d’opposition, mais la « glasnost » a surtout permis de renouveler les leaders. La réforme des médias lui a fourni une arme pour battre ses opposants, tout en lui donnant du crédit à l’étranger pour son soutien apparent à la liberté de pensée.

En 1989, à la faveur d’un parti communiste en voie d’éclatement, de nouveaux dirigeants ont pris les commandes. Les députés du peuple, élus au soviet suprême, ne détenaient plus leur pouvoir du parti mais de l’électorat. Les actions en faveur de la protection des populations se multiplièrent : études approfondies sur les zones contaminées, améliorations des structures hospitalières, prises en charge des victimes. L’opportunisme politique battra alors son plein, certains négateurs d’hier devenant les victimisateurs aujourd’hui. Les scientifiques au service de Gorbachev, comme Ilyn et Izrael, qui avaient depuis trois ans minimiser l’évaluation des dégâts sanitaires et environnementaux du désastre, faisaient de leur mieux pour étouffer toute discussion portant sur l’accident et ses conséquences durant les sessions parlementaires désormais rediffusées à la télévision, mais l’approche répressive devenait intenable. Il était temps de passer à une approche plus « pro-active » (p. 208).

Peur et ignorance, les deux mamelles d’un désastre phantasmé

En 1989, un appel est lancé par le ministre soviétique de la santé Evgeny Chazov à l’OMS pour mener une évaluation du seuil des 350 millisieverts sur 70 ans, soit 5 millisieverts par an, que les experts de Moscou avaient concocté. À titre de comparaison, le seuil d’exposition maximale internationalement reconnu est de 70 millisieverts sur 70 ans, soit 1 millisievert par an. La commission de physiciens promptement dépêchée aboutira à la conclusion que toute association entre les maladies non-cancéreuses et les retombées de la centrale accidentée était erronée et le fruit de « scientifiques qui ne sont pas initiés aux radiations ». Les problèmes sanitaires étaient dus à des facteurs psychologiques et de stress. Peur et ignorance étaient considérées comme les deux mamelles d’une situation sanitaire qui était, selon eux, phantasmée. Ils ont alors recommandé d’élever le seuil de 350 mSv sur 70 ans à 700 ou 1000 mSv, soit un seuil 10 à 20 fois plus élevé que celui recommandé par les autres instances internationales (AIEA et Commission internationale de protection radiologique, CIPR). Il faudra attendre le désastre de Fukushima pour que leurs vœux soient exaucés : le seuil d’insécurité déterminé par les autorités y est, en effet, de 1400 millisieverts sur 70 ans, soit 20 millisieverts par an, autrement dit, 4 fois celui fixé à Tchernobyl, et 20 fois le seuil internationalement admis.

Concernant Tchernobyl, l’Académie des sciences de Biélorussie, celle d’Ukraine, et l’Union des radiobiologistes soviétiques se sont opposées à ces conclusions essentiellement sur la base de l’argument suivant. Il n’est pas possible de généraliser à partir de l’impact sanitaire des victimes des bombes atomique d’Hiroshima et de Nagasaki, comme l’ont fait les experts de l’OMS. Au Japon, les scientifiques avaient nié toute existence de radiation résiduelle, estimant que les bombes atomiques avaient disséminé d’un coup une énorme dose de radioactivité gamma qui avait traversé les corps des victimes en moins de 100 secondes. N’avait donc pas été prise en compte l’accumulation de la radioactivité dans la chaîne alimentaire et dans l’environnement. À Tchernobyl, ce qui était en jeu c’était un lent saupoudrage de particules alpha et beta ingérées via la nourriture contaminée et la respiration de la poussière nocive, s’accumulant ainsi au fil du temps dans les organes et les chairs. Par ailleurs, l’étude de cohorte menée après les bombes atomiques avait été lancée 5 ans après les explosions, alors que les médecins ukrainiens et biélorusses ont commencé leur travail sur le terrain au lendemain de l’explosion du réacteur de Tchernobyl, ce qui leur a permis d’observer de manière plus subtile les modifications de la santé des populations et d’ainsi mieux comprendre comment la radioactivité à faible dose a été incorporée par les nouveaux-nés, les enfants et les adultes dès le début du désastre.

Brown explique comment, de son côté, le KGB énonçait clairement son inquiétude devant les rapprochements initiés par le département étasunien de l’Énergie et la US National Academy of Sciences auprès du Centre inter-syndical de la médecine des rayonnements de Kiev. Selon Nikolai Golushko, chef du KGB, « les Américains veulent travailler avec la base de données absolument unique du Centre. Ils désirent particulièrement obtenir les données pour pouvoir étudier les effets indirects et distants des radiations sur l’organisme humain (...) Ils utiliseront ces informations scientifiques à des fins militaires et pour réduire leurs dépenses dans des recherches similaires dans les institutions de l’OTAN ». Ainsi, au lieu de voir que les institutions internationales, notamment l’AIEA et l’OMS, cherchaient à limiter et contrôler l’information relative aux impacts sanitaires de l’accident de la centrale de Tchernobyl, le KGB soupçonnait l’Ouest d’utiliser ces institutions pour accéder aux données. Et Golushko de conclure : « Nous devons prendre des mesures permettant, en cas de contact international, de ne pas perdre la main sur les informations autorisées relatives aux problèmes effectifs que nous rencontrons dans la liquidation de l’accident » (p.231).

C’est à ces « mesures » évoquées par Golushko, que Kate Brown attribue le vol, l’été 1990, par des « hooligans », à l’Institut de médecine des rayonnements de Minsk, de deux ordinateurs et des floppy disques contenant les fichiers relatifs à l’exposition aux radiations de 134 000 biélorusses (évacués, liquidateurs et 34 000 enfants), un ensemble de données unique au monde, qui n’a jamais été retrouvé. D’autres fichiers du même type ont disparu à la même époque.

Ainsi, pendant que l’Ouest était soucieux de produire une image positive du nucléaire civil et de ses dégâts, afin de pérenniser son nucléaire militaire, l’Est cherchait à protéger son patrimoine de données, et ce faisant, la crédibilité de sa capacité techno-scientifique aussi bien que politique à faire face à l’accident.

Les experts de l’AIEA, n’ayant pas eu accès aux bases de données soviétiques, soit par refus, soit par volatilisation de ces dernières, ont utilisé des estimations de doses fournies par les scientifiques de Moscou, auxquelles ils ont combiné leurs propres estimations, souvent inférieures de 2 à 3 fois, et souvent approximatives, posant notamment l’hypothèse irréaliste selon laquelle les habitants se procuraient de la nourriture non contaminée dans les magasins, alors que les scientifiques ukrainiens et biélorusses leur avaient rendu compte des pratiques alimentaires d’autoproduction et d’autoconsommation des populations. De même, le recours au bois contaminé pour alimenter les foyers domestiques n’était pas pris en compte, pas plus que l’utilisation des cendres pour fertiliser les jardins. Seule la contamination externe avait été retenue dans l’évaluation des doses reçues, amenant l’AIEA à conclure que l’exposition au rayonnement ionisant des populations à Tchernobyl était deux fois moins importante que celle des Japonais à Hiroshima et Nagasaki, et qu’il n’y avait donc aucune raison de s’inquiéter des problèmes de santé liés à cette exposition jugée mineure.

Sous la direction du radiologue et spécialiste de médecine nucléaire étasunien Fred Mettler, représentant des EU auprès de l’UNSCEAR [12], les experts de l’AIEA ont mené une étude portant sur 1600 personnes, 800 en zone contaminée, 800 en zone censée être non contaminée, mais dont les circuits d’alimentation étaient en réalité les mêmes. Malgré la profonde différence de nature d’exposition entre la bombe A et l’explosion de Tchernobyl, ils ont extrapolé les résultats japonais sur la situation soviétique. Autrement dit, des résultats issus d’une situation d’exposition externe où la dose est unique et très élevée, ont été utilisés pour reconstituer les estimations d’une exposition interne, chronique à des faibles doses ingérées quotidiennement. L’ingestion de particules nocives était pourtant d’autant plus répandue que les autorités soviétiques, voulant faire face à la contamination, avaient mis en place un système d’échange de nourriture entre les régions : la contamination interne des populations vivant dans des zones non contaminées était aussi élevée que celle des populations des zones directement touchées d’où provenaient les produits. Ces réserves de taille n’ont cependant pas empêcher la machine onusienne d’établir un diagnostic se voulant définitif : les doses étaient trop faibles et aucune maladie ne pouvait leur être attribuée. Tout au plus pouvait-on s’attendre à quelques cancers : quelques leucémies et lymphomes à 5 ans, les autres cancers à 10 ans. L’anxiété liée à l’évacuation et la peur des radiations étaient les principales causes des maladies que l’on pouvait constater. La réinstallation des populations vivant en zone contaminée n’était pas nécessaire, et les restrictions relatives aux pratiques alimentaires ne l’étaient guère plus. Une partition qui ressemble, là encore, étrangement à celle jouée au lendemain de la fusion des cœurs des trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en mars 2011. On ne s’en étonnera guère, puisqu’à quelques interprètes prêts, le même orchestre sera alors mobilisé [13].

Éteindre miraculeusement les multiples foyers d’incendie des consciences

Tandis que les chercheurs soviétiques s’inquiétaient de la dose effective des personnes particulièrement vulnérables, paysans, conducteurs de tracteurs, femmes enceintes et enfants, les experts de l’AIEA recouraient au concept de « dose collective », qui décrit l’exposition d’une personne qui n’existe pas, celle de la population appréhendée comme un tout, concept fondé sur des probabilités, des approximations et une bonne dose d’incertitude. Tandis que l’AIEA affirmait que les cancers de la thyroïde chez les enfants étaient « anecdotiques par nature », ukrainiens et biélorusses s’interrogeaient sur les motifs de l’absence de toute mention des cas de 34 enfants ayant été diagnostiqués, alors qu’en Biélorussie, avant l’accident, on comptait deux cas de cancer de la thyroïde durant l’année. Une vingtaine d’examens histologiques avaient pourtant été transmis par des médecins soviétiques à Fred Mettler, en charge de la direction des études sanitaires pour le compte de l’AIEA, qui n’en n’avait jamais fait mention.

Leonid Ilyn et d’autres scientifiques de l’Institut de Radiobiologie de Moscou savaient parfaitement que les cancers de la thyroïde et les leucémies étaient inévitables après l’accident de Tchernobyl car ils avaient étudiés abondamment les effets sanitaires des essais nucléaires soviétiques. De leur côté, les scientifiques étasuniens du National Cancer Institute et de l’US Public Health Service étaient également au fait, puisqu’à l’époque et avant qu’ils ne soit dé-classifiés, ils tenaient sous le sceau du secret les résultats des études menées suite aux essais atomiques dans les îles Marshall et au Nevada, mettant en évidence des taux de cancers de la thyroïde et des leucémies chez les enfants, entre 3 et 7 fois plus élevés que la norme. En 2006, une étude publiée par le National Cancer Institute rendra compte de 11 000 à 200 000 cas de cancer de la thyroïde dans la population étasunienne dus aux essais du Nevada. De part et d’autre, rendre publique la connaissance des effets de l’explosion de la centrale de Tchernobyl, notamment en termes de cancers de la thyroïde et de leucémies, n’était donc pas ce qui était le plus recherché.

Ainsi, comme le rappelle Brown, tandis que les représentants des Nations Unies ne manquaient pas une occasion de ressasser que le désastre de Tchernobyl était « d’une dimension sans précédent », en réalité, ça n’était pas le cas. Entre 1945 et 1998, 520 essais atmosphériques et 1500 explosions souterraines de bombes atomiques (qui entraînent aussi des rejets dans l’atmosphère) ont été menés dans à peu près toutes les régions du monde, par les Soviétiques, les Anglais, les Français, les Chinois, les Indiens et les Pakistanais, soit l’équivalent de 29 000 bombes de la taille de celle d’Hiroshima. Au total, au regard des 20 milliards de curies rien qu’en iode radioactif, disséminés dans l’atmosphère lors des essais atomiques, les 45 millions de curies de l’accident de Tchernobyl semblent bien peu. Les trois-quarts des retombées des essais concernant l’hémisphère nord, il est évident qu’en 1986, il n’existait déjà plus de niveau « naturel » de radioactivité pouvant servir de référence. Kate Brown montre clairement comment, tandis que l’argument de la sécurité nationale comme motif du secret perdait de son sens avec la fin de la Guerre Froide, qu’il devenait de plus en plus difficile de cacher aux populations le fait qu’elles étaient de plus en plus exposées aux radiations, que des procès s’organisaient et qu’une contestation du nucléaire civil comme militaire prenait corps, parvenir à faire passer le message de l’innocuité du « plus grand désastre nucléaire de l’histoire de l’humanité » qu’était l’accident de Tchernobyl était une manière d’éteindre miraculeusement ces multiples foyers d’incendie des consciences.

L’erreur est humaine, persévérer est diabolique

Le récit détaillé que livre Brown d’un épisode de la gestion sanitaire de Tchernobyl place le lecteur au cœur du processus de production d’ignorance relatif au désastre. En septembre 1992, Keith Baverstock, radiobiologiste au bureau européen de l’OMS et deux collaborateurs, publient dans la revue Nature les résultats de leur enquête en Biélorussie, concluant que « l’effet carcinogène des retombées radioactives est beaucoup plus important que ce que nous pensions précédemment ». Les résultats histologiques relatifs à plus d’une centaine d’enfants atteints de cancers de la thyroïde dans une clinique de Minsk les avaient convaincus de la gravité de la situation. De la direction de l’OMS à l’US National Cancer Institute, en passant par la RERF [14] japonaise et le département étasunien de l’Énergie, la levée de bouclier a été unanime : seule l’intensité des examens pouvait expliquer ce diagnostic d’explosion du nombre de cas de cancers de la thyroïde. Autrement dit, le thermomètre créait la température. En dépit des menaces directes sur son emploi et des coupures budgétaires qui s’en suivirent, et malgré l’injonction qui lui a été faite de retirer son nom de cette publication, Baverstock a, contre vents et marées, maintenu et sa signature et ses résultats.

L’incident a provoqué une nouvelle vague d’investigations tout azimut, en Allemagne, au Japon, aux États-Unis et en France, tandis qu’une bataille institutionnelle (et d’égos démesurés) s’est engagée entre l’OMS et l’AIEA. En réalité, la bataille était factice, car pour les responsables de l’OMS il s’agissait de pacifier un public considéré comme exagérément nerveux. « Dans la mesure où les doses n’étaient pas d’un ordre de magnitude si élevé », les investigations que l’OMS relançaient à Tchernobyl étaient, selon cette agence, « importantes pour fournir une réponse, nonobstant négative, car ce qui préoccupe vraiment la population, c’est l’existence éventuelle d’effets mentaux » (p.253).

Une des conséquences du dénigrement de l’OMS, de l’AIEA et de l’UNSCEAR, son fidèle vassal, vis-à-vis de la dégradation de la santé des populations exposées à Tchernobyl, a été d’annuler et de déprogrammer des plans d’aide que l’UNESCO et la FAO (Food and Agriculture Organization) avaient envisagé de mettre en place à Tchernobyl pour répondre à l’alarme que Baverstock et ses collègues avaient tirée. Du côté des EU, l’administration Bush a délibérément bloqué les programmes de levée de fonds destinés à l’amélioration sanitaire et à la réinstallation des évacués, ainsi que la recherche menée au niveau des Nations Unies sur ces sujets.

Non sans ironie, en guise de réponse, l’AIEA a publié un manuel en russe visant à enseigner aux responsables soviétiques la manière de s’adresser à un public anxieux face aux questions liées au nucléaire. « Ne dites-pas aux gens de ne pas manger de légumes, et s’ils le font quand même, dites-leur que rien de terrible ne leur arrivera » (p.255) recommandent les experts de l’AIEA, faisant mine d’ignorer les compétences soviétiques en matière de propagande et de manipulation des esprits, tout en s’asseyant royalement sur le rugueux coussin de la souffrance des autres. Conseil est également prodigué de ne pas confier aux gens des données scientifiques et des propos véridiques, car « lors des débats avec l’homme de la rue, ce qui compte ce ne sont ni l’exhaustivité, ni l’exactitude scientifique de votre message, mais la manière dont il est accepté et compris. » Décidément la formule orwélienne selon laquelle « l’ignorance c’est la force » n’a pas manqué de faire des émules.

Dans son rapport de 1996 sur l’accident de Tchernobyl et ses conséquences sanitaires, préparé par Fred Mettler, assisté de Leonid Ilyn et d’Angelina Guskova, l’UNSCEAR, écartera les travaux ukrainiens et biélorusses, ainsi que leurs résultats, pour aboutir à des conclusions édulcorantes : les doses étaient trop faibles pour avoir des effets sur la santé, les problèmes psychologiques et économiques étaient les plus préoccupants, continuer des études sur la situation à Tchernobyl n’était pas nécessaire notamment du fait d’un « niveau de risque vraisemblablement faible » (p.256). Pendant ce temps, en huit ans, le nombre de cas de cancers rapportés en Biélorussie et en Ukraine avait atteint un ordre de grandeur équivalent à celui du nombre total de cancers attribués aux explosions des bombes atomiques au Japon sur une durée de quarante ans.

Brown rappelle que, n’ayant peur de rien, surtout pas de se contredire, Fred Mettler et ses collègues de l’OMS, de l’AIEA et de l’UNSCEAR, ont toutefois publié en septembre 1996 un article dans lequel ils reconnaissent la faillite de leurs modèles : « Il y a un écart énorme, écrivent-ils, entre les estimations de cancers de la thyroïde fondées sur la dosimétrie et les modèles standards de prévision du risque et l’ampleur de l’augmentation à laquelle on a effectivement assisté » (p.257). Aveu de délinquance scientifique qui n’empêchera aucunement les mêmes experts de reprendre à l’encan le refrain du traumatisme psychologique et de considérer le bilan des victimes comme « largement exagéré et incorrect ».

On se souvient pourtant que des examens histologiques relatifs à 20 enfants biélorusses atteints d’un cancer de la thyroïde avait été transmis à Fred Mettler, lors d’une mission à Tchernobyl. Après avoir réfuté le fait de les avoir reçus, Mettler admettra finalement en avoir été le destinataire : les actes d’une rencontre de l’AIEA en 1991 à Vienne sur Tchernobyl, attestent le fait qu’il les avait non seulement reçus, mais qu’il les avait ensuite communiqués à son laboratoire au Nouveau-Mexique, où ils ont été vérifiés. Reconnaissant avoir oublié cet épisode, à la question que lui pose Kate Brown sur le fait de savoir si autre chose que la radioactivité pouvait avoir provoqué ces cancers, Fred Mettler répondra : « Rien d’autre. C’était une erreur. »

Une erreur, ajouterais-je pour ma part, dans laquelle persévérera Mettler, incarnant à son tour l’immuable figure de l’expert-ami-américain-utile en qualité de conseiller sanitaire auprès du Premier ministre japonais pour le désastre nucléaire de Fukushima, et attribuant les 243 cas de cancers de la thyroïde confirmés parmi les 370 000 personnes du département de Fukushima ayant moins de 18 ans au moment de l’accident [15], à « une modification normale des tissus pouvant générer de l’inquiétude chez les parents » [16].

Retour sur la scène du crime

Kate Brown tient le titre de son ouvrage d’une brochure tirée à 5000 exemplaires, intitulée « Instructions aux communautés locales », publiée le 25 août 1986, trois mois après le début de l’accident de la centrale de Tchernobyl, le 26 avril. Le texte s’adresse directement au lecteur :

« Chers Camarades !

Depuis l’accident à la centrale nucléaire de Tchernobyl, une analyse détaillée de la radioactivité contenue dans l’alimentation et sur le territoire de votre lieu d’habitation a été menée. Les résultats montrent que vivre et travailler dans votre village ne nuit en aucune manière aux adultes comme aux enfants. La majeure partie de la radioactivité a disparu. Vous n’avez aucune raison de freiner votre consommation de produits issus de l’agriculture locale. »

Plus loin, la même brochure mentionne toutefois :

« Nous vous demandons de bien suivre les directives suivantes :

Il faut exclure de votre alimentation les baies et les champignons ramassés cette année. Les enfants ne doivent pas pénétrer la forêt aux alentours du village. Limitez les légumes frais. Ne consommez pas de lait et de viande d’origine locale. Lessivez votre habitation régulièrement. Enlevez la couche de terre arable de votre jardin et ensevelissez la dans une fosse spécialement creusée à l’écart du village. Mieux vaut abandonner l’élevage de vaches laitières et garder des cochons. » (p. 1-2).

Ce type de rhétorique en forme d’oxymore, encore nommée dans le jargon des administrateurs du désastre « communication du risque », est le lot de toute catastrophe nucléaire (mais pas seulement), et la dernière en date, celle de Fukushima, n’échappe pas à la règle. De fait, si l’on en croit Olivier Isnard, de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), à Fukushima : « Dans cette étape intermédiaire, et selon les recommandations internationales en vigueur, on peut revivre dans la zone contaminée à condition que le niveau d’exposition externe et de contamination interne combinés n’excède par 20 millisieverts par an », soit vingt fois la norme internationale en vigueur. L’expert équilibriste de l’IRSN, toutefois, appelait à se faire une raison : « Près des maisons, les niveaux sont peut-être par endroits redevenus tolérables, mais inutile de songer à aller dans les bois cueillir des champignons alentour et les manger, car ce sont des éponges à radioactivité. » [17] Autant dire – quand on sait que la périphérie de la zone de décontamination (cette dernière n’étant jamais définitive) n’excède pas les vingt mètres pour les habitations situées en bordure de forêt – que cette survie en zone contaminée, qui nous est, dans un premier temps, présentée comme « transitoirement » vivable, est dans les faits, à court comme à long terme, impraticable et préjudiciable aux populations.

Une telle uniformité, tout comme le caractère univoque des réponses apportées et des méthodes de communication mobilisées face à des désastres qui se répètent bien qu’ils soient à chaque fois différents, en deviendrait vite lassants. Pourtant, le livre de Kate Brown montre qu’il n’en est rien : même si l’après-catastrophe ressemble étrangement à l’avant-catastrophe (le couplet sur les « leçons tirées » ayant fait long feu), même si le manuel de survie élaboré à l’intention des populations les plus directement concernées par la fusion des trois cœurs de réacteur de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi en mars 2011, apparaît comme un couper-coller de celui adressé en 1986 à celles de Tchernobyl, il est encore et toujours nécessaire, même plusieurs décennies après, de revenir sur la question centrale de la connaissance des conséquences sanitaires et environnementales des catastrophes d’origine anthropique, et de la manière dont cette connaissance est produite ou non produite. Un examen précis des conditions politiques et sociales de production de cette connaissance et de l’ignorance qui l’accompagne inévitablement permet de comprendre les continuités historiques dans lesquelles les sociétés industrielles sont engagées – leurs rails et ornières – ainsi que les points de rupture que les faillites de ces sociétés pourraient éventuellement faire surgir.

Fruit d’un travail de cinq années passées sur le terrain, le livre de Kate Brown n’est pas le premier sur le sujet. Mais il est certainement le plus complet et le plus argumenté jamais écrit, notamment du fait que l’auteur a non seulement exploité des archives européennes et étasuniennes, mais s’est aussi immergée dans les archives soviétiques, nationales et provinciales, dans lesquelles aucun autre chercheur « de l’Ouest » ne s’était plongé auparavant.

Brown n’est pas une novice en matière de particules toxiques et de leur gestion historico-politique. Elle a notamment fait paraître A Biography of No Place : From Ethnic Borderland to Soviet Heartland (Harvard University Press) en 2004, et Plutopia : Nuclear Families in Atomic Cities and the Great Soviet and American Plutonium Disasters (Oxford University Press) en 2013. Elle y rend compte de la manière dont les habitants des villes artificielles de Richland aux États-Unis et de Ozersk en Russie, qui servaient de garnison en main-d’œuvre et compétences pour les sites de production de plutonium à usage militaire de, respectivement, Hanford et Mayak, ont été assujettis à un « désastre nucléaire au ralenti » : sur chacun des deux sites, 100 millions de curies d’isotopes radioactifs ont été dispersés dans l’environnement en quatre décennies, soit à chaque fois environ deux fois plus que les retombées de l’accident de la centrale de Tchernobyl.

Pour Kate Brown, « les historiens sont fascinés par les archives parce qu’elles les aident à revenir sur la scène du crime » (p. 5). Elle le fait ici magistralement. L’exploration qu’elle mène des archives du malheur de la catastrophe de Tchernobyl apporte des éléments nouveaux par rapport à la littérature existante [18], et par rapport à la connaissance relative à la gestion de la catastrophe.

D’une part, Brown met en évidence les dissensions au sein des responsables et des scientifiques soviétiques quant au bilan sanitaire et environnemental de la catastrophe, et les manœuvres politiques autour de la reconnaissance des dommages et de leurs victimes. Ce faisant, l’ouvrage apporte un éclairage inédit sur le rôle de Gorbachev et de la « glasnost » dans la production de l’ignorance relative au désastre nucléaire de Tchernobyl.

D’autre part, outre rendre compte des formes les plus fréquemment identifiées de cette production d’ignorance en temps de catastrophe, celles que font naître notamment le mensonge et la divulgation de demi-vérités, l’auteur mène aussi une analyse implacable de l’ignorance produite de manière systémique dans le cadre du fonctionnement de l’organisation de l’administration du désastre (pouvoirs publics, régulateurs, scientifiques associés). Brown met notamment en lumière ce que certains appellent l’ignorance organisée, fruit d’une inaction institutionnelle, composante régulière faisant partie intégrante de l’appareil de production des connaissances, générée et reproduite au sein même des institutions scientifiques, des autorités de réglementation en charge de la protection sanitaire et des groupes d’experts [19].

Brown attribue ainsi les omissions et les trous de mémoire des experts comme des organisations internationales relatifs à la catastrophe de Tchernobyl et à ses effets délétères sur la santé et l’environnement, au fait que les modèles et les représentations sur lesquels ils travaillent sont des routines de pensée créant en quelque sorte un effet d’ornières, desquelles ils deviennent incapables de sortir. Reconnaître du jour au lendemain qu’une épidémie de cancers pouvaient survenir si rapidement et à des doses d’exposition plus faibles que celles qu’ils avaient initialement calculées et modélisées, constitue selon Brown « une remise en question radicale de l’infrastructure médicale et bouscule une vie de publications ainsi que la certitude que le public n’était en aucun cas en péril suite aux expositions aux retombées des essais atomiques, aux déchets radioactifs, aux traitements médicaux recourant à les rayonnements ionisants, et aux émissions quotidiennes des centrales nucléaires les environnant » (p.262).

Au final, l’un des principaux intérêts du livre de Kate Brown est de nous permettre de mieux appréhender, au prisme du désastre, les conditions socialement et politiquement définies qui amènent à produire de l’ignorance dans les sociétés industrielles, autrement dit, les conditions qui rendent l’ignorance socialement nécessaire à la survie de l’idéologie du progrès autant qu’à la fabrication de notre consentement à cette idéologie.

[1] Thierry Ribault est chercheur au CNRS (laboratoire Clersé-Université de Lille). Il est co-auteur avec Nadine Ribault du livre Les Sanctuaires de l’abîme – Chronique du désastre de Fukushima, aux éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2012.

[2] Kate Brown, Manual for Survival – A Chernobyl guide to the future, Allen Lane Penguin Random House UK, 2019.

[3] Le livre comporte 420 pages, dont 315 pages de corps de texte, un descriptif des sources de 3 pages, 75 pages de notes détaillées et un index analytique de 21 pages. Il est divisé en six parties suivies d’une conclusion. La première partie traite des acteurs immédiatement en charge de l’évaluation et de la « liquidation » des effets de la marée radioactive suite à l’accident de la centrale nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril avril 1986. La seconde partie porte sur les populations des zones contaminées et la manière dont elles ont continué à produire et consommer, enveloppées des retombées de particules. Dans une troisième partie, l’auteur explore l’écologie et l’histoire des marais de Pripiat, situés à cheval sur la Biélorussie et l’Ukraine, où la centrale de Tchernobyl est implantée, et d’où les populations ont été évacuées pour plusieurs siècles voire millénaires selon le degré d’imprégnation en isotopes radioactifs. La quatrième partie traite de la dimension politique du désastre et s’intéresse à la manière dont les dirigeants soviétiques ont à la fois occulté la catastrophe tout en l’utilisant pour discréditer leurs rivaux intérieurs. Dans une cinquième partie, l’auteur rend compte des résultats médicaux auxquels les chercheurs soviétiques ont abouti. La sixième partie est consacrée à la gestion du désastre par les instances internationales dans un contexte d’effondrement du système soviétique.

[4] David Kinley III, ed., The Chernobyl Forum : Chernobyl’s Legacy, Health, Environmental and Socio-Economic Impacts, Vienna : IAEA, 2006.

[5] BBC News Service, 19 avril 2006, http://news.bbc.co.uk/2/hi/health/4922508.stm

[6] The Chernobyl Catastrophe, Consequences on Human Health, Amsterdam Greenpeace International 2006. Il s’agit de deux estimations reprises respectivement : pour les 93 000 morts entre 1986 – 2006, de Malko M.V. (2006), Estimations of the Chernobyl Catastrophe (on the base of statistical data from Belarus and Ukraine), Publ : Center of the Independent Environment Assessment of the Russia Academy of Sciences, ISBN5-94442-011-1 ; et pour les 210 000 victimes entre 1990 et 2004, de Khudoley et al. (2006) Attempt of estimation of the consequences of Chernobyl Catastrophe for population living at the radiation-polluted territories of Russia. Publ : Centre of the Independent Environment Assessment of the Russia Academy of Sciences, Consequences of the Chernobyl Accident : Estimation and prognosis of additional mortality and cancer diseases. ISBN 5-94442-011-1.

[7] China Global Television Network, 3 février 2020.

[8] Encore appelé réacteur de grande puissance à tube de force, le RBMK est l’aboutissement du programme nucléaire soviétique pour la conception d’un réacteur refroidi à l’eau légère, basé sur les modèles existants de réacteurs militaires au plutonium modérés par du graphite.

[9] « Le coefficient de température (appelé aussi coefficient de vide) indique comment un réacteur réagit naturellement à une augmentation ou une diminution de température. Ce facteur est lié à la quantité de neutrons absorbés en cours de ralentissement et donc perdus pour de nouvelles fissions. Si le coefficient est positif, une augmentation ou diminution de température sera amplifiée : sans dispositif de contrôle le réacteur sera instable. » https://www.laradioactivite.com/site/pages/Defauts_RBMK.htm

[10] Le Monde, 12 février 2020.

[11] « Human Radiation Studies : Remembering the Early, Oral History of Pathologist Clarence Lushbaugh, M.D. » 19950401 ; voir aussi Harriet A. Washington, Medical Apartheid : The Dark History of Medical Experimentation on Black Americans from Colonial Times to the Present (New York : Doubleday, 2006) p.235.

[12] Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (United Nations Scientific Committee on the Effects of Atomic Radiation).

[13] On se reportera utilement au chapitre intitulé « Négationnistes en congrès » de notre livre Les Sanctuaires de l’abîme – Chronique du désastre de Fukushima, éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2012.

[14] La Radiation Effects Research Foundation, créée en 1975, est sous la juridiction des ministères japonais des Affaires étrangères et de la Santé et de l’aide sociale, dans le cadre d’un accord entre les gouvernements du Japon et des États-Unis. La RERF a été précédée par l’Atomic Bomb Casualty Commission (ABCC) créée en 1947 par la US National Academy of Sciences (NAS) avec des financements de l’US Atomic Energy Commission. Elle a initié d’importantes études sanitaires auprès des survivants des bombes atomiques.

[15] Selon les derniers résultats disponibles publiés par le Comité de surveillance de l’ « Enquête de gestion sanitaire de Fukushima », réuni le 13 février 2020. Voir le site de l’Université médicale de Fukushima, http://fmu-global.jp/our-activities/prefectural-oversight-committee-meeting/

[16] « A Message to the Japanese People » (July 30, 2013), Fred A. Mettler Jr. MD, MPH, sur le site du Premier ministre japonais https://japan.kantei.go.jp/incident/health_and_safety/mettler.html

[17] Le Point, 24 octobre 2013.

[18] Sans prétendre être exhaustif, on peut notamment citer les ouvrages suivants : Grigoru Medvedev, Truth About Chernobyl : An Exiting Minute-by Minute Account by a Leading Soviet Nuclear Physicist of the Worl’s Largest Nuclear Disaster and Coverup, New York, Basic Books, 1991 ; Alla Yaroshinskaya, Chernobyl : The Forbidden Truth, Jon Carpenter, 1994 ; V. K. Savchenko, The Ecology of the Chernobyl Tragedy : Scientific Outlines of an International Programme of Collaborative Research, Parthenon Publishing, Paris, 1995 ; Wladimir Tchertkoff, Le crime de Tchernobyl, le goulag nucléaire, Actes-Sud, 2006 ; Alexey V. Yablokov, Vassily B. Nesterenko, Alexey V. Nesterenko, and Jeannette D. Sherman-Nevinger, Chernobyl : Consequences of the Catastrophe for People and the Environment, New York, Wiley, 2010 ; Adriana Petryna, Life Exposed : Biological Citizens after Chernobyl, Princeton University Press, 2013 ; Sonja D. Schmid, Producing Power : The Pre-chernobyl History of the Soviet Nuclear Industry, MIT Press, 2015 ; Alla Yaroshinskaya, Chernobyl : Crime Without Punishment, Routledge, 2017.

[19] Voir notamment Scott Frickel, Michelle Edwards, « Untangling Ignorance in Environmental Risk Assessment », in Boudia, Soraya et Jas, Nathalie (sous la dir. de), Powerless Science ? The Making of the Toxic World in the Twentieth Century, New York Oxford, Berghahn Books, p. 215-233, 2014.

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