RSS SyndicationTwitterFacebook
Rechercher
Auteur : Prabhat PATNAIK

Mesurer la pauvreté ou « embellir » le néolibéralisme ?

Prabhat PATNAIK

La nouvelle mesure de la « pauvreté multidimensionnelle » par la Banque mondiale et al. est conceptuellement erronée.

Plusieurs organisations internationales se sont lancées dans la mesure de ce qu'elles appellent la « pauvreté ». La Banque mondiale s'y emploie depuis un certain temps, mais nous disposons désormais d'une nouvelle mesure de la « pauvreté multidimensionnelle » élaborée par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l'Oxford Poverty and Human Development Initiative (OPHI). Toutefois, aucune de ces mesures ne mesure réellement la pauvreté ; elles finissent généralement par « embellir » le capitalisme néolibéral. En fait, selon les estimations de la Banque mondiale, la proportion de la population mondiale qui vit dans « l'extrême pauvreté » (c'est-à-dire en dessous d'une dépense quotidienne par habitant de 1,90 $ au taux de change à parité de pouvoir d'achat de 2011) est passée de plus de 30 % à la fin des années 1990 à moins de 10 % en 2022, ce qui laisse entendre que, sous le capitalisme néolibéral, « des millions de personnes ont été sorties de la pauvreté ». (…) Lire la suite »

La stagnation de l’économie mondiale

Prabhat PATNAIK

LE fait que l'économie mondiale ait ralenti depuis la crise financière de 2008 est incontestable. En fait, même les économistes conservateurs étasuniens ont commencé à utiliser le terme de "stagnation séculaire" pour décrire la situation actuelle (bien qu'ils aient leur propre définition de ce terme). L'objectif de la présente note est de donner quelques chiffres sur les taux de croissance afin d'établir ce point particulier.

Les calculs du PIB, notoirement peu fiables pour certains pays, le sont encore plus pour l'ensemble du monde. En Inde, de nombreux chercheurs ont mis en doute les estimations officielles du taux de croissance du PIB et ont suggéré que ce taux ne pouvait guère être supérieur à 4-4,5 % par an au cours des dernières années, alors que les statistiques officielles font état d'un taux d'environ 7 %. L'exaltation suscitée par l'accélération de la croissance du PIB dans la période néolibérale par rapport à la période dirigiste semble tout à fait déplacée ; et si le taux de croissance du PIB a à peine augmenté par rapport à la période précédente, alors que les inégalités se sont considérablement creusées, l'affirmation selon laquelle la condition des travailleurs s'est détériorée dans la période néolibérale, comme le montrent clairement d'autres indicateurs tels que les chiffres relatifs à l'apport nutritionnel, serait encore plus solidement établie. Mais malgré la fragilité totale des (…) Lire la suite »

Les pièges de la croissance dans un contexte de libre-échange

Prabhat PATNAIK

La stratégie de croissance qu'implique le néolibéralisme est donc fondamentalement inacceptable d'un point de vue éthique ; elle oblige les pays du tiers monde à se battre les uns contre les autres, ce qui est essentiellement une stratégie bourgeoise.

L'économiste français Jean-Baptiste Say pensait qu'il ne pouvait jamais y avoir de problème de demande globale dans une économie, que tout ce qui était produit était ipso facto demandé. Il peut bien sûr y avoir trop de goupilles de sécurité et trop peu de lames, mais en dehors de ces micro-décalages, il ne peut jamais y avoir trop peu de demande pour l'ensemble de la production. Cette affirmation, appelée "loi de Say" en économie, est évidemment une absurdité, car si elle était vraie, il ne pourrait jamais y avoir de crise de surproduction. Marx avait cloué au pilori la loi de Say et, dans les années 1930, James Maynard Keynes et Michal Kalecki, séparément et presque simultanément, en ont également démontré l'infirmité logique. Cependant, l'économie bourgeoise, refusant de concéder la moindre faille dans le fonctionnement du capitalisme, a cherché assidûment à rétablir la loi de Say par toutes sortes de stratagèmes théoriques douteux dépourvus de toute valeur scientifique. La (…) Lire la suite »

Le pouvoir de la bourse

Prabhat PATNAIK

On peut penser que le fascisme communautaire n'est pas désidéologisant ; il introduit dans l'esprit des gens une idéologie communautaire, qui est une idéologie comme une autre. Mais c'est une erreur.

Il est communément admis que, quel que soit le nombre de sièges obtenus lors des prochaines élections législatives, le prochain gouvernement au centre sera formé par le parti ayant la plus grosse bourse en attirant dans son camp un nombre suffisant de législateurs nouvellement élus. Cette perception découle de ce qui s'est passé récemment dans plusieurs États, et qui représente la marchandisation de la politique. Cette marchandisation implique que le pouvoir politique revient au parti qui a le plus gros budget ; peu importe qui les gens élisent, puisqu'un grand nombre des élus finissent par se retrouver dans le camp du parti qui a le plus gros budget. L'importance de l'argent dans les élections, dans la détermination de leur résultat, non seulement en Inde mais aussi ailleurs, est un fait bien connu depuis longtemps ; ce qui est nouveau, avec la marchandisation de la politique, c'est que le résultat des élections lui-même n'a plus d'importance. L'expansion de la marchandisation (…) Lire la suite »

Ce que cache le PIB

Prabhat PATNAIK

Il existe des problèmes bien connus liés au concept de produit intérieur brut ainsi qu'à sa mesure. Adam Smith se serait opposé à l'inclusion du secteur des services dans le PIB au motif que les personnes employées dans ce secteur constituent des "travailleurs improductifs". Dans l'ex-Union soviétique et les pays socialistes d'Europe de l'Est, ce n'est certainement pas le PIB, mais le produit matériel brut, à l'exclusion du secteur des services, qui est considéré comme la mesure pertinente.

Même si le secteur des services est inclus dans le PIB, la mesure de sa production pose un problème conceptuel, car il est difficile de distinguer ce qui constitue une prestation de service de ce qui constitue un simple paiement de transfert : après tout, on peut tirer satisfaction d'un paiement de transfert exactement comme on tire satisfaction de la prestation d'un musicien ; comment alors inclure l'un et pas l'autre dans le cadre du PIB ? Mais outre ces problèmes conceptuels, il existe également des problèmes liés à la mesure du PIB, problèmes qui découlent notamment du vaste secteur de la petite production pour lequel nous ne disposons pas de données fiables, régulières et opportunes. En Inde, par exemple, plusieurs économistes ont suggéré, bien que pour des raisons différentes, que la mesure du taux de croissance du PIB était surestimée. Il est également évident que le PIB n'est pas un indice du bien-être national ; la raison la plus évidente en est que la distribution du (…) Lire la suite »

L’importance théorique de L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine

Prabhat PATNAIK

L'importance de L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine réside dans le fait qu'il a totalement révolutionné la perception de la révolution. Marx et Engels avaient déjà envisagé la possibilité que les pays coloniaux et dépendants connaissent leur propre révolution avant même la révolution prolétarienne dans la métropole, mais ces deux séries de révolutions étaient considérées comme disjointes ; la trajectoire de la révolution dans la périphérie et sa relation avec la révolution socialiste dans la métropole restaient floues. L'impérialisme de Lénine a non seulement établi un lien entre les deux séries de révolutions, mais a également fait de la révolution dans les pays périphériques un élément du processus de transition de l'humanité vers le socialisme.

Il considérait donc le processus révolutionnaire comme un tout intégré ; il imaginait un processus révolutionnaire mondial unique qui, à partir de la rupture du maillon le plus faible de la chaîne, où qu'il se trouve, renverserait l'ensemble du système. Il affirmait également que le temps d'une telle révolution mondiale était venu, car le capitalisme avait atteint un stade où il allait désormais entraîner l'humanité dans des guerres catastrophiques : il avait "recouvert" le monde entier sans laisser d'"espaces vides", le divisant complètement en sphères d'influence de différentes puissances métropolitaines, de sorte que seul un repartage du monde pouvait désormais avoir lieu ; et ce repartage ne pouvait avoir lieu que par le biais de guerres inter-impérialistes, dont la première guerre mondiale était un exemple classique. La position théorique sur laquelle repose l'impérialisme a élargi le marxisme d'au moins cinq manières majeures. Premièrement, elle a fait entrer les "régions (…) Lire la suite »