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Auteur : Georges CORM

Corm : « Seuls les naïfs pensent qu’il s’agit d’un conflit entre sunnites et chiites »

Alex ANFRUNS, Georges CORM

Les événements au Proche-Orient s’accélèrent comme jamais. Saad Hariri, le premier ministre du Liban, vient d’annoncer sa démission de façon insolite, depuis l’Arabie saoudite où se déroule une « révolution de palais ». En Syrie, d’importantes victoires ont été remportées par l’armée et annoncent la fin d’un conflit meurtrier. Quelle sera l’issue de cette crise politique ? Pour approfondir ces questions, nous avons interrogé l’historien et ex-ministre des finances libanais Georges Corm, auteur du livre Le Liban contemporain.

Il y a un an, les élections présidentielles permettaient au Liban de sortir d’une longue période d’instabilité institutionnelle. Comment expliquer ce coup de théâtre ? Le contexte libanais était effectivement très stable. Le gouvernement constitué par Saad Hariri en décembre comprenait tous les grands partis politiques, à l’exception du parti phalangiste qui s’est érigé en parti d’opposition. Il incluait donc aussi le Hezbollah et les choses semblaient bien se passer : loi électorale et budget adoptés, en particulier. Le ton de Saad Hariri restait très modéré pour ce qui concerne la politique iranienne et celle du Hezbollah, partie à son gouvernement. Son rappel en Arabie saoudite trois jours après une visite qu’il y avait fait effectuée et son départ précipité sans que personne de son entourage ou des ministres libanais ne l’accompagne montre qu’il s’est agi d’une démission forcée faite en Arabie saoudite, comme tout le prouve, dans un contexte du coup d’État qui se déroule (…) Lire la suite »

Georges Corm : « Les pays du Golfe comme les Etats-Unis ont armé et entretenu des groupes djihadistes »

Georges CORM

Économiste et historien, Georges Corm vient de publier aux éditions La Découverte La nouvelle question d’Orient, une « plongée historique dans le destin tragique des sociétés de l’Est de la Méditerranée et du monde arabe ». Il livre ici son analyse sur la crise diplomatique qui secoue la péninsule arabique entre sponsors sunnites du « terrorisme », sous l’œil du parrain militaire étasunien.

Comment analysez-vous la crise diplomatique actuelle et la mise en quarantaine du Qatar, accusé de soutenir le « terrorisme » ? Georges Corm : Heureusement que le ridicule ne tue pas : depuis la première guerre d’Afghanistan, les pays du Golfe comme les Etats-Unis ont armé et entretenu des groupes de prétendus « djihadistes » qui ont été déployés d’un pays à l’autre, en fonction des intérêts géopolitiques de Washington et de ses alliés. Ceci dit, ce n’est pas la première crise entre l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui ont en commun comme doctrine d’Etat le wahhabisme. Et qui ont été ces dernières années en compétition très forte, en particulier depuis les soulèvements arabes de 2011, pour recueillir le fruit du détournement de ces révoltes en soutenant différentes mouvances de l’islam politique. L’influence du Qatar, via notamment ses centres d’études, ses think tanks et sa chaîne de télévision al-Jazeera, a visiblement pris trop d’importance pour une Arabie Saoudite qui cherche (…) Lire la suite »

Georges Corm : « Prétendre que le monde arabe est en guerre contre l’Occident est une déformation grossière de la réalité »

Georges CORM

Ancien ministre des Finances (1998-2 000) de la République libanaise, économiste et historien, 
Georges Corm défend dans son dernier ouvrage, Pensée et politique dans le monde arabe, 
une vision de la culture arabe bien plus riche et ouverte que le cliché récurrent de berceau 
du terrorisme islamiste relayé par les médias dominants.

Dans votre dernier ouvrage, Pensée et politique dans le monde arabe (1), vous faites clairement la distinction entre culture arabe et culture musulmane. Cependant, peut-on aujourd’hui, au regard des événements dramatiques qui secouent le monde arabe, victime de l’islamisme politique, séparer la pensée arabe de la pensée musulmane ? C’est tout le sens de mon livre. Il est absolument nécessaire de faire cette distinction. Il faut rappeler que le monde arabe a une pensée et une culture qui se situent à la fois avec et en dehors de l’islam. En dehors, parce que la culture arabe existe préalablement à l’islam, avec des traditions poétiques majeures indépendantes de toute contingence religieuse. Dans le premier chapitre de mon livre, je rappelle d’ailleurs l’importance de cette culture poétique. Culture primordiale à tel point qu’aujourd’hui encore, les personnes les plus honorées dans toutes les sociétés arabes restent les grands poètes, mais aussi de grands compositeurs de musique, (…) Lire la suite »

Georges Corm : « Du côté sud de la Méditerranée, nous pourrions donner des leçons à l’Europe »

Georges CORM

Ancien ministre des Finances du Liban, sociologue et professeur à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, Georges Corm (1) revient dans l’Humanité Dimanche sur l’afflux des migrants en Europe. Il rappelle les antécédents que sont la colonisation, le besoin de main-d’œuvre et les conséquences régionales des guerres déclenchées par les dirigeants européens et étasuniens.

HD. Quelles sont les causes historiques et politiques de l’afflux massif de réfugiés en Europe ces derniers mois ? Georges Corm. Le phénomène n’est pas nouveau. Cela fait des années qu’un certain nombre de migrants qui ne peuvent pas obtenir de visa légalement prennent le risque de traverser la Méditerranée dans des conditions épouvantables. Aujourd’hui, les chiffres ont explosé. Mais il ne faut pas oublier les causes historiques, qui s’étalent sur plusieurs périodes et ont déclenché trois grandes vagues successives d’immigration depuis 1945. Les premiers déracinements ont été provoqués par la colonisation. En Algérie, les meilleures terres agricoles ont été accaparées par les colons. Ce qui a abouti à des déracinements et à la création d’un sous-prolétariat prêt à s’expatrier. D’où une première vague migratoire sous l’effet de la demande de main-d’œuvre à bon marché pour la reconstruction de la France et de l’Europe. À l’indépendance en 1962, une fois épuisées les (…) Lire la suite »

Entretien avec Georges Corm : où va le monde arabe ?

Georges CORM
Comment expliquer la montée en puissance de l’Etat islamique depuis juin 2014 ? Plusieurs facteurs expliquent cette extraordinaire et invraisemblable prise de pouvoir d’une organisation terroriste sur 40 000 km2 en l’espace de quelques jours en Irak. C’est un phénomène qu’il convient effectivement d’expliquer. Je pense que le premier facteur est probablement le fait que des militaires qui tenaient la ville de Mossoul et d’autres villes ont probablement dû être payés afin qu’ils ne se battent pas et qu’ils abandonnent leurs armes sur place. C’est ce que l’on a constaté lors de l’intervention américaine en Irak, lorsque l’on a su que les Américains avaient soudoyé les généraux de la Garde présidentielle qui avaient en charge la défense de Bagdad. Pas un coup de feu n’a été tiré. On a appris également que les généraux avaient été exfiltrés aux Etats-Unis. Je pense que l’on a eu la même configuration avec l’EI. On dit beaucoup aussi que des anciens militaires du régime de Saddam (…) Lire la suite »