La plupart des déplacés ont fui Rafah et ses alentours pour Deir El-Balah, devenue la nouvelle « capitale économique » où se trouvent aujourd’hui environ un million de personnes. Depuis leur départ, on trouve davantage de marchandises à Rafah. Sur les emballages, les étiquettes ne sont plus en arabe, on ne trouve plus de produits égyptiens. Tout est écrit en hébreu. Car depuis une semaine, les Israéliens ont rouvert le terminal de Kerem Shalom qui donne accès à Israël. Les transporteurs privés palestiniens peuvent donc importer directement de Cisjordanie, en passant par le territoire israélien. Or en Cisjordanie, la majorité des produits sont israéliens, puisque les Palestiniens n’ont le contrôle ni sur leur frontière ni sur leurs importations.
Cette situation est tout de même bien ironique. Les Israéliens nous pilonnent tous les jours, et en même temps ils envahissent notre marché. Comme les Étasuniens qui fournissent à Israël les bombes qui nous tuent, et qui après parachutent (…)Lire la suite »
« C’est la première fois qu’on voit des universités manifester pour la Palestine ! »
Ce samedi matin, pour la petite conférence de presse improvisée devant chez moi, il y avait beaucoup plus de monde que d’habitude. Ils ne voulaient savoir qu’une chose : les négociations en cours vont-elles enfin aboutir à une trêve ? Est-ce que vraiment on va retourner chez nous ?
L’ambiance en général est à l‘inquiétude. On attend, on attend... On espère une bonne nouvelle. J’ai déjà dit dans ce journal que je me sens souvent obligé de mentir pour remonter le moral des gens, mais je tiens parfois compte du climat général. Et là j’ai pensé qu’il fallait montrer un peu d’optimisme, parce que les gens attendent avec impatience la bonne nouvelle d’un cessez-le-feu, même si ce sera juste une trêve de 40 jours, avec la possibilité d’un renouvellement. Les gens ont envie d’entendre ça, ils n’ont pas entendu de bonne nouvelle depuis sept mois. Ma réponse fut donc : oui, il y a quelque chose de (…)Lire la suite »
« Je regarde les visages, et je vois que les gens ont vieilli »
Pour la plupart des gens, la guerre signifie être pilonné par des bombes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, c’est des morts, des blessés, la destruction totale. C’est principalement cela, en effet. Mais la guerre prend aussi d’autres formes, moins visibles mais tout aussi nocives pour nous. La famine par exemple. Les Israéliens l’utilisent pour forcer les gens qui restent à quitter la ville de Gaza et le nord de la bande. Il y en a qui sont morts de faim, notamment plusieurs enfants. Vous avez vu la photo de Yazan, cet enfant de 10 ans, décédé à cause de la faim et de la malnutrition.
Avec la guerre et le blocus, tout est devenu hors de prix. L’aide humanitaire et les importations du secteur privé ne passent toujours pas en quantité suffisante. Le prix du kilo de sucre qui était de 4 shekels (1 euro) a atteint jusqu’à 70 shekels (17,50 euros). Maintenant il s’est stabilisé à 20 shekels (5 euros).
Les gens voient (…)Lire la suite »
« Mon beau-père a quitté cette vie pour ne plus souffrir de l’humiliation »
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
Dimanche 31 mars 2024.
Aujourd’hui j’ai une mauvaise nouvelle à annoncer. Le père de mon épouse Sabah est décédé. Il est parti reposer en paix parce qu’il n’a pas résisté aux conditions de vie depuis son déplacement forcé à Rafah. Il s’appelait Souleimane, il avait 76 ans. Il était né en 1948, l’année de la Nakba. Et il est mort l’année de la deuxième Nakba, qui est en cours.
Sa vie est un résumé de l’histoire contemporaine de Gaza. Il a (…)Lire la suite »