"L’enfant d’aujourd’hui est le terroriste de demain. Autant qu’il meure maintenant.” C' étaitil y a 10 ans.
Depuis hier tout le monde parle de la famille Bibas, cette mère israélienne et ses deux enfants, Ariel et Kfir, âgés de quatre ans et de huit mois et demi lors de leur enlèvement le 7 octobre 2023. Les corps des enfants ont été restitués jeudi par le Hamas, et celui de leur mère, Shiri, deux jours plus tard. Une première dépouille, rendue en même temps que celles des enfants, n’était pas celle de la mère.
Je partage la tristesse de cette famille. Le 7 octobre, quand j’ai vu les images de l’enlèvement de cette mère israélienne et de ses enfants, j’ai été choqué. Ce n’est pas dans notre culture, ce n’est pas cela notre lutte, ces gens conduits au pire par l’effet de meute. Je suis opposé à toute attaque contre des civils, encore plus quand il s’agit de femmes et d’enfants. Je comprends la douleur de cette famille, car nous aussi, nous savons très bien ce qu’est la mort violente de femmes et d’enfants, nous le vivons depuis 1948. Depuis le début de cette guerre, plus de 14 500 (…)Lire la suite »
Comme vous le savez, je n’ai pas Internet à la « Villa ». Je pouvais avoir une petite connexion dans la rue, mais depuis que tout le monde est parti, je dois attendre d’être au bureau, à la Maison de la presse, pour avoir les nouvelles. Avant, j’en avais aussi par les passagers de la bétaillère, qui nous sert de moyen de transport. Mais depuis le cessez-le-feu et le retour au nord de la quasi-totalité des déplacés, il n’y a pratiquement plus de charrettes. Ce mercredi matin, j’ai fait le trajet à pied.
J’ai dû attendre d’être arrivé au bureau pour apprendre l’info de la nuit : « Rami, tu as entendu les déclarations de Trump ? » J’étais choqué, mais pas étonné de cette sortie de la part d’un homme qui ne voit le monde qu’à travers des occasions de faire des affaires. Il ne voit pas les êtres humains qui sont devant lui. C’est l’homme le plus fort du monde, celui qui a la main sur le bouton qui peut détruire le monde entier. L’homme qui se permet de dire qu’il veut annexer le (…)Lire la suite »
Samedi, c’était le deuxième échange de prisonniers entre Israël et le Hamas : 200 Palestiniens contre quatre soldates israéliennes, des militaires affectées à la surveillance de la bande de Gaza, capturées le 7 octobre 2023. Les brigades Ezzedine El-Qassam ont remis les soldates à un représentant du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au cours d’un show spectaculaire. Cette mise en scène était principalement destinée à faire passer plusieurs messages au pouvoir et au public israéliens. Il y a eu d’abord la vidéo tournée juste avant la cérémonie, où on voyait les prisonnières remercier, en arabe, les brigades Al-Qassam pour les avoir protégées des bombardements de leur propre armée ; manière d’affirmer que les Israéliens ne se soucient pas de la vie de leurs ressortissants. Certes, on connaît les limites de la crédibilité de déclarations faites par des prisonniers sous contrainte. Toujours est-il que les images montraient des militaires vivantes, et apparemment en bonne (…)Lire la suite »
La plupart des déplacés ont fui Rafah et ses alentours pour Deir El-Balah, devenue la nouvelle « capitale économique » où se trouvent aujourd’hui environ un million de personnes. Depuis leur départ, on trouve davantage de marchandises à Rafah. Sur les emballages, les étiquettes ne sont plus en arabe, on ne trouve plus de produits égyptiens. Tout est écrit en hébreu. Car depuis une semaine, les Israéliens ont rouvert le terminal de Kerem Shalom qui donne accès à Israël. Les transporteurs privés palestiniens peuvent donc importer directement de Cisjordanie, en passant par le territoire israélien. Or en Cisjordanie, la majorité des produits sont israéliens, puisque les Palestiniens n’ont le contrôle ni sur leur frontière ni sur leurs importations.
Cette situation est tout de même bien ironique. Les Israéliens nous pilonnent tous les jours, et en même temps ils envahissent notre marché. Comme les Étasuniens qui fournissent à Israël les bombes qui nous tuent, et qui après parachutent (…)Lire la suite »
« C’est la première fois qu’on voit des universités manifester pour la Palestine ! »
Ce samedi matin, pour la petite conférence de presse improvisée devant chez moi, il y avait beaucoup plus de monde que d’habitude. Ils ne voulaient savoir qu’une chose : les négociations en cours vont-elles enfin aboutir à une trêve ? Est-ce que vraiment on va retourner chez nous ?
L’ambiance en général est à l‘inquiétude. On attend, on attend... On espère une bonne nouvelle. J’ai déjà dit dans ce journal que je me sens souvent obligé de mentir pour remonter le moral des gens, mais je tiens parfois compte du climat général. Et là j’ai pensé qu’il fallait montrer un peu d’optimisme, parce que les gens attendent avec impatience la bonne nouvelle d’un cessez-le-feu, même si ce sera juste une trêve de 40 jours, avec la possibilité d’un renouvellement. Les gens ont envie d’entendre ça, ils n’ont pas entendu de bonne nouvelle depuis sept mois. Ma réponse fut donc : oui, il y a quelque chose de (…)Lire la suite »
« Je regarde les visages, et je vois que les gens ont vieilli »
Pour la plupart des gens, la guerre signifie être pilonné par des bombes 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, c’est des morts, des blessés, la destruction totale. C’est principalement cela, en effet. Mais la guerre prend aussi d’autres formes, moins visibles mais tout aussi nocives pour nous. La famine par exemple. Les Israéliens l’utilisent pour forcer les gens qui restent à quitter la ville de Gaza et le nord de la bande. Il y en a qui sont morts de faim, notamment plusieurs enfants. Vous avez vu la photo de Yazan, cet enfant de 10 ans, décédé à cause de la faim et de la malnutrition.
Avec la guerre et le blocus, tout est devenu hors de prix. L’aide humanitaire et les importations du secteur privé ne passent toujours pas en quantité suffisante. Le prix du kilo de sucre qui était de 4 shekels (1 euro) a atteint jusqu’à 70 shekels (17,50 euros). Maintenant il s’est stabilisé à 20 shekels (5 euros).
Les gens voient (…)Lire la suite »
« Mon beau-père a quitté cette vie pour ne plus souffrir de l’humiliation »
Rami Abou Jamous écrit son journal pour Orient XXI. Ce fondateur de GazaPress, un bureau qui fournissait aide et traduction aux journalistes occidentaux, a dû quitter son appartement de la ville de Gaza avec sa femme et son fils Walid, deux ans et demi. Il partage maintenant un appartement de deux chambres avec une autre famille. Il raconte son quotidien et celui des Gazaouis de Rafah, coincés dans cette enclave miséreuse et surpeuplée. Cet espace lui est dédié.
Dimanche 31 mars 2024.
Aujourd’hui j’ai une mauvaise nouvelle à annoncer. Le père de mon épouse Sabah est décédé. Il est parti reposer en paix parce qu’il n’a pas résisté aux conditions de vie depuis son déplacement forcé à Rafah. Il s’appelait Souleimane, il avait 76 ans. Il était né en 1948, l’année de la Nakba. Et il est mort l’année de la deuxième Nakba, qui est en cours.
Sa vie est un résumé de l’histoire contemporaine de Gaza. Il a (…)Lire la suite »