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Yanis Varoufakis : Comment je suis devenu un marxiste fantasque (The Guardian)

Avant d’entrer en politique, Yanis Varoufakis, l’iconoclaste ministre grec des Finances, qui joue un rôle de premier plan, en cette nouvelle période troublée de la zone euro, avait rédigé cette critique virulente du capitalisme européen, tout en indiquant les leçons que la Gauche pouvait tirer des erreurs de Marx

En 2008, le capitalisme mondial fut pris de spasmes, pour la deuxième fois. La crise financière déclencha une réaction en chaine, qui entraîna l’Europe dans une spirale récessive, dont les effets continuent à se faire sentir aujourd’hui encore. La situation actuelle de l’Europe ne constitue pas seulement une menace pour les travailleurs, les déshérités, les banquiers, les classes sociales ou, en fait, les nations. Non : l’attitude actuelle de l’Europe représente une menace pour la civilisation, telle que nous la connaissons.

Si mon pronostic se vérifie, et si nous n’avons pas simplement affaire à une crise cyclique de plus, qui sera surmontée sous peu, les radicaux se retrouvent face à la question suivante : devrions-nous nous réjouir de cette crise du capitalisme européen, voir en elle la possibilité de son remplacement par un système meilleur ? Ou bien, devrait-elle nous inquiéter, au point de justifier notre engagement dans une campagne de stabilisation du capitalisme européen ?

Pour moi, la réponse est claire. La probabilité que la crise européenne donne naissance à une alternative, préférable au capitalisme, est bien moins élevée que celle de la voir déchaîner des forces régressives, capables de provoquer un bain de sang humanitaire, et d’anéantir tout espoir d’avancées progressistes, pour les générations futures.

Pour avoir exprimé ce point de vue, des voix radicales, pétries de bonnes intentions, m’ont accusé d’être « défaitiste », d’essayer de sauver un système socioéconomique européen indéfendable. Ces critiques me blessent, je l’avoue. Elles blessent, car elles contiennent plus qu’un grain de vérité.

Je partage l’opinion selon laquelle l’Union Européenne se caractérise par un déficit démocratique considérable qui, combiné au déni des défauts d’architecture de son union monétaire, place les peuples européens sur la voie d’une récession permanente. Je m’incline également, devant les critiques qui me reprochent d’avoir fait campagne sur la base d’un programme fondé sur l’hypothèse selon laquelle la gauche fut, et demeure, battue à plates coutures. Je préfèrerais, je le confesse, promouvoir un programme radical, dont la raison d’être serait le remplacement du capitalisme européen par un système différent.

Cependant, ce texte a pour objectif de procurer une fenêtre, donnant sur ma vision d’un capitalisme européen répugnant dont il faut coûte que coûte éviter l’implosion, en dépit de tous les malheurs dont il est la cause. Il s’agit d’une confession, visant à convaincre les radicaux du caractère contradictoire de notre mission : arrêter la chute libre du capitalisme européen, de façon à nous donner le temps nécessaire à la formulation de son alternative.

Pourquoi Marxiste ?

En 1982, au moment de choisir le sujet de ma thèse de doctorat, je me fixai, en toute conscience, sur un problème on ne peut plus mathématique, dans le cadre duquel la pensée de Marx n’aurait aucune pertinence. Quand, plus tard, je m’engageai dans une carrière universitaire, au sein de départements d’économie prestigieux, je me trouvai lié à ces départements, qui m’avaient attribué une chaire, par un contrat implicite stipulant que j’y enseignerais le genre de théories économiques dans lesquelles Marx n’avait pas sa place. À la fin des années 80, mon recrutement par l’université de l’école d’économie de Sydney, permit d’empêcher celui d’un candidat de gauche (même si, à l’époque, je n’en savais rien).

En 2000, après mon retour en Grèce, j’unis ma destinée à celle du futur Premier Ministre George Papandreou, dans l’espoir de l’aider à empêcher le retour au pouvoir d’une aile droite en plein essor, qui voulait entraîner la Grèce sur la voie de la xénophobie, à l’intérieur du pays, mais aussi en matière de politique étrangère. Ainsi que le monde entier le sait aujourd’hui, non seulement le parti de Papandreou ne parvint pas à mettre la xénophobie en échec, mais il présida, en fin de compte, aux politiques macroéconomiques néolibérales les plus virulentes, qui servirent de fer de lance aux prétendus renflouements de la zone euro, et provoquèrent ainsi, involontairement, le retour des Nazis dans les rues d’Athènes. Même si je démissionnai de mon poste de conseiller de Papandreou début 2006, pour devenir le critique le plus virulent de son gouvernement, au moment où celui-ci gérait l’implosion grecque de l’après 2009 de manière déplorable, mes interventions publiques dans le débat sur la Grèce et l’Europe ne furent jamais teintées de marxisme.

Étant donné tout ce qui précède, vous êtes sans doute frappés de perplexité, en m’entendant me revendiquer marxiste. Mais en vérité, c’est Karl Marx qui, de mon enfance jusqu’à aujourd’hui, a délimité le cadre à l’intérieur duquel s’inscrit ma vision du monde dans lequel nous vivons. Il est rare que j’aborde ce point spontanément, au sein de la « bonne société », car l’auditoire décroche à la mention même du « mot en M ». Mais je ne le nie jamais, non plus. Après des années passées à prendre la parole devant des assistances dont je ne partage pas l’idéologie, je me suis mis à éprouver, petit à petit, le besoin d’évoquer l’empreinte que Marx a laissée sur ma façon de penser. D’expliquer pourquoi, sans être un Marxiste repenti, je pense qu’il est important de lui opposer une résistance farouche, de diverses manières. D’être, pour le dire autrement, fantasque dans son Marxisme.

Si l’ensemble de ma carrière universitaire ne tint quasiment aucun compte de Marx, et s‘il est impossible de définir mes propositions politiques du moment comme marxistes, pourquoi donc mentionner mon Marxisme aujourd’hui ? La réponse est simple : même les aspects non-marxistes de ma conception de l’économie, eurent pour guide une tournure d’esprit sous influence de Marx. J’ai toujours pensé qu’un théoricien social radical pouvait s’opposer aux théories dominantes en matière d’économie, de deux façons différentes. L’une utilise la critique immanente. Elle admet les axiomes dominants, mais révèle leurs contradictions intrinsèques. Elle dit : « Je ne me permettrai pas de contester vos hypothèses, mais voici les raisons pour lesquelles, en toute logique, vos propres conclusions ne peuvent en découler ». En fait, Marx utilisa cette méthode même pour s’attaquer à l’économie politique britannique. Il admit le moindre des axiomes d’Adam Smith, ou de David Ricardo, afin de faire la démonstration que, dans le contexte de leurs hypothèses, le capitalisme était un système contradictoire. La seconde avenue qu’un théoricien radical puisse emprunter consiste, bien évidemment, à construire des théories alternatives à celles des dominants, dans l’espoir qu’on les prendra au sérieux.

En ce qui concerne ce dilemme, je pense depuis toujours que les autorités constituées ne se laissent jamais perturber par des théories fondées sur des hypothèses différentes des leurs. La seule chose qui puisse déstabiliser, contester véritablement les économistes dominants, néoclassiques, est la démonstration de l’inconsistance intrinsèque de leurs propres modèles. Ce fut pour cette raison que, dès le tout début, je décidai de fouiller les entrailles de la théorie néoclassique, et de ne quasiment dépenser aucune énergie à développer des modèles alternatifs, marxistes, du capitalisme. Je le concède : mes raisons étaient on ne peut plus marxistes.

Chaque fois que l’on sollicita mes commentaires sur le monde dans lequel nous vivons, je n’eus d’autre alternative que le recours à la tradition marxiste qui avait façonné mon esprit, depuis que mon père métallurgiste m’eut bien fait comprendre, alors que je n’étais encore qu’un enfant, les effets des innovations technologiques sur le processus historique. Comment, par exemple, le passage de l’âge de bronze à l’âge de fer fit passer l’histoire à la vitesse supérieure, comment la découverte de l’acier accéléra le temps historique de manière spectaculaire ; enfin comment les technologies de l’information basées sur le silicone, font passer beaucoup plus rapidement les discontinuités historiques et socioéconomiques.

Ma première rencontre avec Marx survint très tôt dans ma vie, comme une conséquence de l’époque étrange qui me vit grandir, celle où la Grèce se sortit du cauchemar de la dictature néofasciste des années 1967-1974. Ce qui attira mon attention, fut le talent fascinant de Marx, lorsqu’il s’agissait pour lui d’écrire un scénario dramatique de l’histoire humaine, de la damnation humaine en fait, un scénario également tissé de la possibilité du salut, et d’une spiritualité authentique.

Marx créa un récit, peuplé de travailleurs, de capitalistes, de fonctionnaires de haut rang, et de scientifiques, qui tenaient les rôles à jouer dans l’histoire, vue comma une pièce de théâtre. Ils s’efforçaient d’exploiter la raison, et la science, dans le contexte d’une humanité rendue plus forte, en même temps que, à l’opposé de leurs intentions, ils déchaînaient des forces démoniaques qui usurpaient, et subvertissaient leur propre liberté, leur propre humanité.

Cette perspective dialectique, à l’intérieur de laquelle chaque chose porte la possibilité de son contraire, ajoutée au regard acéré qui permit à Marx de discerner le potentiel de transformation de celles qui apparaissaient comme les structures sociales les plus immuables, m’aidèrent à saisir les grandes contradictions de l’ère capitaliste. Elle fit disparaître le paradoxe d’une époque qui généra l’accumulation de richesses la plus remarquable, et la pauvreté la plus manifeste, dans le même souffle. Aujourd’hui, lorsqu’ils observent la crise européenne, la crise étasunienne, ainsi que la stagnation persistante du capitalisme japonais, la plupart des commentateurs ne parviennent pas à identifier le processus dialectique, qui se déroule juste sous leur nez. Ils reconnaissent la montagne de dettes, et de pertes bancaires, mais négligent l’autre face de la même pièce : la montagne d’économies laissées en sommeil, que la peur maintient en état « d’hibernation » et qui, de ce fait, ne se convertissent jamais en investissements productifs. Une vigilance marxiste, à l’affût des oppositions binaires, les aurait peut-être décillés.

L’une des raisons principales, pour laquelle l’opinion établie ne parvient pas à accepter la réalité contemporaine, tient à son incompréhension de la « production conjointe », tendue d’un point de vue dialectique, de dettes et d’excédents, de croissance et de chômage, de richesse et de pauvreté, en fait de « bien » et de « mal ». Le scénario de Marx attira notre attention sur le fait que ces oppositions binaires constituent les sources où l’histoire vient s’abreuver en fourberies.

Depuis que j’ai commencé à penser en économiste, jusqu’à ce jour, je me suis dit que Marx avait fait une découverte qui doit demeurer au cœur de toute analyse utile du capitalisme. Il s’agissait de la découverte d’une autre opposition binaire, à l’œuvre au plus profond de la notion de travail humain. Entre les deux natures tout à fait différentes du travail : i) le travail en tant qu’activité créatrice de valeur, que l’on ne peut jamais quantifier par avance (et qui, par conséquent, se révèle impossible à transformer en « commodité »), et ii) le travail en tant que quantité (par exemple, les nombres d’heures travaillées) mise en vente, à un prix donné. Voilà ce qui distingue le travail d’autres intrants productifs, comme l’électricité : sa nature double, contradictoire. Une différenciation-contradiction que l’économie politique négligea de faire avant l’arrivée de Marx, et que la théorie économique dominante, inébranlable, continue à refuser d’admettre, aujourd’hui encore.

On peut considérer l’électricité, ainsi que le travail, comme des « commodités ». En fait, la lutte entre employeurs et travailleurs a pour enjeu cette transformation du travail. Les employeurs utilisent leur propre ingéniosité, mais aussi celle de leurs laquais des Directions des Ressources Humaines, pour quantifier, mesurer, homogénéiser le travail. Pendant ce temps, les tentatives angoissées des candidats à un emploi, visant à transformer leur puissance de travail en « commodité », les mettent au supplice : ils écrivent, réécrivent leur curriculum vitæ, de façon à se dépeindre sous l’aspect de fournisseurs d’unités de travail quantifiables. C’est là que le bât blesse. Si jamais, travailleurs et employeurs parvenaient à pleinement réaliser la transformation du travail en « commodité », le capitalisme périrait. En l’absence de cette représentation mentale, on ne peut jamais comprendre tout à fait la tendance du capitalisme à générer des crises, mais personne n’accède à cette représentation mentale sans avoir été exposé, d’une manière ou d’une autre, à la pensée de Marx.

Quand la science-fiction devient documentaire

Dans le classique de 1953, L’Invasion des Profanateurs de Sépultures, la force extra-terrestre ne nous attaque pas bille en tête, contrairement à ce qui se passe dans, disons, La Guerre des Mondes, de H.G. Wells. Non, la prise de contrôle des individus se fait de l’intérieur, jusqu’à ce qu’il ne reste rien de leur humanité, ni esprit, ni émotions. Leurs corps sont des coquilles qui, autrefois, renfermaient un libre-arbitre, et travaillent dur, désormais ; leur « vie » quotidienne est faite d’une succession d’activités machinales, ils jouent le rôle de simulacres d’humanité, « libérés » de l’essence non quantifiable de la nature humaine. Quelque chose de ce genre se serait produit, si le travail humain était devenu entièrement réductible au capital humain, adapté, par là même, à l’insertion dans les modèles des économistes vulgaires.

Toute théorie économique non-marxiste, qui postule l’interchangeabilité des intrants productifs humains, et non-humains, part du principe que la déshumanisation du travail humain est achevée. Mais, si jamais elle pouvait être achevée, le résultat serait la fin du capitalisme en tant que système capable de créer, et de distribuer, de la valeur. Pour commencer, une société d’automates déshumanisés ressemblerait à une montre mécanique, pleine de roues dentées et de ressorts, dont chacun aurait une fonction unique, et qui ensemble produiraient un « bien » : la mesure du temps. Cependant si cette société ne contenait rien, à l’exception d’autres automates, la mesure du temps ne serait pas un « bien ». Une production, sûrement, mais pourquoi un « bien » ? Sans humains véritables pour faire l’expérience du fonctionnement de la montre, il ne peut y avoir ni « bien », ni « mauvais ».

Si jamais le capital parvenait à quantifier le travail, et par conséquent à effectuer sa transformation définitive en « commodité », comme il ne cesse d’essayer de le faire, il presserait le travail pour en extraire cette liberté humaine indéterminée, récalcitrante, qui permet de générer de la valeur. La perception géniale de l’essence du capitalisme par Marx, ne fut rien d’autre que ce qui suit : plus le capitalisme parvient à transformer le travail en « commodité », plus la valeur de chaque unité de production diminue, plus le taux de profit devient bas et, pour finir, plus la prochaine récession de l’économie, en tant que système, se rapproche. L’évocation de la liberté humaine, en tant que catégorie économique, est propre à Marx ; elle rend possible une interprétation, fine d’un point de vue analytique, et dont le côté spectaculaire est caractéristique de son auteur, de la propension du capitalisme à extirper la récession, voire même la dépression, des mâchoires de la croissance.

Lorsque Marx écrivait que le travail est un feu vivant qui façonne la matière, qu’il est ce qu’il y a en elle de périssable et de temporel ; il apportait une contribution plus essentielle qu’aucun autre économiste à notre compréhension de la contradiction extrême, enfouie au plus profond de l’ADN du capitalisme. Quand il décrivait le capital comme une « ... force à laquelle nous devons nous soumettre ... elle développe une énergie cosmopolite, universelle, qui renverse toute barrière et tout lien pour se poser elle-même à la place comme la seule politique, la seule universalité, la seule barrière et le seul lien », il soulignait cette réalité selon laquelle le travail peut certes s’acheter au moyen de capital liquide (c’est à dire, de l’argent), lorsqu’il prend la forme d’une « commodité », mais aussi qu’il emportera toujours avec lui une volonté hostile à l’acheteur capitaliste. Mais Marx ne se contentait pas de faire une constatation d’ordre psychologique, philosophique, ou politique. Il produisait plutôt une analyse remarquable de la raison pour laquelle, au moment où le travail (en tant qu’activité non quantifiable) se dépouille de cette hostilité, il devient stérile, incapable de produire de la valeur.

À une époque où les néolibéraux enserrent la majorité d’entre nous de leurs tentacules théoriques, où ils ne cessent de régurgiter l’idéologie de l’amélioration de la productivité du travail, pour améliorer la compétitivité, en vue créer de la croissance, etc. ..., l’analyse de Marx fournit un antidote très efficace. Le capital ne peut jamais gagner le combat qu’il mène pour transformer le travail en un intrant mécanisé, élastique à l’infini, sans se détruire lui-même. Voilà ce que, ni les néolibéraux, ni les keynésiens, ne comprendront jamais. Marx écrivait : « Si toute la classe des salariés était anéantie par le machinisme, quelle chose effroyable pour le capital qui, sans travail salarié, cesse d’être du capital ! ».

Que Marx a-t-il fait pour nous ?

Presque toutes les écoles de pensée, y compris celles de quelques économistes progressistes, aiment à prétendre qu’en dépit de la grande importance historique de Marx, seule une partie infime de sa contribution demeure d’actualité. Permettez–moi de ne pas partager cette opinion. Marx a non seulement saisi le drame fondamental de la dynamique capitaliste, mais il m’a également fourni les outils auxquels je dois d’être immunisé contre la propagande toxique néolibérale. Par exemple, l’idée selon laquelle la production de richesses résulte de l’activité privée, avant qu’un état quasi-illégitime ne se les approprie, au moyen de l’impôt, fait aisément succomber ceux auxquels l’argument pointu de Marx n’a pas été exposé : c’est l’exact contraire qui se produit ; la production de richesses est collective, et leur appropriation privée, grâce aux relations sociales de production et aux droits de la propriété, dont la reproduction repose quasi-exclusivement sur la fausse conscience.

Dans son ouvrage récent, Ne gaspillez jamais une bonne crise, Philip Mirowski, historien de la pensée économique, a mis en lumière la manière dont les néolibéraux ont réussi à convaincre un large éventail d’individus que les marchés ne sont pas simplement un moyen nécessaire pour aboutir à une fin, mais qu’ils sont également une fin en eux-mêmes. Selon ce point de vue, là où l’action collective et les institutions publiques ne savent jamais « comment faire », les opérations, libérées de leurs entraves, d’intérêts privés décentralisés, permettent non seulement d’aboutir à coup sûr aux résultats voulus, mais également de susciter les désirs appropriés, de produire le caractère, voire la philosophie, attendus. Le meilleur exemple de cette forme de grossièreté néolibérale nous est fourni, bien sûr, par le débat sur les moyens de lutter contre le changement climatique. Les néolibéraux se sont empressés d’avancer l’argument selon lequel toute mesure devrait prendre la forme de la création d’un quasi-marché pour les « bads » (par exemple, un plan de commercialisation des émissions), dans la mesure où seuls les marchés « savent » comment attribuer le prix juste, aux biens comme aux « bads ». Afin de comprendre pourquoi une telle solution, de type « quasi-marché », est vouée à l’échec, il y a pire à faire que de se familiariser avec la logique de l’accumulation du capital, dont Marx exposa les grandes lignes, avant que l’économiste polonais Michal Kalecki ne l’adapte à un monde régi par les oligopoles, fonctionnant en réseau.

Au vingtième siècle, les deux mouvements politiques qui allèrent chercher leurs racines dans la pensée de Marx, furent les sociaux-démocrates et les communistes. En plus de leurs autres erreurs (leurs crimes, en fait), aucun des deux ne parvint à suivre l’exemple de Marx, sur un point crucial, ce qui leur porta préjudice : au lieu d’adopter la liberté, la rationalité comme cris de ralliement et concepts organisateurs, ils optèrent pour la justice, et l’égalité, et léguèrent ainsi le concept de liberté aux néolibéraux. Marx n’en démordait pas : le capitalisme est injuste, mais le problème qu’il pose en fait est celui de son irrationalité, de la régularité avec laquelle il condamne des générations entières aux privations et au chômage, et transforme les capitalistes eux-mêmes en automates rongés par l’angoisse, dont la vie se déroule dans une crainte permanente, celle de ne pas achever la transformation de leurs semblables en « commodité », et donc de cesser d’être des capitalistes. Donc, si le capitalisme semble injuste, c’est parce qu’il réduit tout le monde en esclavage ; il épuise les ressources humaines et naturelles ; la même chaîne de production crache des bidules incroyables par millions, bâtit des fortunes dépassant l’imagination, mais provoque également, en même temps que des crises profondes, une tristesse infinie.

Après avoir échoué à formuler une critique du capitalisme en termes de liberté et de rationalité - ce que Marx estimait essentiel -, la social-démocratie, et la gauche en général, laissèrent les néolibéraux usurper l’habit de la liberté, et triompher de manière spectaculaire, lors du combat des idéologies.

La dimension la plus significative du triomphe néolibéral, est peut-être ce qui en vient à être connu sous le nom de « déficit démocratique ». Des fleuves de larmes de crocodiles ont coulé, pour pleurer le déclin de nos grandes démocraties au cours des trois dernières décennies de financiarisation et de mondialisation. Marx se serait tordu de rire, aux dépens de ceux qui semblent surpris, ou courroucés, par le « déficit démocratique » Quel fut le grand objectif, derrière le libéralisme du dix-neuvième siècle ? Ce fut, ainsi que Marx ne se fatiguait jamais de le souligner, de séparer la sphère économique de la sphère politique, et de confiner la politique à cette dernière, tout en abandonnant la sphère économique au capital. C’est le succès remarquable du libéralisme, parvenu à atteindre ce qui fut son but pendant si longtemps, que nous observons aujourd’hui. Jetez donc un regard à la situation actuelle de l’Afrique du Sud, plus de deux décennies après la libération de Nelson Mandela, et l’intégration, jusque là indéfiniment retardée, de l’intégralité de la population dans la sphère politique. La situation difficile dans laquelle se retrouva l’A.N.C., tient à ce que, pour avoir le droit de dominer la sphère politique, il lui ait fallu renoncer à exercer le pouvoir sur la sphère économique. Si vous pensez le contraire, je vous suggère d’en toucher un mot aux dizaines de mineurs, tombés sous les balles de gardes armés à la solde de leurs employeurs, pour avoir osé réclamer une augmentation de salaire.

Pourquoi fantasque ?

Après avoir expliqué pourquoi je dois en grande partie à Karl Marx les éléments de compréhension de notre monde social dont je dispose, je voudrais maintenant exposer les raisons pour lesquelles je continue à lui en vouloir terriblement. En d’autres termes, je vais motiver mon choix de devenir un marxiste fantasque, capricieux. Marx commit deux fautes spectaculaires, dont l’une fut une erreur par omission, et l’autre par action. Aujourd’hui encore, ces fautes nuisent à l’efficacité de la gauche, en Europe notamment.

Marx commit sa première erreur – par omission – lorsqu’il ne réfléchit pas suffisamment aux effets de ses propres théories sur les monde qu’il théorisait. D’un point de vue discursif, sa théorie est d’une puissance exceptionnelle, et Marx en avait conscience. Dès lors, comment expliquer son absence de préoccupation quant à l’usage que ses disciples, des individus mieux au fait de la puissance de ces idées que le travailleur moyen, feraient du pouvoir qui leur était conféré, en utilisant les propres idées de Marx, pour maltraiter d’autres camarades, construire leur propre structure d’accession au pouvoir, accéder aux postes influents ?

La seconde erreur de Marx, celle que j’attribue à l’action, fut la plus grave. Il la commit lorsqu’il supposa que l’on pouvait trouver la vérité sur le capitalisme dans la mathématique de ses modèles. Il n’aurait pu rendre un pire service à son propre système théorique. L’homme qui nous dota de la liberté humaine comme concept économique de premier ordre, l’universitaire qui éleva l’indétermination radicale à la place qui lui est due au sein de l’économie politique ; ce même homme finit par faire joujou avec des modèles algébriques simplistes, dans lesquels, comme de bien entendu, les unités de travail étaient soigneusement quantifiées, en espérant contre tout espoir que s’y manifestent quelques perspectives nouvelles sur le capitalisme. Après sa mort, des économistes marxistes gâchèrent de longues carrières en s’adonnant à un genre comparable de mécanisme scolastique. À force de se laisser accaparer par des débats sans importance sur « le problème de la transformation de la valeur en prix de production », et sur ses solutions éventuelles, ils finirent par devenir une espèce en voie de disparition, pendant que la mastodonte néolibéral écrasait tout sur son passage.

Comment Marx a-t-il pu se bercer à ce point d’illusions ? Pour quelle raison n’a-t-il pu percevoir qu’aucune vérité sur le capitalisme ne saurait jamais surgir d’un quelconque modèle mathématique, aussi brillant le concepteur du modèle fut-il ? Ne possédait-il pas les outils intellectuels lui permettant de réaliser que la dynamique du capitalisme provient de la partie non quantifiable du travail humain, à savoir une variable que la mathématique ne peut jamais définir convenablement ? Bien sûr qu’il les possédait, c’est lui-même qui les avait forgés ! Non, cette erreur s’explique par une raison un peu plus sinistre : tout comme les économistes vulgaires qu’il admonestait avec tant de brio (et qui continuent à dominer les départements d’économie, aujourd’hui encore), il convoitait le pouvoir que la « preuve » mathématique lui conférait.

Si je ne me trompe pas, Marx savait ce qu’il faisait. Il comprenait, ou avait les moyens de savoir, qu’une théorie globale de la valeur ne saurait s’adapter au modèle mathématique d’une économie capitaliste dynamique. Il savait – je n’ai aucun doute à ce sujet – qu’une théorie économique digne de ce nom, doit respecter l’idée selon laquelle ce qui régit l’indéterminé, est également indéterminé. En termes économiques, cela impliquait de reconnaître, d’abord que le pouvoir de marché, et donc la rentabilité, des capitalistes, ne se réduisait pas toujours à leur aptitude à soutirer du travail à leurs employés, ensuite que certains capitalistes peuvent soutirer plus à un fonds commun de travail donné, ou à une communauté donnée de consommateurs, pour des raisons qui sont extérieures à la propre théorie de Marx.

Hélas, cette reconnaissance équivalait à admettre que ses « lois » n’avaient rien d’immuable. Il lui aurait fallu concéder aux voix rivales du mouvement syndical, que sa théorie était imprécise et que, par conséquent, la justesse de ses affirmations n’avait rien d’exceptionnel, et pouvait se discuter. Qu’elles étaient éternellement provisoires. Cette détermination à être celui qui achevait, refermait l’histoire, ou le modèle, à avoir le dernier mot, est ce que je ne peux pardonner à Marx. Après tout, elle s’avéra responsable de quantité d’erreurs et pire encore, de l’autoritarisme. Ces erreurs, cet autoritarisme, sont en grande partie responsables de l’impuissance actuelle de la gauche en tant que force du Bien, susceptible de constituer un frein aux insultes à la raison, à la liberté, dont les matons néolibéraux assurent la surveillance, et la protection, aujourd’hui.

La Leçon de Mme Thatcher

En septembre 1978, je partis pour l’Angleterre, suivre des cours à l’université, à peu près six mois avant que la victoire de Margaret Thatcher ne transforme la Grande-Bretagne, pour toujours. J’assistai à la désintégration du gouvernement travailliste, sous le poids de son programme social-démocrate dégénéré, ce qui me fit commettre une erreur grave, celle de penser que la victoire de Thatcher puisse être une bonne chose, en infligeant à la classe ouvrière, ainsi qu’aux classes moyennes de Grande-Bretagne, le choc bref, mais intense, qu’il fallait pour revigorer les politiques progressistes, et donner à la gauche une chance de créer un programme nouveau, radical, de mise en place d’un nouveau genre de politique progressiste, efficace.

Alors même que le taux de chômage doublait, puis triplait, à la suite des interventions néolibérales radicales de Thatcher, j’entretenais toujours l’espoir que Lénine ait pu avoir raison : « Il faut que les choses empirent, avant de s’améliorer ». Tandis que la vie devenait plus laide, plus brutale et, pour beaucoup, plus brève, il me vint à l’esprit que je commettais une erreur tragique : les choses pouvaient empirer à perpétuité, sans jamais s’améliorer. L’espoir que la détérioration des biens publics, la diminution de la durée de vie de la majorité, la propagation des privations jusque dans le moindre recoin du pays, entraîneraient automatiquement une renaissance de la gauche, était cela et rien d’autre : un espoir.

La différence avec la réalité était, quant à elle, douloureuse. À chaque nouveau tour de vis de la récession, l’introversion de la gauche s’aggravait, comme son inaptitude à produire un programme progressiste convaincant tandis que, pendant ce temps, la classe ouvrière se divisait entre les laissés pour compte de la société, et ceux que le projet néolibéral récupérait. J’avais nourri l’espoir que Thatcher, sans s’en rendre compte, provoquerait une nouvelle révolution politique : cet espoir n’était rien d’autre qu’une illusion. Tout ce à quoi le thatchérisme donna le jour se résume ainsi : la financiarisation extrême, le triomphe du centre commercial sur le commerce de quartier, la fétichisation de l’accession à la propriété, et Tony Blair.

Au lieu de radicaliser la société britannique, la récession que le gouvernement Thatcher avait orchestrée avec tant de soin, afin qu’elle joue son rôle dans la guerre de classe menée par ce gouvernement contre la main d’œuvre syndiquée, et les institutions publiques de sécurité sociale, de redistribution, dont la création datait de la fin de la guerre, cette récession réduisit à néant, et pour toujours, la possibilité même d’une politique radicale, progressiste, pour la Grande-Bretagne. En fait, elle rendit impossible la notion même de valeurs susceptibles de transcender le prix que le marché fixait comme « juste ».

Au milieu de la crise que connaît l’Europe à l’heure actuelle, j’ai pour bagage la leçon que Thatcher m’a enseignée, sur l’aptitude d’une récession de longue durée à saper les politiques progressistes. En fait, il s’agit là du déterminant majeur de ma position par rapport à la crise. C’est pourquoi j’avoue sans tristesse le péché dont certains de mes critiques de gauche m’accusent : celui de ne pas proposer de programmes politiques radicaux, qui chercheraient à exploiter la crise pour en faire l’instrument du renversement du capitalisme européen, du démantèlement de cette affreuse zone euro, et de l’affaiblissement de l’Union Européenne des cartels et des banquiers faillis.

Oui, j’aimerais beaucoup proposer un programme radical de ce type. Mais non, je ne suis pas disposé à commettre deux fois la même erreur. De quel succès pouvons-nous nous prévaloir, après avoir défendu, dans la Grande-Bretagne du début des années 80, un programme de changement socialiste que la société britannique dédaigna, pour tomber la tête la première dans le piège néolibéral de Thatcher ? Strictement aucun. Aujourd’hui, qu’espérons-nous accomplir de bien, en réclamant le démantèlement de la zone euro, de l’Union européenne elle-même, au moment où le capitalisme européen fait tout son possible pour affaiblir la zone euro, l’Union européenne, et s’affaiblir lui-même, en fait ?

Une sortie grecque, italienne, ou portugaise, de la zone euro, entraînerait rapidement une fragmentation du capitalisme européen, et produirait des régions en excédent, à l’est du Rhin, et au nord des Alpes, pendant que le reste de l’Europe serait en proie à une stagflation brutale. À votre avis, à qui donc ce rebondissement bénéficierait-il ? À une gauche progressiste qui, pareille au Phénix, renaîtrait des cendres des institutions publiques européennes ? Ou bien aux nazis de l’Aube Dorée, aux assemblages hétérogènes de néofascistes, aux xénophobes, ou encore aux « chevaliers d’industrie » ? Je n’éprouve pas le moindre doute, lorsque je cherche à deviner ceux qui, parmi tous ces gens, tireront le meilleur profit d’une désintégration de la zone euro.

Pour ma part, je ne suis pas prêt à faire se lever un vent nouveau, qui gonflera les voiles de cette version postmoderne des années 30. Si cela signifie qu’il nous faille, à nous, les marxistes à l’inconstance bien utile, essayer de sauver le capitalisme européen de lui-même, qu’il en soit ainsi. Pas par amour du capitalisme européen, ni de la zone euro, ni de Bruxelles, ou encore de la Banque Centrale Européenne, mais simplement parce que nous voulons minimiser le nombre inutile d’êtres humains, victimes de cette crise.

Que devraient faire les Marxistes ?

Les élites européennes se comportent aujourd’hui comme si elles ne comprenaient, ni la nature de la crise à laquelle ils président, ni ses implications pour l’avenir de la civilisation européenne. Ils obéissent à leur atavisme, qui les pousse à piller les réserves, en voie d’épuisement, des faibles, des déshérités, afin de combler les trous béants du secteur financier, et refusent d’admettre que l’accomplissement de cette tâche ne peut perdurer.

Pourtant, au moment où les élites européennes s’enfoncent dans le déni, la confusion, la gauche doit admettre que nous ne sommes tout simplement pas prêts à faire se refermer l’abîme que l’effondrement du capitalisme européen ouvrirait, au moyen d’un système socialiste en état de marche. Dès lors, notre tâche doit être double. D’abord, proposer une analyse de la situation actuelle, dont la perspicacité puisse séduire des européens non-marxistes, bien intentionnés, mais que les sirènes du néolibéralisme ont envoutés. En second lieu, faire suivre cette analyse saine, de propositions destinées à stabiliser l’Europe, afin d’enrayer la spirale récessive dont, en fin de compte, seuls les fanatiques tirent quelque force.

Permettez-moi maintenant de conclure, en faisant deux confessions. D’abord, je veux bien défendre ce que l’application d’un programme modeste, destiné à stabiliser un système que je critique, a de véritablement radical, mais je n’irai pas jusqu’à prétendre que cela suscite mon enthousiasme. Peut-être est-ce là notre devoir, dans les circonstances présentes, mais je ne serai sans doute plus de ce monde, lorsqu’il s’agira d’assister à l’adoption d’un programme plus radical, et j’en éprouve de la tristesse.

Ma dernière confession est d‘une nature très personnelle : je suis conscient de courir le risque d’atténuer, subrepticement, la tristesse née de l’abandon de tout espoir de voir le capitalisme remplacé de mon vivant, en donnant l’impression d’être devenu convenable, pour les cercles de la bonne société. Le fait d’être honoré par ceux qu’on nomme grands, peut susciter un contentement de soi, que j’ai effectivement éprouvé, à l’occasion, lorsque je m’y attendais le moins. Si vous saviez à quel point ce sentiment fut à la fois dépourvu de radicalité, laid, corruptif, et corrosif ...

J’atteignis mon nadir personnel, dans un aéroport. Une boîte quelconque, cousue d’or, m’avait invité à faire le discours principal sur la crise européenne, et avait déboursé pour moi une somme indécente, correspondant à l’achat d’un ticket de première classe. Au retour, j’avais déjà plusieurs vols au compteur, et la fatigue se faisait sentir ; je commençai à longer la queue des voyageurs en classe économique, pour me rendre à ma porte. Horrifié, je remarquai soudain l’aisance avec laquelle le sentiment d’être dans mon droit, en contournant la populace, avait contaminé mon esprit. Je réalisai à quel point il m’était facile d’oublier ce que mon esprit de gauche avait toujours su : il n’est rien qui parvienne à mieux se reproduire, que l’illusion d’être dans son droit. Forger des alliances avec des forces réactionnaires, comme à mon avis nous devrions le faire pour stabiliser l’Europe aujourd’hui, nous confronte au risque d’être récupérés, dépouillés de notre radicalité, sous l’effet de la chaleur que provoquerait le sentiment « d’être arrivés » dans les allées du pouvoir.

Les confessions radicales, comme celle à laquelle je me suis risqué ici, composent peut-être le seul antidote programmatique contre le dérapage idéologique qui menace de nous transformer en rouages de la machine. S’il nous faut forger des alliances avec nos adversaires politiques, nous devons éviter de finir par ressembler aux socialistes, qui n’ont pas réussi à changer le monde, mais sont parvenus à améliorer leurs situations financières personnelles. L’astuce consiste d’une part à éviter le maximalisme révolutionnaire qui, en fin de compte, aide les néolibéraux à éviter l’affrontement avec les oppositions à leurs politiques, qui vont à l’encontre du but prétendument recherché, d’autre part à ne pas perddre e vue les fiascos, inhérents au capitalisme, tout en essayant de le sauver de lui-même, dans un but stratégique.

Cet article est l’adaptation d’un discours, prononcé à l’origine lors du Sixième Festival Subversif de Zagreb, qui eut lieu en 2013.

18 février 2015

Source dans le Guardian.

Traduction : Hervé Le Gall

 http://echoes.over-blog.com/2015/03/yanis-varoufakis-comment-je-suis-devenu-un-marxiste-inconstant.html
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COMMENTAIRES  

04/03/2015 22:14 par Dwaabala

Un très grand merci à celle ou celui qui a déniché ce document et au Grand Soir qui le publie à la place qu’il mérite.

05/03/2015 07:59 par Beyer Michel

Ouf !!! Je n’ai rien contre Mr Varoufakis. Je ne suis pas de ceux qui critiquent le gouvernement grec. Je pense que c’est dans le mouvement que les choses évolueront. Confronté à l’intransigeance des eurocrates, le peuple grec fera ses choix quand il le faudra, avec l’aide, je l’espère des autres peuples.
Mais là, après avoir tenté de lire l’intégralité du texte de Mr Varoufakis, je me suis noyé dans le verbiage de cette personne. Au risque de paraître ignare, j’avoue que je n’ai rien compris. J’espère que les grecs ont la formule de décryptage.
@ Dwaabala....pouvez_vous m’expliquer pourquoi ce texte a la place qu’il mérite ? Je ne demande qu’à comprendre.

05/03/2015 08:29 par desobeissant

En complement,version longue :

Confessions d’un intermittent du marxisme au milieu d’une crise européenne nauséabonde

Yanis Varoufakis
 
Source :

http://yanisvaroufakis.eu/2013/12/10/confessions-of-an-erratic-marxist-in-the-midst-of-a-repugnant-european-crisis/

Date de parution de l’article original : 10/12/2013

traduction

http://www.tlaxcala-int.org/article.asp?reference=14272

en supplement :

Faire condamner la Troïka pour la tragédie grecque

03 mars 2015 | Par YVES FAUCOUP

Tous les reportages et les témoignages attestent que les exigences de la Troïka ont provoqué une catastrophe humanitaire en Grèce. Les diktats de cette Troïka ont été imposés par des technocrates sans légitimité démocratique, et souvent en violation avec la législation internationale en vigueur. Le soutien au peuple grec justifie que l’on se batte pour que ces fauteurs de misères soient poursuivis et jugés.

Désastre humain

Trois millions de Grecs sont sans couverture de santé (sur 11 millions d’habitants). Le taux de chômage atteint 29 % de la population active (60 % chez les jeunes). Un tiers de la population est en dessous du seuil de pauvreté. 400 000 foyers n’ont aucun revenu, les prestations sociales ont été réduites, les allocations de chômage supprimées pour de nombreux chômeurs. Des enfants font des malaises à l’école car insuffisamment nourris. Des tickets alimentaires ont dû être édités pour les plus pauvres. 40 % des hôpitaux ont été fermés. Plus de la moitié des médecins du secteur public ont été licenciés : sur 5000, il n’en reste plus que 2000. Les dépenses de santé qui représentent 10 % du PIB en Allemagne, 8 % en moyenne européenne, peinent à arriver à 6 % en Grèce (et sur un PIB qui a fondu, aussi vite que la dette croissait). Des consultations externes doivent être organisées par des médecins et secouristes bénévoles. Des médecins attestent que des centaines de Grecs meurent chaque mois faute de soins. D’autres sont affamés, les indigents sont pléthore. Le nombre de sans-abri a considérablement augmenté. Des familles vivent dans des caves. Des commerçants sont ruinés. Des charrettes de fonctionnaires se sont retrouvées sur le pavé. Les salaires et pensions de retraite ont baissé le plus souvent de 30 %.

Tout cela sur pression de la Banque centrale européenne, du FMI, et de l’Union européenne : la Troïka. Dans un documentaire diffusé sur Arte le 24 février (Puissante et incontrôlée : la troïka, de Harald Schumann), véritable réquisitoire, acte d’accusation terrible, Yanis Varoufakis, interviewé sur fond d’Acropole l’été dernier, les accuse de "crime contre l’humanité".........

http://blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup/030315/faire-condamner-la-troika-pour-la-tragedie-grecque

05/03/2015 09:43 par Dwaabala

@ Dwaabala....pouvez_vous m’expliquer pourquoi ce texte a la place qu’il mérite ? Je ne demande qu’à comprendre.

Dans un premier temps, et en renonçant à aller au fond, ce qui viendra peut-être plus tard, je répondrai en citant @ scalpel au sujet du discours de Alexis TSIPRAS devant le Comité cental de SYRIZA :

D’ailleurs je me suis arrêté là.
Que de mots pour ne rien dire.

et @ Beyer Michel pour celui de Yannis VAROUFAKIS :

Ouf !!! [...] après avoir tenté de lire l’intégralité du texte de Mr Varoufakis, je me suis noyé dans le verbiage de cette personne.

05/03/2015 10:02 par Gondwana

"l’information basées sur le silicone"

Ne serait-ce pas sur le silicium ?

05/03/2015 10:24 par Scalpel

Aucune clé de compréhension des enjeux et des possibilités de sortir du piège mortel européiste made in USA.
Un déluge de mots livrés en vrac, propos sans queue ni tête dont seuls les onanistes du verbe creux et de la pensée cryogénisée raffoleront.
Comment peut-on adhérer à un discours aussi indigent ?

05/03/2015 11:35 par depassage

Quel article ! Il nous donne de quoi ne pas désespérer de la race humaine. Cela fait des lunes que je n’ai pas lu d’article semblable. Il est vrai que cette analyse même brève, peut paraitre à beaucoup comme un véritable charabia. Pourquoi ? C’est parce qu’on s’est tellement éloigné de la nature avec laquelle on a du faire corps avant de prendre nos distances d’elle, tout en lui restant tributaire grâce à des moyens de plus en plus performant, qu’il apparait à beaucoup qu’il suffit de perfectionner les moyens pour dompter la nature et répondre à nos besoin en oubliant que c’est aussi notre propre nature qu’on dompte en tant qu’êtres sociaux et en tant qu’individus. Et souvent ce n’est pas pour le meilleur. La nature offre et la vie dispose et la mort intervient comme outil de régulation. Si le génie humain a pu nous sauver de cet état primitif, pour s’engager dans un processus organisationnel et technologique qui nous a permis de nous hisser au sommet du règne animal, cela ne s’est pas fait sans engendrer de multiples contradictions que ne nous dépassons qu’en s’infligeant de grande souffrance, qui, parfois, nous renvoient à des stades inférieurs et parfois nous hissent à des stades supérieurs jusqu’au stade actuel qui est bien unique et certainement sans précédent. Dans le cadre d’un commentaire, je me réduis à dire l’essentiel comme base de réflexion et non comme vérités annoncées. Le capitalisme est simple à comprendre si et seulement si on arrive à le dépouiller complètement de ses apparats pour ne garder que son squelette qui, comme une petite mécanique, consiste à nier l’entrant principal qui est en tout ce qui rentre en elle et ne s’intéresser qu’à la bonification de ce qui en sort. Pas de bonification, arrêt de la mécanique. Mais l’entrant principal est l’effort humain qui, lui seul, a de la valeur potentielle, et ne peut dégager de bonification que s’il rencontre sur son chemin une autre valeur potentiel contraire qui lui est au moins égale ou supérieure qui puisse mettre en exergue sa bonification après que les deux valeurs se seraient anéanties. La bonification en soi n’est pas un mal, c’est ce qu’on fait d’elle qui pose problème. En plus d’être de toutes les convoitises sans aucune limite, elle nous impose de développer toutes sortes de ruses et de techniques pour se l’approprier au moins en partie tout en provoquant un gaspillage énorme de l’effort humain en génie comme en efforts physiques et aussi de la richesse naturelle. Si la machine nous aide et multiplie nos efforts, toujours est-il qu’elle reste incapable de créer de la valeur que celle qu’on met en elle. En un mot comme en deux, toute notre science, tout notre savoir et toutes nos techniques ne nous servent qu’à peu de choses d’autres qu’à nous mesurer et à nous imposer des hiérarchies hiératiques qui se croient meilleurs que les civilisations qui pratiquent le sacrifice humain, alors qu’on en fait autant et même pire jusqu’à se disputer sur la meilleure mort : mourir déchiqueter en morceaux par une bombe est plus civilisé que d’être pendu ou je ne sais quoi comme bêtise humaine.
Si j’ai des points à reprocher à l’auteur de l’article, c’est de rendre responsable Marx du totalitarisme et de son utilisation d’une modélisation mathématique simpliste qui avait pour but de fixer les idées et non pas de monter un système et le démontrer. Quant au totalitarisme, il obéit à d’autres lois qui n’ont rien à voir avec un modèle économique précis, mais beaucoup plus avec la nature humaine.

05/03/2015 13:34 par Un citoyen

@ Beyer Michel
Je vais tenter de faire un résumé de ce qu’il me semble avoir modestement compris, si cela peut vous aider. Je ne suis pas du tout expert en marxisme par contre…
Monsieur Varoufakis explique le rôle qu’a joué la théorie marxiste dans l’évolution de sa pensée et son influence sur sa carrière universitaire. Il reconnaît sa pertinence pour avoir montré, en utilisant les axiomes de l’économie dominante, les contradictions de cette dernière et celles du capitalisme.
Une des principales réussite de la théorie marxiste est pour lui d’avoir (ré)affirmé la nature non quantifiable, humaine, du travail. Et dans le même temps d’avoir montré la propension qu’a le capitalisme, en quantifiant toujours plus le travail, en voulant faire disparaître cette dimension humaine, à faire baisser la valeur de la production et in fine les taux de profits, entrainant récession. Cette logique qui si elle était poussé à l’extrême entrainerait sa propre fin. Bref, la nature contradictoire et autodestructrice du capitalisme.
Mais il reproche deux choses à Marx : d’une part de n’avoir pas pensé aux effets que pourrait avoir sa propre théorie, aux utilisations qui en seraient faites par ceux qui se l’approprieraient. D’autre part d’avoir voulu, dans un accès d’orgueil en quelque sorte, prouver la toute puissance de sa théorie par des modèles mathématiques inspirés de l’économie dominante, alors qu’il avait lui même révélé la place que devait occuper l’indétermination et la liberté humaine dans la compréhension de l’économie, choses qui ne peuvent justement être traduites mathématiquement.

Mais, la partie qui me semble la plus discutable et celle où il tire des enseignements à la fois des échecs des expériences communistes et sociale-démocrates :
Pour lui, il est préférable aujourd’hui de « stabiliser le capitalisme européen » en chute libre, en participant à sa critique et en s’alliant éventuellement avec des forces conservatrices, plutôt que de prôner une sortie de la zone euro qui conduirait à une instabilité dangereuse. Selon lui les mouvements progressistes ne sont pas prêts à cela, et les groupes fascistes / populistes d’extrême droite en tireraient d’avantage bénéfice.
Il accepte donc le fait qu’il (on) ne verra probablement pas de modèle alternatif en Europe avant longtemps, et met simplement en garde ceux qui souscriraient à sa proposition de ne pas se laisser griser et corrompre par les avantages qu’offrent le fait de côtoyer les puissants et le pouvoir (il prend un exemple personnel). Il explique que ce texte est une sorte de confession qui lui permet de garder les pieds sur terre, en quelque sorte.

Mais en fait, ne prône-il pas simplement la collaboration de classe, tout en affirmant que lui et la nouvelle génération saura ne pas se corrompre au contact du pouvoir, car eux on ne leur fera pas ? N’est-ce pas simplement la définition même de la social-démocratie au sens actuel : réformer et stabiliser (« moraliser » ?) le capitalisme, en attendant une éventuelle solution révolutionnaire ? Quand je vois où en sont ceux qui se réclamaient de cette tendance, ça me laisse perplexe.
Mais encore une fois je ne suis pas un expert, et j’aimerai éventuellement des avis.

Bonne journée

05/03/2015 14:36 par Beyer Michel

@ Un citoyen....je vous remercie pour vos explications. Au sujet de la "sortie de l’UE" ou du "maintien dans l’UE", je crois que déjà sa confrontation avec les "eurocrates" lui donne une idée des difficultés qui attendent le peuple grec pour appliquer le programme de Syriza, programme qui n’est pas un programme de sortie. Lorsque j’évoque le "mouvement" j’espère une évolution des consciences, pas seulement du peuple grec.
C’est vrai que pour beaucoup, c’est la catastrophe qui nous est annoncée en cas de sortie. Pour ma part, à tort ou à raison, je me place sur les explications de Jacques Sapir.
http://russeurope.hypotheses.org/3528

A bientôt

05/03/2015 16:03 par Dwaabala

Cet état de lieux dressé par Yanis Varoufakis est-il erroné ?

[En Angleterre : ] À chaque nouveau tour de vis de la récession, l’introversion de la gauche s’aggravait, comme son inaptitude à produire un programme progressiste convaincant tandis que, pendant ce temps, la classe ouvrière se divisait entre les laissés pour compte de la société, et ceux que le projet néolibéral récupérait.

Au milieu de la crise que connaît l’Europe à l’heure actuelle, j’ai pour bagage la leçon que Thatcher m’a enseignée, sur l’aptitude d’une récession de longue durée à saper les politiques progressistes.

Et Yanis Varoufakis était pourtant clair en 2013, quand il disait ce à quoi se tient SYRIZA aujourd’hui :

Le péché dont certains de mes critiques de gauche m’accusent : celui de ne pas proposer de programmes politiques radicaux, qui chercheraient à exploiter la crise pour en faire l’instrument du renversement du capitalisme européen, du démantèlement de cette affreuse zone euro, et de l’affaiblissement de l’Union Européenne des cartels et des banquiers faillis.

Une sortie grecque, italienne, ou portugaise, de la zone euro, entraînerait rapidement une fragmentation du capitalisme européen, et produirait des régions en excédent, à l’est du Rhin, et au nord des Alpes, pendant que le reste de l’Europe serait en proie à une stagflation brutale. À votre avis, à qui donc ce rebondissement bénéficierait-il ?

Je veux bien défendre ce que l’application d’un programme modeste, destiné à stabiliser un système que je critique, a de véritablement radical, mais je n’irai pas jusqu’à prétendre que cela suscite mon enthousiasme. Peut-être est-ce là notre devoir, dans les circonstances présentes, mais je ne serai sans doute plus de ce monde, lorsqu’il s’agira d’assister à l’adoption d’un programme plus radical, et j’en éprouve de la tristesse.

Cette position est certainement la plus sensée, car elle tient compte des circonstances, et n’a rien à voir celles des tenants de la sortie de l’euro et de l’Europe (en France : nationalistes, nostalgiques du gaullisme, d’une part), agrémentée de celle du capitalisme (révolutionnaires romantiques, d’autre part) ; elle n’a rien à voir non plus à voir avec le social-réformisme, avec la social-démocratie d’après la Première guerre mondiale, qui prétendait arriver au socialisme par la voie des réformes.

Jusqu’à ce que la preuve du contraire soit administrée par les gauchistes dans leur pratique (sortie de la France de l’euro, de l’Europe et du capitalisme), celle de SYRIZA ne se limite pas à leurs incantations. Ils ont réussi à rassembler. Les Grecs ont les mains dans le cambouis, il ne tient qu’à nous de faire de même en commençant par leur apporter notre appui au lieu de vouloir n’y rien comprendre.

05/03/2015 16:24 par Louis St O

"la plupart des commentateurs ne parviennent pas à identifier le processus dialectique, qui se déroule juste sous leur nez. Ils reconnaissent la montagne de dettes, et de pertes bancaires, mais négligent l’autre face de la même pièce : la montagne d’économies laissées en sommeil, que la peur maintient en état « d’hibernation » et qui, de ce fait, ne se convertissent jamais en investissements productifs."

Et voilà tout le capitalisme et là pendant que certains se gavent en faisant des montagnes de profit qu’ils thésaurisent, les États s’endettent et c’est au peuple de payer.

05/03/2015 16:25 par depassage

@scalpel
Ce que dit Varoufakis n’est pas creux du tout. Vous allez dans une forêt, vous trouver des baies, vous aller en manger sans devoir à personne la moindre des choses. Vous allez dans un supermarché, vous devrez les pays pour les manger, parce qu’il y a quelqu’un qui les a cueillies, quelqu’un qui les a emballées et un autre quelqu’un qui les expose à la vente. Cela a nécessité l’effort au moins de trois personnes et c’est cet effort que vous aller payer et non pas les baies si elles étaient cueillies en forêt. Si personne ne les achète l’effort particulier du dernier tombent à l’eau et avec lui ce qu’il a déboursé aux deux premiers pour leur effort. Pour que quelqu’un les achète, il doit les pays avec des efforts équivalents aux efforts consentis pour rendre ces baies disponibles. Une fois ces baies consommées, tout s’annule et fin du processus. Donc tout ce qui rentre comme valeur dans un produit est l’effort consenti pour le produire. Mais pour que cette valeur prenne du sens, il faut qu’il y ait quelqu’un qui puisse l’acquérir pour sa consommation quelle qu’elle soit en ayant fourni ou en fournissant un effort équivalent dans un autre produit qui va ou peut connaitre le même processus que celui qu’il va acquérir. Chaque effort est compensé par son équivalent et s’annule. Mais ceci est perceptible dans un processus idéal et non pas dans la vraie vie où il est impossible de quantifié la valeur d’un effort par quelque moyen que ce soit. Dans chaque effort y rentre plusieurs paramètre comme la dextérité, la pénibilité, le savoir faire, etc. En plus de cela, nous avons des besoins de base et d’autres besoins très élastiques qui vont des commodités aux folies. Conclusion : il y a rien qui justifie la valeur d’un produit répondant à un besoin collectif ou individuel que le travail qu’il a nécessité pour être produit. Une machine ne rentre qu’en tant que multiplicateur de l’effort tout en y injectant l’effort qu’avait nécessité sa production. Jusqu’ici, le capitalisme en tant que modèle économique ne rentre pas en jeu. Et c’est un autre volet que Varoufakis a essayé d’expliquer tout en épluchant d’autres perspectives pouvant le détourner de sa course folle vers nulle part à défaut de le remplacer par un système plus juste et plus humain.

05/03/2015 17:33 par mediacideur

Peut-être que l’incompréhension vient de la traduction ?

Essayez celle-ci.

05/03/2015 18:03 par Dwaabala

@ depassage
La grandeur de valeur d’une marchandise est définie par le temps de travail moyen socialement nécessaire à sa production. Elle se détermine statistiquement par le marché où les valeurs se comparent entre elles.
Tout travail n’est pas productif de valeur, alors il ne concerne pas l’analyse marxiste de la valeur : le travail domestique a une utilité, mais ne produit pas de marchandises susceptibles d’être échangées, il est donc sans valeur. Un bien collectif , utile par conséquent, alors qu’il a demandé un investissement, n’a pas de valeur... jusqu’au jour où le domaine privé met la main dessus.

05/03/2015 18:29 par Altau

Ce qui est frappant dans cet article - dont on peut discuter la valeur théorique mais ce n’est pas mon objet - c’est qu’à aucun moment, il n’est fait mention de mobilisation populaire, de guerre à l’oligarchie. On parle de d’eurocrates, de BCE, etc, mais la lutte de classe est totalement absente de sa réflexion. Sauver le capitalisme, la construction européenne (capitaliste) pour mieux faire autre chose après me paraît une étrange démarche. La question centrale est : les masses populaires peuvent-elles devenir assez puissantes et déterminées à mettre au pas l’oligarchie ? Pour moi, il n’y a pas de place pour prendre des décisions favorables aux humbles si on laisse les ploutocrates en place. On le constate tous les jours, rien ne leur fait peur pour préserver leurs possessions, des milliers de morts ne leur font pas peur, LGS et d’autres en témoignent chaque jour. Alors se retrouver au pouvoir en croyant qu’on va nous laisser prendre des mesures qui vont nuire aux puissants sans qu’on ait à leur faire la guerre me paraît assez puéril.

05/03/2015 19:46 par Dwaabala

@ Altau

sans qu’on ait à leur faire la guerre me paraît assez puéril.

Ce qui est puéril est de vouloir faire la guerre sans force.
Au milieu de la crise que connaît l’Europe à l’heure actuelle, j’ai pour bagage la leçon que Thatcher m’a enseignée, sur l’aptitude d’une récession de longue durée à saper les politiques progressistes.
Dans ce cas-là, il reste la ruse pour préparer la phase ultérieure.

05/03/2015 19:58 par Dwaabala

Avis aux ratiocineurs de gauche : Mardi soir, un premier projet de loi pour lutter contre la crise humanitaire qui frappe le pays depuis six ans a été soumis aux députés de la Vouli (Parlement). Ce projet de loi hautement symbolique prévoit, notamment, la mise en place d’un vaste programme de gratuité énergétique et alimentaire – ce dernier devrait concerner 300 000 personnes –, et d’aide au logement. Concernant l’électricité, il s’agit de rebrancher, d’ici la fin 2015, les dizaines de milliers de résidences principales où le courant a été coupé pour impayés. L’aide au logement pourrait atteindre 220 euros par mois pour 30 000 foyers démunis. Le coût de ce programme avoisinerait les 200 millions d’euros http://www.humanite.fr/le-gouvernement-tsipras-tient-la-barre-democratique-567561.

06/03/2015 11:20 par Sierra

Ce que je retiens essentiellement de ce texte, c’est en gros "Ça fou la trouille*, je vais collaborer**, et je ne serais pas celui qui bousculera l’édifice européen".

Et j’ai relu 2 fois parce que je n’y croyais pas : C’est un plaidoyé de soutient à toute cette m**** !
Pauvre Grecs, pauvre de nous !

"La probabilité que la crise européenne donne naissance à une alternative, préférable au capitalisme, est bien moins élevée que celle de la voir déchaîner des forces régressives, capables de provoquer un bain de sang humanitaire, et d’anéantir tout espoir d’avancées progressistes, pour les générations future"

**arrêter la chute libre du capitalisme européen, de façon à nous donner le temps nécessaire à la formulation de son alternative

06/03/2015 11:26 par Altau

@Dwaabala
« Ce qui est puéril est de vouloir faire la guerre sans force »
Outre que personne ne soutient un tel projet, on approche néanmoins ici du cœur du sujet.
Attendu que les partis les plus puissants de l’Europe de l’Ouest qu’étaient le PCF et le PCI sont tombés dans l’état que l’on sait, c’est-à-dire presque rien en bientôt 100 ans d’existence, le minimum que des "radicaux" devraient faire, c’est de s’interroger sur les stratégies suivies, je veux dire : s’inscrire dans la logique électorale conçue par les serviteurs des oligarchies, que Badiou appelle "capitalo-parlementarisme".
Je soutiens que laisser croire aux masses populaires qu’une victoire électorale est de nature à produire un changement décisif est une tromperie. Ce faisant, on aboutit effectivement à une situation où on pose la question de mener une "guerre sans force" tellement on a laissé s’installer des espérances qui ont toutes été déçues et conduisent donc au découragement.
Tout le monde est tellement convaincu que la seule voie raisonnable est de passer par les urnes qu’aucune autre ne peut plus être conçue. En ne s’inscrivant pas dans un tel système, on commencera alors à encourager les citoyens à s’interroger sur de nouvelles pratiques, de nouveaux modes d’action. C’est le minimum par où commencer.

06/03/2015 14:30 par Maxime Vivas

Je soutiens que laisser croire aux masses populaires qu’une victoire électorale est de nature à produire un changement décisif est une tromperie.

Nous sommes bien d’accord. le changement décisif viendra sans doute de l’aide active, réfléchie et constante du peuple qui soutiendra la "victoire électorale" en intervenant pour qu’elle ne soit pas dévoyée et pour que les élus partisans du changement ne soient pas seuls face à l’adversaire.
Il ne faut pas opposer les deux, mais regarder s’il y a des étapes nécessaires qui peuvent permettre d’accélérer les processus et faire l’économie de la violence.

Dans tous les pays où les marchés et le FMI ont été défaits ces dernières années, les urnes ont été un préalable : arracher les manettes aux autres, et avancer avec le peuple, aussi vite et aussi loin qu’il le veut et qu’il le réclame.

06/03/2015 14:19 par depassage

@ Dwaabala
Moi, je ne voulais pas rentrer dans une analyse marxiste et n’avait même pas essayé d’adapter sa terminologie pour rendre les choses plus simple à comprendre même si cela reste toujours une gageure risquée. Si vos deux affirmations de départ sont justes, la troisième qui dit tout travail n’est pas productive de valeur demande à être nuancée. Tout travail utile est producteur de valeur potentielle, c’est-à-dire une valeur qui peut en devenir une seulement si la marchandise qui l’incarne finit son cycle, c’est-à-dire finit par être consommer en passant par un processus d’échange de nature : produit manufacturier, marchandise, produit utile fin de cycle. Dire que le travail d’une femme de ménage ne crée pas de valeur, autant dire que tout travail de service ne crée pas de valeur, ce qui est faux. Il y participe d’une manière direct lorsqu’il participe de la production et indirect lorsque il participe du social.
Cela m’a fait plaisir d’échanger avec vous.

06/03/2015 14:42 par Venceremos

@ Sierra

Ce que je retiens essentiellement de ce texte, c’est en gros "Ça fou la trouille*, je vais collaborer**, et je ne serais pas celui qui bousculera l’édifice européen".

Et j’ai relu 2 fois parce que je n’y croyais pas : C’est un plaidoyer de soutient à toute cette m**** !
Pauvre Grecs, pauvre de nous !

Certes, vous avez zappé une partie du propos, mais vous avez raison sur le fond : comment ce fait-il que cet immense pays de 12 millions d’habitants n’ait pas fait plier en quelques semaines le FMI qui en représente à peine des milliards, alors que, dans le monde entier (et surtout en Europe), des foules immenses ont envahi la rue pour le soutenir ? En France, on se souvient que les partis de gauche et les syndicats ont réussi une manif qui a réuni 4 millions de personnes (3 selon la police). Ah, cette profusion de badges : "Je suis Syriza" ! (Rire (jaune).

06/03/2015 22:29 par corine

Ce qui me paraît le plus insupportable dans ce texte c’est que tout se ramène à sa personne . J’ai beaucoup de mal à le trouver sincère : on a plutôt l’impression qu’il veut se justifier à l’avance de son manque de courage.
Par ailleurs je ne vois pas la logique à laisser perdurer le système capitalisme pour éviter le fascisme alors que c’est ce système qui nous y conduit tout droit !
Il est vrai que les peuples sont découragés, épuisés et qu’ils ne soutiennent pas les grecs comme il devrait le faire d’autant que si Syriza échoue le pire est à craindre pour nous tous..

07/03/2015 09:08 par gérard

Je rejoins totalement Venceremos et je ne résiste pas au plaisir de repasser son commentaire :

comment ce fait-il que cet immense pays de 12 millions d’habitants n’ait pas fait plier en quelques semaines le FMI qui en représente à peine des milliards, alors que, dans le monde entier (et surtout en Europe), des foules immenses ont envahi la rue pour le soutenir ? En France, on se souvient que les partis de gauche et les syndicats ont réussi une manif qui a réuni 4 millions de personnes (3 selon la police). Ah, cette profusion de badges : "Je suis Syriza" ! (Rire (jaune).

Ce n’est pas une question de "courage" de la part de Yanis Varoufakis, mais une question de forces en présence (que 36% des voix il ne faut pas l’oublier) et celle d’avoir des impératifs concrets à régler concernant les conditions de vie de tous les jours de ses compatriotes, ce pour lequel il a avant tout été élu, et pas pour "renverser le système capitaliste".
La seule chose qui retient le Système pour que la Grèce soit "balayée", ce serait le risque de contagion à l’Europe (au moins) du Sud qui pourrait en résulter, et encore...est-ce vraiment évident ?
Il faut bien être conscient de la puissance des combats que le Système a enclenchée contre la Russie par le biais du Moyen Orient, de l’Ukraine et des sanctions économiques, mais aussi contre la Chine, le Venezuela, etc... Ils sont d’une envergure sans précédent.
« Arrêter la chute libre du capitalisme européen, de façon à nous donner le temps nécessaire à la formulation de son alternative. », c’est l’urgence absolue, et "le temps nécessaire" seront peut-être les mois qui vont suivre...

07/03/2015 12:32 par Sierra

Il existe un principe simple que l’on connait tous : Si tu dois 10 000 euros à ton banquier, il te tient. Si tu lui en doit 100 millions, c’est toi qui le tiens.
Alors attendre quoi ? Cette dette ne sera jamais remboursé, pas plus que la notre.
Parce qu’en l’état, la, on a quand même pigé que les grecs vont continuer à être saigné, juste un peu moins, juste à la limite du supportable. Mais ils continueront de payer, par exemple pour une flotte de F16 acheté avec de prêts cautionnés par l’UE, qui ensuite à permis à Goldman-Sachs de trafiquer les comptes publics.
Aucune pirouette dialectique ne changera ces faits.
Quant à la mise à l’amende des armateurs et des curés, passé à la trappe ?

La mise à sac continue.

08/03/2015 08:26 par gérard

Entièrement d’accord avec Sierra quand tu dis :
« Il existe un principe simple que l’on connaît tous : Si tu dois 10 000 euros à ton banquier, il te tient. Si tu lui en doit 100 millions, c’est toi qui le tiens. ».
Donc oui pour ce principe, mais il était valable "avant", du temps des règles de jeu politico-économiques "normales", ce qui n’est plus le cas depuis pas mal de temps de la part du Système...
Dmitry Orlov : Les US échoueront même à échouer.
http://lesakerfrancophone.net/leffondrement-financier-conduit-a-la-guerre/
Extrait :
« En regardant ce vaste paysage d’échecs, il y a deux façons de l’interpréter. La première est que l’administration des États-Unis est la plus incompétente que l’on puisse imaginer, et ne peut jamais obtenir quoi que ce soit de correct. Mais une autre façon est qu’ils ne réussissent pas pour une raison très différente : ils ne réussissent pas parce que les résultats ne comptent pas... Mais si, de fait, les échecs ne sont pas un problème du tout, et si à la place il y avait une sorte de pression à l’échec, nous verrions alors exactement ce que nous voyons. »
Moyen Orient d’un côté, mais pour ne parler que de l’Europe avec la Grèce et l’Ukraine, quel vaste paysage "d’échecs"....
Par son introduction, Yanis Varoufakis exprime bien la complexité de sa tâche.
La suite "Pourquoi Marxiste ?", n’a en définitive que peu d’intérêt sinon seulement de se justifier.

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