Venezuela : l’opposition reste le seul espoir pour le peuple

Les élections législatives du 6 décembre dernier ont adjugé une victoire indiscutable aux adversaires du processus politique initié par le commandant Hugo Chávez et par le peuple du Vénézuela il y a dix-sept ans. La conquête de l’Assemblée Nationale par une partie de la droite néolibérale n’est pas peu de chose. Même si le Vénézuela, comme d’autres démocraties dans le monde, se targue d’avoir un régime présidentiel dans un État fédéral mais centralisé, le pouvoir législatif est énorme. C´est de là que l´on a adopté pendant seize ans les lois qui ont permis l’immense majorité des changements révolutionnaires, dont les décrets-lois qui ont pu voir le jour grâce à la Loi Habilitante votée à l’Assemblée. Bien que ce pouvoir ait été symbolisé par la figure du commandant Chávez, les succès de la Révolution Bolivarienne ont été rendus possibles grâce au travail conjoint du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif afin de changer la vie des citoyens de la République.

Les porte-paroles politiques du Capital se sont distingués tout au long de l’histoire politique récente de l’hémicycle en s’opposant à tout ce que proposait le chavisme. Pas par caprice, mais parce que les représentants du peuple bolivarien s’évertuaient à construire un échafaudage légal afin de renforcer le bien-être commun, et ceci menaçait les intérêts capitalistes de ceux dont les politiques de droite se veulent les représentants. Alors que la Révolution s’attachait à construire la base légale au bénéfice de l’intérêt général, la droite plaidait pour la primauté des intérêts particuliers d’une minorité.

Après dimanche dernier, le jeu politique législatif s’est renversé. Dorénavant la stratégie qui cimentait les politiques de la droite néolibérale, à savoir s’opposer à tout, s’effondre. Ils sont obligés de révéler au pays quelles sont ses véritables options politiques et en fonction de quels intérêts ils vont légiférer à partir de maintenant. Et avec un glissement sémantique comme conséquence : l’opposition au nouveau projet du pays, aujourd’hui hégémonique à l’Assemblée nationale, c’est nous, les révolutionnaires !

La seule chose sur laquelle nous rejoignons la proposition de la contre révolution est qu’il va y avoir un changement. Pour savoir réellement en quoi il consiste, il suffit de vérifier le programme de gouvernement que tous les partis qui composent l’autoproclamée Table de l’unité démocratique (Mesa de la Unidad Democrática, MUD) ont scellé d’un commun accord le 23 janvier 2012. Dans ce programme composé de 1237 articles on retrouve une grande partie des actions futures de la MUD à l’Assemblée, puisque de nombreux députés de la nouvelle majorité parlementaire ont participé à la rédaction de ce programme néolibéral. Par conséquent, on en déduit qu’ils appliqueront en conscience les esquisses qu’ils ont élaborées. Voyons quelles sont les propositions qu’ils vont maintenant essayer d’implémenter depuis l’hémicycle législatif.

Bien qu’ils n’aient pas informé le peuple de ses véritables intentions lors de la campagne électorale, la MUD met l’accent dans son programme sur la nécessité de reprendre “toute la multitude des lois afin de les ajuster à une vision intégrale d’un nouveau cadre juridique qui reflète la nature démocratique de la République” (art. 162 du programme de la MUD)[1]. C’est-à-dire démolir tout l’appareil légal qui a permis l’élaboration de politiques en faveur du peuple.

Au niveau économique, les députés de la MUD ont promis à leurs électeurs d’en finir avec la crise. Comme nous savons que la MUD ne pourra pas faire monter les prix du pétrole au niveau international, il faut se demander qui paiera les conséquences de l’écroulement du prix du brut : le peuple ou les classes privilégiées ?

Une fois encore, le programme de la droite vénézuélienne nous fournit une ébauche de réponse : en finir avec le contrôle des prix des produits du panier moyen pour “stimuler l’activité privée” (art. 420), réformer la Loi de Terres et de Pêche ; la Loi de Souveraineté Alimentaire, afin de “garantir les libertés économiques” (art. 547) ; la Loi d’Économie Populaire (art.125), et la Loi pour la Défense des Personnes à l’Accès aux Bien et aux Services (art. 147).

En d’autres termes, ils prétendent retoucher toutes les lois qui protègent le peuple de la dictature du marché. De même, éliminer le contrôle des changes, comme ils le proposent dans l’article 406 provoquerait une forte dévaluation qui achèverait de détruire de manière drastique le pouvoir d’achat des classes populaires ainsi que celle des classes moyennes de la société.

Comme l’a indiqué José Guerra, un des rédacteurs du programme économique de la MUD élu récemment député de Caracas, la nouvelle Assemblée réformera la Loi de la Banque Centrale du Vénézuela (BCV). Une mesure très abstraite pour les électeurs qui l’ont porté au pouvoir mais dont les conséquences pourraient se faire sentir à moyen terme. Tout au long de ces seize années, la droite a toujours pleurniché devant le fait que les politiques monétaires soient soumises aux décisions du gouvernement élu et servent le développement de la Nation de manière coordonnée. Les canons libéraux des politiques financières vont pouvoir s’imposer à travers la réforme de cette loi. Pour ce faire, la MUD préconise d’accroître l’autonomie de la BCV et d’interdire à cette entité de “financer les dépenses publiques et de valider des politiques déficitaires” (art.408). Cela pourrait peut-être avoir un impact sur l’inflation mais quel en serait le coût social ? D’où serait pris l’argent pour renforcer les systèmes d’éducation, de santé, sans parler des programmes sociaux que le Gouvernement Bolivarien a maintenus malgré la crise ?

Ces intentions des nouveaux députés de la droite vénézuélienne n’ont pas fait l’objet de débats dans la campagne électorale. Quand les politiques de la MUD parlaient de liberté d’expression à leurs électeurs, ils ont omis de préciser qu’ils veulent modifier la Loi Resorte [NdT : Loi de Responsabilité Sociale à la Radio et à la Télévision] (art.124) ainsi que la Loi de Télécommunications (art. 1147) pour éradiquer les voix de la critique, criminaliser les médias communautaires et réoffrir le spectre radioélectrique aux entreprises de communication privées. Quand ils criaient furieusement pour la pleine démocratie, ils n’ont pas mentionné leur volonté de réformer à l’Assemblée Nationale la Loi du Conseil Fédéral du Gouvernement (art. 276), la Loi des Conseils Communaux (art. 289), la Loi des Communes ainsi que la Loi Organique du Pouvoir Populaire (art. 125).

Ils ont promis monts et merveilles à une population épuisée par une terrible guerre économique, mais ils ont passé sous silence leur désir d’abattre la législation qui a permis à l’industrie pétrolière d’être le moteur économique du processus de changement révolutionnaire (art. 512 et 275). Ils se sont agités pendant des années appelant en vain les forces armées à la rébellion, sans mentionner qu’ils vont retoucher la Loi Organique de la Force Armée Nationale Bolivarienne ainsi que la Loi Organique de Sécurité de la Nation (art. 100), avec comme objectif de “réorganiser et reformuler l’institution militaire” (art. 99) ; éliminer la Milice Bolivarienne (art. 101) et, d’une manière générale, détacher le soldat et la collectivité militaire de l’avenir de la Nation. En somme, revenir à une armée de façade dont l’unique rôle serait de défiler le 5 juillet et de réprimer en cas de rébellion populaire.

L’offensive législative contre la Révolution Bolivarienne qui est en train d’être menée depuis la nouvelle Assemblée Nationale cherchera soumettre à nouveau l’intérêt général et le bien-être de la majorité aux intérêts particuliers des élites. Dans la bataille politique et communicationnelle à venir, le chavisme doit assumer le rôle qui est désormais le sien dans l’hémicycle : informer sur la stratégie de la majorité parlementaire et s’opposer à la destruction de l’appareil législatif bâti au cours de seize années de Révolution. En d’autres termes, une opposition politique pour le bien du peuple !

Romain Migus

[1] Voir ce programme sur le site internet officiel de la MUD : “Pistes pour le programme de gouvernement d’unité nationale” disponible ici (en espagnol) : (dernière consultation le 10/12/2015).

Voir aussi Romain Migus, le programme de la MUD, Caracas : ed. Barrio Alerta, 2012. Disponible ici (en espagnol)

Traduit de l’espagnol par Rémi Gromelle pour Investig’Action

Source : TeleSur http://www.telesurtv.net/opinion/La-oposicion-es-la-unica-esperanza-para-el-pueblo-20151211-0038.html

 http://www.investigaction.net/Venezuela-l-opposition-reste-le.html

COMMENTAIRES  

22/12/2015 07:08 par bto

Il faut surtout tirer les conséquences de ce que jamais le parlementarisme ne permettra d’éradiquer le capitalisme car il est né du capitalisme et se nourrit aux mamelles de la bourgeoisie et du libéralisme. Pour éradiquer le capitalisme, il faut détruire l’état bourgeois jusqu’à la racine comme disait Lénine, ne rien en laisser, sinon il repousse comme la mauvaise herbe. C’est la différence ontologique entre Chavez et Castro.... Le dernier était un révolutionnaire, le premier un progressivité qui a composé avec l’état de droit...

22/12/2015 09:13 par CN46400

@Bto

SVP, comparons ce qui est comparable. Chavez n’était pas Fidel, mais le Vénézuela est-il Cuba ? Si le million de cubains qui ont quitté Cuba en 1960 a coûté cher (plus de toubids à la Havane..... déclenchement et entretien ultérieur de l’embargo US), il a vidé l’île de ses principaux opposants au "castrisme". Ce n’est pas arrivé au Vénézuela en 98. Mais rien ne peut démontrer qu’un exode de ce type aurait pu être bénéfique au Vénézuela dont la géographie, et l’économie, est totalement différente de celle de Cuba 1960.

Comment maîtriser le commerce extérieur quand on n’est pas une île, et que votre principal client extérieur est aussi votre principal ennemi politique ? Et votre principal fournisseur. Qui, aujourd’hui, pouvait, pour le pétrole vénézuelien, jouer le même rôle que l’URSS pour écouler le sucre cubain ?

27/12/2015 17:41 par Emilio

eliminez le systeme bourgeois a sa racine ?

tu fais comment quand l economie nationale est soumise a une economie de marche , dont les prix des ressources minieres et alimentaires sont fixes par une bourgeoisie aux USA ?

ce que peut faire theoriquement un etat ,keynesien , c est compenser le manque a gagner des producteurs , un moindre mal mais qui se paye aussi . Par une augmentation des deficits publiques , donc de dettes , et une demande d aides a banque mondiale Fmi a terme, quand la manne se tarit , pas en reserves mais en prix de la ressource .. L etat providence , ça ne marche que lorsque la vente de ressources est a un prix fort . Et a condition perenne de reorienter l economie vers une moindre dependance a ses ressources propres. Encore moins possible quand il n y en a qu une, comme au Venezuela. Chavez ou pas , c est pareil dans ce sens economie de marche . Si moins d entree de $ , moins de developpements sociaux. Mais augmenter la consommation , pauvres moins pauvres , est un leurre si cette consommation n est pas nationale ,de production nationale .Les estomacs seront mieux remplit , mais pas pour longtemps , jusqua la fin de l etat providence .. Socialisme ou pas , social democratie ou pas , c est la souverainete qui est a rechercher . Souverainete alimentaire economique etc... les chavistes l ont bien compris , mais les mines en tout genres , guerre financiere guerre mediatique guerre economique ... est ce possible de sortir de l economie mondiale de marche ? peut etre , mais avec du temps et une sacree volonte revolutionnaire. Plus facile de croire que puisque c est si difficile , autant rompre l isolement et rentrer dans cette economie liberale avec les 2 pieds , en esperant avoir quelques faveurs du maitre US.. la droite venezuelienne fait rever le peuple , en le disant > si on est soumis a Washington , nous aurons plus de miettes, plus d abondances. Bah l exemple colombien est a la porte , et l effondrement des pays emergents , amis ou pas , prouvent que non .

c est un nouveau Caracazo qui menace le Venezuela , mais le pays ne sera pas gerable pour autant, malgre les massacres repressifs. Le systeme de marche capitaliste est mort , effondrement des productions , parce que effondrement des consommations . ALORS QUOI ¿ ben nul ne sait , il faut l experimenter , au mieux enfanter un nouveau systeme , mais un accouchement dans la douleur et par cesarienne avec risque de voir mourir la mere ou le petit aussi , va savoir ¿

la guerre economique organisee par les USA , a reussit par l effrondrement politique de cet etat providence sauce keynesienne chaviste du Venezuela, pourtant tres modere en pratiques d affrontements du capital . Meme ce peu , considerable pour le Venezuela en effets , n est plus tolere par Washington . Mais en dommages collateraux , echec complet pour la relance economique mondiale . Prix bas du petrole et malgre cela , baisse de production industrielle parce que baisse de consommation de toutes les economies mondiales.

Oui , le Venezuela a coule , mais tous les pays emergents amis ou ennemis aussi . Et c etait les seuls a avoir encore une croissance . du coup devaluation des monnaies , Bresil 40% Colombie 55 % etc.. explosion de dettes, explosion des interets de dettes avec interets de Fed ,plus combinaison mortelle de prix forts de dollar et euros , chute vertigineuses des exportations de matiere premieres , dependance quasi totale des aliments de base , des USA etc… de croissance forte autour de 5% a une recession drastique en quelques mois . Beau travail les faucons de Washington . Vous faites quoi maintenant ¿

Cocktails explosifs, qui explosera .. et dans pas longtemps . par les banques d abord et le marche boursier
L alternatif , ce sera l alimentaire vital en premier lieu . Un scenario a la cubaine , de gestión de la misere imposee , mais pour le monde, et sans príncipe superieur de mise en marche de societe differente . Pour le politique , gerer ces crises et apporter des solutions , c est ..pour apres au mieux. Parce que les elections , c est promettre la lune pour etre elus , ça marche avec des estomacs pleins , plus du tout avec des estomacs vides .
Enfin , c est juste un point de vue .

29/12/2015 08:00 par ozerfil

Ne cherchez pas, le capitalisme ne sera jamais éliminé car il s’appuie sur un travers naturel de l’Homme : l’individualisme.

L’Homme ne veut rien partager et il n’est jamais repu, toute autre société que capitaliste va à l’encontre de ces principes et donc à sa perte. C’est pour cela que toutes les expériences sociales échouent. Les gens ne s’y abandonnent jamais complètement et ont même plutôt naturellement tendance à y résister.

L’Idéal Commun n’est pas l’idéal inné de l’Homme.

Les multi-milliardaires qui ne savent plus quoi faire de leur argent - souvent gagné de façon plus que discutable - et le luxe qu’ils étalent de façon indécente vous dégoûtent ? Ils font pourtant rêver le monde !!

Comment lutter lorsque le peuple lui-même défend l’enrichissement et, pire, en rêve ?

On pourra toujours évoquer l’emprise capitaliste sur le Monde, mais le ver est dans la tête des gens et il suffit de le titiller à peine pour qu’il resurgisse, c’est ainsi que le Venezuela est retombé dans le capitalisme, comme Cuba le fera et comme tant d’autres avant eux l’ont fait...

Le rêve américain de réussite individuelle n’est pas spécifiquement américain, les américains l’ont juste énoncé et poussé à l’extrême ! Et, d’ailleurs, le peuple américain, en voie de paupérisation totale, ne le renie pas un instant !!
L’américain préfère vivre mal voire très mal tout se disant qu’il sera riche un jour, même si la probabilité d’y parvenir est quasiment nulle, plutôt que vivre normalement sans perspective d’enrichissement !!!

Et cet état d’esprit est très largement le plus répandu dans le Monde. Il n’y qu’à voir le comportement des parvenus, souvent pire que celui des nantis : ils sont tous atteints d’amnésie et fustigent sans pitié ceux qu’ils étaient hier !!

Allez lutter contre ça...

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