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Vasilyok : les pertes de la guerre

Aujourd’hui en France, lorsqu’on pense au pays qui a vaincu l’Allemagne nazie, on pense immédiatement aux Etats-Unis. Dans un sondage de l’Ifop de 2015, 54% des personnes interrogées s’accordaient pour dire que l’Allemagne nazie avait été battue par les Etats-Unis (contre 20% en 1957) [1]. Des myriades de films comme Il faut sauver le soldat Ryan nous ayant fait imaginer que l’Europe avait été libérée par les EU, la vérité est tout autre. Comparativement aux nombres de morts, à l’effort de guerre et à la proportion de territoires libérés, c’est sans conteste l’URSS qui a vaincu l’Allemagne hitlérienne. Si 300 000 Étasuniens sont morts durant la Seconde Guerre mondiale, c’est 25 millions du côté de l’URSS [2]. Pour rappel les slaves étaient considérés par les nazis comme des esclaves pour les Ubermenschen allemands, et là où certains généraux de la partie ouest de l’Europe pouvaient être traité « convenablement », les soviétiques étaient massacrés et torturés. 87 % des pertes des nazis et de leurs alliés vient de l’Union soviétique [3]. Cette guerre toucha quasiment la famille de plus de la moitié des habitants du plus grand pays en termes de superficie.

Suite à cette barbarie et à des changements aussi bien au niveau mondial qu’en terme idéologique – de la révolution prolétarienne tous azimuts à la défense du genre humain en général –, l’URSS s’est mise à proposer des messages valorisant la paix retrouvée, et cela s’est reflété notamment dans les films qu’elle faisait produire. L’un des plus célèbres étant Requiem pour un massacre de Elen Klimov. C’était le cas aussi de beaucoup de films de propagande, dont celui qui nous intéresse aujourd’hui.

Vasilyok est un film d’animation de 10 minutes sortie en 1973 en Union soviétique, réalisée par Stella Aristakesova (17/12/1934). Il y raconte l’histoire d’un enfant vivant après la Seconde Guerre mondiale et qui part à la recherche de son grand-père, mort à la guerre, pour finir par découvrir qu’il s’agissait d’un héros à qui on a donné le nom d’un navire.

La toute première scène du court-métrage nous montre un ciel brumeux, grisâtre, où l’on entend en arrière-plan des bruits d’explosions, puis celui d’un obus qui atterrit, suivi de la vision d’un cratère d’où en sort une fleur annonçant le retour des beaux jours. En une scène, on fait comprendre le rappel de la Seconde Guerre mondiale et la paix si chèrement acquise.

Le film se construit donc comme un conte où Vasilyok, le petit garçon, accompagné de son canasson, recherche son grand-père afin de rendre heureuse sa grand-mère. Ignorant que celui-ci est mort à la guerre, comme cela est sous-entendu au début, il rencontre sur son chemin des militaires et un aviateur, sans qu’aucun n’ait vu son grand-père. Cela donne un charme et un côté enfantin, presque beau, devant la naïveté de ce garçon, incapable de comprendre à son âge ce que veulent dire les adultes. Une naïveté permise par la paix acquise grâce aux sacrifices des combattants pour permettre à leurs descendants de vivre dans la tranquillité. Il finira par retrouver la trace de son grand-père grâce à un vieux pécheur. Devenu immortel par sa bravoure, son nom a été donné à un bateau de guerre. Vasilyok retournant chez sa grand-mère avec le bateau, accompagné d’une chanson rappelant que les soldats reviennent toujours à la maison.

Au niveau du dessin, c’est de toute évidence du celluloid qui est utilisé. A part la première scène, les couleurs sont chaudes et chatoyantes, rassurante. On remarque une touche impressionniste dans les décors du dessin animé. Même si je n’ai pas retrouvé d’informations à ce sujet, étant donné l’aspect coloré du court-métrage, les spectateurs visés sont les enfants.

Si je vous parle de ce film, c’est pour plusieurs raisons : 1) il m’a touché par son message universel et sa grande simplicité ; 2) pour montrer des exemples de l’animation soviétique ; 3) parce que son message devrait être encore comprit aujourd’hui. En effet, la paix se retrouve de plus en plus menacée aujourd’hui. Les armées de l’OTAN s’entraînent à la frontière de la Russie, la Chine est encerclé militairement par les Etats-Unis et l’impérialisme turc commence à se déployer sous les radars. Les militaires étasuniens se montrent prêt à considérer des attaques lourdes contre des pays dits ennemis, tandis que l’état-major français parle de guerre de « haute intensité » avec une forte létalité. Les choses commencent à bouger dans le Pacifique et des territoires comme la Nouvelle-Calédonie deviennent le centre de beaucoup d’enjeux. Si une guerre arrive, elle sera potentiellement très meurtrière et même désastreuse pour le genre humain, faisant passer les tracas de ces dernières années pour des choses sans importances. Le capitalisme entre dans sa phase exterministe, ce qui signifie que dans sa course au profit il va même parier sur une potentielle extinction de l’espèce ou de son environnement. Si nous voulons encore pouvoir profiter des films que nous aimons et partager nos goûts avec notre prochain, il faut se rendre compte de cette menace et lutter contre elle, par devoir d’humanité.

[1] « La nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne », sondage Ifop, 07/05/2015.

[2] « Le débarquement du 6 juin, mythe et réalité : c’est l’URSS qui a libéré l’Europe du fascisme ! » Initiative Communiste. 06/06/2019.

[3] « 8 mai 1945, grâce à l’Union soviétique, le fascisme est vaincu », Initiative Communiste, 08/05/2019.

»» https://lecuirassedoctobre.fr/2021/12/31/vasilyok-les-pertes-de-la-guerre/
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