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Ukraine et Venezuela : même combat ?

Ces dernières semaines ont été marquées par les évènements qui ont secouent l’Ukraine et le Venezuela. Malgré la distance qui sépare ces deux pays, les forces qui y sont à l’œuvre et leurs procédés sont, eux, bien comparables.

2002, 2014... bis repetita ?

Les événements au Venezuela n’ont rien de spontanés. En effet, le fait que l’opposition se soulève peu après les élections municipales de décembre 2013 n’est pas anodin. Le gouvernement venezuelien fait face à une opposition puissante, organisée, et de surcroît soutenue par les États-Unis. Son leader, Henrique Capriles, voyait en la mort d’Hugo Chavez une occasion de prendre le pouvoir par les urnes. Il a donc mis tous les moyens en vue des élections présidentielles anticipées d’avril 2013, et bien lui en a pris puisqu’il a perdu face à Nicolas Maduro, successeur désigné par Chavez, par une différence de seulement 1,59% des voix au cours d’élections avalisées à l’unanimité par les observateurs internationaux, mais remises en cause par l’opposition qui, voyant s’échapper l’opportunité de prendre légalement le pouvoir, a dans la foulée exprimé sa colère par des manifestations qui ont fait onze morts du coté chaviste. Le gouvernement légitime n’ayant pas fléchi, l’opposition régla alors sa mire sur les élections municipales de décembre 2013, espérant surfer sur la vague d’avril dernier afin de démontrer sa légitimité. Le résultat des municipales fut un chaos puisque le PSUV chaviste remporta 76% des mairies contre seulement 23% pour la coalition MUD réunissant toute l’opposition.

Les prochaines échéances électorales n’ayant pas lieu avant les législatives de 2015, l’opposition décide alors de reproduire le schéma qui avait conduit au coup d’Etat de 2002 contre Hugo Chavez. Les médias occidentaux, fidèles à leurs habitudes, se gardent bien de condamner les velléités putschistes de l’opposition et se contentent d’appeler au calme.

Le président étasunien Barack Obama, en grand démocrate, a demandé la libération des chefs d’opposition à l’origine de ces soulèvements anti-démocratiques, alors même que son responsable régional en Amerique latine Ricardo Zuñiga, ancien dirigeant de la station de la CIA à La Havane où il recrutait des agents pour former l’opposition à Fidel Castro, est actuellement chargé de fomenter la révolte trotskyste au Venezuela...

Coup d’état ukrainien

En Ukraine, les manifestations sont le fait de l’opposition pro-européenne qui dénonce la suspension par le président Viktor Ianoukovytch le 21 novembre dernier d’un accord d’association avec l’Union Européenne. En réalité, la source du problème est bien plus profonde.

Suite à la désagrégation de l’URSS en 1990, les pays de l’Alliance transatlantique ont entrepris une vaste campagne dans le but de défaire les liens qui unissaient les nouveaux pays auparavant soviétiques avec la Russie. Ainsi l’OTAN a englobé des pays comme la République Tchèque, la Pologne et la Hongrie, puis la Lettonie, la Lituanie, l’Estonie, la Roumanie, la Bulgarie entre autres. En 1999, la Yougoslavie est désintégrée et les nouveaux pays qui en résultent subissent le même sort. L’Ukraine, elle, se voit accordée une certaine autonomie qui lui permet de nouer des liens aussi bien avec l’Union Européenne qu’avec la Russie. Seulement, l’Ukraine se voit aujourd’hui scindée en deux partie : l’Est est plus proche de la Russie aussi bien sur le plan économique que culturel, et l’Ouest davantage lié à l’Alliance transatlantique. Le gouvernement Ukrainien a toujours eu comme priorité l’entrée dans l’Union Européenne jusqu’à l’élection de Viktor Ianoukovitch en 2010, ce dernier estimant qu’une entrée dans l’UE n’était plus à l’ordre du jour et se rapprochant davantage de la Russie.

C’est dans ce contexte que surgissent aujourd’hui ces manifestations soutenues par les États-Unis et ses alliés européens, par peur de voir l’Ukraine et ses 603 700 km² abritant la plupart des gazoducs russes rejoindre les rangs soviétiques.

Le dénouement ukrainien est arrivé les 22 et 23 février avec ce qui ressemble ni plus ni moins à un coup d’État : le 22 février le Parlement ukrainien a pris acte de la démission forcée de son président Volodymyr Rybak, qui, menacé de mort, a quitté son poste au sein de la Rada (parlement ukrainien).

Les députés ont alors élu à sa place Olexandre Tourtchinov, ancien patron des services secrets, puis remplacé la Constitution par celle de 2004 en violation des articles 156 et 157. Dans la foulée les députés ont démis le Président de la République Viktor Ianoukovytch de ses fonctions en violation de l’article 111 qui dispose que la Cour constitutionnelle doit être saisie et la procédure d’impeachment respectée. Ils ont ensuite rendu la liberté à Ioulia Timochenko, ancien Premier ministre et milliardaire condamnée à 7 ans de réclusion pour abus de pouvoir. Enfin, le 23 février, le parlement proclame le même Olexandre Tourtchinov président de la République par intérim, en violation de l’article 112 de la Constitution.

Un coup d’état, donc, salué par les puissances occidentales, satisfaites du basculement de l’Ukraine au sein de l’Alliance atlantique.

Les deux évènements ont lieu au cours des olympiades de Sotchi, la marge de manoeuvre russe étant réduite par peur de troubler ses Jeux. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer qu’à l’instar des jeux de Pékin il y a 6 ans durant lesquels le monde a découvert le dossier tibétain par le même type de procédé (des manifestations relayées par les médias du monde entier afin de sensibiliser l’opinion publique sur l’ogre Chinois), l’opposition ukrainienne n’a ressenti le besoin de manifester qu’à l’approche des Olympiades russes...

Une propagande basée sur les mêmes principes

La médiatisation des soulèvements de l’opposition en Ukraine et au Venezuela sont fondés sur les mêmes principes propagandistes : les manifestations des opposants sont qualifiés de "démocratiques", les gouvernants sont accusés de réprimer dans le sang les manifestations et des sanctions sont demandées contre les "meurtriers".

Dans les deux cas, l’élément déclencheur est la mort de manifestants qui permet d’accuser le gouvernement de répression sanglante. Les médias occidentaux s’en donnent alors à cœur joie et n’hésitent pas à reprendre gaiement des images datant de quelques années auparavant pour les besoins de leurs propagande.

par Lahcen Senhaji

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COMMENTAIRES  

27/02/2014 02:02 par act

« Ricardo Zuñiga, ancien dirigeant de la station de la CIA à La Havane où il recrutait des agents pour former l’opposition à Fidel Castro, est actuellement chargé de fomenter la révolte trotskyste au Venezuela... »

L’impression de trébucher à la lecture de ce passage.
Quand Maduro parle de tentative de putsch fasciste, Mr Senhaji comprends trotskyste ?
Lire pareille affirmation sous la plume d’un supposé camarade en 2014, sur LGS, c’est le grand flash back !
Nous en serions toujours là ?
Elle doit bien se marrer la réaction...

Plus troublant l’article nous parle de "trotskystes" au Venezuela mais point de fascistes en Ukraine ?
Ou j’ai manqué un passage après avoir trébuché ?
Car s’il y a bien un point commun, comme l’annonce le titre, ce sont eux et certainement pas les "trotskystes".

Sérieux je me marre rien qu’en imaginant un instant la terrible révélation :
"Vous savez ces gros balaises casqués et en treillis sur les barricades de Kiev ? Ou les tireurs à moto à Caracas ? Bein en fait y’a un scoop : c’est la quatrième qui fait de l’entrisme chez Caprilles, "secteur droite" et svoboda..." ..
Non mais allô quoi !...(Et d’ailleurs Nabila en est !)

En précisant que je n’en suis pas mais qu’il ne faut pas non plus pousser mémé Rosa dans les orties !

Un autre scoop en exclu pour LGS : Trotski à Sotchi !

27/02/2014 09:48 par legrandsoir

Ah, le trotskisme en Amérique latine, c’est toute une aventure. On les a vus s’allier avec l’opposition d’extrême droite au Nicaragua. Ce à quoi les trostkistes français répondaient que ce n’était pas des trotskistes. Ce à quoi les "stals" répondaient "ben voyons". Ce à quoi les "libertaires" hurlaient "ni stalinisme ni trotskisme !". Ce à quoi les orthodixes répondaient "gauchistes". Ce à quoi les gauchistes répondaient "vieux cons". Ce à quoi les vieux cons répondaient "retourne chez tes parents, fainéant". Ce à quoi les parents répondaient "ça va pas non ????".

27/02/2014 18:14 par act

Si de prétendus trotskistes se sont un jour alliés à l’extrême droite, au Nica ou ailleurs, c’est que ce n’en était pas/plus. Dans ce cas on parle de traitres ou d’abrutis.
Un(e) communiste, quelque soit sa nuance (trotskiste, libertaire, stal, situ, etc), qui s’allie avec l’extrême droite n’en est plus et/ou n’en a jamais été sincèrement.
Au même titre que le PS français n’est plus à gauche.

Cela écrit :
1) la "révolte" au Venezuela est menée par l’extrême droite, ce n’est donc pas une "révolte trotskiste".
2) à rester dans une telle logique sectaire et stérile je devrais donc bouder LGS au nom des innombrables trahisons des communistes envers les libertaires ?

Et au fait tant qu’on y est, j’ai beau chercher, je ne trouve pas quand et où les libertaires auraient trahi leurs camarades communistes... ;)

27/02/2014 20:27 par legrandsoir

Et au fait tant qu’on y est, j’ai beau chercher, je ne trouve pas quand et où les libertaires auraient trahi leurs camarades communistes... ;)

Posons-leur la question, ils trouveront sûrement une réponse... ;-)

28/02/2014 14:36 par act

J’en ai déjà interrogé quelques un(e)s sans pouvoir obtenir de réponses autres que : "Attends voir il doit bien en exister, hmm, je reviens vers toi dès que possible..."

Je ne prétends pas qu’elle(’s) n’existerai(en)t pas mais je suis vraiment curieux de savoir où et quand ?
Car les cas opposés, de Kronstadt à l’Espagne en passant par l’exclusion des libertaires de la 1er internationale, sont légions.

28/02/2014 14:44 par Emilio

on a bien vu des libertaires qui se pretendaient comme tels , defiles aux cotes des Capriles il y a quelques annees ... des fils de petits bourgeois qui ne depassent jamais la dizaine non plus.. des trotskystes s alliant et participant au gouvernement neo con de Carlos Menem en Argentine ... quelques centaines ... bref des epiphenomenes qui tombent vite dans les oubliettes de l histoire .

01/03/2014 06:45 par Totor

C’est dans ce contexte que surgissent aujourd’hui ces manifestations soutenues par les États-Unis et ses alliés européens, par peur de voir l’Ukraine et ses 603 700 km² abritant la plupart des gazoducs russes rejoindre les rangs soviétiques .

"soviétique" est ici un adjectif bien mal choisi !

01/03/2014 12:41 par act

"soviétique" est ici un adjectif bien mal choisi !

Mais tellement révélateur, un lapsus que je n’avais pas relevé mais qui confirme l’impression provoquée par cette mise en accusation des "trotskistes" d’un autre age.

Un détour sur le blog de l’auteur peut renforcer cette impression, un autre article sur le Venezuela explique que le "chavisme se met en danger" , entre autre par le choix "par défaut" de Maduro "ex-chauffeur de métro et syndicaliste d’inspiration maoïste" comme successeur de Chavez.

Tout est clair maintenant , ce qui secoue le pays c’est un clash des titans entre trotskistes et maoïstes !
Capriles n’y survivra pas...

A l’auteur : Vos analyses sont pourtant pertinentes sur bien des points, dommage -voire étrange- que vous participiez ainsi à maintenir de vieilles rancœurs qui divisent la gauche, particulièrement déplacées en ces temps où il nous faut construire un nouveau rapport de force.
BàV

01/03/2014 12:57 par act

@Emilio : il y a même des "libertariens" qui se prétendent libertaires !
Ou encore des nazis qui affichent Castro, Lumumba ou le Che sur leurs sites.
Si on peut éventuellement comprendre que certains manquant de culture politique peuvent se laisser abuser,
c’est inacceptable de la part d’un camarade.

Un "libertaire" ou un "trotskiste" qui s’allie avec la droite ou l’extrême droite démontre qu’il n’était qu’un imposteur.
Persister à le désigner comme ce qu’il n’est pas est une insulte envers les camarades qui le sont sincèrement.

Plus encore envers ceux à qui ces termes ont couté la vie.

Bien à toi.

01/03/2014 19:01 par Eric

@act

demandez donc à Romain Mingus au sujet des trotskistes, il est bien renseigné. Lisez donc son article plus bas, il parle d’un dirigeant affiché trotskiste qui parade contre Maduro. C’est la réalité et c’était pareil avec Chavez.
ceci explique le silence en France et le soutien mou des groupes français quand on parle de la révolution bolivarienne depuis des années et on ne parle pas de Cuba :-)

Eric Colonna

05/03/2014 07:32 par Dominique

Il ne faut pas oublier des mouvements comme le CCI qui défendent ce que j’appelle l’internationalisme des kibboutz. Pour eux, les luttes locales ne méritent pas d’être soutenues car elleirs ne sont que l’expression de la lutte de différentes bourgeoisies et nos des luttes de libération de peuples qui n’existent pas, seule compte la révolution mondiale du prolétariat, et ils ne disent jamais comment, sans luttes locales, ils vont bien pouvoir la faire.

Ils condamnent systématiquement la lutte de libération du peuple palestinien avec des slogans comme "BDS, quelle société civile ?", la révolution cubaine, le Hezbolla, les révolutions bolivariennes, ce qui montrent bien que ce sont les mêmes qui à gauche bloquent toute lutte contre le sionisme en l’assimilant à de l’antisémitisme et tout soutien réel aux révolutions bolivariennes.

Cette gauche là va jusqu’à traiter un juif, Gilad Atzmon, d’antisémite, quand celui-ci montre que la gauche occidentale est presque entièrement verrouillée par le sionisme, ceci jusque dans beaucoup de soi-disant mouvements de soutien à la Palestine. Et c’est cette même gauche qui ne soutiendra jamais non plus les révolutions bolivariennes quitte à se livrer à des gesticulations comme dire "on vous soutient, mais seulement si vous arrêtez d’être ami avec la Chine (ou l’Iran, ou..., jamais Israel)".

05/03/2014 08:19 par Dominique

Pour comprendre l’attitude d’une grande partie de la gauche occidentale envers les révolutions bolivariennes, il faut comprendre l’évolution conjointe de cette gauche et du sionisme. Dés Marx, le développement de la gauche fut avant tout le fait des classes populaires juives. Ce qui ne pouvait qu’amener au clash entre les communistes et l’idéologie de la classe dominante juive, l’impérialisme juif qu’est le sionisme. Après la révolution d’Octobre 1917, la majorité de cadres de cette révolution sont des juifs. Sous Staline aussi.

Le premier kibboutz fut fondé en 1923. Lénine vit d’un oeil bienveillant que des juifs russes partent en Palestine. En 1948, Staline fournit armes, munitions et conseillers militaires aux sionistes. À l’ouest aussi, la gauche a été admirative, et l’est toujours, devant ces kibboutz anarcho-communistes qui allaient "refleurir le désert". Ce qui implique que la gauche a toujours eu une attitude hypocrite vis-à-vis de la colonisation de la Palestine par le sionisme. D’un coté des condamnations de pure forme pour contenter sa base, et de l’autre une admiration sans borne pour le socialisme des kibboutz. À noter que toujours aujoud’hui, alors qu’ils ne représentent plus qu’une très petite partie de la population israélienne, les kibboutz, après avoir donné des bandes de terroristes et d’assassins comme l’Irgoun, fournissent toujours une partie très importante des gradés de Tsahal.

Comprendre cela permet de comprendre l’attitude de la gauche occidentale non seulement vis-à-vis du sionisme, et là Dieudonné même si je ne partage pas son idéologie à mis les pieds dans le plat d’une façon remarquable, mais aussi vis-à-vis des révolutions bolivariennes, de Cuba, de la Corée du nord, de l’Ukraine, de la Libye de Kadhafy, de BHL, et de tant d’autres problématiques où elle est totalement à coté de la plaque en s’alignant à 110 % sur l’idéologie de la classe dominante.

Ce n’est pas une théorie du complot, les faits sont là. Une grande partie de la gauche, et ceci toutes tendances confondues, est pro-sioniste, et comme le sionisme n’est jamais que de l’impérialisme juif, lequel n’est rien d’autre que l’idéologie de la classe dominante juive, cela signifie que quoi qu’elle dise dans ses discours pseudo-marxistes, une grande partie de la gauche ne fait que défendre l’idéologie dominante, l’idéologie de la classe dominante.

Face à cela, il y a un moyen simple pour s’y retrouver. Des paroles ne sont que des paroles, des actes sont des preuves par l’acte. La révolution ne sera jamais que l’union des luttes locales. Une lutte qui s’inscrit dans et favorise cette union des luttes et la solidarité entre les luttes est une lutte progressiste et elle doit être soutenue. Les autres luttes ne méritent au mieux que le mépris et au pire doivent être combattues.

Par exemple, un soi-disant gauchiste qui conditionne son soutien aux révolutions bolivariennes à telle ou telle condition ne fait que démontrer qu’en pratique, preuve par l’acte, il ne soutient pas ces révolutions. Il est donc un traître.

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