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Stratégie paramilitaire et guerre économique : la Colombie comme archétype

En Colombie, l’oligarchie n’est pas favorable à un changement de modèle de développement, ni à une réforme agraire, ni au respect de la souveraineté alimentaire ; parce que c’est dans le modèle actuel qu’elle s’enrichit, sur le dos du peuple.

La tronçonneuse et la diplomatie

En Colombie, la terreur d’État vise à déplacer les populations et à les soumettre : elle continue en 2015. Lorsque nous parlons de Terreur d’État en Colombie, il s’agit de niveaux d’horreur qui impliquent que l’instrument paramilitaire commet des massacres en démembrant des personnes avec des tronçonneuses. Plusieurs paramilitaires ont confessé qu’ils utilisent des crématoires où ils brûlent leurs victimes vivantes, des élevages de caïmans nourris avec des disparus, des empalements, des viols collectifs et autres aberrations.

Les victimes qui ont survécu témoignent des tortures les plus atroces. Les massacres sont commis avec la participation et la totale collaboration de l’armée. Il y a des cas terriblement évidents comme le massacre de Mapiripán, dans lequel les paramilitaires furent emmenés par les avions de la force aérienne du nord vers le sud de la Colombie, afin qu’ils commettent des viols et démembrements contre la communauté de Mapiripán pendant 10 jours ; tandis que l’armée empêchait les victimes de s’enfuir : 60 paysans furent dépecés. Le général Uscátegui avoua que son travail était d’assurer le massacre et, pour cela, de combattre la guérilla des FARC qui essayait de rompre le siège militaire pour aider la population.

Des milliers de cas attestent que le paramilitarisme est une politique d’État, et mettent en évidence l’action conjointe militaire et paramilitaire : comme le massacre de Cacarica quand, entre autres atrocités, les militaires et les paramilitaires jouèrent au football avec la tête du leader communautaire Marino López, obligeant la population à assister à l’horreur. Le massacre du Salado est un autre exemple : les paramilitaires torturèrent et tuèrent 80 personnes pendant qu’un hélicoptère de l’armée survolait le village tout en tirant contre les paysans pour éviter leur fuite, le tout en musique, car les assassins amenèrent avec eux un groupe qui joua pendant les tortures.

Les femmes furent violées et coupées de manière à laisser une empreinte de peur dans la mémoire collective. Le massacre d’une famille d’Awa à Tumaco, est un autre exemple de la terreur d’État : des douze victimes, cinq étaient des enfants, dont un bébé de 8 mois. La mère de famille avait osé dénoncer l’armée. La massacre de Mulatos San José de Apartadó fut une autre massacre aux mains de l’armée et des paramilitaires : 8 personnes y furent assassinées à la machette, dont 3 enfants de 2, 5 et 11 ans. Les assassins déclarèrent que ces enfants seraient devenus des guérilleros s’ils les avaient laissés en vie.

Les stratégies employées contre le peuple colombien, affûtées par les “formateurs” états-uniens et israéliens, sont également employées dans d’autres pays comme méthode de contrôle social, contre-insurrection ou sabotage : on le voit au Mexique, au Honduras, au Pérou, et même au Venezuela où l’oligarchie fait de plus en plus usage du paramilitarisme.

Un autre exemple de comment l’État colombien est disposé à tout pour servir le grand capital, ce sont les “faux positifs” : ce sont des assassinats de civils perpétrés par l’armée, qui présente ensuite leurs cadavres comme des “guérilleros abattus au combat”. Ces cadavres sont utilisés dans la guerre psychologique : les médias les exhibent en permanence, c’est la “dissuasion par la terreur”. Il y a au moins 5,700 assassinats de civils documentés comme “faux positifs”, parmi lesquels de nombreux enfants : c’est une pratique systématique de l’armée colombienne.

Une pratique qui continue en 2015. Malgré l’horreur pratiquée par l’armée colombienne contre le peuple colombien, les diplomates du gouvernement colombien continuent de faire bonne mine, pendant qu’ils offrent le pays aux multinationales : tout est sous contrôle tant que les grandes fortunes, ces parrains du monde capitaliste, y trouvent leur compte.

Pour parvenir à la paix en Colombie, il faudrait que cesse la stratégie de Guerre Sale mise en œuvre par l’État, et effectuer des changements structurels dans le modèle économique qui garantissent à tous une vie digne. Ces changements ont été réclamés lors des Pourparlers, tant par la guérilla que par les revendications que le peuple colombien a envoyé à La Havane. Les différents pourparlers entre la guérilla et l’État ont toujours été tronqués quand le gouvernement devait concrétiser des changements structurels.

Le capitalisme transnational n’acceptera pas que se transforme le modèle d’économie d’enclave que subit la Colombie, qui garantit aux multinationales un enrichissement vertigineux par l’exploitation minière et l’exploitation des travailleurs. Ce sont là des thèmes indispensables pour le peuple : il y a des contradictions de classe fondamentales.

Dans les dialogues de La Havane on a pu connaître les propositions politiques de la guérilla, portant sur une infinité de thèmes ; une documentation très intéressante qui a pourtant été ignorée par les grands médias. Et, il faut bien le dire, peu diffusée par les médias alternatifs internationaux. Cela se doit, peut-être, à ce que la désinformation imposée par les médias du capital, a laissé sa trace de préjugés et confusions.

Les dialogues ont aussi été couverts sur le mode évènementiel par les médias des pays non alignés, se contentant de publications sommaires qui ne rentrent pas au fond du sujet : le contenu des propositions politiques. Ces médias alternatifs internationaux sont pourtant ceux qui pourraient amener un ballon d’oxygène informatif à un peuple soumis à la terreur d’État.

De nombreux penseurs critiques ont été assassinés par l’État colombien, comme ce fut le cas du professeur Correa de Andreis, du professeur Freytter Romero, de l’avocat de prisonniers politiques Carlos Salvador Bernal, du journaliste Clodomiro Castilla, etc. Face à la persécution, un nombre important de penseurs critiques choisissent le chemin de la clandestinité et intègrent les guérillas.

La supercherie du « tous se valent »

La supercherie du « tous se valent », avec son concept diffus d’« acteurs armés », prétend inclure dans le même sac : d’une part, le Terrorisme d’État planifié pour garantir le saccage capitaliste, et développé sous la doctrine de l’ennemi interne, avec une stratégie paramilitaire et l’appui étatsunien ; et d’autre part les mouvements populaires constitués en guérillas qui ont de claires revendications politiques contre le saccage capitaliste. L’USAID prétend imposer cette supercherie moyennant son privilège dans les médias, le financement d’ONG, et l’extermination de la pensée critique.

Des milliers de penseurs critiques ont été victimes de disparition forcée ; d’autres ont été incarcérés comme la sociologue Liliany Obando, le journaliste Freddy Muñoz (de Telesur), le professeur Miguel Ángel Beltrán, accusé d’être un « idéologue » des FARC, simplement parce qu’il avait entrepris une investigation académique portant sur la guérilla. D’autres penseurs critiques ont dû s’exiler. L’oligarchie criminalise l’étude de ce qui fait entièrement partie de l’histoire d’un peuple.

Pendant l’actuel processus de Pourparlers, les FARC ont démontré leur volonté politique avec des faits concrets comme une trêve unilatérale qui a duré 5 mois, pendant que l’État continuait la guerre. De plus, les communautés paysannes dénoncèrent que les militaires et paramilitaires profitèrent de la trêve de la guérilla pour agresser les paysans dans des zones où ils n’osaient pas pénétrer avant la trêve. La trêve Unilaterale prit fin en mai 2015, après le massacre de 27 guérilléros par l’Etat Colombien qui bombarda un campement de la guérilla, puis assassina les blessés en leur tirant à bout portant pendant que ceux-ci demandaient de l’aide. Deux Délégués de Paix de la guérilla ont déjà été assassinés par l’Etat colombien.

Le Terrorisme d’État monte en escalade sous les auspices du parrain étasunien. Plusieurs participants aux forums thématiques qui se déroulent en Colombie, ont aussi été assassinés ou ont été disparus par le binôme militaire-paramilitaire, d’autres ont été incarcérés.

La guerre économique est le premier bourreau du peuple colombien

Les Colombiens désirent une paix qui passe par la justice sociale. Tant que la situation actuelle de saccage et d’exploitation perdurera, il n’y aura pas de paix véritable pour le peuple, vu que celui-ci continuera à être victime de la misère, de l’exclusion, de la mortalité par des maladies curables, de la mortalité de faim, et de la répression systématique de la part des exploiteurs. La guerre économique est le premier bourreau du peuple colombien ; la seconde cause de victimes est la Guerre Sale exercée par l’État lui-même et ses appareils répressifs officiels et paramilitaires : ce sont là des réalités documentées, sur lesquelles toutefois se taisent les médias d’aliénation massive.

Cecilia Zamudio

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