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Révolution ? Quelle révolution ? (réponse à Marc Saint-Upéry, auteur de "Le rêve de Bolà­var. Le défi des gauches sud américaines")

La position de Saint-Upéry sur la gauche en Amérique Latine est quelque peu déconcertante (1). Au lieu de commencer par analyser la situation politique actuelle et les différents modèles de transformation en marche, il commence par diagnostiquer les motifs irrationnels qui ne peuvent que guider ceux qui sont en désaccord avec lui. Il commence en effet par expliquer le mobile émotif pour lequel quelques militants de la gauche européenne cherchent toujours leurs référents mythologiques dans des personnages latino-américains (comme le Ché ou Chà vez). Cette attitude infantile et mythomane (le "fétichisme" de la "mythologie militante") s’expliquerait à son tour par l’"exotisme familier" sous lequel ils perçoivent en général l’Amérique Latine et qui leur fait projeter tous leurs désirs, nostalgies ou fantasmes sur cette terre exotique (à laquelle les relie le substrat latin et catholique de la parenté linguistique).

Après ce diagnostic des causes pathologiques de l’admiration pour Evo Morales, pour Rafael Correa et pour Hugo Chà vez, vient, là oui, une thèse politique : au Venezuela, en Bolivie et en Équateur il n’y a aucune révolution en marche ; on n’y trouve aucun changement structurel véritable ; en réalité, on n’y trouve qu’une hyperinflation rhétorique capable d’alimenter cette mythomanie de la gauche européenne. De fait, St-Upéry soutient que "la Révolution bolivarienne se résume à une couche de peinture rouge sur le modèle de capitalisme rentier d’État" ; couche de peinture qui, d’ailleurs, est en train de "s’écailler". Par contre le Brésil de Lula ou l’Uruguay de Tabaré sont des endroits où ont eu lieu des changements significatifs mais auxquels on s’intéresse moins parce qu’ils n’entrent pas dans ce mécanisme de construction de mythes.

Face au diagnostic clinique initial, il ne nous reste qu’à pratiquer le soupçon envers nos propres convictions : car nous-mêmes avons récupéré une bonne part de l’illusion grâce à la "Révolution bolivarienne" ; nous mêmes plaçons dans ces processus de grands espoirs quant à l’émancipation de l’Amérique Latine. Mais pourquoi ? Serait-ce parce que nous souffrons de la pathologie décrite par Saint-Upéry ? Serions-nous les victimes d’une illusion causée par notre propre mythomanie infantile et gauchiste ? Face à ces doutes, la moindre des choses est de redoubler la vigilance.

Car après tout, une fois cette symptomatologie établie, tout anormal que soit le procédé de faire passer l’examen pathologique avant l’étude des faits, qui sait ? Peut-être qu’en effet au Venezuela aucun changement significatif ne s’est produit et qu’en Équateur non plus. Au-delà des excès rhétoriques, au-delà des harangues enflammées, peut-être ne s’est-il rien produit du tout (ou en tout cas, rien qui vaille la peine comparé au Brésil de Lula ou au Chili de Bachelet). Et il se pourrait, en effet, que notre appui ne soit que la conséquence des projections de nos fantasmes. Après tout, la gauche radicale n’a-t-elle pas tendu à projeter des illusions qui n’en finissaient pas de devenir réalité ?

Certes, on se sent conforté un tantinet dans sa position politique à voir la fureur avec laquelle, par exemple, le Département d’État nord-américain, les oligarchies locales ou les transnationales médiatiques, tellement plus pragmatiques et moins idéalistes que nous, attaquent avec acharnement cet axe de transformation.

Saint-Upéry lui-même a été capable de détecter le "délire" de certains au sujet de la soi-disant "dictature" de Chà vez et des tentatives de le renverser. Aussi, même si le diagnostic clinique de Saint-Upéry fonctionnait pour expliquer ce que la gauche défend dans la révolution bolivarienne, il resterait à répondre à la question : qu’est-ce que la droite y attaque ?

Si nous ne défendons en effet que nos fantasmes, qu’est-ce qui motive donc la fureur des autres ? Celle-ci ne serait-elle que le négatif de la mythologie guévariste ? Pourquoi dépenser tant d’énergie, tant de ressources pour détruire une simple coquille rhétorique ? Tiendraient-ils en si piètre estime leur propre bilan comptable ? En quoi Hugo Chà vez leur est-il insupportable ? Pourquoi de grands médias comme le Groupe Prisa ont-ils dilapidé leur prestige dans la défense du coup d’État d’avril 2002 ? Pourquoi les oligarchies locales se sont-elles lancées dans cette conspiration puis dans des grèves et des sabotages qui ont ruiné des centaines d’entrepreneurs ?

Comment expliquer qu’elles ont trouvé tant d’appui politique, financier et médiatique de la part de grands groupes économiques ? N’est-il pas un peu étrange que Saint-Upéry soit le seul à s’être rendu compte, à droite et à gauche, de ce qu’ici rien ne se passe en définitive, que tout n’est qu’"une couche de peinture rhétorique, qui va s’écaillant" ?

Malgré une vigilance redoublée vis-à -vis de nos propre mythes, nous ne pouvons écarter le soupçon de ce qu’au Venezuela, en Bolivie et en Équateur quelque chose doit se passer qui soit suffisamment réel pour enthousiasmer toute la gauche et indigner toute la droite. Peut-être que Saint-Upéry devrait prendre un peu plus de précautions. C’est à tout le moins audacieux d’échafauder une analyse politique sur ce seul postulat que la gauche radicale souffre de mythologie fétichiste infantile et que la droite est victime d’une paranoïa incontrôlable (tout aussi infantile), sans base réelle qui la supporte.

Car s’il est avéré qu’au Venezuela il se passe quelque chose qui enthousiasme la gauche et qui indigne la droite, ne nous faut-il pas, dès lors, nous interroger : que se passe-t-il ? Si quelqu’un, pour autant qu’il s’y efforce, (en supposant bien sûr qu’il le fasse honnêtement) n’arrive pas à discerner quoi que ce soit, peut-être devrait-il commencer à soupçonner à son tour qu’il souffre de quelque problème de vision. La modestie n’est certes pas la vertu la plus répandue parmi les intellectuels. Le postulat qui veut que tout le monde, à gauche comme à droite, ait perdu la raison, exprime peut-être un brin d’arrogance.

Soit. Qu’est-ce qui pourrait donc bien se produire au Venezuela, en Bolivie et en Équateur ?

Pour commencer, trois républiques se refondent du point de vue juridique, en établissant des Constitutions progressistes qui sont à la source de tout un courant novateur du constitutionnalisme latino-américain Fait que Saint-Upéry méprise complètement en n’y lisant qu’une pure "mystique refondatrice" : "cette idée qu’il faille refonder symboliquement la république ou la nation sur de nouvelles bases".

Bien sûr toute refondation d’un État comporte un élément symbolique fondamental. Couper la tête du Roi de France a une forte portée symbolique et n’en constitue pas moins un de ces événements qui changent pour toujours l’Histoire de l’Humanité. Au Venezuela c’est la IVème République qu’on a mise à mort. Il est vrai que transformer l’ordonnancement juridique et changer les règles du jeu ne signifie pas, pour autant, gagner la partie. Mais la réalité se construit aussi avec des symboles dont il faut savoir détecter les puissants effets.

La mort de la IVème République aurait pu n’être qu’un fait symbolique, puisque l’appareil d’État et le système complet de l’administration publique sont restés (et restent encore en grande partie) intacts. Mais l’explosion d’enthousiasme avec laquelle des millions d’exclus ont accédé à la condition citoyenne a supposé un de ces événements que l’Humanité ne peut oublier (et, comme le disait Kant de la Révolution française, dans ce sens au moins, implique un point de non-retour dans l’Histoire). Le processus constituant par lequel des millions d’oubliés et de marginalisés accédèrent à la condition citoyenne engendra une impressionnante explosion de dignité dont on s’étonne que les effets actuels, réels, ont échappé à Saint-Upéry.

Sans doute est-il difficile de concevoir pour l’intelligentsia de gauche européenne l’authentique révolution que suppose l’accès à la participation politique de millions de personnes qui stagnaient jusque là dans un statut infra-civil.

C’est un phénomène courant dans notre monde que de se situer "en marge de la politique" : la méfiance vis-à -vis de l’activité des partis, la farce de la vie parlementaire ou l’apathie qui marque les rendez-vous électoraux (sans parler de pures postures esthétiques) font que beaucoup de citoyen(ne)s se sentent "en marge" des affaires publiques. Cependant nous sommes ici face à un phénomène complètement différent. Pour des milliers de personnes en Europe, la vie politique manque de dignité suffisante pour mériter de s’y impliquer. Alors que dans la IVème République vénézuélienne, des milliers de personnes se sentaient d’une certaine façon indignes de participer aux affaires publiques.

Les élites qui se relayaient au pouvoir paraissaient avoir remporté une grande bataille idéologique : la politique était une affaire de diplômés, de docteurs, pas d’ignorants, de nègres, d’indigènes, d’analphabètes, d’êtres dépenaillés, d’édentés. L’oligarchie caraquègne ne voyait dans les collines couvertes de baraques pauvres ceinturant la ville qu’une menace dont il fallait se protéger. Quelque chose comme une immense nuée d’insectes, lourde d’une menace permanente ; une périlleuse fourmilière, une masse informe qui pouvait tout raser sur son passage. C’est ainsi que fut perçu le Caracazo de 1989. On fit appel à l’armée comme à l’insecticide.

Ce à quoi nul ne s’attendait était que cette menace puisse se doter d’une forme politique. Ceux qui s’y attendaient le moins étaient les exclus eux-mêmes. Victimes eux-mêmes des représentations idéologiques des élites, ils avaient fini par assumer comme naturelle leur condition infra-civile.

La première chose qu’apporta la révolution fut une authentique reconquête de la dignité citoyenne. Tout le monde se mit à faire partie d’un corps civil qui prend aujourd’hui part aux affaires publiques, confronte des positions idéologiques, discute de lois et participe de plein droit à la vie politique du pays. Le dernier des déguenillés du plus lointain des bidonvilles, en assumant la participation et le "protagonisme" que lui reconnaissait soudain la Constitution, adopta une position politique contraire, par exemple, à celle du magnat Gustavo Cisneros. Mais le fait d’adopter des positions politiques contraires présupposait déjà la conquête d’un certain plan d’égalité sur lequel se confrontaient les positions politiques. Cette construction de l’espace politique dont personne n’était exclus supposa en soi une authentique révolution. La formule de la "démocratie participative et protagonique", répétée à l’infini et avec fierté par les secteurs depuis si longtemps humiliés, ne fait que rappeler cet élément-clef de la révolution.

Ce ne fut pas facile. Non seulement il fut nécessaire de recenser des millions de personnes qui, jusque là , n’avaient aucune existence civile, y compris d’un point de vue strictement formel. Il fut aussi nécessaire de vaincre la réaction violente des oligarchies qui refusaient que cette masse de "déguenillés, d’édentés, d’ignorants" les traite en égaux. Leur intégration à l’activité politique, menée par Chà vez lui-même (ce métis d’origine populaire) fut ressentie comme l’invasion d’un domaine privé.

S’il y eut quelque chose d’insupportable pour les classes privilégiées ce fut précisément cette prétention arrogante de permettre que la masse informe des exclus s’intégrât à la vie politique nationale sur un pied d’égalité. Ce "Tiers-État" singulier qui surpeuple les collines fit voler en éclats les "privilèges" symboliques qui les excluait de la vie civile

Il ne faut pas être un prodige de sensibilité républicaine pour appeler cela une authentique Révolution. C’est ce que semble avoir compris l’oligarchie de Caracas avec plus d’acuité que Saint-Upéry. Le travail de sape et de destruction a été systématique sur tous les fronts. Le coup d’État d’avril 2002 fut l’événement le plus visible d’un guerre soutenue qui a connu depuis bien peu de trêves.

Pour comprendre la violence de la réaction des classes privilégiées il faut faire appel à un élément raciste et de classe pour lequel l’inclusion populaire et la participation politique des exclus restent intolérables. Car il est vrai, si l’on prend les termes relatifs de la distribution de la rente qu’il y aurait pu avoir des changements plus profonds ; qu’on aurait pu mener une réforme fiscale plus ambitieuse ; qu’on aurait pu avancer davantage dans la transformation des structures de production ; qu’en dix ans l’entreprise privée nationale a engrangé des bénéfices réellement fabuleux grâce à l’action du gouvernement et aux mesures prises en faveur de la souveraineté nationale. Une perspective de gauche naïve (celle qui ne prend en compte d’autres paramètres que les revenus en termes monétaires), empêche de comprendre la fureur de la réponse de l’opposition. Les affaires n’ont pas si mal marché pour elle. Et cependant il y a depuis le début quelque chose qui lui reste intolérable et qui provient de la structure raciste et, plus que de classe, de ce "statut", que la révolution a fait voler en éclats.

Ceux qu’on croyait n’être qu’une masse informe se sont articulés comme une force politique capable de stopper un coup d d’État ; de répondre à de constantes attaques ; de s’organiser dans leurs communautés et d’exercer le pouvoir (par exemple à travers des outils comme ceux que leur octroie la Loi des Conseils Communaux). Cette organisation populaire ne signe pas de chèques en blanc, pas même au dirigeant qui se trouve à la tête du processus. Ainsi, la proposition de réforme constitutionnelle de 2007 n’a pas convaincu. Elle fut, par conséquent, rejetée (bien que le président lui-même s’était investi à fond dans sa défense). La révolution voulait une citoyenneté active ? La voici. De la même manière la gestion exécrable de certains gouverneurs et maires du processus fut sanctionnée par les électeurs de novembre 2008. Avait-on cessé d’aimer le président ? Peu après, un référendum populaire approuva par 54,85 % son droit de se représenter au suffrage universel. Et lorsqu’on sait que l’Assemblée Nationale a pris un retard de dix ans dans l’approbation de certaines lois fondamentales (comme la Loi Organique du Travail et d’autres relatives à l’articulation du système de Sécurité Sociale) on ne serait pas étonné de voir certains députés "remerciés" lors des élections législatives de 2010.

Le peuple a fait irruption dans la vie politique et c’est ce qui a provoqué l’enthousiasme de la gauche (à l’exception peut-être de Saint-Upéry) et l’indignation de la droite. Le pouvoir est entre ses mains. Cela lui a coûté beaucoup d’efforts après être arrivé au gouvernement. Naomi Klein rappelle que, pendant les premières années du gouvernement de Nelson Mandela, on avait coutume de dire "Eh, nous avons l’État ! Où est le pouvoir ?". Au Venezuela il a été nécessaire de désactiver les forces putschistes et de construire l’organisation populaire capable d’entrer dans la bataille des réformes. Après dix ans de gouvernement on peut dire raisonnablement qu’on possède les ressorts du pouvoir. Et maintenant... tout reste à faire. Tout ? Tout, non, certes. Car pendant ce temps la pauvreté est passée de 20,3% à 9,5% et l’inégalité entre riches et pauvres a diminué de 13,7%. On a garanti une allocation minimale de retraite et on a universalisé l’accès à la santé. En vérité j’aimerais voir Saint-Upéry expliquer à une mère de quartier populaire, dont les enfants seraient morts auparavant (plus maintenant) d’une simple diarrhée faute de disposer d’un médecin à proximité, qu’en réalité ici rien n’a changé. Quelque chose de semblable s’est produit avec l’éducation. L’ignorance humilie la personne qui subit cette condamnation. Au Venezuela non seulement l’analphabétisme a été éradiqué (comme l’a établi l’UNESCO en 2005) mais en réalité, l’ensemble du Venezuela s’est peu à peu converti en une gigantesque école : en 2001 on comptait 6,9 millions étudiants inscrits ; en 2002 ce chiffre est passé à 9,5 millions. En 2004 il y avait 11,3 millions de personnes dans les classes ; chiffre qui a augmenté à 11,8 millions en 2005 et à 12,1 millions en 2006. En 2007, il y avait 12,7 millions d’étudiants et à l’heure actuelle nous nous trouvons dans un pays dans lequel plus de la moitié des 26 millions d’habitants étudie !

La vérité est que, personnellement, nous n’avons pas d’idées plus originales pour faire une révolution que de garantir l’accès universel aux conditions de subsistance et de santé ; d’ouvrir les espaces de participation politique généralisée (par le biais d’initiatives aussi réussies que les Conseils communaux) et de permettre l’accès massif aux écoles. Peut-être est-ce par manque d’imagination si rien d’autre ne nous passe par la tête. Mais ce qui est sûr c’est que le peuple vénézuélien prendra d’autres initiatives pour développer le projet socialiste. Et Saint-Upéry peut en être certain : toute proposition concrète qui permet d’avancer sera reçue avec chaleur et gratitude. Mais on ne serait pas vraiment surpris si les mesures concrètes qu’il propose ne suscitent au Venezuela qu’un accueil mitigé. Parce que, en définitive, sa proposition la plus concrète est précisément que nous fassions des propositions concrètes, ce qui est une proposition aussi abstraite que celle du socialisme du XXIème siècle qui l’amuse tant. Certes, il nous fait d’autres propositions : "l’émergence de nouvelles configurations de stimulants économiques et moraux et de nouvelles formes institutionnelles enracinées dans des pratiques organisationnelles et matérielles durables" ; "ce que la politique peut faire sous l’influence d’une lutte des masses est d’augmenter le degré de contrôle de la société sur elle-même et de nous éviter une régression sous un seuil civilisationnel qui constituerait un obstacle à toute transition postcapitaliste qui n’aille pas vers la barbarie" ; "générer et appuyer tout schéma de redistribution de la richesse à moyen et à long terme qui soit économiquement durable, institutionnellement bien construit et qui ne repose pas seulement sur les illusions miraculeuses du modèle rentiste-extractiviste" ; "continuer l’effort de combattre toute forme de racisme ou de discrimination et de décolonisation de l’imaginaire et des institutions pour surmonter 500 ans de subordination mentale et matérielle" ; "approfondir l’intégration continentale et stimuler un rôle international actif de l’Amérique du Sud en tant que bloc sur la base de propositions non symboliques mais pratiques, c’est-à -dire créatrices de coalitions efficaces et de consensus alternatifs, qui visent à réformer l’architecture institutionnelle et les normes des relations politiques et économiques internationales". Toutes les propositions expriment de pieux désirs aussi abstraits que de demander la justice, la bonté, la beauté, le courage, la force et le caractère. Si l’une de ces propositions nous semble un peu plus concrète (comme la dernière), c’est sans doute parce que Chà vez a déjà créé l’ALBA, la Banque du Sud, Petrocaribe, le SUCRE, etc. (bien que Saint-Upery oublie soigneusement de nous le rappeler).

Il n’est pas difficile de comprendre la différence qui sépare le fait de détecter un problème de celui de trouver la solution. Il suffit par exemple que notre machine à laver tombe en panne pour que nous comprenions qu’il ne suffit pas de déclarer sur un ton grandiloquent qu’il "serait recommandable d’adopter les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elle recommence à fonctionner". Recommandables, "les pratiques organisationnelles et matérielles durables" et l’idée d’"augmenter le degré de contrôle de la société sur elle-même" ? Faut-il impulser la "redistribution de la richesse" ? Est-il recommandable de "combattre toute forme de racisme et de discrimination" ? La longue liste de mesures concrètes adoptées durant ces dix années pour chacun de ces points permet raisonnablement de supposer que la conscience des problèmes existait bien avant l’illumination de Saint-Upéry. Il est vrai que certaines mesures ont donné de meilleurs résultats que d’autres. Mais si nous voulons vraiment pratiquer une "solidarité active avec des processus de transformation (sans les fétichiser) nous ne pouvons nous limiter à découvrir la Méditerranée en indiquant avec emphase les problèmes auxquels toutes et chacune de ces mesures ont tenté d’apporter une solution (avec plus ou moins de succès). Il est fondamental que la littérature se poursuive mais, s’il vous plaît, que quelqu’un appelle le technicien entretemps.

Luis Alegre Zahonero & Santiago Alba Rico

(1) Voir par exemple l’entrevue accordée à Article XI le 22 octobre sous le titre "Pratiquer une solidarité active avec certains processus de transformation sans les fétichiser" : http://www.article11.info/spip/spip.php?article583

Original publié par Rebelión, le 23-11-2009 :
http://www.rebelion.org/noticia.php?id=95705

Les auteurs :

Luis Alegre Zahonero, philosophe espagnol, est notamment l’auteur avec Carlos Fernández Liria de "Comprendre le Vénézuela, Penser la démocratie". Ed. HIRU 2006, 160 p.. Titulaire d’un Diplôme d’àˆtudes Avancées pour "le Capital de Marx". Appartient depuis 1992 a diverses organisations politiques de gauche. Chercheur à Paris-X, au King’s College de Londres et actuellement à l’Université Complutense de Madrid où il enseigne les matières de "Ontologie et Anthropologie".

Santiago Alba Rico a étudié la philosophie à l’Universidad Complutense de Madrid. Essayiste ("Dejar de pensar", "Volver a pensar", "Las reglas del caos", "La ciudad intangible", "El islam jacobino", "Capitalismo y nihilismo"), il parcourt le monde arabe depuis 1988. Traducteur du poète égyptien Naguib Surur et du romancier irakien Mohammed Jydair. Au Venezuela a publié avec Pascual Serrano "Medios violentos (palabras e imágenes para la guerra)".

Traduction : Thierry Deronne, pour http://www.larevolucionvive.org.ve/spip.php?article827&lang=fr

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