Refuser la "Macron-braderie" !

Certains disent qu’il s’agit d’un projet de loi « fourre-tout ». En apparence peut être. Mais le texte dit « Pour la croissance et l’activité » ou « projet Macron » est d’une grande cohérence. Il s’inscrit totalement dans les injonctions de « contre réformes » structurelles réclamées par des instances internationales comme l’OCDE ou le FMI, le G20, par le Conseil européen qui pour permettre au capitalisme de se déployer dans sa propre crise, insistent pour abaisser sans cesse et partout les droits des travailleurs.

Il est un décalque parfait du « Pacte Euro plus » signé en 2011(1) par M. Sarkozy et Mme Merkel. Le cap général vise à détruite les règlements existants sur les « marchés » de biens et de services, sur le travail et les systèmes de protection sociale et de retraite.

Il n’est pas anecdotique que ce soit le ministre de l’économie, ancien banquier qui tente de faire changer des législations qui relèvent d’autres ministres, comme ceux du travail, de la justice, du commerce ou de l’artisanat, des transports, du logement. Le projet gouvernemental vise à modifier des pans importants de notre droit du travail : travail du dimanche élargi à la possibilité de douze dimanches travaillés par an, travail de nuit modifié, facilitations des licenciements, allongement du temps de travail, juridictions prud’homales mises en cause, inspection du travail affaiblie, médecine du travail dénaturée. Il veut aussi introduire les logiques marchandes dans des professions qui étaient jusque là protégées, non pas pour diminuer les tarifs mais pour les livrer à de grands consortiums capitalistes anglo-saxons.

On vient d’en avoir un exemple scandaleux contre les taxis en ouvrant la porte à une grande société de taxis, utilisant des chauffeurs en dehors de notre droit du travail. Notons qu’à chaque plan de la Troïka (2) dans un pays européen, il est exigé le démantèlement de professions comme les notaires, les avocats, les pharmaciens. Le transport privé en autocar nous est présenté comme une révolution alors qu’il s’agit d’organiser la concurrence avec le rail. Passons sur ce faux argument du prix qui va diminuer, dont on a pu mesurer la justesse avec l’exemple de l’ouverture à la concurrence du gaz et de l’électricité. Comment dire vouloir diminuer les accidents de la route et multiplier le nombre de cars roulant le week-end ? Comment vouloir agir contre la pollution et le réchauffement climatique et étouffer le rail ? On se souviendra longtemps qu’un gouvernement socialiste tente de rétablir pour les pauvres une troisième classe dans le mode de transport le moins sûr ! Et ce texte prévoit aussi la vente de biens publics comme des aéroports régionaux pourtant rentables à des fonds étrangers, et ce qui reste de nos industries d’armement. Comme cela semble devenu la règle, les grands médias et les forces de l’argent s’efforcent de cacher la violence de la cohérence de ce projet qui constitue un saut supplémentaire, visant à étendre la sphère d’activité du capital pour y capter de nouvelles possibilités de profits.

Tout progressiste, tout socialiste et même nombre de républicains devraient encore méditer cette proclamation de Lionel Jospin lorsqu’il était Premier ministre : « Je suis pour une économie de marché. Je ne suis pas pour une société de marché ». Or, avec le projet Macron, nous y entrons. Il organise l’envahissement des logiques marchandes dans toute la vie sociale, la vie familiale, les temps de repos, l’éducation, les renforce dans les transports, dans le travail, la santé. Aucun espace temps ne serait soustrait à la consommation, valeur reine d’une société mercantile et de l’obsolescence programmée avec une mise à disposition de tout un chacun au marché roi. Pas même le temps du dimanche ne serait épargné. Pas même celui que l’on consacre à soi-même, aux siens, où l’on prend de la distance avec ce qui rythme le quotidien. Ce temps hors travail, parfois consacré aux autres, au bien commun, ce temps bien mérité après une semaine d’activités professionnelles et de transports souvent harassants. Consacrer ses dimanches à pousser son chariot dans les allées d’un supermarché en ayant son gamin à l’intérieur, ne constituera jamais un projet de société viable et harmonieux. Comment peut-on faire croire que c’est en intégrant le dimanche dans la semaine de travail que l’on va créer des quantités d’emplois, alors que par ailleurs on réduit le pouvoir d’achat des ménages et que près de huit millions de nos concitoyens voudraient bien travailler en semaine ? Ouvrir les magasins le dimanche en continuant de fermer usines et bureaux la semaine, tel est le choix d’une société du chacun pour soi, une société de plus en plus invivable. Elle a ses théoriciens, avec Jacques Attali qui présidait la commission mise en place par Sarkozy, et comme sociétaire Macron lui-même. C’est le grand mélange à l’œuvre entre droite et fractions socialistes sur le thème de la politique unique. A la fin, seul le capital gagne. Le projet de M. Attali, présenté comme le grand penseur des temps nouveaux sur la nouvelle conception de l’existence est d’une simplicité confondante : il suffirait « d’être soi même », de « créer soi même son emploi » pour trouver dans cette marchandisation généralisée le « bonheur ». L’auteur d’un ouvrage remarqué sur Marx qui en vient à proposer que chacun devienne son propre exploiteur. On croit rêver ! Le Medef jubile ! Cela se comprend. Dans un monde où l’argent circule sans entrave à la vitesse de la lumière pour spéculer là où il pense en retirer profits instantanées, comme l’abeille butine de fleur en fleur pour en retirer le nectar, la logique de la loi Macron est de faire admettre que plus rien ne doit échapper à la loi du marché capitaliste et à sa recherche de plus-value, extorquée du travail et de la consommation. Ni l’organisation du temps de la semaine, ni les infrastructures d’un pays. Pour y parvenir, la prétendue loi naturelle du « marché capitaliste » prime sur la souveraineté des individus, leur organisation collective fondée sur l’idéal d’émancipation, condition de l’exercice de la citoyenneté. Elle prime aussi sur la souveraineté nationale, bradée sur l’autel décrépi des instances européennes et sur celui encore plus grand des intérêts privés, y compris étrangers, comme on le voit avec la vente d’une partie d’Alsthom aux américains de Général Electric ou de l’aéroport de Toulouse aux capitaux canadiens et chinois. Jusqu’aux industries d’armement proposées à la salle des ventes des rapaces de la finance internationale.

En cela les fondements de la République sont gravement fissurés, cette République sociale et solidaire dont la force était de garantir la souveraineté de la Nation et celles des individus, de protéger les citoyens contre le fait accompli de la loi du plus puissant, de la concurrence de plus en plus faussée. La loi Macron porte une certaine idée de la société et des êtres humains. Ce ne peut être la nôtre. Son sens et ses conséquences doivent être étudiées, décryptées, débattues dans des ateliers citoyens, dans les usines, les magasins, les bureaux, les quartiers.

Au nom de la République et d’une certaine idée du progrès humain, unissons-nous pour la rejeter.

(1) Ceci a fait l’objet du livre Le pacte des rapaces (2011)

(2) Troïka – alliance commission européenne, FMI, Banque centrale européenne pour imposer les plans d’austérité.

 http://patrick-le-hyaric.fr/refuser-la-macron-braderie/

COMMENTAIRES  

23/12/2014 15:19 par Beyer Michel

Je suis toujours surpris par les démonstrations magistrales de P.Le Hyaric qui dénonce, chaque semaine dans l’HD, la nocivité de la politique européenne. Mais qui ne va pas au bout de sa démarche, en maintenant l’illusion d’une possible "Europe sociale".
P.LE Hyaric nous dit " que les fondements de la République sont gravement fissurés, cette République sociale et solidaire dont la force était de garantir la souveraineté de la Nation".
Cette souveraineté ne passe-t-elle pas, en priorité, par la monnaie ?

23/12/2014 19:33 par Dwaabala

Je suis toujours surpris que les réflexions de P. Le Hyaric soient toujours .suivies d’au moins un commentaire aigrelet quand ce n’est pas perfide.
Le passage à l’euro a déjà coûté assez cher au pouvoir d’achat populaire pour que le retour au franc ne puisse être considéré (avec quelques autres idées qui enflamment les imaginations) comme la panacée. .

23/12/2014 20:45 par Beyer Michel

@ Dwaabala,

Je ne pense pas le retour au franc comme la panacée, mais considérez avec moi, puisque vous admettez que le passage à l’Euro a coûté assez cher qu’il est plus que temps de réfléchir, sans à priori, à une sortie de cette Europe, pour, peut-être en construire une autre. Chaque fois que ce problème est abordé, les partisans d’une sortie sont accusés de faire le jeu du FN.
A tort ou à raison, je pense qu’il devient urgent d’y réfléchir sérieusement. La catastrophe nous est promise en cas de sortie. Pour moi, la catastrophe est déja là. Vraisemblablement, la sortie se fera automatiquement. C’est un point de vue, je ne l’impose pas à d’autres.

24/12/2014 13:36 par sam

"Le passage à l’euro a déjà coûté assez cher au pouvoir d’achat populaire pour que le retour au franc ne puisse être considéré (avec quelques autres idées qui enflamment les imaginations) comme la panacée."

Quelle est la logique de cette phrase ? Le feu a déjà gagné la maison, il ne faudrait pas en rajouter avec des lances d’incendie ?

Il y a semble-t-il une forme de fétichisme par rapport à cette question, ou alors l’impossibilité de se dédire pour un parti (PC) qui a tourné le dos à ses principes et s’est engouffré dans l’illusion de "l’Europe sociale" ...

24/12/2014 22:59 par Dwaabala

Quelle est la logique de cette phrase ? Le feu a déjà gagné la maison, il ne faudrait pas en rajouter avec des lances d’incendie ?
Il n’y en a strictement aucune, puisque ce qui est à l’ordre du jour, volens nolens, dans la réalité et non pas seulement dans la tête de quelques internautes enflammés pour laquelle tout recours aux pompiers serait inefficace, c’est la préparation en loucedé par les instances européennes du GMT, ou TAFTA.
Avec quelques autres et dans la mesure de leurs moyens d’information, les élus communistes au parlement européen tiennent les électeurs (et ceux qui se sont abstenus si quelque chose les intéresse) au courant ici (http://www.legrandsoir.info/une-dec...) ou là (http://www.legrandsoir.info/suspens...) de se qui se trame et contre quoi ils réagissent.

26/12/2014 00:39 par Ogotemmêli

« Consacrer ses dimanches à pousser son chariot dans les allées d’un supermarché en ayant son gamin à l’intérieur, ne constituera jamais un projet de société viable et harmonieux. »
On peut considérer le travail de 3 manières (au moins) : soit selon le nombre de postes, soit selon le volume horaire, soit selon le nombre de postes ET le nombre d’heures de travail...

Je pose que la réduction tendancielle du nombre de postes (notamment par les délocalisations...et surtout les mutations technologiques) peut être "amortie" (tant soit peu) par une augmentation maximale du volume horaire global :
- si toutes les entreprises pouvaient ouvrir 7jours/7 et 24h/24
- et que chaque salarié travaillait uniquement 24h par semaine (soit 3jours de 8h, soit 4 jours de 6h),
alors, pour un nombre de postes donné le nombre d’emplois pourrait augmenter significativement ; de telle sorte que chaque employé travaillerait moins de temps par semaine, mais il y aurait davantage de personnes qui travailleraient....

Bref, une réduction "massive" du temps de travail individuel sans perte de salaire accroit mécaniquement les capacités "physiques" d’embauches de l’économie. Mais, il resterait à financer l’augmentation proportionnelle de la masse salariale...

Toute sorte de sujet que le "travail du dimanche" escamote : le repos (de plusieurs jours consécutifs) est une chose ; que cette période de repos comporte nécessairement le dimanche est une "vieillerie" chrétienne, dont la laïcité des lois républicaines sur le temps de travail ne devrait pas s’embarrasser...

Cela dit, "la macron-économie" n’ a rien à voir évidemment avec une amélioration des conditions générales d’emploi de l’économie nationale. Il s’agit surtout, voire uniquement, de plier toujours plus cette économie aux exigences du profit à tout prix...

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