Pourquoi Sarkozy se positionne très à droite ?

Jean-Paul DAMAGGIO

Une élection présidentielle se gagne au centre dit la tradition et c’est d’une certaine façon ce qui fut la stratégie de Sarkozy mais après son élection de 2007 quand il instaura « l’ouverture ». Sur ce point comme sur tant d’autres ce fut l’échec : le PS devait être K.O. et il est devenu président du Sénat pour la première fois de l’histoire !

Le marketing politique

Depuis 20 ans, surtout pour un président sortant, les décisions sont celles de l’industrie du marketing politique dont personne ne parle alors qu’il peut inciter Hollande à maigrir, et Eva Joly à enlever ses lunettes, éléments dérisoires de stratégies plus cruciales. Un président a, avec lui, les instruments du pouvoir pour analyser la réalité, en plus du marketing industriel, et son opinion n’intervient qu’à la marge pour fixer une ligne. Depuis longtemps, je demande que la gauche propose une loi pour rendre obligatoire la publication de TOUS les sondages, pas seulement les dérisoires intentions de vote, mais l’ensemble de cette information qui aide à connaître l’évolution de la réalité pour se faire une opinion. Sur les routes, il existe des panneaux pour prévenir les automobilistes. En politique seuls les dirigeants connaissent les panneaux en question et nous laissent dans le brouillard. Autrefois, les repères politiques étaient historiques ; aujourd’hui le chamboulement des opinions est permanent. Nous avons des exemples qui montrent l’extrême rapidité de la montée du racisme en Italie ou en Espagne. Connaître la réalité, ce n’est pas pour s’y conformer : à présent PERSONNE n’est conservateur, tout le monde veut changer la dite réalité, d’où l’importance de ceux qui l’étudient !

Le marketing politique est donc là pour analyser la cible afin de l’adapter au produit qu’il juge nécessaire pour les consommateurs de demain. Aucune enquête d’opinion n’est neutre : on cherche quelque chose en fonction d’un objectif. Et le fonctionnement des médias est totalement construit sur la base des objectifs en question.

Bref, au vu des positions de Sarkozy et de notre propre connaissance de la réalité nous ne pouvons qu’imaginer la construction de sa stratégie, action nécessaire si on veut la combattre au lieu de combattre des moulins à vent.

La montée des références de droite

L’équipe à Sarkozy sait que l’élection présidentielle - sauf événement majeur d’ici deux mois - est perdue pour lui. Bien sûr, en 2002 Jospin était aux commandes et il était sûr de sa victoire…. Malheureusement, pour l’UMP, la défaite aux sénatoriales ce n’était pas il y a deux ans ! Le paradoxe pourtant c’est que cette défaite annoncée se produit dans un contexte européen de plus en plus favorable aux idées de droite. Le cas de l’élection espagnole est significatif malgré l’action des Indignés. Face à la crise en cours, les citoyens ne font aucune confiance aux partis de gauche ! On va me répondre que justement en Espagne la Gauche Unie a fait un bon en avant de 2 à 7% mais il se trouve qu’à présent deux députés de ce parti sont devant la justice pour des scandales que je ne veux pas développer ici (un des éléments des dérives de ce courant). En Grèce, les manifestants sont surtout écoeurés par la politique sans se précipiter dans les bras des partis à la gauche du PS. Partout la gauche est en panne de projet vraiment alternatif. En conséquence, en France nous vérifions que si Hollande est annoncé comme futur gagnant, ce n’est pas, comme en 1936, dans le cadre d’une avancée forte sur sa gauche mais plutôt sur le centre (en 36 ce fut le contraire). Même si Mélenchon arrive à 10%, il ne fera pas mieux que l’addition des voix de la gauche de gauche en 2007. Le seul mérite sera de montrer une cohérence mais dans le cadre d’un écart tel avec le score du PS que le PS va apparaître plus dominant que jamais. Tous les journalistes posent d’ailleurs la même question à Poutou, Arthaud et Mélenchon : pourquoi dans cette situation de crise qui justifie vos discours n’arrivez-vous pas à faire mieux dans les sondages ? Les sondages n’étant que des sondages nous verrons à l’heure des résultats mais tous ces partis savent bien qu’ils n’enregistrent pas un courant d’adhérents nouveaux et de toute façon leur réponse n’est jamais convaincante. Il y a la réponse de l’optimisme style Mélenchon : « un surprise nous attend » ; celle de Poutou : « les gens sont sous influence » comme s’ils ne l’étaient pas quand Besancenot faisait 4% etc.

Préparer 2014

Il suffit de lire les propositions de François Hollande pour comprendre que s’il va pouvoir adoucir les drames, il ne va rien résoudre dans le fond, en conséquence les mécontents d’aujourd’hui qui veulent virer Sarko, vireront demain le PS, en 2014 (comme la défaite de 1981 a permis les victoires de la droite aux municipales de 1983) et c’est à ça qu’il faut se préparer, à une droite plus radicale pour mieux mettre au pas les esprits.

Et l’extrême-droite ?

Partout l’extrême-droite est prise en tenaille : ou elle se plie aux règles démocratiques en acceptant de devenir présentable pour le désistement à droite - et elle perd l’essentiel de son électorat - ou elle continue son voyage solitaire en espérant peser sur les décisions de l’extérieur du système. La droite peut se droitiser, il existera toujours une barrière entre droite et extrême-droite, une barrière qui ne porte pas sur les valeurs défendues mais sur le rapport aux institutions. Pour le moment, le FN c’est lui contre TOUS. La droite peut se droitiser sans que cette position change. Les fondements de l’extrême-droite sont opposés à deux tendances de fond du capitalisme actuel qui détruit l’Etat et les Nations. Comme tout fascisme le FN a besoin d’un Etat fort et d’une Europe défaite or la droite se doit de faire plaisir aux forces dominantes qui ne veulent plus de l’Etat et qui aiment l’Europe pour détruire les forces populaires incapables jusqu’à ce jour de se donner une histoire commune sur l’échelle du continent. Il est facile de vérifier que chaque extrême-droite dépend plus de l’histoire des pays que de principes européens. En Italie, Bossi veut le démantèlement du pays, en France le FN joue la carte nationaliste d’où le fait qu’en Italie Bossi a pu se lier un temps avec les forces capitalistes au pouvoir, mais depuis la chute de Berlusconi, il redevient le chef d’un parti contre TOUS les autres.

La perspective

J’ai entendu Mélenchon expliquer qu’une entreprise Renault à Tanger c’était bien à condition que les voitures produites en Afrique soient destinées à l’Afrique, et qu’à venir sur le territoire français, elles devraient être fortement taxées, pour ne pas concurrencer notre industrie. Cette stratégie est celle adoptée par les dirigeants du Brésil qui taxent à 30% toute voiture venant d’ailleurs. Le problème c’est que cette défense de l’industrie automobile française « prive » l’ensemble des plus pauvres de notre pays de l’accès à une voiture deux fois moins chère ! Ce à quoi on peut répondre que si la France n’a plus d’industrie, elle sera si pauvre que même les voitures à moitié prix seront inaccessibles donc l’usine de Tanger obsolète … Le deuxième problème c’est l’Europe : si tout le monde ne taxe pas, elles peuvent alors entrer en Italie et comment empêcher ensuite leur entrée en France vu le marché unique européen ?

Pour la Grèce Mélenchon a souvent pris l’exemple de l’Argentine qui, dit-on, n’a pas payé sa dette et est sortie de la crise. L’Argentine a fini aujourd’hui de payer sa dette aménagée et si elle est sortie de la crise ce n’est pas en brandissant la menace du refus de payer (même le Venezuela a payé sa dette) mais en rompant la parité de son peso avec le dollar, ce qui a engendré une dévaluation de 25% et un appauvrissement immense des classes moyennes. L’Argentine a retrouvé des taux de croissance de 7% mais son économie reste fragile car liée au prix international du soja. Le cas de la Grèce révèle un phénomène qui n’avait peut-être pas été prévu : l’euro est un carcan puisque le pays ne peut pas dévaluer sa monnaie. Si la Grèce imposait un aménagement de la dette en sortant de l’Euro, la chute des salaires serait en effet de 25% - comme les politiques viennent de le décider - mais avec un espoir de relance de la vie économique. L’argent donné à la Grèce n’est pas donné à la Grèce, il est donné à l’euro pour éviter une crise en cascade or l’Espagne est au bord du gouffre et là , aucune somme ne sera suffisante pour « sauver » l’euro. C’est à cet effondrement que les droites se préparent tandis que les gauches courent derrière l’actualité pour sauver les meubles. Je ne crois pas que le capitalisme soit en son stade ultime mais, qu’une fois de plus il prépare sa mutation, et les gauches qui autrefois avaient un horizon (les droites en avaient peur car elles pensaient que les gauches resteraient au pouvoir puisqu’elles allaient satisfaire les revendications du peuple) ne servent plus qu’à réaliser la sale besogne. Celui qui a été le plus clair est Luc Ferry quand il a dit sur France Inter en substance : « Pour 2012, c’est perdu, mais nous récupèrerons les commandes du pays après l’échec inévitable du PS. »

Or, il faut bien que le PS gagne mais en sachant qu’un succès électoral n’est la garantie de rien. Dès aujourd’hui, il faut poser les problèmes de manière franche et claire, aussi bien ceux de l’écologie que ceux du social et de l’économique. Et mes soucis sont les suivants : Oui, il faudra du protectionnisme mais lequel ? oui il faudra une sortie de l’Europe mais laquelle ? oui, la crise est devant nous mais laquelle ? L’étude de la droitisation de Sarkozy renvoie les gauches à leurs propres responsabilités.

Jean-Paul Damaggio

15-02-2012

La Brochure : http://la-brochure.over-blog.com/article-pourquoi-sarkozy-se-positionne-tres-a-droite-99312327.html

COMMENTAIRES  

15/02/2012 21:32 par babelouest

Je ne sais pas qui est Jean-Paul Damaggio. Je ne veux pas le savoir.

Je pense qu’il n’a pas compris que l’enjeu est entre une gauche qui existe encore en France, et un magma où s’entassent pêle-mêle un FN pas si convainquant, une UMP aux abois, un pseudo-Centre qui n’est qu’une droite diluée comme un pastis, et un PS qui veut faire croire parfois qu’il lui est arrivé d’être de gauche, ce qui n’a jamais été le cas malgré quelques tentatives.

D’un côté un candidat de la gauche authentique, même si subsistent des nuances très démocratiques. De l’autre le chaos qui préfigure ce qui arriverait si l’un (au hasard) de ces personnages parvenait au 55 rue du Faubourg. Donc, où est l’importance de la position (de toute façon fausse parce que c’est dans sa nature) d’un homme qui veut renouveler son strapontin ? Elle est égale à zéro.

15/02/2012 22:22 par Pascal

Sur l’argument de Tanger, Renault et les voitures pas chères :

et si on pensait en terme de durabilité des produits plutôt qu’en terme d’obsolescence programmée ? Les produits actuels sont fabriqués pour ne durer qu’un temps limité.

Si un produit dure plus longtemps, je dois moins en acheter, non ?

Imposons des produits dont la durabilité est avérée ! et en plus c’est écolo-compatible non ?

Ceci est aussi une question de volonté politique, mais pour cela il faut en prendre conscience.

En tant que consom’acteurs, lors de vos achats insistez sur votre exigence de durabilité, vous ferez votre part de Colibri.

PS : mon 2ième lave-vaisselle (d’une marque réputée) en 10 ans vient de passer à la déchetterie, et je n’en aurai pas un 3ième, les ,soit-disantes, économies d’eau se sont volatilisées dans les renouvellements !

16/02/2012 06:31 par patrice sanchez

Ne me faites pas rire, avec droite gauche et gauche droite, ils servent les mêmes intérêts, ceux du capital, ce ne sont que des pantins manipulés par les puissances de l’argent ; quant à nos démocraties totalitaires les médias se chargent de panurgiser et d’abrutir les esprits, on va droit à la catastrophe comme en 39 et nul ni personne n’y pourra rien faire !

16/02/2012 08:25 par Toutagauche

Or, il faut bien que le PS gagne mais en sachant qu’un succès électoral n’est la garantie de rien.

Non il faut que la gauche gagne. Le succès du PS est la garantie que Wall street et la City seront peinards et que la droite reviendra, plus féroce que jamais.

16/02/2012 13:56 par Alain

Mélange de constats lucides et de clichés, ce texte est plutôt irritant et ne débouche sur rien si ce n’est les questions et la brume initiale.
C’est assez pour déplorer presque un gaspillage de papier, mais quand on lit qu’ll faudra bien que le PS gagne, ça devient résigné et pénible. Les électeurs sont empêchés de réfléchir, conduit au travers d’un espèce de tunnel de pédagogie constructiviste à voter pour l’une ou l’autre des icônes médiatiques PS/UMP/FN.

Ca n’empêche nullement qu’il peuvent voter pour qui ils veulent ou ne pas voter. Rétablir un espèce de vote utile, c’est les priver de liberté et de sens. Surtout quand on voit un Hollande s’aligner sur Obama et rationaliser la construction de camps pour les Roms, façon Argelès. Ou Sarkozy cogner une fois de plus sur les plus faibles, les chômeurs, entérinant ainsi son habitus d’extrême-droite et légitimant par contrecoup les propos de l’Albatroce de l’intérieur.

16/02/2012 17:03 par Bonjour

Une précision :

- Argentine - la rupture de la parité avec le dollar n’a pas engendré une dévaluation de 25%, mais de 80% au moins en termes monétaires. Le cours d’aujourd’hui 16-02-2012 DOLLAR/ARS est de $ 4.32 - $ 4.37. Cette dévaluation brutale n’a pas été décidée par les politiques, elle a été subie. Des délits d’initiés non punis ont probablement eu lieu, car les importants mouvements de capitaux effectués à Wall Street concernant l’Argentine juste avant la dévaluation n’ont pas fait l’objet d’examens. La voie royale pour les placements physiocrates de la zone dollar, des millions d’hectares sont ainsi passés dans des mains non-argentines (la Grèce est aussi menacée).

- En général, la confusion règne dans le discours : a-t-on autre chose à proposer aux Français qu’une dévaluation ? Ou encore "Le FN a besoin d’un Etat fort". Cela signifie-t-il que les autres partis doivent s’abstenir de reconstituer l’Etat ? Mais qui défend l’Etat ? Faut-il laisser privatiser ce qui ne l’est pas encore, l’enseignement, la justice pourquoi pas ? N’a-t-on pas encore pris la leçon des dégâts provoqués par la privatisation de la dette publique ?

La gauche est infiltrée, désunie, divisée, n’a pas de cohérence dans son discours, ce qui laisse un boulevard libre au FN. Sarko n’aura plus qu’à arbitrer en fin de partie.

16/02/2012 20:38 par ROBERT GIL

Cet homme osera tout pour tenter de se faire réélire. Hier il chassait sur les terres de la gauche, aujourd’hui il laboure celle du FN. Il dira une chose aujourd’hui et le contraire demain, selon les interlocuteurs auxquels il s’adresse......

http://2ccr.unblog.fr/2012/02/16/menteur-et-manipulateur/

22/03/2013 12:18 par Anonyme

Jean-Paul Damaggio, c’est celui qui écrit à propos du succès électoral de Beppe Grillo en Italie et du livre paru seulement en italien jusqu’à présent : "Il latto oscuro delle stelle, la dittatura digitale di Grillo e Casaleggio" - Federico Mello, janvier 2013 :

"Les journalistes la bête noire ? Car tous nous pouvons être journalistes ? Car journaliste ce n’est pas un métier ? Prendre une caméra, filmer une scène, ce n’est pas du journalisme, c’est du témoignage. Tout le monde peut témoigner. Et ensuite... Qu’est-ce qui est le plus regardé sur le net ? Un film porno ou une enquête très étudiée ? En tant que tel Internet est devenu une part de nous-mêmes (et le premier chapitre du livre le démontre à souhait) mais l’autre part, celle de l’invention d’un futur démocratique, reste face à des obstacles équivalents. La lutte continue. JPD "

http://la-brochure.over-blog.com/

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